COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 06 SEPTEMBRE 2011
N°2011/
GP/MLC
Rôle N° 10/12618
[B] [U]
C/
ASSOCIATION ADSEA 06
Grosse délivrée le :
à :
M. [B] [U]
Me RAYBAUD, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE en date du 05 Mai 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/710.
APPELANT
Monsieur [B] [U], demeurant [Adresse 2]
représenté par M. Gilbert LALLOUETTE (Délégué syndical ouvrier)
régulièrement muni de pouvoirs.
INTIMEE
ASSOCIATION ADSEA 06, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Evelyne RAYBAUD, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2011
Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [B] [U] a été embauché en qualité d'animateur socio-éducatif le 30 juillet 2003 par l'Association ADSEA 06 (Association Départementale pour la Sauvegarde de l'Enfance, de l'Adolescence et des Jeunes Adultes des Alpes-Maritimes).
À compter du 27 mars 2006, il a été affecté sur le secteur de [Localité 4] [Localité 5].
Dans le cadre de sa mission de prévention, l'Association ADSEA 06 utilisait un logiciel intitulé EVA 3, qui permettait le cryptage des données relatives aux personnes assistées.
À partir de janvier 2007 été mise en place la version EVA 4 en réseau intranet.
Un avertissement a été notifié le 22 octobre 2007 au salarié en raison de son refus de saisie sur le logiciel EVA 4 depuis le 11 septembre 2007.
Un autre avertissement lui a été notifié le 21 décembre 2007 pour son absence de saisie, l'employeur lui demandant de se « conformer à (son) obligation de saisie sur le logiciel EVA et de rattraper (son) retard depuis de 11/09/2007 ».
Monsieur [B] [U] a été licencié pour faute grave le 30 janvier 2008 en ces termes, exactement reproduits :
« -depuis le 11 septembre 2007, vous refusez de vous impliquer dans le processus d'évaluation de votre travail éducatif auprès des usagers du service de Prévention Spécialisée, tel que prévu par la loi du 2 janvier 2002 et par nos obligations conventionnelles envers le Conseil Général des Alpes-Maritimes, et plus particulièrement, vous refusez toute saisie sur le logiciel EVA 4.
-Ce refus constitue une insubordination réitérée en dépit des entretiens de concertation ménagés par la direction du service ASP ainsi que des sanctions qui vous ont déjà été infligées conformément au règlement intérieur de l'Association.
-Votre comportement nuit à la bonne marche du service et constitue la mise en péril du service ASP sur le secteur [Localité 4]-[Localité 5]... ».
Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre, Monsieur [B] [U] a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement de départage en date du 5 mai 2010, le Conseil de Prud'hommes de Nice a dit que le licenciement pour faute grave du salarié était fondé, en conséquence, a débouté Monsieur [B] [U] de l'intégralité de ses prétentions et a condamné Monsieur [B] [U] à payer à l'Association ADSEA 06 la somme de 300 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Ayant relevé appel, Monsieur [B] [U] conclut à l'infirmation du jugement aux fins de voir constater l'absence de consultation de la CNIL pour le fichier du logiciel EVA 4, de voir constater que son refus de saisie est consécutif à cette carence, de voir juger que le motif de licenciement établi sur ce refus est abusif, de voir juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, de voir constater que le fait considéré comme fautif était connu de l'employeur depuis septembre 2007 et se trouvait prescrit à la date de la rupture du contrat de travail, de voir juger qu'en l'état de la prescription de la faute reprochée au salarié, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de voir constater qu'il avait déjà été sanctionné deux fois pour le même fait, de voir juger que l'employeur avait en conséquence épuisé son pouvoir disciplinaire, de voir juger qu'en l'état de l'application de la règle non bis in idem, son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, en conséquence, de voir condamner l'Association ADSEA 06 à lui payer :
-4890,71 € nets d'indemnité de licenciement,
-4347,30 € d'indemnité de préavis,
-434,73 € de congés payés sur préavis,
-30 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral,
et à la condamnation de l'Association ADSEA 06 à lui payer 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Monsieur [B] [U], qui ne discute pas la réalité de son refus de saisie sur le logiciel EVA 4, expose que les travaux de saisie informatique n'entrent pas dans ses missions contractuelles et qu'en l'absence de personnel administratif, il a bien voulu effectuer ses rapports d'activité par saisie sur le logiciel EVA 3, qu'il a refusé la saisie de données sur le nouveau logiciel EVA 4 qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration à la CNIL et qui ne garantit pas l'anonymat des jeunes mineurs de même qu'il présente un risque pour la sécurité des éducateurs de rue en lien avec les jeunes si ceux-ci s'aperçoivent du fichage des informations relatives à leur vie privée, que son refus d'exécuter une tâche qui ne lui incombe pas contractuellement et qui, en outre, n'est pas entourée des garanties éthiques et légales ne caractérise pas une faute professionnelle.
Il soutient par ailleurs qu'il a exprimé un seul refus sanctionné par un avertissement du 22 octobre 2007, qu'il n'a pas modifié sa position de refus, que l'employeur ne pouvait considérer qu'il a réitéré son refus permettant de le sanctionner une nouvelle fois et que l'ADSEA 06 a violé le principe « non bis in idem ».
L'Association ADSEA 06 conclut à la confirmation du jugement entrepris aux fins de voir constater que le licenciement du salarié est intervenu pour faute grave dûment prouvée, à savoir son refus réitéré à partir du 11 septembre 2007 de s'impliquer dans le processus d'évaluation de son travail éducatif auprès des usagers du service de prévention spécialisée notamment en refusant toute saisie sur le logiciel EVA 4, de voir dire que ce refus constituait une insubordination réitérée en dépit des entretiens de concertation ménagés par la direction ainsi que des sanctions qui lui avaient été infligées, de voir constater que ce refus a nui par ailleurs à la bonne marche du service et a mis en péril le service ASP sur le secteur de [Localité 4]-[Localité 5], de voir constater que la poursuite de ces faits fautifs par le salarié malgré plusieurs avertissements permettait à l'employeur de sanctionner la réitération de la faute et de caractériser une faute grave, de voir débouter l'appelant de toutes ses demandes, et à la condamnation de Monsieur [B] [U] au paiement de la somme de 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
L'Association ADSEA 06 soutient que le travail administratif fait partie des tâches demandées aux éducateurs spécialisés, lesquels disposent conventionnellement, dans leur temps de travail, d'heures de préparation et de rédaction des rapports et documents administratifs, que le service de l'Action Sociale Préventive (ASP) exécute une mission de prévention spécialisée confiée par le Conseil Général des Alpes-Maritimes et que les actions réalisées font l'objet d'une évaluation annuelle par l'établissement de tableaux, que le refus de saisie de Monsieur [B] [U] compromettait le renouvellement de la Convention passée avec le Conseil Général dans la mesure où les statistiques annuelles étaient faussées, que le refus du salarié a été réitéré et qu'il s'agit de faits fautifs à exécution successive, permanente et répétée à partir du 11 septembre 2007, que le salarié a donc été licencié pour la persistance de son comportement fautif après deux avertissements, que les données saisies sont exactement les mêmes informations qui étaient consignées sur un support papier, que les usagers ont un accès à leur dossier et ont un droit de rectification précisé par affichage et dans le livret d'accueil, que le nom des usagers n'est pas saisi, les éducateurs étant libres de déterminer par secteur le codage le plus approprié, que les informations saisies ne sont pas transmises à des tiers, que les éducateurs restent maîtres de la nature des informations qu'ils jugent utiles de saisir dans le cadre d'un secret partagé, que le tableau élaboré à la main par Monsieur [B] [U] ne répondait pas à la demande de son chef de service et ne permettait pas de remplir la grille destinée à établir le rapport d'activité pour le Conseil Général, que la responsabilité d'une déclaration à la CNIL appartient à l'Association et ne concerne nullement les salariés, que de plus, le fait de rendre les données anonymes rend inutile toute déclaration à la CNIL, et que le refus réitéré du salarié de faire son travail et son insubordination justifient son licenciement pour faute grave.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux conclusions des parties oralement reprises.
SUR CE:
Attendu que les premiers juges ont dit, à tort, que les considérations sur la nécessité ou non d'une nouvelle déclaration du logiciel EVA 4 à la CNIL étaient sans incidence sur le débat
relatif au bien fondé du licenciement et ne concernaient que la responsabilité de l'Association ADSEA 06 et non celle de Monsieur [B] [U] alors que le refus par le salarié de déférer à une exigence de l'employeur impliquant la mise en 'uvre d'un logiciel de traitement de données à caractère personnel dans des conditions non conformes à la réglementation et de se soumettre ainsi à un ordre illicite ne peut constituer un motif réel et sérieux de rupture du contrat de travail ;
Attendu que l'Association ADSEA 06 a effectué une déclaration à la CNIL d'un traitement ayant pour finalité l' « évaluation sociale des actions de prévention » le 1er septembre 2000 alors qu'elle utilisait, pour collecter et traiter les données, le logiciel EVA 3 ;
Attendu qu'à partir de janvier 2007, l'Association ADSEA 06 a utilisé la version EVA 4 ;
Que l'Association expose que le salarié a refusé, à compter du 11 septembre 2007, de saisir toute information sur ce logiciel EVA 4 sans véritable motif explicite ;
Attendu qu'il est produit un courrier de Monsieur [B] [U] adressé le 7 novembre 2007 à son directeur en réponse à l'avertissement en date du 22 octobre 2007 et dans lequel il fait référence à l'éthique et s'interroge sur l'anonymat des listes des personnes bénéficiaires des actions de prévention spécialisée ;
Que le salarié cite par ailleurs son mail envoyé à la direction le 26 septembre 2007 et resté sans réponse, l'entretien préalable du 19 octobre 2007 à la sanction disciplinaire au cours duquel il a fait valoir ses arguments, plusieurs mails adressés à sa direction, sa rencontre avec le Directeur Général et un écrit adressé au CHSCT ;
