COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2ème Chambre
ARRÊT
DU 9 NOVEMBRE 2011
N° 2011/ 415
Rôle N° 10/23170
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
C/
[B] [H]
[I] [M]
[J] [D]
[C] [G] épouse [D]
[L] [F]
Grosse délivrée
le :
à : SIDER
BLANC
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 21 décembre 2010 enregistrée au répertoire général sous le n° 2010R00898
APPELANTE
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, Me Fabien PEREZ, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Maître [B] [H], pris en sa qualité de liquidateur de M. [J] [D] et de Mme [C] [G] épouse [D]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Vincent PINATEL, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [I] [M], pris en sa qualité de liquidateur de M. [J] [D] et de Mme [C] [G] épouse [D]
demeurant [Adresse 8]
représenté par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Vincent PINATEL, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [J] [D]
né le [Date naissance 5] 1943 à [Localité 12]
demeurant [Adresse 7]
représenté par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Vincent PINATEL, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [C] [G] épouse [D]
née le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 7]
représentée par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Vincent PINATEL, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [L] [F], pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la Société [10]
né le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Gilbert ALLEMAND, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 3 octobre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de procédure civile, Monsieur Robert SIMON, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2011,
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
Deux actes des 21 septembre 1992 et 22 décembre 1993 mentionnent que Monsieur [J] [D], alors président de la S.A. [10] se porte caution solidaire et conjointe de la S.A. [10] envers l'URSSAF des Bouches du Rhône. La S.A. [10] a fait l'objet, le 7 avril 1995, d'un redressement judiciaire puis a bénéficié, le 24 mai 1995, d'un plan de redressement par cession arrêté au profit de la SEM Sportive locale de l'[10] avec désignation d'un commissaire à l'exécution du plan. Le 30 mai 1995, l'URSSAF des Bouches du Rhône déclarait sa créance à titre provisionnel entre les mains de l'organe de la procédure collective à hauteur de 3.762.750,88 € (créances privilégiée et chirographaire).
Monsieur [J] [D], son épouse [C] [G] et les sociétés du Groupe [D] ont fait l'objet de redressements judiciaires, puis de liquidations judiciaires (décisions du tribunal de commerce et de la Cour d'Appel de Paris en 1994/1995 décision d'une procédure sous 'patrimoine commun', le 31 mai 1995, Maître [B] [H] et Maître [I] [M] étant désignés en qualité de liquidateurs.
Le 7 juillet 2008, un arbitrage était rendu entre le groupe Crédit Lyonnais et Monsieur [J] [D] et les époux [J] [D] ont alors engagé une procédure de révision de certaines procédures collectives.
Le 18 mars 2010, Maître [B] [H] et Maître [I] [M], ès-qualités, ont saisi le Président du tribunal de commerce de Marseille aux fins d'obtenir la désignation d'un mandataire ad'hoc de la S.A. [10], chargé de saisir le tribunal de commerce d'une instance en vue de statuer sur le sort de la déclaration de créance faite à titre provisionnel par l'URSSAF des Bouches du Rhône, cette créance non admise à titre définitif au passif de la S.A. [10] étant susceptible d'être éteinte. Le 25 mars 2010, Maître [L] [F], était désigné par ordonnance sur requête en qualité de mandataire ad'hoc.
Par ordonnance de référé contradictoire en date du 21 décembre 2010, Monsieur le Président du tribunal de commerce de Marseille a dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête.
L'URSSAF des Bouches du Rhône a régulièrement fait appel de ce jugement dans les formes et délais légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret N° 98-1231 en date du 28 décembre 1998.
Vu les conclusions de l'URSSAF des Bouches du Rhône en date du 7 février 2011 tendant à faire juger :
- que Maître [B] [H] et Maître [I] [M], ès-qualités, ont motivé initialement leur demande de désignation d'un mandataire ad'hoc sur le fait que Monsieur [J] [D] déniait avoir signé un engagement de caution, (il le déniait également devant une instance commerciale à Paris), puis se sont ravisés pour ne plus le contester,
- que ce revirement est sanctionnable par la rétractation de l'ordonnance sur requête, au titre de la théorie de l'estoppel (interdiction de se contredire au détriment d'autrui),
- que ce comportement procédural est également contraire à la loyauté des débats en ce qu'il propose un moyen abandonné ensuite afin de modifier l'opinion des juges ;
Vu les conclusions au fond de Maître [B] [H] et Maître [I] [M], ès-qualités en date du 16 mai 2011 tendant à faire juger :
- que la contradiction ou l'incohérence dans l'articulation successive de moyens est une fin de non-recevoir qui n'est admissible que si le revirement est préjudiciable à l'adversaire,
- que la requête du 18 mars 2010 visait un double motif (dénégation de signature par Monsieur [J] [D] et absence de déclaration définitive de la créance) et le premier a été abandonné dès lors que la qualité de caution personnelle de Monsieur [J] [D] ne pouvait plus être contestée, cette contestation ayant déjà été rejetée par le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [J] [D] qui a admis la créance à titre définitif,
- que le grief de déloyauté sera écarté pour les mêmes motifs,
- que, enfin, les époux [D] ont un intérêt à agir, aucune demande d'admission de sa créance à titre définitif n'a été faite par l'URSSAF des Bouches du Rhône si bien que le passif de la S.A. [10] dont Monsieur [J] [D] est caution en sera diminué ;
Vu les conclusions au fond de Maître [L] [F], ès-qualités, en date du 14 mars 2010 tendant à faire juger :
- que sa désignation en qualité de mandataire ad'hoc est nécessaire en l'état de la législation applicable en 1995 (la loi du 25 janvier 1985) pour représenter la S.A. [10] dans l'instance envisagée, le commissaire à l'exécution du plan n'a pas pour mission de représenter la S.A. [10] dans de telles instances ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 3 octobre 2011.
Attendu qu'une société bénéficiant d'un plan de redressement par cession totale de ses actifs conformément à la loi du 25 janvier 1985, prenait fin et n'avait plus d'organe pour la représenter, et, lorsqu'elle faisait l'objet d'une action en justice ou voulait intenter une action en justice pour l'exercice de ses droits propres dont elle n'était pas dessaisie, elle devait être représentée ; que le commissaire à l'exécution du plan n'avait pas pour mission de représenter une telle société à l'occasion desdites actions en justice ; qu'il incombait alors à tout intéressé de provoquer la désignation d'un mandataire ad'hoc ; que Maître [B] [H] et Maître [I] [M], ès-qualités, ont donc bien un intérêt à solliciter une telle désignation pour pouvoir intenter une action au nom de la S.A. [10], qui n'a plus de représentation légale, afin qu'il soit statué sur l'existence juridique de sa dette vis-à-vis de l'URSSAF des Bouches du Rhône ; que le succès de leur action est susceptible de réduire le passif des époux [D] et de sociétés du « Groupe [D] », sauf, le cas échéant, la portée et les effets de l'engagement des époux [D] « de ne pas remettre en cause les actes de liquidation postérieurs aux décisions d'ouverture des procédures collectives », sur l'admission définitive de le créance de l'URSSAF des Bouches du Rhône au passif des époux [D] ;
Attendu que l'URSSAF des Bouches du Rhône ne peut sérieusement opposer à la désignation d'un mandataire ad'hoc la fin de non-recevoir tirée du comportement procédural contradictoire ou incohérent de Maître [B] [H] et de Maître [I] [M], ès-qualités, (« l'estoppel »), qui serait constituée par « leur changement de position, en droit, de nature à induire leur adversaire ( l'URSSAF des Bouches du Rhône) en erreur sur leurs intentions » ; que l'URSSAF des Bouches du Rhône soutient d'ailleurs que ce n'est pas elle qui a été trompée, mais que « le changement de position » de Maître [B] [H] et de Maître [I] [M], ès-qualités, « avait en vue de tromper le Tribunal » pour obtenir la désignation d'un mandataire ad'hoc ou pour justifier leur intérêt à agir ; que cette fin de non-recevoir ne peut être mise en 'uvre que si une partie se contredit au détriment d'une autre, ce qui n'est pas le cas ; que de plus, la requête en désignation d'un mandataire ad'hoc était fondée sur un double motif *l'absence d'engagement de Monsieur [J] [D] en qualité de caution et *l'absence d'admission/de déclaration définitive de la créance de l'URSSAF des Bouches du Rhône au passif de la S.A. [10] ; que l'abandon d'un moyen par un revirement de position alors que le second est suffisant, n'a pas induit en erreur l'URSSAF des Bouches du Rhône sur les intentions fermement maintenues de Maître [B] [H] et de Maître [I] [M], ès-qualités, de contester la dette des époux [D] vis-à-vis de l'URSSAF des Bouches du Rhône ;
Attendu que la rétractation de la désignation du mandataire ad'hoc ne peut être obtenue, non plus, au titre d'un manquement au principe de loyauté à l'égard du Tribunal de Commerce de Marseille auquel, pour obtenir non contradictoirement une décision, il a été soumis un moyen qui a été abandonné ultérieurement, aussitôt que la procédure est devenue contradictoire, (observation faite que les raisons données par Maître [B] [H] et par Maître [I] [M] pour abandonner le moyen en question étaient connues d'eux dès l'origine) ; qu'en cause d'appel, l'unique moyen désormais soutenu par Maître [B] [H] et par Maître [I] [M], ès-qualités, suffit à fonder la décision de désignation d'un mandataire ad'hoc ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 7OO du code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre ;
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Déclare recevable l'appel interjeté par l'URSSAF des Bouches du Rhône.
Au fond, confirme l'ordonnance de référé attaquée en toutes ses dispositions.
Condamne l'URSSAF des Bouches du Rhône aux dépens dont distraction au profit des avoués qui en ont fait la demande, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier Le Président