COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 OCTOBRE 2011
N° 2011/
Rôle N° 09/17683
[Y] [D]
[V] [C] épouse [D]
[J] [D]
[B] [D]
[U] [D]
C/
SAS CHARVET
Grosse délivrée
le :
à :
Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Lila SCHURPF, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Septembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/458.
APPELANTS
Monsieur [Y] [D] né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 8] décédé le [Date décès 2] 2010, demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [V] [C] épouse [D] agissant en qualité de leur époux et père de Monsieur [Y] [D] né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 8] décédé le [Date décès 2] 2010, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [U] [D] agissant en qualité de leur époux et père de Monsieur [Y] [D] né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 8] décédé le [Date décès 2] 2010, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [B] [D] agissant en qualité de leur époux et père de Monsieur [Y] [D] né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 8] décédé le [Date décès 2] 2010, demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [U] [D] agissant en qualité de leur époux et père de Monsieur [Y] [D] né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 8] décédé le [Date décès 2] 2010, demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS CHARVET concerne l'établissement sis à [Adresse 1], demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Lila SCHURPF, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Juin 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Alain BLANC, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2011..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2011.
Signé par Madame Brigitte BERTI, Conseiller et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Dans l'instance l'opposant à la société CHARVET, M. [Y] [D] a le 30 septembre 2009 régulièrement relevé appel d'une décision en date du 24 septembre 2009 rendue par le Conseil de Prud'hommes d'AIX-EN-PROVENCE qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
M. [Y] [D] est décédé le [Date décès 2] 2010.
Vu les conclusions de Mme [D] ainsi que de MM. [J], [B] et [U] [D] ès qualités d'ayants droit de M. [Y] [D] développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la Cour de :
« A titre principal,
DIRE le licenciement de Monsieur [Y] [D] frappé de nullité, en application des dispositions de l'Article L.1132-1 du Code du Travail (Article L.122-45 ancien), à raison de la violation des dispositions de l'Article R.4624-31 du Code du Travail (Article R.241-51-1 ancien).
CONDAMNER la Société CHARVET au paiement de la somme de 40 000,00 € (QUARANTE MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, en application des dispositions de l'Article L.1235-11 du Code du Travail (Article L.122-14-4 ancien en sa rédaction issue de la Loi du 17 janvier 2002).
Subsidiairement,
DIRE le licenciement litigieux illégitime à raison de la violation des dispositions de l'Article L.1226-10 du Code du Travail (Article L.122-32-5 ancien), à raison du défaut de consultation préalable des délégués du personnel dans le cadre de la recherche de reclassement du salarié déclaré inapte.
CONDAMNER, de ce chef, la Société intimée au paiement de la somme de 40 000,00 € (QUARANTE MILLE EUROS), à titre de dommages-intérêts, en application des dispositions de l'Article L.1226-15 du Code du Travail (Article L.122-32-7 ancien).
Très subsidiairement,
DIRE le licenciement litigieux illégitime à raison du refus de réintégration du salarié déclaré apte, conformément aux prescriptions de l'alinéa 1 de l'Article L.1226-15 du Code du Travail.
CONDAMNER la Société intimée, en une telle occurrence, au paiement de la somme de
40 000,00 € (QUARANTE MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts, en application des dispositions de l'Article L.1226-15 du Code du Travail (Article L.122-32-7 ancien).
En tout état de cause,
LA CONDAMNER au paiement de la somme de 1 500,00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS), à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile. »
Vu les conclusions de la société CHARVET développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la Cour de :
« A titre principal :
CONSTATER que l'avis rendu par le médecin du travail le 6 novembre 2007, complété le 9 novembre 2007, est un avis d'aptitude physique ;
En conséquence :
CONSTATER le bien-fondé du licenciement de Monsieur [D] fondé sur son refus d'acceptation des propositions de reclassement ;
REJETER l'intégralité des demandes des ayants droit de Monsieur [D] ;
Subsidiairement:
EVALUER le montant des dommages et intérêts à la somme de 22.404 euros »
MOTIFS DE LA DECISION
M. [D] a été employé par la société CHARVET en qualité de plombier chauffagiste à compter du 2 mai 1991 suivant contrat de travail à durée indéterminée ;
Il a été victime d'un accident du travail le 30 octobre 2006 ;
Le 6 novembre 2007, il a été déclaré « Apte à reprendre son poste de travail avec restrictions. Ne doit plus manutentionner de charges lourdes » par le médecin du travail qui a complété cet avis par un courrier en date du 9 novembre 2007 précisant que « M. [D] ne pouvait plus travailler avec les bras en l'air. Il ne faut donc plus lui faire faire de ramonage de cheminée. Par contre, son affectation à des travaux d'entretien de nettoyage brûleurs et chaudières est tout à fait compatible avec son état de santé actuel. » ;
M. [D] a été licencié le 14 janvier 2008 suivant lettre de rupture ainsi libellée :
« - Le médecin du travail, lors d'une visite passée le 6/11/2007, a indiqué sur la fiche de visite : «apte à reprendre son poste de travail avec restrictions. Ne doit plus manutentionner de charges lourdes». Un contact a été pris avec le médecin qui a complété verbalement son avis pour indiquer que vous ne pouviez plus intervenir sur les travaux de montage, installation de chaudières ... mais uniquement pour l'entretien des chaudières. Nous vous avons alors par courrier du 8 novembre 2007 informé que vous seriez affecté exclusivement sur les travaux d'entretien, en ce compris les ramonages de chaudières et cheminées.
