COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 NOVEMBRE 2011
N°2011/70
RO
Rôle N° 10/08624
[O] [V]
C/
[P] [T]
CGEA AGS DE [Localité 4] - DELEGATION REGIONALE DU SUD-EST
Grosse délivrée le :
à :
MeSANSEVERINO avocat au barreau de NICE
Me CASTELLACCI avocat au barreau de NICE
Me JOGUET, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 20 Avril 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1644.
APPELANT
Maître [O] [V], ès qualité de liquidateur Judiciaire de la SARL [M], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [P] [T], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Olivier CASTELLACCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE
PARTIE INTERVENANTE
CGEA AGS DE [Localité 4] - DELEGATION REGIONALE DU SUD-EST, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Richard PELLEGRINO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Yves ROUSSEL, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Monsieur Philippe MARCOVICI, Vice-Président placé
Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2011
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SCP [V], expose qu'elle a été désignée en qualité de mandataire judiciaire, dans la procédure de redressement judiciaire ouverte par le jugement du tribunal de commerce de Nice, le 6 novembre 2008, à l'égard de la SARL [M] ; que le gérant de cette société, M. [M], a été convoqué par lettre recommandée avec avis de réception, sans succès, cette lettre, doublée d'une lettre simple, étant revenue avec la mention « non réclamée» ; que n'ayant pu ainsi obtenir la liste des salariés de l'entreprise, il a aussitôt écrit au greffe du conseil des prud'hommes de Nice et à celui de la chambre sociale de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; qu'à la date du 21 janvier 2009, où a été prononcée la liquidation judiciaire de la société, il n'était toujours pas en possession de la liste des salariés ; qu'une nouvelle démarche en direction du gérant de la société et de l'URSSAF ne donnait aucun résultat ; que c'est seulement le 10 février 2009 que le gérant déférait à la seconde convocation et déposait une liste de huit salariés de l'entreprise ; que, dans ce contexte, en sa qualité de liquidateur, il procédait au licenciement de M. [P] [T] et demandait la garantie de l'AGS, mais que celle-ci refusait toute prise en charge, au motif que le licenciement intervenait hors des délais légaux ; que [P] [T], saisissait alors le conseil des prud'hommes de Nice, lequel, par jugement du 20 avril 2010 constatait que son licenciement était intervenu hors délai et fixait la créance de ce salarié, demeurant à la charge du liquidateur, es qualités, aux sommes de 1162 € au titre du salaire de février 2009, de 3348,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 348,84 euros au titre des congés payés afférents, de 1051 € au titre de l'indemnité de licenciement, ordonnait la délivrance par le liquidateur du bulletin destiné à la caisse des congés payés du bâtiment des Alpes-Maritimes pour la période du 1er avril 2008 au 20 février 2009 et condamnait le liquidateur aux dépens.
La SCP [V] demande à la cour de réformer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a fixé les créances du salarié aux sommes de 1162 € brut au titre du salaire de février 2009, de 3348,40 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 348,84 euros au titre des congés payés afférents et, statuant à nouveau, de constater que le liquidateur n'a été en mesure de connaître l'existence et le nom des salariés que le 10 février 2009, malgré toutes ses démarches, de dire que, faute par la SCP [V] de connaître le temps de travail réellement effectué par M. [P] [T], au cours de la période de référence 2008, elle ne peut lui délivrer un bulletin destiné à la caisse de congés payés du bâtiment, de dire, en conséquence que le liquidateur a totalement rempli ses obligations, de fixer le point de départ du délai de 15 jours prévus par l'article L. 3253-8 du code du travail au 10 février 2009, de fixer les créances aux sommes arrêtées par le conseil des prud'hommes, sauf au titre de l'indemnité de licenciement, qui doit être fixée à 1046,52 euros, et de dire que l'intégralité de ces sommes sera garantie par les AGS.
M. [P] [T] sollicite la confirmation partielle du jugement et son infirmation en ce qu'il a dénié la garantie du CGEA, faisant valoir que sa créance salariale est indépendante du licenciement.
Le dispositif des conclusions qu'il dépose devant la cour est ainsi formulé : « confirmer le jugement rendu le 20 avril 2010 par le Conseil de Prud'hommes de NICE en ce qu'il a ordonné la délivrance du bulletin correspondant à la période du 1er avril 2008 au 20 février 2009 et fixé au passif de la société SARL [M] les créances suivantes : - 1.162 euros bruts à titre de rappel de salaire du 1er au 23 février 2009 - 3.488,80 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis - 384,84 au titre des congés payés sur préavis - 1051 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement. Infirmer ledit jugement en ce qu'il a exclu la garantie de l'AGS, Statuant à nouveau, Dire et juger que l'AGS devra garantir les sommes suivantes : - 1.162 euros bruts à titre de rappel de salaire du 1er au 23 février- 1.480, 07 euros au titre des congés payés acquis antérieurement au jugement de liquidation judiciaire soit jusqu'au 05 février 2009,- condamner tout succombant à payer à Monsieur [T] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens. ».
Le CGEA et l'AGS font valoir que le licenciement de M. [P] [T] étant intervenu le 20 février 2009, soit un mois après la liquidation judiciaire, les indemnités de rupture réclamées ne sont pas garanties, en vertu de l'article L3253 -8 du code du travail et conclut ainsi : « Constater l'intervention forcée des concluants et l'y dire bien-fondée, Constater que la liquidation judiciaire de M. [M] est intervenue le 21 janvier 2009, Constater que M. [P] [T] a été licencié le 20 février 2009, En conséquence,Débouter la S.CP de sa demande de report du délai de 15 jours à la date du 10 février 2009,Vu l'article L. 3253-8 du code du travail,Dire et juger que les indemnités de rupture et rappels de salaires réclamés par M. [P] [T] ne seront pas garanties par les concluants,Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les sommes fixées au passif de l'entreprise [M] étaient hors garantie du CGEA, statuer ce que le droit en ce qui concerne les dépens ».
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux conclusions des parties oralement reprises.
SUR CE, LA COUR,
Régulièrement formé, l'appel recevable.
L'article L. 3253-8, 2e a, du code du travail dispose que : « l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre : les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant (...) dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation».
Il va de soi que cette disposition ne vaut que dans les cas où le liquidateur a disposé des informations et éléments nécessaires à la mise en 'uvre de la procédure de licenciement, dès le jugement qui a prononcé la liquidation et qu'il ne s'est pas heurté à un cas de force majeure, ayant paralysé son action.
Or, en l'espèce, la SCP [V] s'est heurtée à l'impossibilité matérielle de mettre en 'uvre le licenciement de M. [P] [T], dans les délais requis, soit dans les 15 jours qui ont suivi la liquidation judiciaire prononcée le 21 janvier 2009, ladite impossibilité, présentant le caractère de la force majeure et résultant suffisamment des pièces produites sous la forme de copie des multiples convocations et courriers adressés à des administrations publiques par la SCP [V], telles qu'elles ont été visées ci-avant, étant observé qu'il résulte d'un échange de courriers entre le liquidateur et M. [Z] [R], comptable de la société [M], que ce dernier ne disposait pas davantage d'éléments sur les contrats de travail en cours (lettre du 20 février 2009 : «s'il est exact que Monsieur [M] m'a informé de la mise en RJ de sa société courant décembre soit plus d'un mois après la décision du TC de NICE et plus de 2 semaines après votre convocation à laquelle comme vous le précisez il n'a jamais déféré, je n'ai jamais eu jusqu'à ce jour où j'ai reçu Monsieur [M], une liste de personnel à compléter ». ).
C'est donc à tort que le conseil de prud'hommes a stigmatisé la « légèreté blâmable » de la SCP [V] en l'espèce, alors que toutes les voies lui permettant d'obtenir les informations pertinentes sur les contrats de travail en cours ont été explorées de manière diligente par elle, quoique vainement, étant observé que ces démarches caractérisent le fait que le liquidateur a manifesté son intention de rompre, dans les délais, le contrat de travail ( en ce sens Cass. Soc; 23 février 2005; n° 02-47411).
Dès lors, la SCP [V] est fondée à soutenir que le délai de 15 jours visé à l'article L. 3253-8, 2e a, du code du travail n'a commencé à courir qu'à partir du moment où elle a réuni les éléments lui permettant de mettre fin, formellement, au contrat de travail de M. [P] [T], la procédure de licenciement ayant été lancée dès le 10 février 2009, soit le jour même où le liquidateur a reçu des mains du gérant de la société [M] la liste du personnel et des contrats en cours.
En conséquence, le jugement entrepris sera réformé, le CGEA AGS de [Localité 4] étant tenu à garantie, dans la limite des plafonds légaux.
Quant au décompte des sommes dues à M. [P] [T], il ne fait pas véritablement l'objet d'une contestation, si ce n'est que la SCP la SCP [V] demande à la cour de fixer la créance au titre de l'indemnité de licenciement à 1046,52 €.
Or, en faisant valoir qu'à la date du licenciement il avait une ancienneté de trois années et deux mois, M. [P] [T] donne les éléments qui permettent de confirmer les dispositions du jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance au titre de l'indemnité légale de licenciement à 1051 €.
Il appartiendra à la SCP [V] de délivrer le bulletin destiné à la Caisse des congés payés du Bâtiment des Alpes-Maritimes pour la période du 1er avril 2008 au 20 février 2009, avec les éléments mentionnés sur les bulletins de paie produits par l'employeur.
Mais, la somme due au titre des congés payés n'étant pas véritablement contestée, pour la période antérieure au jugement de liquidation judiciaire, soit jusqu'au 5 février 2009 inclus, la créance à ce titre sera d'ores et déjà fixée à la somme de 1480,07 euros.
L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du CPC, mais le CGEA AGS sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,
REÇOIT l'appel en la forme,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a fixé différents créances de M. [P] [T] au passif de la SARL [M] et ordonné au liquidateur la délivrance du bulletin destiné à la Caisse des congés payés du Bâtiment des Alpes-Maritimes,
Y ajoutant,
FIXE la créance de congés payés pour la période antérieure au jugement de liquidation, à la somme 2480,07 €,
LE REFORMANT quant au surplus,
DIT QUE la SCP [V] a régulièrement mis en 'uvre la garantie de l'AGS, consécutivement au licenciement de M. [P] [T],
EN CONSEQUENCE,
DIT QUE le CGEA, délégation régionale AGS du Sud-Est, garantira les sommes dues à M. [P] [T], dans la limite des plafonds légaux,
CONDAMNE le CGEA, délégation régionale AGS du Sud-Est aux dépens,
REJETTE toute autre prétention.
LE GREFFIER LE PRESIDENT