La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2011 | FRANCE | N°10/02541

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 04 octobre 2011, 10/02541


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 04 OCTOBRE 2011



N°2011/754















Rôle N° 10/02541







[F] [X]





C/



[D] [T]













































Grosse délivrée le :

à :



Me Anne BROCVIELLE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



Me Pascal MURZEAU, avocat au barreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 15 Janvier 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/469.





APPELANTE



Madame [F] [X], demeurant [Adresse 3]



comparant en p...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 04 OCTOBRE 2011

N°2011/754

Rôle N° 10/02541

[F] [X]

C/

[D] [T]

Grosse délivrée le :

à :

Me Anne BROCVIELLE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Pascal MURZEAU, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 15 Janvier 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/469.

APPELANTE

Madame [F] [X], demeurant [Adresse 3]

comparant en personne, assistée de Me Anne BROCVIELLE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMÉ

Monsieur [D] [T], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pascal MURZEAU, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 1])

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Gisèle BAETSLE, Président

Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller

Mme Fabienne ADAM, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2011

Signé par Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller pour le Président empêché, et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Engagée en qualité de pharmacien adjoint par Monsieur [D] [T], exploitant une officine à l'enseigne 'Pharmacie Centrale' à [Localité 4], suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ayant pris effet à la date de sa signature, le 15 février 2007, Madame [F] [X] a démissionné de son emploi par lettre du 12 mars 2008.

Saisie par la salariée, le 3 décembre 2008, afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer des sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Fréjus a, par ordonnance du 22 décembre 2008, considéré que cette demande se heurtait à une contestation sérieuse et a renvoyé la salariée à se pourvoir au fond.

Par requête reçue le 31 décembre 2008 et conclusions modificatives, Madame [X] a présenté la même demande au bureau de jugement de cette juridiction, et a réclamé en outre des dommages-intérêts pour préjudice moral et une indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement du 15 janvier 2010, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions.

Madame [X] a interjeté appel de cette décision le 3 février 2010.

Faisant grief à l'employeur de ne pas lui avoir réglé le temps de travail supplémentaire consacré à l'ouverture et la fermeture de l'officine, représentant selon elle un total de 79,53 heures, et en outre, de lui avoir retiré l'accès à certains modules informatiques pendant l'exécution de son préavis, en invoquant de prétendues erreurs, ce qui caractérise selon elle une attitude fautive et vexatoire, la salariée appelante a fait soutenir oralement à l'audience des conclusions écrites aux fins d'infirmation du jugement déféré, dans lesquelles elle demande à la cour de condamner Monsieur [T] à lui payer les sommes suivantes, outre à la rectification des bulletins de paie et de l'attestation Assédic :

heures supplémentaires 1.942,02 €

congés payés afférents 194,20 €

dommages-intérêts pour préjudice moral 4.720,00 €

frais irrépétibles (article 700 C.P.C.) 2.000,00 €

Répliquant qu'il ouvrait lui-même la pharmacie tous les jours, que la salariée ne procédait à la fermeture au-delà de 19h30 que de manière exceptionnelle, lorsqu'un client se trouvait encore dans l'officine, que ce temps additionnel n'implique aucune rémunération supplémentaire en application des dispositions conventionnelles applicables aux cadres, et que sa décision de supprimer l'accès de Madame [X] à certains modules du logiciel informatique concernant la gestion du stock, laquelle n'était pas comprise dans les attributions de la salariée, était justifiée par les nombreuses erreurs que celle-ci avait commises, l'employeur intimé sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de l'appelante à lui verser 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

- sur la recevabilité de l'appel

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.

- sur les heures supplémentaires

Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail accomplies n'incombe spécialement à aucune des parties. S'il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, l'employeur doit fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Selon les dispositions particulières de la convention collective nationale de la pharmacie d'officine du 3 décembre 1997 applicables aux cadres, doivent être considérées comme heures supplémentaires celles qui dépassent la durée normale de 39 heures dans la semaine civile, du lundi au dimanche inclus, étant 'convenu que la rémunération d'un cadre, déterminée en fonction d'un horaire habituel donné, comprend les variations individuelles d'horaire dans la mesure où ces variations :

- n'excèdent pas 10 % en plus ou en moins de l'horaire habituel fixé ;

- ne sont pas imposées ;

- n'ont pas de caractère systématique.'

En l'espèce, l'appelante produit plusieurs témoignages, en particulier de Madame [I], préparatrice, et de Madame [G], docteur en pharmacie, toutes deux anciennes salariées de l'entreprise, déclarant que Madame [X], comme les autres pharmaciens adjoints, assurait généralement les ouvertures et systématiquement les fermetures de la pharmacie, ce qui nécessitait une quinzaine de minutes chaque matin et soir.

Dans ses lettres des 29 et 30 avril 2008 versées aux débats par la salariée, l'employeur a lui-même indiqué, de manière réitérée, qu'il était de la responsabilité de Madame [X] 'd'assurer l'ouverture et la fermeture de la pharmacie en fonction de (son) planning comme (elle l'avait fait) depuis son arrivée' (1ère lettre), et qu'elle '(devait) faire les ouvertures et fermetures du local après les heures d'ouverture de la pharmacie qui (étaient) mentionnées dans son contrat', en sorte qu'il ne pouvait 'accepter la remise des clefs de l'officine qui (devaient) rester en possession (de la salariée) jusqu'à (son) dernier jour travaillé afin d'assurer ces missions' (2ème lettre).

Nonobstant la présence habituelle avec le(s) pharmacien(s) adjoint(s), hors période de congés, du pharmacien titulaire à l'ouverture de la pharmacie, présence résultant de plusieurs témoignages produits par l'employeur, dont celui de Madame [G] elle-même établi antérieurement à son profit, ces éléments suffisent à étayer la demande.

Pour faire la preuve qui lui incombe des heures de travail effectivement accomplies par la salariée, l'employeur produit un procès-verbal de constat d'huissier, en date du 15 janvier 2009, dont il résulte que la procédure d'ouverture de la pharmacie nécessitait 2 minutes et 6 secondes avant les travaux effectués dans la pharmacie, soit jusqu'au 6 décembre 2007, et 5 minutes et 31 secondes après ces travaux, les temps nécessaires aux opérations de fermeture étant identiques.

Toutefois, la salariée observe, sans être utilement contredite par l'employeur, que ce procès-verbal n'est pas suffisamment probant, dès lors qu'en ce qui concerne la première période, l'huissier indique avoir procédé 'fictivement' à certaines opérations, et que s'agissant de la période postérieure, il a procédé aux diverses opérations requises lors de l'ouverture de l'officine sans prendre en compte le délai d'attente nécessaire à la vérification du bon fonctionnement du matériel informatique, notamment de 'l'automate'.

Enfin, s'il fait valoir que, 'même en retenant la durée excessive de 21 minutes supplémentaires alléguées par Madame [X] et appliquées sur quatre jours par semaine', à raison de 8 minutes en moyenne pour une ouverture et 13 minutes pour une fermeture, le 'quota de 10 %' prévu par les dispositions conventionnelles précitées, 'soit 3h30 par semaine pour 35 heures', n'est pas atteint, ce dont il déduit qu'il n'est pas tenu au paiement des heures supplémentaires litigieuses, l'employeur n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions qui sont inapplicables en la cause, dès lors que la variation de l'horaire contractuel de la salariée résultait bien de l'obligation qui lui était faite de procéder aux opérations d'ouverture et de fermeture de l'officine, que cette variation lui était donc imposée par l'employeur et qu'en outre elle revêtait un caractère systématique.

En conséquence, l'employeur, qui ne justifie pas de l'horaire effectivement réalisé par la salariée et qui soutient à tort que, même à les supposer établies, les heures supplémentaires litigieuses ne sont pas dues, sera condamné à payer à Madame [X] la somme de 1.942,02 € qu'elle réclame à ce titre, suivant son décompte précis versé aux débats, outre celle de 194,20 € au titre des congés payés afférents.

Le jugement qui a débouté la salariée de cette demande, au motif qu'elle ne prouvait pas 'avoir effectué des heures supplémentaires commandées par son employeur', sera infirmé.

- sur la demande de dommages-intérêts

Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif.

Selon l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, la salariée fait grief à l'employeur de lui avoir supprimé 'l'accès à certains modules du logiciel Pharmagest' ('gestion des réassorts, données produits, rappel sur erreur), 'subitement et sans aucune raison', à compter du 23 avril 2008, et de l'avoir ainsi 'décrédibilisée' vis-à-vis des clients et de ses collègues de travail.

Répliquant dans ses écritures qu'il a pris cette mesure dans le cadre de son 'pouvoir d'organisation', en raison du 'grand nombre d'erreurs commises par Madame [X] dans le cadre de l'utilisation du module stocks du logiciel informatique concerné', non comprise dans ses attributions, l'employeur n'apporte toutefois aucun élément justificatif des erreurs alléguées, qui auraient selon lui été commises par Madame [X] et par un autre pharmacien adjoint également en cours d'exécution de préavis, pas plus qu'il n'explique pourquoi il n'a pas appliqué cette mesure à tous les pharmaciens adjoints et notamment à Madame [G], ce dont celle-ci a témoigné.

En limitant l'accès de Madame [X] au logiciel de la pharmacie, subitement et sans motif légitime, contraignant ainsi la salariée, pharmacien adjoint, à faire appel aux préparatrices ou à la rayonniste en présence de la clientèle, l'employeur a modifié ses conditions de travail de manière déloyale et commis un abus dans l'exercice de son pouvoir de direction.

Compte tenu des éléments de la cause, le préjudice moral causé à la salariée par le comportement fautif et vexatoire de l'employeur pendant le délai de préavis sera réparé par une somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande, au motif qu'elle '(relevait) de la compétence de l'organisation ordinale des pharmaciens' et que la salariée ne '(prouvait) aucun préjudice.'

- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

En équité, une indemnité de 1.500 € sera allouée à la salariée en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, tandis que, rejetée à juste titre en première instance, la demande de l'employeur sur ce fondement le sera de même en cause d'appel.

Outre ceux de première instance, l'employeur qui succombe supportera les dépens d'appel.

Le jugement sera infirmé à ce double titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,

Reçoit l'appel,

Infirme le jugement déféré,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne Monsieur [T] à payer à Madame [X] les sommes suivantes :

heures supplémentaires 1.942,02 €

congés payés afférents 194,20 €

dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail 1.000,00 €

frais irrépétibles de 1ère instance et d'appel (art. 700 C.P.C.) 1.500,00 €

Rejette la demande de l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel,

Condamne l'employeur aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER. LE CONSEILLER,

POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 10/02541
Date de la décision : 04/10/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°10/02541 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-04;10.02541 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award