- Le médecin du travail, avisé de cette affectation, a par courrier du 9 novembre 2007 complété son avis du 6/11/2007 par : «ne peut plus travailler les bras en l'air».
- Par courrier recommandé du 29 novembre 2007, nous vous avons donné les raisons qui nous amènent à vous faire changer de poste, notamment en vous proposant d'occuper des postes administratif ou commercial, et de vous financer un bilan de compétences.
- Vous avez souhaité que vous soient adressés les postes disponibles au sein de la société par courrier recommandé du 8 décembre 2007. La liste des postes vous a été adressé le 13 décembre 2007 et nous vous avons demandé de vous prononcer sur ces postes.
- Vous nous avez écrit le 19 décembre 2007 qu'aucune proposition de poste ne vous intéressait.
L'aptitude du médecin du travail comporte de telles réserves que nous ne pouvons plus vous affecter sur votre activité entretien chauffage, et compte tenu que vous ne souhaitez pas occuper un autre poste compatible avec les restrictions médicales et vacant dans notre société, nous sommes contraints de vous notifier la rupture de votre contrat de travail. »
Les ayants droit de M. [D] excipent de la nullité du licenciement de ce dernier, soutenant que le médecin du travail a donné à son avis du 6 novembre 2007 une qualification erronée, ledit avis s'analysant en un avis d'inaptitude partielle ;
Ils font valoir que les tâches de ramonage faisaient partie intégrante de l'emploi du salarié et que, ne pouvant plus travailler les bras en l'air, celui-ci s'est trouvé dans l'impossibilité d'occuper son poste de travail ;
A cet égard, ils ajoutent que la société CHARVET a proposé à M. [D] des postes de reclassement sans rapport avec celui qu'il occupait ;
Ils estiment qu'il appartenait à la société CHARVET d'exiger une seconde visite de reprise et que l'avis précité s'analyse en un avis provisoire qui n'a pas été confirmé ou infirmé dans le délai légal de deux semaines ;
Toutefois, en application des dispositions des articles L. 1226-8 et L. 4624-1 du Code du Travail, l'avis du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un poste de travail s'impose aux parties et il n'appartient pas aux juges du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail ;
En cas de difficulté ou de désaccord sur la portée de l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail, le salarié ou l'employeur peuvent exercer le recours prévu par l'article L. 4624-1 du code du travail ;
Doit en découler la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu qu'il n'y a pas lieu de se substituer aux fonctions qui reviennent à la médecine du travail quant à la qualification de l'aptitude du salarié et a débouté celui-ci de ses demandes en raison de la nullité du licenciement ;
A titre subsidiaire, il est soulevé l'illégitimité du licenciement du fait que l'employeur a proposé à M. [D] un reclassement sur un autre poste que le sien sans envisager un aménagement de l'emploi ;
En application des dispositions de l'article L. 4121-1 du Code du Travail, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ;
En l'espèce, le poste, selon fiche versée aux débats, occupé par M. [D] d'agent d'entretien chauffage comprenait pour partie des tâches nécessitant le port de charges lourdes et pour partie des tâches d'entretien et de nettoyage des chaudières comprenant les travaux de ramonage ;
En raison de l'impossibilité matérielle de dissocier la prestation ramonage de celle d'entretien, il ne saurait être reproché à l'employeur d'avoir proposé à l'intéressé plusieurs emplois (de type administratif et commercial technique dans douze établissements de l'entreprise dont cinq situés dans la région sud-est) compatibles avec son état de santé conformément à l'obligation de sécurité précitée ;
Et, le licenciement de M. [D] prononcé sur la base du refus de celui-ci d'un poste compatible avec son état de santé est fondé ;
Doit en découler la confirmation du jugement entrepris et le débouté des ayants droit de M. [D] de l'ensemble de leurs demandes.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré légitime et fondé le licenciement de M. [Y] [D],
- Déboute Mme [D] ainsi que MM. [J], [B] et [U] [D] ès qualités d'ayants droit de M. [Y] [D] de l'ensemble de leurs demandes,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamne les ayants droit de M. [D] aux entiers dépens.
Le GreffierPour le Président empêché
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
En ayant délibéré