La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2011 | FRANCE | N°09/06796

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 22 septembre 2011, 09/06796


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2011



N° 2011/





Rôle N° 09/06796





Société TRANSPORTS ROBERT





C/



[D] [C] épouse [U]









































Grosse délivrée

le :



à :



Me Elisabeth AUDOUARD, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Antoin

e LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 13 Mars 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/938.







APPELANTE



Société TRANSPORTS ROBERT, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Eli...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2011

N° 2011/

Rôle N° 09/06796

Société TRANSPORTS ROBERT

C/

[D] [C] épouse [U]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Elisabeth AUDOUARD, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 13 Mars 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/938.

APPELANTE

Société TRANSPORTS ROBERT, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Elisabeth AUDOUARD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [D] [C] épouse [U], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assistée de Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Juin 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Alain BLANC, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Brigitte BERTI, Conseiller

Madame Françoise GAUDIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2011..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2011.

Signé par Monsieur Alain BLANC, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [D] [U] a été engagée par la SA TRANSPORTS ROBERT, en qualité de conducteur de cars, selon contrat de travail à durée indéterminée intermittent scolaire , en date du 18 janvier 2001.

Madame [U] a été élue « membre suppléant » de la délégation unique du personnel de la Société TRANSPORTS ROBERT à compter du 28 septembre 2005.

Au motif que son employeur aurait depuis son élection une attitude lourdement fautive à son égard, s'assimilant à du harcèlement moral, Madame [U] saisissait le 15 juin 2007, le Conseil des prud'hommes de MARTIGUES pour voir prononcer la résiliation de son contrat aux torts de son employeur, avec effets d'un licenciement nul à raison de la violation de son statut protecteur.

Par jugement rendu le 13 mars 2009, le Conseil des Prud'hommes de MARTIGUES a prononcé la résiliation du contrat de travail de Madame [U], en date du 19 février 2009, aux torts exclusifs de l'employeur et a condamné la société des TRANSPORTS ROBERT au paiement des sommes suivantes :

. 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture prenant effet de licenciement nul, au regard de l'article L.1235-1 et suivants du Code du travail,

. 500 euros à titre de dommages et intérêts du chef de l'exécution fautive au regard de l'article L.1222-1 du Code du travail,

. 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

et a enjoint à l'employeur de liquider les droits de Madame [U], au 19 avril 2009, fin du préavis, en matière de congés payés, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de violation des droits protecteurs et de remettre à la salariée les documents de rupture régularisés en conséquence sous astreinte.

Ledit jugement étant assorti de l'exécution provisoire en toutes ses dispositions, la salariée a été sortie des effectifs de l'entreprise au 19 avril 2009.

Le 8 avril 2009, la société TRANSPORTS ROBERT a interjeté appel.

Elle demande à la Cour de constater que la relation contractuelle a été exécutée loyalement par la Société des TRANSPORTS ROBERT à l'égard de Madame [U],

de constater que la Société des TRANSPORTS ROBERT n'a commis aucune faute d'une gravité telle de nature à justifier le prononcé d'une résiliation judiciaire du contrat de travail, ni aucun acte de discrimination syndicale à l'égard de Madame [U].

La société des TRANSPORTS ROBERT demande l'infirmation du jugement et de replacer les parties dans la situation où elles se trouvaient au jour du prononcé du jugement entrepris, de condamner Madame [U] à rembourser le montant de l'indemnité conventionnelle soit la somme de 2.186,81 euros, la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive, avec intérêts de droit.

A titre subsidiaire, elle sollicite la réduction à de plus justes proportions du montant des dommage set intérêts alloués et demande en tout état de cause, le rejet de l'appel incident.

Madame [D] [C] épouse [U] demande à la Cour de confirmer le jugement déféré, sauf à porter le montant des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail à la somme de 5.000 euros et à lui allouer une somme de 1.378,48 euros à titre d'indemnité de congés payés acquis et non pris à la date de la rupture, la somme de 2.426,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 242,64 euros d'incidence congés payés, la somme de 2.186,81 euros à titre d'indemnité de licenciement, celle de 364,36 euros à titre de solde de prime de 13ème mois et la somme de 16.327,62 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, outre 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile, en cause d'appel.

Elle demande à la Cour de dire qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes précitées produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice, soit le 15 juin 2007, avec capitalisation et d'enjoindre à l'employeur de lui délivrer les documents sociaux de rupture régularisés, sous astreinte.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil des Prud'hommes et aux écritures déposées oralement reprises ;

MOTIFS

Sur la demande de résiliation judiciaire

Attendu qu'au soutien de sa demande de résiliation, la salariée dénonce un comportement fautif et déloyal de l'employeur lié à son mandat électoral.

Attendu qu'il y a donc lieu d'apprécier si l'inexécution de certaines obligations résultant du contrat synallagmatique présente un caractère de gravité suffisante pour en justifier la résiliation.

Que Madame [U] a invoqué une succession d'incidents majeurs entre septembre 2005 et juin 2007, faisant état d'une accumulation d'entraves de la part de l'employeur à sa mission élective.

Attendu que Madame [U] conteste notamment une sanction disciplinaire en date du 14 novembre 2005 qui lui a été infligée, pour des faits constatés le 26 octobre 2005, peu de temps après son élection.

Que l'employeur lui a reproché d'avoir stationné son car à son domicile après avoir terminé son transport scolaire , sans autorisation de son supérieur hiérarchique.

Que la salariée a reconnu les faits mais a répondu qu'elle disposait d'une autorisation de garer le véhicule professionnel à un emplacement précis, distant de 5 kms de son dernier arrêt et qu'elle ignorait que ladite autorisation était caduque pendant les vacances scolaires.

Qu'en outre, il résulte des courriers échangés entre les parties que l'employeur à partir du 3 novembre 2005 n'a plus autorisé Madame [U] à garder le car entre deux services, l'obligeant ainsi à retourner au dépôt avec son propre véhicule.

Que cependant, l'employeur a reconnu que cet usage continuait avec d'autres chauffeurs de l'entreprise, au cas par cas, de façon individualisée.

Que de même, il est établi par les pièces du dossier que durant les arrêts maladie ou même suite à accident de trajet de Madame [U], l'employeur a souvent diligenté des contre-visites médicales et n'a pas hésité, suite à l'absence de celle-ci lors d'un contrôle, le 23 décembre 2005, à suspendre le complément du salaire, nonobstant le justificatif envoyé par la salariée les 26 décembre 2005 et 26 janvier 2006, de la possibilité de sorties libres dans la journée.

Que la salariée devra intenter une procédure de référé provision et l'employeur ne s'acquittera de ce complément que le 24 juillet 2006, alors que l'ordonnance de référé lui enjoignant de le faire lui avait été notifiée le 11 mai 2006.

Que de même, à l'occasion d'un arrêt de travail pour maladie délivré à Madame [U] du 29 septembre 2006 au samedi 7 octobre 2006 puis prolongé du 9 octobre suivant au 21 octobre 2006, l'employeur, considérant qu'il s'agissait de deux arrêts distincts, lui a retiré 2 jours de carence maladie sur son bulletin de salaire d'octobre 2006.

Que dans la même lignée de comportement, la société des Transports ROBERT, alors que la salariée avait été victime d'un accident de trajet le 1er octobre 2007, lui a appliqué un délai de franchise, en contravention avec les dispositions de la Convention collective.

Que la salariée a réclamé le complément de salaire par lettre du 4 avril 2008 et l'employeur n'a régularisé qu'en mai 2008.

Qu'ainsi que l'a attesté un ancien cadre administratif de la société, Monsieur [W], peu après son propre licenciement certes, la Directrice « ne laissait rien passer » à Madame [U] et aurait tenu lesdits propos à son égard : « Celle-la, il faut que je me la paie et cela servira pour calmer les autres délégués » ce qui correspond au comportement susvisé et dénoncé par Madame [U].

Qu'ainsi, la salariée a également fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de 2 jours le 22 juillet 2007 pour ne pas avoir assuré la totalité de son service, ayant eu un malaise avant la deuxième rotation bien qu' ayant prévenu son supérieur hiérarchique, pour que ledit transport d'une durée d'une heure puisse être assuré par un autre chauffeur.

Que l'employeur l'a cependant considérée en absence injustifiée sur toute la journée en l'absence de certificat médical.

Qu'en juin 2007, alors que la salariée avait sollicité la possibilité de prendre des heures de délégation à la place d'une déléguée titulaire en congés maladie, l'employeur après avoir fait droit à sa demande, est revenu sur son accord en faisant valoir l'absence de document écrit émanant de la titulaire.

Qu'encore, à titre d'exemple, la salariée s'est vue refuser à plusieurs reprises ses demandes de jours de congés ou de récupération sans motif véritable et a vu « ses tournées » modifiées après son élection, sous couvert de l'intérêt de la société et du pouvoir d'organisation de l'employeur.

Qu'en l'espèce, l'employeur de par son comportement déloyal et caractérisant un acharnement certain envers une représentante du personnel, a manqué à ses obligations et a été à l'origine d'une dégradation de l'état de santé de Madame [U], telle que relevée par la Médecine du travail, notamment les 15 juin et 6 juillet 2007, à savoir « stress au travail lié aux relations conflictuelles avec l'employeur » sans toutefois entacher l'aptitude de la salariée à son poste de travail.

Qu'en conséquence, c'est à bon droit que le jugement a fait droit à l'action de la salariée en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Sur les conséquences de la rupture

Que lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation est prononcée aux torts de l'employeur, elle produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur.

Attendu que Madame [U], victime d'une telle rupture, a droit aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L.1235-3 du Code du travail, peu importe l'ancienneté de la salariée et le nombre de salariés occupés habituellement par la société.

Que Madame [U] a droit à un préavis de deux mois, peu importe le fait qu'elle n'était pas en mesure de l'exécuter totalement du fait d'un arrêt maladie, s'agissant d'une sanction attachée au caractère illégal du licenciement et à ce titre, il lui est donc dû la somme de 2.426,40 euros à laquelle il convient d'ajouter les congés payés afférents, soit la somme de 242,64 euros

Que l'employeur sera condamné au paiement desdites sommes en deniers ou quittance, pour tenir compte des versements opérés.

Attendu qu'au titre de l'indemnité de licenciement, l'employeur lui est redevable de la somme de 2.186,81 euros, telle que chiffrée par Madame [U] et qui a d'ailleurs été acquittée par la société appelante.

Que de même, l'employeur a spontanément réglé la prime de treizième mois au prorata, soit 364,36 euros et l'indemnité de congés payés restant dus à la date de la rupture, soit la somme de 1.378,48 euros.

Attendu que compte tenu des préjudices qu elle a subi du fait de la rupture, qui s'analyse comme un licenciement nul, il y a lieu de lui allouer la somme de 15.000 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture illicite, confirmant la décision déférée de ce chef.

Attendu qu'en outre, l'employeur ayant manqué à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, la somme allouée de 500 euros à titre de dommages et intérêts répare suffisamment le préjudice moral subi par Madame [U] et il y a lieu à confirmation sur ce point.

Que la rupture étant nulle en méconnaissance du statut protecteur, la salariée protégée, qui ne demande pas sa réintégration, dont le mandat aurait du expirer en septembre 2009, soit 5 mois plus tard, a droit à une indemnité égale à la rémunération qu'elle aurait perçue jusqu'à cette date, soit la somme de 6.066 euros, au paiement de laquelle sera condamnée l'appelante, avec intérêts de droit à compter du présent arrêt.

Que les sommes allouées à caractère de salaire porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, soit le 15 juin 2007 avec capitalisation des intérêts échus, conformément à l'article 1154 du Code civil.

Attendu que l'employeur a fourni au salarié en exécution du jugement déféré l'attestation destinée au Pôle Emploi et le certificat de travail et cette nouvelle demande sera rejetée.

Qu'il paraît équitable que l'employeur participe à concurrence de 1.000 € aux frais exposés par l'intimée en cause d'appel et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'article 696 du Code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne la Société des Transports ROBERT à payer à Madame [D] [U], en deniers ou quittance, les sommes suivantes :

'2.426,40 bruts euros au titre de l'indemnité de préavis,

'242,64 euros au titre de congés payés sur préavis,

'2.186,81 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

'1.378,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

'364,36 euros à titre de solde de prime de 13ème mois,

'6.066 euros à titre d'indemnité sanctionnant la méconnaissance du statut protecteur,

'1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel.

Dit que les sommes à caractère de salaire porteront intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2007 avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an.

Rejette toute autre demande.

Condamne la société appelante aux entiers dépens.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 09/06796
Date de la décision : 22/09/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°09/06796 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-22;09.06796 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award