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09/11/2011 | FRANCE | N°10/11679

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 09 novembre 2011, 10/11679


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 9 NOVEMBRE 2011



N° 2011/ 419













Rôle N° 10/11679







S.A. CENTRIMEX FRANCE



C/



S.A.R.L. SYLVATRANS





















Grosse délivrée

le :

à : TOUBOUL

BOTTAI

















Décision déférée à la Cour :



Jugement

du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 11 juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2010-1089







APPELANTE



S.A. CENTRIMEX FRANCE, agissant par son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL,

avoués à la Cou...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 9 NOVEMBRE 2011

N° 2011/ 419

Rôle N° 10/11679

S.A. CENTRIMEX FRANCE

C/

S.A.R.L. SYLVATRANS

Grosse délivrée

le :

à : TOUBOUL

BOTTAI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 11 juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2010-1089

APPELANTE

S.A. CENTRIMEX FRANCE, agissant par son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL,

avoués à la Cour,

plaidant par Me Yves MORAINE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.R.L. SYLVATRANS, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour,

plaidant par Me Thierry D'ORNANO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 octobre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de procédure civile, Monsieur Robert SIMON, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2011,

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

La S.A.R.L. SYLVATRANS, commissionnaire de transport, a été en relation d'affaires, depuis 2004, avec la S.A. CENTRIMEX-France, transitaire au port du [Localité 3] pour l'acheminement maritime de véhicules utilitaires d'occasion (« usagés ») en direction de l'Afrique de l'Ouest, et notamment du Sénégal où la S.A.R.L. SYLVATRANS comptait de nombreux clients/commettants, regroupés sous l'appellation « l'importateur [S] » à Dakar. En fin d'année 2008, un important encours existait en ce qui concerne « l'importateur [S] » et la S.A.R.L. SYLVATRANS restait débitrice d'un montant important de frets vis-à-vis de la S.A. CENTRIMEX-France. Dans des circonstances aujourd'hui controversées, la S.A.R.L. SYLVATRANS a, le 12 novembre 2008, émis des instructions visant à bloquer les marchandises à quai, en cours d'embarquement et flottantes qui étaient destinées à « l'importateur [S] », en garantie de sa créance contre les « clients « de celui-ci. La S.A. CENTRIMEX-France a indiqué ne pas avoir procédé au blocage.

Par ordonnance de référé définitive en date du 10 juillet 2009, la S.A.R.L. SYLVATRANS a été condamnée à payer à la S.A. CENTRIMEX la somme de 224.455 € au titre de frets impayés.

Par jugement contradictoire en date du 11 juin 2010, le Tribunal de Commerce de Salon de Provence, considérant que la S.A. CENTRIMEX a délibérément refusé d'exécuter les instructions de blocage du fret et a repris à son compte tout ou partie du flux en direction de l'importateur « [S] », a condamné la S.A. CENTRIMEX à payer à la S.A.R.L. SYLVATRANS la somme de 184.392 € à titre de dommages-et-intérêts, correspondant à la perte de la marge brute sur trois années, outre une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.

La S.A. CENTRIMEX a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998.

Vu les prétentions et moyens de la S.A. CENTRIMEX France dans ses conclusions en date du 22 octobre 2010 tendant à faire juger :

que la preuve de sa faute n'est nullement rapportée à la lumière d'éléments de faits suivants, l'importateur «[S] » est en réalité un associé de la S.A.R.L. SYLVATRANS et son agent commercial salarié jusqu'au 31 octobre 2008 et le différend qui est survenu entre la S.A.R.L. SYLVATRANS et l'importateur « [S] » explique le choix de celui-ci de recourir désormais aux services de la S.A. CENTRIMEX France, outre que la S.A.R.L. SYLVATRANS a, le 3 décembre 2008, sollicité « la libération » d'une partie du fret retenu,

qu'il lui était matériellement et juridiquement impossible en sa qualité de transitaire de procéder au blocage du fret qui avait été sollicité, non le 12 novembre 2008, mais le 19 novembre 2008, s'agissant du fret déjà embarqué, et que la demande de blocage pour le fret à quai concernait très peu de marchandises,

qu'aucune faute dans l'exécution de sa mission, ni aucun acte de concurrence déloyale ne peuvent lui être reprochés,

subsidiairement, qu'elle n'est pas responsable du détournement du flux de marchandises résultant de la décision de « l'importateur [S] », la S.A.R.L. SYLVATRANS a d'ailleurs récupéré une partie de ce flux par le biais d'une société s'ur et enfin le montant du préjudice évalué à la perte de 3 années de marge brute est excessive,

Vu les prétentions et moyens de la S.A.R.L. SYLVATRANS dans ses conclusions récapitulatives en réponse en date du 29 septembre 2011 tendant à faire juger :

qu'elle a exercé le privilège accordé par l'article L 132-2 du Code de Commerce au commissionnaire de transport en garantie du paiement de sa créance (245.201,90 €) contre les clients de l'importateur « [S] »,

que la S.A. CENTRIMEX-France en possession des connaissements qu'elle pouvait ne pas remettre aux destinataires et retenir, pouvait bloquer le fret à quai, en cours d'embarquement et flottant, comme d'ailleurs elle l'a reconnu, le 12 novembre 2008, puis le 21 novembre 2008, en donnant la liste des véhicules devant être embarqués, le 19 novembre 2008 sur le navire « Rosa Delmas »,

que le refus intentionnel de la S.A. CENTRIMEX-France d'exécuter ses instructions est patent, ce qui constitue une faute du mandant vis-à-vis de son mandataire,

que ce refus se double du fait que la S.A. CENTRIMEX-France a repris le trafic de « l'importateur [S]  », à partir de la fin du mois d'octobre 2008, en « court-circuitant » la S.A.R.L. SYLVATRANS, le déblocage déloyal par la S.A. CENTRIMEX France des expéditions par un manquement à ses obligations de mandataire favorisant la conclusion du marché que la S.A. CENTRIMEX France a conclu avec « l'importateur [S] »,

que le préjudice s'entend de la réparation de la perte subie et celle du gain manqué, soit un chiffre d'affaires facturé à hauteur de 1.112.412,29 € pour les dix mois de l'année 2008, soit une réclamation totale de 222.016,21 e correspondant à 3 années de « marge directe » sur les opérations ;

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 10 octobre 2011.

Attendu qu'une société qui a mandaté un transitaire pour effectuer des opérations de transport et qui recherche la responsabilité de ce dernier, tenu d'une obligation de moyens, doit prouver sa faute commise dans l'exécution du mandat confié ; qu'en l'espèce, il appartient à la S.A.R.L. SYLVATRANS, commissionnaire de transport, qui a mandaté la S.A. CENTRIMEX-France pour effectuer des opérations juridiques et matérielles nécessaires au transit de marchandises vers le Sénégal, d'établir que son mandataire a manqué à ses obligations de diligence ;

Attendu que la S.A. CENTRIMEX-France a assuré une activité de transitaire depuis 2004, au profit de la S.A.R.L. SYLVATRANS à l'occasion d'expéditions maritimes de matériels usagés (bus, camions, machines-outils') en direction du Sénégal ; que les importateurs sénégalais étaient regroupés et représentés par Monsieur [C] [S], qui a été l'agent commercial de la S.A.R.L. SYLVATRANS jusqu'au 31 octobre 2008 ; que le 12 novembre 2008, la S.A.R.L. SYLVATRANS émettait une note interne invitant ses salariés ou ses dirigeants à bloquer le fret à quai ou en cours d'embarquement, ainsi que le fret flottant à destination de Dakar « pour le compte » de Monsieur [C] [S], en raison d'un important impayé de des commettants/importateurs sénégalais ; que par e-mail du même jour, la S.A. CENTRIMEX-France adressait à la S.A.R.L. SYLVATRANS la liste des matériels devant embarquer, le 19 novembre 2008, sur le navire « Rosa Delmas » et accusait réception, le 21 novembre 2008, de la demande de blocage de sa mandante ; que le 1er janvier 2009, la S.A. CENTRIMEX-France, avisait la S.A.R.L. SYLVATRANS qu'elle n'avait pas procédé au blocage du fret « pour Mr [S] », ni au port du [Localité 3], ni à celui de [Localité 4] ; qu'il apparaît bien que la S.A. CENTRIMEX-France n'a pas tenu compte des instructions de sa mandante que celle-ci avait par ailleurs modifié dès le 3 décembre 2008, en autorisant l'embarquement « en priorité » de 6 matériels sur un navire appareillant le 10 décembre 2008 ;

Attendu que la S.A.R.L. SYLVATRANS ne se plaint d'aucun préjudice direct qui aurait résulté du non-respect de ses instructions par la S.A. CENTRIMEX-France ; que la S.A.R.L. SYLVATRANS ne fait pas état de l'absence de paiement de la part de ses commettants, les importateurs sénégalais « représentés » par Monsieur [C] [S] et ne forme aucune demande de réparation au titre d'un préjudice issu directement de la perte de garanties (prvilège ou droit de rétention) ; que la S.A. CENTRIMEX-France à l'inverse démontre que la S.A.R.L. SYLVATRANS a reçu paiement en quasi-totalité des sommes qui lui étaient dues et que, par le biais d'une société « s'ur », elle assure de nouveau (dès le mois d'avril 2009) une partie des expéditions au Sénégal au profit des mêmes commettants ; que l'absence de mise en 'uvre du « blocage » des expéditions par la S.A. CENTRIMEX-France au titre du droit de rétention ou/et du privilège accordés au commissionnaire de transport, n'a donc causé à la S.A.R.L. SYLVATRANS aucun préjudice direct ;

Attendu que la S.A.R.L. SYLVATRANS reconnaît dans ses conclusions que l'appropriation illégitime des « clients [S] » par la S.A. CENTRIMEX-France « a certes été favorisée par le comportement de Monsieur [C] [S] qui a cessé à compter de la fin du mois d'octobre de collaborer avec la S.A.R.L. SYLVATRANS pour s'approprier cette clientèle en contrepartie du déblocage des expéditions » ; que la S.A.R.L. SYLVATRANS reconnaît ainsi que la migration de la clientèle des commettants sénégalais vers la S.A. CENTRIMEX-France est antérieure au manquement qu'elle impute à la S.A. CENTRIMEX-Franc à partir du 12 novembre 2008 ; que la migration des commettants résulte d'un différend survenu entre la S.A.R.L. SYLVATRANS et son agent commercial, Monsieur [C] [S] qui a cessé ses fonctions au sein de la S.A.R.L. SYLVATRANS, le 31 octobre 2008, et ne résulte pas de l'absence de mise en 'uvre par la S.A. CENTRIMEX-France des instructions qu'elle avait reçues de la S.A.R.L. SYLVATRANS ; qu'il ne peut être soutenu par la S.A.R.L. SYLVATRANS que l'absence de blocage du fret par la S.A. CENTRIMEX-France (ce qui favorisait les intérêts économiques de Monsieur [C] [S]) aurait pour «  contrepartie » l'établissement de relations commerciales entre la S.A. CENTRIMEX-France et Monsieur [C] [S] ; qu'avant le 12 novembre 2008, Monsieur [C] [S] avait déjà chargé la S.A. CENTRIMEX-France d'effectuer les expéditions vers le Sénégal ; que la S.A.R.L. SYLVATRANS n'allègue pas à l'encontre de la S.A. CENTRIMEX-France d'autres agissements déloyaux qui lui auraient permis de capter la clientèle des commettants importateurs sénégalais ;

Attendu en définitive, que la S.A.R.L. SYLVATRANS n'invoque aucun préjudice direct (non paiement de sommes faisant l'objet des garanties ou retard dans le paiement de ces sommes') découlant de la faute de son mandataire, la S.A. CENTRIMEX-France, consistant à ne pas avoir mis en 'uvre certaines de ses instructions ; que la S.A.R.L. SYLVATRANS ne fait pas la preuve que, par des agissements déloyaux, la S.A. CENTRIMEX-France s'est appropriée une partie de ses commettants importateurs sénégalais ; que la S.A.R.L. SYLVATRANS estime, sans le démontrer,  qu'une entente est intervenue entre la S.A. CENTRIMEX-France et Monsieur [C] [S] pour ne pas bloquer les expéditions, que les « clients [S] » ont traité avec la S.A. CENTRIMEX-France « pour échapper au blocage de leurs expéditions » et que « la S.A. CENTRIMEX-France a profité de la gêne que le blocage occasionnait aux « clients [S] » pour récupérer ces derniers en direct, court-circuitant ainsi la S.A.R.L. SYLVATRANS » ; que la migration des « clients [S] » est antérieure au 12 novembre 2008 ; que qu'il n'est donc pas avéré que la migration desdits commettants résulte du manquement de la S.A. CENTRIMEX-France à ses obligations de mandataire ; que cette migration due à Monsieur [C] [S], sans intervention fautive objectivée de la S.A. CENTRIMEX-France, est antérieure au manquement incriminé ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre une somme de 2.500 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Reçoit l'appel de la S.A. CENTRIMEX-France comme régulier en la forme.

Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau, déboute la S.A.R.L. SYLVATRANS de l'ensemble de ses prétentions et la condamne à porter et payer à la S.A. CENTRIMEX-France la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la S.A.R.L. SYLVATRANS aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. d'Avoués Marie-José de SAINT FERREOL & Colette TOUBOUL, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 10/11679
Date de la décision : 09/11/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°10/11679 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-09;10.11679 ?
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