Attendu que la question relative à l'utilisation du logiciel EVA 4 a également été abordée au sein du Comité d'Établissement, tel que cela ressort des procès-verbaux suivants :
-le procès-verbal de la réunion du Comité d'Établissement en date du 21 février 2007, dont l'ordre du jour mentionne une « 2ème demande d'information sur le logiciel informatique EVA 4 (déclaration CNIL, éthique, modifications des conditions de travail des éducateurs...) ». Au cours de cette réunion, Monsieur [N], directeur du service ASP, répond aux « questions soulevées par les délégués du personnel et l'ensemble des salariés... En ce qui concernait l'anonymat des usagers : celui-ci est dorénavant conservé. La base de données est anonyme et il n'existe plus de patronymes... Le guide (de bonne pratique de l'évaluation dans les services de prévention) circule pour l'instant... Sur l'évaluation, au secteur des [Localité 3], les éducateurs pensent mettre au point un système de codage... »,
-le procès-verbal de la réunion du Comité d'Établissement en date du 26 février 2008, dont l'ordre du jour mentionne les « questions relatives à EVA 4 : conditions de la confidentialité des informations et conséquences sur les conditions de travail des éducateurs de rue ». Suite à une question des membres du Comité d'Établissement, Monsieur [N] précise qu'il n'y a pas eu de déclaration à la CNIL de la version EVA 4, qu'ils sont « restés sur la même déclaration que celle d'EVA 3 dans la mesure où (ils ont) supprimé les patronymes... », affirmant que les informations relatives aux patronymes sont « cryptées ». Sur interrogation d'un membre du Comité d'Établissement : « Est-on bien d'accord que le nom, prénom, sexe et date de naissance sont des champs obligatoires pour que la fiche soit validée ' », Monsieur [N] répond que « le nom est crypté. On a bien dit qu'il n'y a aucun nom qui est porté ». Sur constat d'un membre du Comité d'Établissement qui précise qu'il y a des salariés « qui entrent le nom. (Alors que) le garant de l'application du guide de bonne pratique devrait être la direction, elle se doit de veiller à ce qu'il n'y ait pas de nom », Monsieur [N] réplique qu'il « ne peut être garant que le nom n'ait pas été changé. À partir du moment où le système est crypté ». Alors qu'un membre précise que « sur le secteur de l'Ariane, il y en a qui ont dit qu'ils notaient les noms et cela, la direction est informée, puisque le chef de service était présent lorsque cela a été annoncé », Monsieur [N] indique que « tout bon éducateur est censé mettre les noms, mais si quelqu'un met « DURAND », (M. [N]) ne peut pas savoir si sur le terrain, la famille s'appelle comme cela. Tout éducateur doit entrer un nom codé sur logiciel et ce afin de distinguer les deux individus qui auraient le même prénom, même âge, même demande éducative. Si quelqu'un met un nom, « exemple DURAND », comment le directeur peut savoir si celui-ci est vrai ou codé ' » ;
Attendu qu'il y a lieu d'observer que Monsieur [N], s'il a affirmé que les patronymes étaient cryptés, n'a pas démenti par ailleurs que le prénom, le sexe et la date de naissance devaient être obligatoirement remplis afin de valider la saisie ;
Attendu que l'Association ADSEA 06 soutient qu'elle a entendu les craintes des salariés, qu'il a été trouvé un nouveau mode opératoire permettant d'assurer l'anonymat des informations enregistrées et qu'il a été décidé de ne pas saisir le nom des usagers ;
Qu'elle précise que les éducateurs sont libres de déterminer par secteur le codage le plus approprié pour eux et que certains ont saisi les initiales du nom, d'autres des pseudonymes ;
Qu'elle affirme que le fait de rendre les données anonymes et donc de ne pas faire de traitement automatisé de données à caractère nominatif rend inutile toute déclaration à la CNIL ;
Attendu que Monsieur [B] [U] a produit en première instance les attestations de Madame [D] [K] et de Monsieur [B] [O], qui sont versées en cause d'appel par l'employeur ;
Attendu que Madame [D] [K] précise que « le logiciel d'évaluation EVA 4 pose de réelles difficultés quant à la garantie des principes de (l') éthique professionnelle, notamment l'anonymat et le respect des personnes. En effet, contrairement au logiciel EVA 3, les noms des jeunes ne sont plus cryptés... » ;
Que Monsieur [B] [O] témoigne que « pour (sa) part pour préserver l'anonymat du public, (il a) appliqué la procédure énoncée par la direction qui était de ne saisir que les trois premières lettres du nom de famille... » ;
Attendu que l'Association ADSEA 06 conteste qu'il y ait eu une consigne de la direction pour faire figurer les trois premières lettres du nom de famille mais ne verse aucun élément venant contredire le témoignage de Monsieur [B] [O] ;
Attendu que l'Association ADSEA 06 produit un rapport d'« évaluation des actions de prévention spécialisée avec EVA », dans lequel il est indiqué qu' « en passant de la version 3 à la version 4 : il a été décidé avec l'ensemble du personnel et dans le cadre de la mise en 'uvre d'un « