COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2ème Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 26 OCTOBRE 2011
N° 2011/ 406
Rôle N° 11/03648
AXA FRANCE
S.A. SMN
C/
Compagnie d'assurances ALLIANZ GLOBAL CORPORATE ET SPECIALITY
S.A.R.L. ALEXOU
S.A. BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR (B.P.C.A.)
[S] [P]
Grosse délivrée
le :
à : BLANC
TOUBOUL
COHEN
LATIL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 20 décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2009F00001.
APPELANTES
AXA FRANCE prise en la personne de son Dirigeant en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 3]
S.A. SMN prise en la personne de son Président Directeur Général
dont le siège social est sis [Adresse 7]
représentées par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par la SCP JAKUBOWICZ & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
INTIMES
Compagnie ALLIANZ GLOBAL CORPORATE ET SPECIALITY venant aux droits d'AGF IART
dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour,
plaidant par Me Guillaume TARIN pour la SELARL RAISON & RAISON REBUFAT, avocats au barreau de MARSEILLE
S.A.R.L. ALEXOU prise en la personne de son gérant en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Philippe KAIGL, avocat au barreau de GRASSE
S.A. BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR (B.P.C.A.) prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Maître [S] [P] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. NIOULARGUE YACHTS
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avoués à la Cour
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 septembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de procédure civile, Monsieur Robert SIMON, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2011.
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2011
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
La S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur a donné en location financière (contrat de location avec option d'achat de cinq années en date du 6 juin 2008) à la S.A.R.L. ALEXOU exerçant l'activité de vente et location de navires de plaisance, un navire standard « Grand Soleil » 43 B&C appelé « Zelda » acheté à la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts pour la somme de 392.992,38 € ttc et assuré « corps » par la compagnie Allianz Global Corporate & Speciality. Le navire « Zelda » sur lequel la S.A. SMN avait effectué à la demande du vendeur, la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts, des travaux d'équipement (climatiseur, sanitaire') a été livré, le 30 mai 2008 à la S.A.R.L. ALEXOU et a coulé, le 5 septembre 2008, dans le port de [Localité 11] (83) où il était amarré. Le navire « Zelda » a été transporté, le 8 septembre 2008 au chantier naval de la S.A. SMN à [10]. La S.A. SMN et la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts sont assurées en responsabilité civile auprès de la société AXA France. Le Tribunal de Commerce de GRASSE, par jugement avant dire droit du 6 juillet 2009 a désigné Monsieur [C] [Z] en qualité d'expert aux fins de déterminer la cause du sinistre. L'expert désigné a déposé son rapport d'expertise judiciaire, le 6 mai 2010. La S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts a été placée en liquidation judiciaire, le 23 février 2009, Maître [S] [P] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement contradictoire en date du 20 décembre 2010, le Tribunal de Commerce de GRASSE a condamné in solidum la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts, la S.A. SMN et la société AXA Corporate Solutions Assurance, leur assureur à payer à la S.A.R.L. ALEXOU la somme de 165.035,92 € correspondant aux échéances payées par le locataire à la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur, la somme de 37.291,17 € au titre du préjudice matériel (objets personnels endommagés), la somme de 6.014,88 € au titre « des droits et assurances payés » par la S.A.R.L. ALEXOU, la somme de 27.300 € au titre du préjudice pour la perte d'exploitation et celle de 269.195,16 € au titre des frais de remise en état du navire et a condamné les mêmes à payer à la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur la somme de 116.007,19 € à titre de dommages-et-intérêts pour la décote du navire « Zelda », le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.
La société AXA France et la S.A. SMN ont fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998.
Vu les prétentions et moyens de la société AXA France et de la S.A. SMN dans leurs conclusions récapitulatives et en réponse en date du 26 septembre 2011 tendant à faire juger :
que leur appel est recevable, la lettre du 28 mars 2011 adressée par la S.A. SMN à la S.A.R.L. ALEXOU postérieurement à la déclaration d'appel, ne valant pas acquiescement partiel au jugement (à l'exception du dispositif portant sur la décote du navire), il y a absence d'une volonté réelle et non équivoque d'acquiescer de la part d'une personne (directeur financier) qui ne représentait pas la S.A. SMN et n'engageait ni la S.A. SMN, ni la société AXA France,
au fond, que la S.A. SMN, non partie à la vente du navire mais installateur d'équipements, ne peut être actionnée ni sur le fondement de l'article 1641 du Code Civil, ni sur celui de la loi du 13 janvier 1967 ne concernant pas la construction de navires de série (navire standard),
que la responsabilité de droit commun quasi-délictuel à l'égard d'un sous-traitant ne peut être mise ne 'uvre, l'envahissement du navire par les eaux ne résultant pas de manière certaine d'une faute dans le montage de durites d'évacuation ou du système de siphonage du bloc sanitaire, il convient d'ordonner un complément d'expertise,
subsidiairement, que le montant exorbitant des dommages-et-intérêts alloués procure un enrichissement du propriétaire, la réparation intégrale du dommage ne pouvant couvrir *le montant du financement acquitté et à acquitter par le locataire, celui-ci devant rester à sa charge, *une perte d'exploitation libéralement appréciée et une *dépréciation du navire à hauteur de 25 %,
que la S.A.R.L. ALEXOU forme une demande indemnitaire irrecevable comme nouvelle tendant au paiement de droits de place (anneau), de primes d'assurances, de droits de navigation' jusqu'à la réparation du navire ;
Vu les prétentions et moyens de la S.A.R.L. ALEXOU dans ses conclusions récapitulatives en date du 5 juillet 2011 tendant à faire juger :
que l'appel de la S.A. SMN et la S.A. AXA France est irrecevable, la S.A. SMN ayan t acquiescé au jugement par courrier du 28 mars 2011 énonçant que l'appel tend 'à contester les sommes allouées aux tiers', cet acquiescement étant opposable à l'assureur,
- que la cause du sinistre réside clairement dans le siphonage par l'évier ainsi que le propre expert amiable de la S.A. AXA France, assureur de la S.A. SMN et de la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts l'a identifié dès l'origine, tout comme l'expert judiciaire Monsieur [C] [Z],
- que l'action est fondée principalement sur la théorie des vices cachés (article 1644 du code civil), la S.A.R.L. ALEXOU ayant qualité pour agir selon le contrat de location avec option d'achat et le contrat de vente entre la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts et la S.A. SMN matérialisé dans différentes factures des 20 février, 23 mai, 14 août et 21 octobre 2008,
- que la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts vendeur professionnel est assimilé à un vendeur de mauvaise foi connaissant les vices atteignant la chose vendue et la S.A. SMN reste tenue en tant que 'simple entrepreneur' par application de la loi du 3 janvier 1967,
- subsidiairement, que la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts est tenue sur le fondement de la loi sur la sous-traitance (loi du 31 décembre 1975) et plus subsidiairement sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- que le préjudice comprend *le montant des mensualités échues du contrat de location soit 5.894,14 € par mois, outre le loyer initial de 120.000 €, le principe de la réparation intégrale du préjudice l'exigeant, * la perte d'exploitation 27.300 €, *les pertes matérielles, le coût fe la réparation du navire et les frais d'entretien et d'assurances du navire sans décote s'agissant de matériels neufs, soit les trois sommes allouées par les premiers juges, 37.291,17 €, 6.014,88 € et 269.195,16 €,
- que néanmoins, le montant de ces sommes a été arrêté au 31 décembre 2010, et qu'il conviendra de les actualiser au titre du préjudice supplémentaire par l'allocation d'un montant de 127.731,07 € ttc, jusqu'au 10 février 2012 et au-delà jusqu'à la réparation complète du navire ;
Vu les prétentions et moyens de la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur dans ses conclusions récapitulatives en date du 8 juillet 2011 tendant à faire juger :
que l'appel de la S.A. SMN est irrecevable dès lors que la S.A. SMN a acquiescé au jugement, la S.A. SMN ayant formellement renoncé à contester le principe de sa responsabilité dans un courrier du 28 mars 2011,
que cet acquiescement est opposable à la société AXA France, l'assureur R.C. de la S.A. SMN « mandante » qui a donné à sa mandataire l'instruction de ne plus contester la responsabilité,
au fond et subsidiairement, que la cause du sinistre est parfaitement identifiée par l'expert judiciaire et auparavant par les experts amiables,
que la banque qui finance l'acquisition est recevable à invoquer la garantie des vices cachés même si les actes ont été conclus avec une personne physique, Maître [O], avocat, qui s'est substituée la S.A.R.L. ALEXOU, le locataire qui a opté pour l'action estimatoire,
que la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur est en droit d'obtenir la réparation de son propre préjudice en invoquant la présomption de la connaissance par le vendeur professionnel de tous les vices affectant la chose vendue, la S.A. SMN étant tenue, elle aussi sur le fondement de l'article 1641 du Code Civil, si la garantie du constructeur maritime ne peut être mise en 'uvre, subsidiairement la S.A. SMN aurait engagé sa responsabilité sur le fondement de la sous-traitance ou de l'article 1382 du Code Civil, la faute étant avérée,
que les dommages-et-intérêts alloués pour la décote du navire devront être augmentés et portés à 126.568,66 € ;
Vu les prétentions et moyens de Maître [S] [P], ès-qualités, dans ses conclusions récapitulatives en date du tendant à faire juger :
que la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts venderesse du navire n'a pas procédé à la pose du col de cygne à l'origine de l'envahissement du navire par les eaux et n'a pas engagé sa responsabilité,
- subsidiairement, que la S.A. SMN devra sa garantie ;
Vu les prétentions et moyens de la compagnie Allianz Global Corporate & Speciality dans ses conclusions en date du 19 juillet 2011 tendant à faire juger :
que la cause et l'imputabilité du sinistre ne font aucun doute, il s'agit d'un « défaut du système d'évacuation des eaux de condensation de la climatisation à hauteur des siphons de l'évier », les experts étant convergents sur ce point,
que la S.A. SMN a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1641 du Code Civil, il existe une action directe de l'armateur contre le fournisseur d'un seul élément du navire, les autres fondements pouvant être successivement retenus,
qu'aucune réclamation n'est faite contre l'assureur « corps » du navire ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 26 septembre 2011.
Attendu qu'ensuite de l'appel interjeté, le 28 février 2011, du jugement assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions, ayant notamment condamné in solidum la S.A. SMN, la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts et la société AXA France à payer à la S.A.R.L. ALEXOU la somme de 269.195,16 € au titre des réparations du navire « Zelda » et ayant « ordonné la réparation dudit navire dans les règles de l'art par la S.A.R.L. ALEXOU », les conseils des parties ont correspondu (courriers des 8 et 14 mars 2011) pour parvenir à l'exécution du jugement en faisant observer pour la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur et la S.A.R.L. ALEXOU que le retard (notamment lié à l'appel) à entreprendre les réparations aggraverait le préjudice d'immobilisation (l'expert ayant chiffré à 9.579,83 € le montant mensuel des frais divers liés à l'immobilisation du navire « Zelda ») ; que dans ce contexte et en réponse également à des mails de la S.A.R.L. ALEXOU, dans lesquels elle manifestait sa volonté de reprendre possession du navire pour y effectuer les réparations, la S.A. SMN, sous la signature de « la Direction Financière », a fait savoir, par courrier du 28 mars 2011, à la S.A.R.L. ALEXOU, « que l'appel du jugement ne fait pas obstacle à la restitution du bateau dont l'objet est de contester les sommes allouées au tiers. Aucune expertise ne sera à nouveau diligentée et l'immobilisation du bateau n'est pas indispensable » ; que la S.A. SMN par sa « Direction Financière », questionnée sur une difficulté liée à l'exécution du jugement a simplement exprimé son point de vue sur la remise du navire « Zelda » à son locataire pour que ce dernier y effectue les réparations dès lors que le bailleur avait perçu au titre de l'exécution provisoire, les sommes nécessaires auxdites réparations et que les premiers juges n'avaient été saisis d'aucune demande concernant sa remise ou restitution par le chantier naval qui le détenait ; que l'accord donné par la S.A. SMN pour la restitution du navire n'avait pour finalité que de réduire les frais liés à son immobilisation appelée à se prolonger ; qu'il s'agissait pour la S.A. SMN, sans renoncer à son appel, de prendre une décision conservatoire destinée à limiter dans le temps les effets du préjudice déjà appréciés par l'expert judiciaire à la somme de 9.579,83 € ttc, par mois jusqu'à la réparation du navire ; qu'il ne peut être déduit du courrier émis, le 28 mars 2011, dans de telles circonstances, la volonté non équivoque de la S.A. SMN d'acquiescer au jugement ; que ce courrier ne traduit pas la volonté implicite et encore moins explicite de la S.A. SMN d'abandonner son recours ;
Attendu que le navire « Zelda » stationné sur le chantier naval de la S.A. SMN à [10] (83) a été remis, le 11 août 2011, à un autre chantier naval de [Localité 8] (06) pour réparations ; que les supputations de la S.A. SMN et de la société AXA France quant au projet de vente du navire par la S.A.R.L. ALEXOU « et/ou » la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur sont inopérantes pour obtenir le renvoi de l'affaire ou un sursis à statuer ; que la S.A. SMN et la société AXA France n'explicitent pas en quoi une information sur « le sort du bateau » appartenant à la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur et donné à bail à la S.A.R.L. ALEXOU influerait sur la solution du litige, leurs préjudice respectifs étant déjà advenus ;
Attendu qu'il ressort tant des constatations contradictoires opérées par le propre expert de la société AXA France, Monsieur [I] [B], que des conclusions du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [C] [Z] que l'envahissement des cales du navire « Zelda » par l'eau de mer, qui a provoqué son immersion, provient de l'intervention de la S.A. SMN sur le système d'évacuation des eaux de condensation de la climatisation installée par ses soins ; que Monsieur [I] [B], le 10 octobre 2010, estime que le phénomène de siphonage qui a rempli le fonds du navire à quai est dû « au retour d'eau par la durit d'évacuation à la mer des eaux de condensation de la climatisation raccordée à hauteur des siphons d'éviers de cuisine, et dont la valeur du col de cygne par rapport à la flottaison ne paraît pas excéder 5 cm, valeur de garde insuffisante » ; qu'il conclut à la responsabilité de la S.A. SMN qui a procédé à cet aménagement eu égard à « la hauteur du col de cygne installé par le technicien insuffisante pour désamorcer le siphonage inverse » ; que l'expert judiciaire, Monsieur [C] [Z] conclut dans les mêmes termes : « ce col de cygne n'excède pas 5 cm par rapport à la flottaison, ce qui est très insuffisant pour désamorcer le siphonage inverse » et « col de cygne pas assez haut et manque de clapet anti-retour », et a procédé, en présence des parties, au remplissage puis à la vidange des éviers de cuisine, « cette opération jouant le rôle d'amorce du siphon sur la durit d'évacuation de la pompe » ;
Attendu que les experts, judiciaire et amiable, ont envisagé d'autres causes de l'envahissement des cales par l'eau de mer pour les écarter ; que Monsieur [I] [B] indique dans son rapport que « de l'examen général effectué sur toutes les prises d'eau de mer susceptibles d'être à l'origine du siphonage, n'a été retenue qu'une seule possibilité technique de faisabilité » ; que Monsieur [C] [Z] a discuté l'hypothèse soumise par la S.A. SMN d'un envahissement des cales du navire « Zelda » par l'eau de mer par suite d'un mauvais positionnement du « loch » pour l'exclure eu égard au temps d'envahissement qui aurait été beaucoup plus court ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire, l'expert judiciaire ayant répondu de manière argumentée au dire de la S.A. SMN à ce sujet ;
Attendu que la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts doit répondre des conséquences du sinistre sur le fondement de l'article 1641 du Code Civil, (garantie des vices cachés) étant un vendeur professionnel censé connaître les vices entachant le navire qu'elle vendait ;
Attendu que la S.A.R.L. ALEXOU et la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur ne peuvent invoquer les dispositions de l'article 8 de la loi du 3 janvier 1967 à l'encontre de la S.A. SMN dès lors que cette dernière n'est pas intervenue en qualité de constructeur du navire « Zelda », mais est intervenue à la demande de la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts pour procéder à un simple aménagement (pose de la climatisation) sur le navire « Zelda » qui est un navire « standard » (navire fabriqué en série), n'ayant pas fait l'objet d'un contrat spécifique de construction ; que les dispositions de loi relative à la sous-traitance ne peuvent non plus s'appliquer, la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts venderesse ayant passé un contrat d'entreprise avec la S.A. SMN, mais n'ayant pas la qualité d'entrepreneur principal vis-à-vis de la S.A. SMN ;
Attendu que la S.A.R.L. ALEXOU, locataire et la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur, bailleresse, sans rapport contractuel de droit avec la S.A. SMN, peuvent néanmoins l'actionner sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil ; que la S.A. SMN a commis une faute de nature quasi-délictuelle qui engage sa responsabilité à l'égard des tiers que sont la S.A.R.L. ALEXOU et la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur en procédant à l'installation de la climatisation du navire « Zelda » de manière inappropriée et contraire aux règles de l'art (insuffisance patente du col de cygne à l'origine du phénomène de siphonage inverse) ;
Attendu sur le préjudice que si la S.A. SMN indique dans le « corps » de ses conclusions déposées devant les premiers juges qu'elle « ne conteste pas le principe » de la demande en paiement de 165.035,92 € correspondant « aux échéances de location jusqu'au mois de décembre 2010 », elle conclut, « en très subsidiairement », dans le dispositif au débouté de la demande de la S.A.R.L. ALEXOU en « remboursement des échéances de location » ; que pour motiver ce « débouté », la S.A. SMN précise que « la S.A.R.L. ALEXOU a pris le parti de ne pas utiliser le navire « Zelda » dès le 10 octobre 2008 et que le loyer initial n'a pas une véritable nature de loyers et en peut faire l'objet d'une demande de remboursement ; que la S.A.R.L. ALEXOU et la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur ne peuvent se prévaloir de l'aveu judiciaire de la S.A. SMN qui serait contenu dans ses conclusions devant les premiers juges dès lors que ce soi-disant aveu porte non sur des points de fait (la S.A. SMN déniait farouchement sa responsabilité), mais sur une question de droit (subsidiairement, au cas où la responsabilité serait retenue, resterait à trancher le point de savoir si le versement d'une fraction des loyers -à l'exclusion du loyer initial- par un locataire à son crédit-bailleur constitue un élément de son préjudice que le locataire peut faire valoir contre le responsable des dommages causés à la chose prise à bail) ;
Attendu que le principe de la réparation intégrale du préjudice ne conduit pas à l'indemnisation de la S.A.R.L. ALEXOU pour les loyers (dont un loyer initial de 120.000 € pour la période du 5 avril 2008 au 4 mai 2008 et des loyers mensuels de 5.894,14 € ) qu'elle a acquittés entre les mains de la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur dans le cadre d'un contrat de location avec option d'achat ; que le versement des loyers auquel la S.A.R.L. ALEXOU est tenue par le contrat de location avec option d'achat, ne constitue pas un élément de son préjudice résultant des dommages causés au navire « Zelda » ; que son préjudice réside dans la privation de la chose prise à bail ; que ce préjudice de perte d'exploitation ou de privation de jouissance fait l'objet d'une demande séparée de la part de la S.A.R.L. ALEXOU ;
Attendu que la S.A.R.L. ALEXOU ne discute pas le montant de son préjudice pour la perte d'exploitation (27.300 €) jusqu'au 31 décembre 2010 et la S.A. SMN et la société AXA France ne remettent pas en cause ce montant ;
Attendu qu'il convient de confirmer l'évaluation faite par les premiers juges, sur la base du rapport d'expertise judiciaire, du préjudice matériel subi par la S.A.R.L. ALEXOU, soit 37.291,17 € pour les objets et effets personnels, 6.014,88 € pour les droits d'anneaux et d'assurances et autres et 269.195,16 € pour les réparations à effectuer au navire « Zelda » ; que la S.A.R.L. ALEXOU sollicite la confirmation du jugement à cet égard et justifie suffisamment la réalité et l'étendue de ses préjudices ; que la société AXA France et la S.A. SMN ne peuvent obtenir la communication des factures de réparation pour vérifier leur effectivité et se faire restituer, le cas échéant, des sommes non consacrées aux travaux de réparation dès lors qu'elle ne peut s'immiscer dans l'utilisation faite par les victimes des dommages-et-intérêts alloués en réparation de leurs préjudices déterminés judiciairement ;
Attendu que la S.A.R.L. ALEXOU est recevable à solliciter en appel l'indemnisation complémentaire des préjudices qui ont été reconnus par les premiers juges et arrêtés au 31 décembre 2010, et qui en sont la suite ou le développement dans le temps ; que le navire « Zelda » a été transporté pour réparations dans un chantier naval à [Localité 8], en août 2011 ; que l'expert judiciaire a prévu une durée de travaux de six mois, soit jusqu'au mois de février 2012 ; qu'il ne peut être reproché à la S.A.R.L. ALEXOU et à la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur d'avoir différé le début d'exécution de travaux importants et onéreux malgré l'exécution provisoire qui assortissait le jugement, d'autant plus que la S.A. SMN et la société AXA France sollicitent devant la Cour d'Appel une mesure d'instruction complémentaire sur le navire « Zelda » qui ne pouvait faire l'objet de réparations ; qu'au titre de ces préjudices complémentaires subis du 1er janvier 2011 jusqu'au mois de février 2012, il convient de retenir la perte d'exploitation pour l'été 2011, soit 27.300 € et les frais d'assurances, droits de navigation, places de ports'évalués à 1.800 € par mois X 14 mois = 25.200 € ;
Attendu que la contestation de la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur quant au montant de la dépréciation, subie par le navire « Zelda » sera rejetée, faute d'éléments pertinents pour la fixer à un taux autre (30 %) que celui (25 %) retenu par l'expert judiciaire, soit 116.007,19 € ; que le navire « Zelda » qui a navigué seulement pendant 3 mois et qui a subi une grave avarie par immersion, est affecté d'une dépréciation constatée par l'expert judiciaire que le coût élevé de sa réparation ne fait pas disparaître ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 7OO du code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre ; que la S.A. SMN et la société AXA France qui succombent au principal dans leurs prétentions, supporteront les frais de l'appel ;
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Reçoit les appels de la S.A. SMN et de la société AXA France de comme réguliers en leur forme.
Au fond, confirme le jugement déféré en ses dispositions ayant condamné in solidum la S.A. SMN et la société AXA France à payer d'une part, à la S.A.R.L. ALEXOU les sommes de 37.291,17 €, de 6.014,88 €, de 27.300 € et 269.195,16 € et d'autre part à la S.A. Banque Populaire de la Côte d'Azur la somme de 116.007,19 €, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement frappé, ainsi que toutes les sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au fond, le réforme en ses autres dispositions.
Statuant à nouveau et le complétant, dit qu'en ce qui concerne la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts en liquidation judiciaire, représentée par Maître [S] [P], il s'agira non d'une condamnation, mais d'une fixation de créance.
Condamne in solidum la S.A. SMN et la société AXA France à porter et payer à la S.A.R.L. ALEXOU les sommes de 27.300 € et 25.200 € à titre de dommages-et-intérêts complémentaires avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et dit que ces sommes feront l'objet d'une fixation de créance au passif de la S.A.R.L. NIOULARGUE Yachts.
Déboute toutes les parties de leurs plus amples ou contraires conclusions.
Condamne in solidum la S.A. SMN, la société AXA France et Maître [S] [P], ès-qualités, aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit des avoués de la cause, sur leur affirmation de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT