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22/09/2011 | FRANCE | N°10/18016

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre c, 22 septembre 2011, 10/18016


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE



1ère Chambre C



ARRÊT

DU 22 SEPTEMBRE 2011



N° 2011/737

A. V.



Rôle N° 10/18016





[I] [E]

ASSOCIATION FÉDÉRATION FREUDIENNE DE PSYCHANALYSE

[L] [Z]

[F] [D]

[K] [W]

[G] [S]

[O] [T]

[U] [BF]

ASSOCIATION AU CENTRE D'ETUDES PSYCHANALITIQUES - L'INSTITUT FREUDIEN DE PSYCHANALYSE DE PERPIGNAN

[V] [B]

[R] [C]



C/



[J] [M]












>Grosse délivrée

le :

à :







SCP JOURDAN



SCP TOUBOUL



SCP BLANC









Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 30 Août 2010 enregistrée au répe...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1ère Chambre C

ARRÊT

DU 22 SEPTEMBRE 2011

N° 2011/737

A. V.

Rôle N° 10/18016

[I] [E]

ASSOCIATION FÉDÉRATION FREUDIENNE DE PSYCHANALYSE

[L] [Z]

[F] [D]

[K] [W]

[G] [S]

[O] [T]

[U] [BF]

ASSOCIATION AU CENTRE D'ETUDES PSYCHANALITIQUES - L'INSTITUT FREUDIEN DE PSYCHANALYSE DE PERPIGNAN

[V] [B]

[R] [C]

C/

[J] [M]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP JOURDAN

SCP TOUBOUL

SCP BLANC

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 30 Août 2010 enregistrée au répertoire général sous le N° 10/2590.

APPELANTS :

Monsieur [I] [E],

sous la dénomination INSTITUT DE PSYCHANALISE NIMOIS (IPN),

né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 15],

demeurant [Adresse 6]

ASSOCIATION FÉDÉRATION FREUDIENNE DE PSYCHANALYSE,

dont le siège est [Adresse 6]

Monsieur [K] [W],

sous la dénomination INSTITUT FREUDIEN DE PSYCHANALYSE DE TOULOUSE

demeurant [Adresse 9]

Monsieur [G] [S],

sous la dénomination INSTITUT FREUDIEN DE PSYCHANALYSE DES REGIONS AQUITAINE ET POITOU CHARENTES

demeurant [Adresse 11]

Madame [O] [T],

sous la dénomination INSTITUT FREUDIEN DE BEZIERS et INSTITUT FREUDIEN DE PSYCHANALYSE DE NARBONNE

demeurant [Adresse 8]

Madame [U] [BF],

sous la dénomination INSTITUT FREUDIEN DE PSYCHANALYSE MONTPELLIERAIN (IPM)

demeurant [Adresse 4]

ASSOCIATION AU CENTRE D'ETUDES PSYCHANALITIQUES - L'INSTITUT FREUDIEN DE PSYCHANALYSE DE PERPIGNAN,

dont le siège est [Adresse 2]

Madame [V] [B],

sous la dénomination INSTITUT FREUDIEN DE PSYCHANALYSE GRENOBLOIS

demeurant [Adresse 10]

Madame [R] [C],

sous la dénomination INSTITUT FREUDIEN DE PSYCHANALYSE DU VAUCLUSE

demeurant [Adresse 12]

représentés par la SCP J F JOURDAN - P G WATTECAMPS, avoués à la Cour, plaidant par Maître Yvan MONELLI, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [L] [Z],

sous la dénomination INSTITUT FREUDIEN DE PSYCHANALYSE DE PROVENCE

demeurant [Adresse 1]

Monsieur [F] [D],

sous la dénomination INSTITUT FREUDIEN AIXOIS DE PSYCHANALYSE ET DE PSYCHOTHERAPIE

demeurant [Adresse 13]

représenté par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour,

plaidant par la SCP JUNQUA ET ASSOCIES, avocats au barreau d'AVIGNON, substituée par Maître Eric DE MOUSTIER, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

Madame [J] [M]

née le [Date naissance 7] 1963 à [Localité 14] (69000),

demeurant [Adresse 5]

représentée par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,

plaidant par Maître Antoine GUERINOT, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Juin 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne VIDAL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Marie-Claire FALCONE, Président

Madame Anne VIDAL, Conseiller

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2011,

Signé par Madame Marie-Claire FALCONE, Président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*-*

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant actes d'huissier en date des 1er, 2, 3, 4 et 11 juin 2010, Mme [M] a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille

1- M. [E],

2 - l'Association Fédération Freudienne de Psychanalyse dont le siège est à Nîmes,

3 - l'Institut de psychanalyse de Nimes,

4 - Mme [L] [Z] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse de Provence dont le siège est à Tarascon,

5 - M. [F] [D] sous la dénomination commerciale Institut Freudien Aixois de Psychanalyse et de Psychothérapie,

6 - M. [K] [W] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse de Toulouse,

7 - M. [G] [S] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse des Régions Aquitaine et Poitou Charentes,

8 - Mme [O] [T] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse de Béziers et Institut Freudien de Psychanalyse de Narbonne,

9 - Mme [U] [BF] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse Montpellierain,

10 - l'association Centre d'études Psychanalytiques,

11 - Mme [V] [B] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse Grenoblois,

12 - Mme [R] [C] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse du Vaucluse et Institut Freudien de Psychanalyse de Narbonne,

afin de :

voir ordonner aux défendeurs en cause, sous astreinte, d'utiliser illicitement son oeuvre par la cessation des formations dénommées 'initiation à la psychanalyse' dispensées à ce jour et de la distribution de l'ouvrage 'La Métapsychologie',

voir ordonner la communication de tous documents comptables lui permettant de quantifier les bénéfices réalisés par la contrefaçon de son ouvrage,

les voir condamner à lui verser une somme provisionnelle de 50.000 euros.

Elle reprochait en effet à M. [E] d'avoir plagié son oeuvre 'L'ABC de la psychologie et de la psychanalyse', vendu à 150.000 exemplaires, en reprenant, dans le cadre des cours qui sont dispensés dans les Instituts Freudiens de psychanalyse pour lesquels il a déposé une marque, et dans son ouvrage 'La Métapsychologie', sa méthode d'appréhension de la psychanalyse et des passages entiers de son livre.

Par ordonnance en date du 30 août 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a condamné les défendeurs in solidum à verser à Mme [M] une somme provisionnelle de 15.000 euros à valoir sur la réparation du trouble résultant du profit tiré du travail intellectuel de présentation et de simplification fourni par elle dans son ouvrage 'L'ABC de la psychologie et de la psychanalyse'. Il les a également condamnés à verser à Mme [M] une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il a débouté la demanderesse du surplus de ses réclamations.

M. [E] et les 11 autres défendeurs ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration au greffe en date du 7 octobre 2010.

¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿

M. [E], l'Association Fédération Freudienne de Psychanalyse, M. [K] [W] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse de Toulouse, M. [G] [S] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse des Régions Aquitaine et Poitou Charentes, Mme [O] [T] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse de Béziers et Institut Freudien de Psychanalyse de Narbonne, Mme [U] [BF] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse Montpellierain, l'association Centre d'études Psychanalytiques, Mme [V] [B] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse Grenoblois et Mme [R] [C] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse du Vaucluse et Institut Freudien de Psychanalyse de Narbonne, suivant conclusions en date du 10 juin 2011, demandent à la cour :

de constater que Mme [M] ne justifie pas être titulaire des droits d'auteur sur l'ouvrage 'L'ABC de la psychologie et de la psychanalyse' faute pour elle de produire aux débats le contrat d'édition de cet ouvrage, et de la dire en conséquence irrecevable à agir,

de constater l'existence d'une contestation sérieuse sur l'oeuvre dont la protection par le droit d'auteur est demandée (ouvrage entier, passages, paragraphes, plan, bibliographie '), sur l'originalité de l'oeuvre et sur la contrefaçon alléguée,

à titre subsidiaire, de retenir que les appelants bénéficient de l'exception de courte citation,

en conséquence, de réformer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné les concluants à verser à Mme [M] une somme de 15.000 euros et de la confirmer pour le surplus,

y ajoutant, de mettre l'Association Fédération Freudienne de Psychanalyse, M. [K] [W] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse de Toulouse, M. [G] [S] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse des Régions Aquitaine et Poitou Charentes, Mme [O] [T] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse de Béziers et Institut Freudien de Psychanalyse de Narbonne, Mme [U] [BF] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse Montpellierain, l'association Centre d'études Psychanalytiques, Mme [V] [B] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse Grenoblois et Mme [R] [C] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse du Vaucluse hors de cause,

de condamner Mme [M] à payer à chacun d'eux une somme de 7.000 euros pour procédure abusive et une somme de 9.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

Sur la recevabilité, que Mme [M] a nécessairement cédé ses droits de reproduction et qu'elle ne produit pas son contrat d'édition, malgré la sommation qui lui a été faite de le communiquer, ce qui permet de déduire qu'elle n'est plus titulaire des droits sur l'ouvrage 'L'ABC de la psychologie et de la psychanalyse',

Que l'Institut de psychanalyse de Nimes assigné n'a pas de personnalité morale, que la Fédération Freudienne de Psychanalyse de Nîmes ne dispense pas de cours et que les cours dispensés par les différents Instituts Freudiens de psychanalyse sont distincts de ceux produits par Mme [M] et qui ne sont dispensés que par M. [E] dans son Institut de Nîmes, de sorte que l'action en contrefaçon dirigée contre eux est irrecevable et vouée à l'échec,

Sur le fond, que le demandeur en contrefaçon doit démontrer que l'oeuvre est originale, c'est à dire qu'elle manifeste l'empreinte de la personnalité de son auteur, ajoutant que les idées et concepts ne sont pas protégés et que seule la forme est importante, à savoir la qualité rédactionnelle, les commentaires, les détails d'aménagement et l'éclairage particulier que l'auteur aura donnés à son sujet, mais qu'en l'espèce, Mme [M] ne démontre aucune originalité, ni dans le contenu, ni dans les termes utilisés, ni dans la présentation de la matière qui reprend l'ordre et la méthodologie voulus par le maître lui-même dans ses enseignements,

Que Mme [M] fonde sa demande sur des cours qui lui auraient été remis par d'anciens élèves, cours dispensés en 2004-2005 pour M. [Y], en 2006-2007 pour M. [P] et pour Mme [N], que ces documents sont dépourvus de force probante et qu'ils sont tronqués,

Que M. [E] conteste également le plagiat allégué dans son livre 'La Métapsychologie', considérant que Mme [M] ne cite pas les passages qui seraient contrefaisants et qu'il ne peut s'agir de la bibliographie qui est plus étendue que celle présentée par Mme [M],

Que la demande de provision se heurte à tout le moins à une contestation sérieuse.

Mme [L] [Z] sous la dénomination commerciale Institut Freudien de Psychanalyse de Provence et M. [F] [D] sous la dénomination commerciale Institut Freudien Aixois de Psychanalyse et de Psychothérapie, suivant conclusions en date du 24 juin 2011, sollicitent l'infirmation de la décision au regard de l'existence d'une contestation sérieuse et demandent à la cour, statuant à nouveau :

de constater que la preuve de la contrefaçon est sujette à contestation sérieuse, comme ce point a été conclu par les autres appelants,

de constater en tout état de cause que la demande est irrecevable à leur encontre, ces derniers n'étant absolument pas les auteurs de la contrefaçon,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une condamnation, de dire qu'ils devront être relevés et garantis de toute condamnation par M. [E],

de condamner la partie qui succombera à leur verser une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Après avoir repris comme leurs les explications données par M. [E], ils font observer que le contrat de partenariat qui les lie à M. [E] et à la Fédération Freudienne de Psychanalyse mentionne que M. [E] a l'entière et exclusive propriété du manuel opérationnel et des droits d'auteur y afférents et que si celui-ci, dans une lettre-circulaire en date du 1er décembre 2010, reconnaît être à l'origine des emprunts d'ouvrage de Mme [M], il en est seul responsable et en doit garantie à ses cocontractants.

Mme [M], en l'état de ses dernières écritures en date du 22 juin 2011, demande à la cour de constater le caractère tardif et abusif des dernières conclusions et de la communication de pièces nouvelles déposées par les appelants et de les écarter des débats par application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.

Elle conclut, sur le fond :

à la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle lui a alloué une provision, sauf à en porter le montant à la somme de 50.000 euros,

à sa réformation pour le surplus,

à la condamnation des appelants à cesser l'utilisation illicite de son oeuvre par la cessation des formations 'Initiation à la psychanalyse' telles que dispensées à ce jour et par la cessation de la distribution du livre 'La Métapsychologie' , et ce sous astreinte de 500 euros par jour passé le délai de 2 semaines après la signification de la décision,

à la condamnation des appelants à lui verser une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive et une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fonde sa demande d'irrecevabilité des conclusions déposées le 10 juin 2011 par les appelants principaux ainsi que des pièces nouvelles sur le fait qu'elles portent atteinte à la loyauté des débats et au principe du contradictoire, les appelants ayant profit du renvoi ordonné à l'audience du 24 mai pour reconclure et rajouter 88 pièces nouvelles en modifiant leur numérotation. Elle souligne par ailleurs que la pièce 20 'cours de 1ère année IFPM' n'est pas versée aux débats malgré plusieurs sommations de communiquer.

Elle explique, sur le fond :

qu'elle se base sur les dires et les cours fournis par d'anciens élèves de l'Institut Freudien de psychanalyse qui ont été frappés par l'ampleur du plagiat de son ouvrage et qu'elle reproche à M. [E] de s'être ainsi servi de son travail pour en faire la base de son réseau de formation à la psychanalyse,

que l'ouvrage 'L'ABC de la psychologie et de la psychanalyse' a un caractère original car elle y a synthétisé les apports de chacun des auteurs en une vingtaine de pages, elle a mis au point une méthode de présentation et de simplification et elle a choisi avec discernement les concepts traités, les publications de référence, les exemples et la progression pédagogique,

que les fascicules de cours remis à la cour comportent en souligné les passages empruntés de façon textuelle à son livre qui portent sur le plan, sur le choix des auteurs et sur les exemples illustratifs,

que la situation est la même pour le livre 'La Métapsychologie' qui a utilisé, dans ses 70 premières pages, de larges extraits de son oeuvre et la quasi-totalité de sa bibliographie,

que M. [E] ne peut invoquer le droit de courte citation car son nom n'est jamais cité,

que sa demande de provision est calculée sur la base d'un chiffre d'affaires annuel des 15 Instituts Freudiens de psychanalyse de l'ordre de 195.000 euros, soit plus 1.100.000 euros sur les dix années passées.

¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿

M. [E] et ses 8 autres co-appelants ont déposé des conclusions de procédure en date du 23 juin 2011 pour s'opposer à la demande de rejet de leurs dernières écritures et pièces, faisant valoir que les conclusions ont été signifiées à l'intimée le 10 juin et les pièces communiquées le 16 juin 2011 et que Mme [M] avait parfaitement le temps de se mettre en état pour l'audience fixée au 28 juin et de répliquer éventuellement. Ils en déduisent qu'il n'a été porté aucune atteinte au principe du contradictoire.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu qu'il convient de constater que, l'Institut Freudien de Psychanalyse de Nîmes dirigé par M. [E] ne jouissant pas de la personnalité morale, c'est à tort que Mme [M] l'a fait assigner devant le juge des référés indépendamment de celui-ci ;

Attendu que c'est en vain que Mme [M] soulève l'irrecevabilité des conclusions et des pièces nouvelles déposées et communiquées les 10 et 16 juin 2011 par M. [E] au visa de l'article 16 du code de procédure civile, la cour constatant, d'une part que ces éléments de débat ont été remis à l'intimée en temps utile avant l'audience fixée au 28 juin (soit au moins 12 jours plus tard) pour que celle-ci puisse les examiner et en discuter dans les conclusions qu'elle a déposées le 22 juin, d'autre part que l'affaire avait été précisément renvoyée de l'audience du 24 mai à laquelle elle avait été précédemment fixée afin de régler des questions de communication de pièces de part et d'autre de la barre, enfin que, curieusement, Mme [M] ne sollicite pas le rejet des conclusions déposées par Mme [Z] et M. [D] le 24 juin alors que ces écritures se réfèrent expressément, dans leur principal, aux explications et développements contenus dans les conclusions du 10 juin 2011 ;

Que la cour note également que le dernier bordereau des pièces communiquées établi par M. [E] donne une liste précise, détaillée et numérotée des documents remis permettant à Mme [M] de repérer et de connaître aisément les éléments nouveaux et présentant un intérêt pour le litige ; qu'il en ressort que le document dénommé 'cours de 1ère année IFPM' a été régulièrement communiqué sous le n°77 ;

Attendu que Mme [M] ne produit pas aux débats le contrat d'édition conclu avec les éditions [A] par lequel elle a cédé à celles-ci le droit de reproduction de son ouvrage 'L'ABC de la psychologie et de la psychanalyse' , mais qu'en tout état de cause, elle dispose du droit d'agir en contrefaçon à l'encontre des tiers pour obtenir la protection de ses droits d'auteur, en application des dispositions des articles L 122-4 et L122-5 du code de la propriété intellectuelle qui prévoient que toute représentation ou toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est illicite ;

Que c'est donc à tort que M. [E] et les autres appelants soulèvent l'irrecevabilité de l'action en référé engagée par Mme [M] ;

Attendu que Mme [M] fait grief à M. [E] d'avoir, dans les cours qu'il dispense à ses étudiants de 1ère année, sous la dénomination 'Initiation à la psychanalyse', à l'Institut Freudien de Psychanalyse de Nîmes et dans les cours qu'il fait dispenser dans le cadre de 14 autres instituts créés sous l'égide de la Fédération Freudienne de Psychanalyse, contrefait son ouvrage 'L'ABC de la psychologie et de la psychanalyse' en utilisant le plan de son livre et en reproduisant, parfois servilement, son contenu, notamment les exemples illustratifs cités par elle ;

Qu'elle a saisi le tribunal de grande instance de Marseille au fond, le 29 septembre 2010, d'une demande tendant à la cessation des actes contrefaisants et au paiement de dommages et intérêts substantiels ;

Qu'elle a assigné préalablement en référé en invoquant les dispositions de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile pour voir ordonner la cessation de ce qu'elle considère comme un trouble manifestement illicite, c'est à dire obtenir l'interdiction de la dispensation des cours d'Initiation à la psychanalyse' et de la diffusion du livre 'La Métapsychologie' écrit par M. [E] et édité par les éditions Oedipia ;

Attendu, en ce qui concerne les cours d''Initiation à la psychanalyse', que force est de constater que le trouble allégué n'est pas manifestement illicite dès lors qu'il existe, avant même tout examen au fond du litige, une contestation sur le contenu même des cours dispensés par les Instituts Freudiens de Psychanalyse ; que les extraits produits par Mme [M] aux débats, provenant des remises effectuées par M. [Y], ancien étudiant à l'Institut Freudien de Psychanalyse de Montpellier (pour des cours suivis par Mme [H] à l'Institut Freudien de Psychanalyse de Nîmes en 2006/2007), par M. [P] (pour des cours suivis par lui à l'Institut Freudien de Psychanalyse de Nîmes en 2006/2007) et par Mme [N] (pour des cours suivis par elle à l'Institut Freudien de Psychanalyse de Nîmes en 2001), sont contestés par M. [E] et différent des documents de cours versés aux débats par les appelants, non seulement de ceux dispensés dans les autres Instituts comme celui de Montpellier ou celui d'Aquitaine, Toulouse et Vaucluse, mais également de ceux dispensés par l'Institut Freudien de Psychanalyse de Nîmes pour les années 2001 à 2007, dont les pages sont numérotées de 1 à 132 et dont l'authenticité est attestée par plusieurs anciens étudiants ; que seul le juge du fond pourra se prononcer sur le caractère probant des documents de cours remis de part et d'autre de la barre ;

Qu'il y a lieu aussi de relever que l'appréciation de l'originalité du plan de l'ouvrage, dont Mme [M] indique qu'il aurait été intégralement et servilement repris dans les cours d''Initiation à la psychanalyse' de M. [E] , relève du seul juge du fond, étant considéré qu'il est acquis que la terminologie et les concepts présentés dans le livre de Mme [M] comme dans les cours de M. [E] sont utilisés par tous les psychanalystes et psychiatres et sont tombés dans le domaine public et que la question de l'originalité de la présentation de ces concepts est sérieusement discutée, l'un des témoins dont l'attestation est produite par M. [E] indiquant : 'Le plan, les concepts, la terminologie utilisés par M. [E] pour ses cours dispensés à l'Institut Freudien sont ceux que les intervenants psychologues, psychiatres ou psychanalystes que je sollicitais pour les enseignements en IFSI utilisaient rigoureusement et systématiquement dans la mesure où ils se référaient aux apports fondamentaux de la pensée freudienne.';

Qu'il convient par ailleurs de noter que l'exemplaire des cours de l'Institut Freudien de Psychanalyse de Nîmes des années 2000 à 2007 produit par M. [E] comporte en page 87 une liste des citations effectuées dans les chapitres précédents, avec mention de l'ouvrage, du nom de son auteur et de son éditeur, et que cette liste comprend notamment les exemples illustratifs imprimés en italiques dans le cours comme provenant de 'L'ABC de la psychologie et de la psychanalyse' de Mme [M] (tel le cas [X]) et certains autres extraits de son livre ; qu'il appartiendra au juge du fond d'apprécier si l'exception de courte citation prévue par l'article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle peut être valablement soutenue au regard des conditions de brièveté, de finalité et de respect de l'oeuvre citée ;

Que force est enfin et surtout de constater que les extraits de cours sur lesquels Mme [M] fonde ses demandes sont anciens (les plus récents portant sur l'année 2006/2007) et que M. [E] produit un exemplaire des cours qu'il dit dispenser depuis 2007 dont la présentation et le contenu sont très différents de ceux que Mme [M] voudrait voir interdire comme contrefaisants ; que M. [E] en avait d'ailleurs remis une copie aux services de police, en janvier 2011, indiquant avoir substantiellement modifié son cours à partir de l'année 2007-2008, et que la plainte déposée par Mme [M] a, le 1er mars 2011, fait l'objet d'un classement sans suite ;

Attendu, en ce qui concerne le livre 'La Métapsychologie' , que la cour constate qu'aucun exemplaire de ce livre n'est versé aux débats, de sorte qu'elle n'est pas en mesure de vérifier les similitudes ou les reprises des textes et schémas pouvant provenir de l'ouvrage de Mme [M] et d'en apprécier l'ampleur ;

Qu'au demeurant, le grief de contrefaçon formulé par Mme [M] porte essentiellement sur la bibliographie du livre 'La Métapsychologie' dont elle indique qu'elle reprendrait presque intégralement celle de son ouvrage, tant dans son contenu que dans sa calligraphie ; mais que la cour constate qu'alors que la bibliographie de Mme [M] ne comporte que 36 références, celle de M. [E] en comporte 79 dont seulement 32 sont identiques à celles de Mme [M], parmi lesquelles figurent évidemment de nombreuses références à des oeuvres essentielles de Freud ; que par ailleurs, il n'apparaît pas que la présentation et la calligraphie adoptées dans l'ouvrage de Mme [M] soient d'une originalité particulière pour une bibliographie ;

Qu'il n'est donc pas suffisamment rapporté l'existence d'un trouble manifestement illicite apporté aux droits d'auteur de Mme [M] ;

Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [M] visant à voir ordonner la cessation de la dispensation des cours dans les Instituts Freudiens de Psychanalyse assignés via leurs directeurs respectifs et la cessation de la distribution du livre 'La Métapsychologie' écrit par M. [E] et publié par les éditions Oedipia ;

Attendu que la demande de provision formulée par Mme [M] à l'encontre de M. [E] et des autres appelants en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon alléguée se heurte, pour les mêmes raisons, à une contestation sérieuse et que la décision déférée sera donc réformée en ce qu'elle lui a alloué une somme de 15.000 euros ;

Attendu que la demande de Mme [M] en paiement de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive sera rejetée, dès lors que celle-ci succombe dans ses prétentions en cause d'appel ;

Qu'il n'est pas démontré qu'en engageant la présente procédure, Mme [M] était animée d'une intention fautive de nature à rendre l'exercice de cette action abusif et que M. [E] et les autres appelants seront donc déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Vu l'article 696 du Code de Procédure Civile,

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

en matière de référé et en dernier ressort,

Constate que l'Institut Freudien de Psychanalyse n'a pas la personnalité juridique et ne peut être mis en cause indépendamment de son directeur, M. [E] ;

Rejette la demande de Mme [M] visant à voir déclarer les nouvelles pièces et les dernières conclusions déposées par M. [E] et ses co-appelants les 10 et 16 juin 2011 irrecevables ;

Rejette l'exception d'irrecevabilité de l'action de Mme [M] soulevée par M. [E] et les autres appelants ;

Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [M] visant à voir cesser la dispensation des cours d''Initiation à la psychanalyse' par les différents Instituts Freudiens de Psychanalyse appelés à la procédure et la diffusion du livre 'La Métapsychologie' écrit par M. [E] et édité par les éditions OEDIPIA ;

La réformant pour le surplus et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision présentée par Mme [M] en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon allégués ;

Rejette la demande de Mme [M] en paiement de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive ;

Déboute M. [E] et les autres appelants de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [M] aux dépens de 1ère instance et d'appel ;

En autorise le recouvrement direct pour ceux d'appel par les avoués respectifs de la cause, dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre c
Numéro d'arrêt : 10/18016
Date de la décision : 22/09/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°10/18016 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-22;10.18016 ?
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