COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 08 NOVEMBRE 2011
N°2011/
GP
Rôle N° 10/03779
[T] [X]
C/
SA BRASSERIE MAURO
Grosse délivrée le :
à :
Me Sandrine COHEN SCALI, avocat au barreau de GRASSE
Me Philippe BERDAH, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 15 Février 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/149.
APPELANT
Monsieur [T] [X], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Sandrine COHEN SCALI, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Céline BAUDRAS, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
SA BRASSERIE MAURO, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe BERDAH, avocat au barreau de NICE substitué par Me Fabien VENTURI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Monsieur Philippe MARCOVICI, Vice-Président placé
Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2011
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [T] [X] a été embauché en qualité de chauffeur livreur le 9 mai 2000 par la SA BRASSERIE MAURO.
Il a été en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail survenu le 5 avril 2008, puis en arrêt de travail pour maladie à partir du 11 août 2008 jusqu'au 22 septembre 2008.
Dans le cadre d'une deuxième visite médicale en date du 7 octobre 2008, Monsieur [T] [X] a été déclaré « inapte à la manutention. Inapte au poste de chauffeur livreur. Apte à un poste de surveillance » par le médecin du travail.
Par courrier recommandé du 21 octobre 2008, Monsieur [T] [X] a été convoqué à un entretien pour le 30 octobre à une mesure de licenciement, puis il a été licencié le 5 novembre suivant « pour inaptitude au poste de chauffeur livreur... (et) impossibilité de trouver un poste de reclassement compatible avec (son) état de santé au sein de (la) société ainsi qu'au sein des sociétés (du) Groupe ; aucune mutation, transformation ou aménagement de poste n'étant malheureusement réalisable ».
Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre, Monsieur [T] [X] a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 15 février 2010, le Conseil de Prud'hommes de Grasse a débouté Monsieur [T] [X] de l'intégralité de ses demandes, a débouté la SA BRASSERIE MAURO de sa demande reconventionnelle et a condamné Monsieur [T] [X] aux entiers dépens.
Ayant relevé appel, Monsieur [T] [X] conclut à l'infirmation du jugement aux fins de voir dire que la SA BRASSERIE MAURO a manqué à son obligation de reclassement, de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en conséquence, de voir condamner la SA BRASSERIE MAURO à lui payer :
-35 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-4803,50 € d'indemnité compensatrice de préavis,
-480,35 € de congés payés y afférents,
-6 523,86 € d'indemnité spéciale de licenciement,
-3000 € de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives au droit individuel de formation,
de voir ordonner à la SA BRASSERIE MAURO la rectification de l'attestation ASSEDIC et du certificat de travail sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, en ce qu'ils mentionnent une date de rupture du contrat de travail préalable à la réception de la lettre de licenciement par le salarié, et à la condamnation de la SA BRASSERIE MAURO à lui payer la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La SA BRASSERIE MAURO conclut à la confirmation du jugement entrepris aux fins de voir dire qu'elle a recherché toute proposition de reclassement possible pour le salarié, de voir constater qu'elle a adressé des demandes de reclassement aux différentes sociétés du groupe, de voir juger qu'elle a strictement respecté les dispositions légales relatives à l'obligation de reclassement, de voir débouter l'appelant de toutes ses demandes, et à la condamnation de Monsieur [T] [X] à lui verser la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux conclusions des parties oralement reprises.
SUR CE:
Attendu qu'il y a lieu d'observer, en premier lieu, que la SA BRASSERIE MAURO expose qu'elle a respecté son obligation de reclassement telle que définie par l'article L.1226-10 du code du travail et inscrit le débat sur la validité du licenciement pour inaptitude du salarié dans le cadre des dispositions légales protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ;
Attendu que la société intimée verse quatre courriers datés du 10 octobre 2008 qu'elle a adressés aux sociétés GIEDICA, SASSI, GILARDI et ELIDIS BOISSONS SERVICE et dans lesquels elle sollicite la recherche d'un reclassement de Monsieur [T] [X] au sein du groupe ;
Qu'elle produit par ailleurs quatre courriers de réponse négative datés des 17 octobre 2008 (courriers des sociétés ELIDIS et SASSI), du 20 octobre 2008 (courrier de la société GILARDI) et du 22 octobre 2008 (courrier de la société GIEDICA) ;
Attendu que la SA BRASSERIE MAURO ne verse aucun élément justifiant de la réalité de l'envoi ou de la réception desdits courriers ;
Qu'à défaut de tout autre élément probant sur les recherches de reclassement du salarié au sein du groupe, la société ne rapporte donc pas la preuve qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement ;
Attendu que la SA BRASSERIE MAURO, qui a manqué à son obligation de reclassement, est tenue au paiement de l'indemnité prévue par l'article L.1226-15 du code du travail, qui doit être calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié aurait bénéficié ;
Attendu que le salarié a perçu sur les trois derniers mois d'activité précédant l'accident de travail un salaire brut moyen de 1884,51 € (2354,04 € en 01/2008 +1927,05 € en 02/2008 -332 € correspondant à un solde de prime de bilan versée au titre de l'année 2007 + 1584,46 € en 03/2008) ;
Attendu que Monsieur [T] [X] produit l'avis de prise en charge de l'ASSEDIC du 16 décembre 2008 au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour un montant journalier net de 34,11 €, les relevés du Pôle emploi des mois de décembre 2008, février 2009 et mars 2009 (indemnités versées : 1057,41 €), une attestation des périodes indemnisées délivrée par le Pôle emploi sur la période du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2010 avec mention que l'intéressé n'est plus inscrit comme demandeur d'emploi depuis le 13 novembre 2010, les relevés du Pôle emploi pour les mois de janvier 2010, février 2010, de mai à août 2010 et d'octobre 2010 (indemnités versées : 1080,66 €), un arrêté de recrutement du Président de la Communauté d'agglomérations [Localité 2] en date du 26 mai 2011 décidant de l'engagement de Monsieur [T] [X] en qualité de chauffeur-éboueur pour une durée déterminée allant jusqu'au 31.08.2011 et ses bulletins de salaire de juin et juillet 2011 (salaires d'un montant respectif de 1557,77 € et de 1786,34 € bruts) ;
Attendu qu'en considération des éléments fournis par l'appelant sur son préjudice, de son ancienneté de huit années dans l'entreprise et du montant de son salaire antérieurement à son accident du travail, la Cour alloue à Monsieur [T] [X] l'indemnité de 23 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que Monsieur [T] [X] a droit, en vertu des dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234 -5 du même code, étant précisé que cette indemnité compensatrice est de nature indemnitaire ce qui exclut l'octroi de congés payés ;
Attendu qu'il y a donc lieu d'allouer au salarié la somme de 3769,02 € à titre d'indemnité compensatrice et de rejeter sa demande au titre des congés payés y afférents ;
Attendu que Monsieur [T] [X] a perçu, lors du solde de tout compte, une indemnité légale de licenciement d'un montant de 3261,93 € alors qu'il aurait dû percevoir l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité légale en vertu de l'article L. 1226-14 du code du travail ;
Qu'il convient, par conséquent, d'accorder au salarié la somme de 3261,93 € à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement ;
Attendu que Monsieur [T] [X] réclame enfin la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts pour non respect par l'employeur des règles relatives au droit individuel à la formation, au titre duquel le salarié a acquis 80 heures de formation ;
Attendu que la SA BRASSERIE MAURO n'a pas informé le salarié, dans la lettre de licenciement, de ses droits en matière de droit individuel à la formation en violation des dispositions de l'article L. 6323-19 du code du travail ;
Qu'en l'absence de cette information du salarié, celui-ci a été privé de la possibilité de demander à bénéficier de son droit individuel à la formation ;
Attendu qu'eu égard au préjudice résultant du défaut d'information du salarié de ses droits acquis au titre du DIF, il convient de lui allouer la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts ;
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la remise par la SA BRASSERIE MAURO de l'attestation ASSEDIC rectifiée en conformité avec le présent arrêt et du certificat de travail rectifié mentionnant la date de fin du contrat de travail correspondant à la date de notification de la lettre de licenciement, soit le 7 novembre 2008, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Attendu qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,
Reçoit l'appel en la forme,
Infirme le jugement,
Dit que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de reclassement,
Condamne la SA BRASSERIE MAURO à payer à Monsieur [T] [X] :
-23 000 € d'indemnité en application de l'article L. 1226-15 du code du travail,
-3769,02 € d'indemnité compensatrice en application de l'article L. 1226-14 du code du travail,
-3261,93 € de complément d'indemnité spéciale de licenciement,
-1000 € de dommages-intérêts pour défaut d'information des droits acquis au titre du DIF,
Ordonne la remise par la SA BRASSERIE MAURO de l'attestation ASSEDIC et du certificat de travail rectifiés en conformité avec le présent arrêt,
Condamne la SA BRASSERIE MAURO aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [T] [X] 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT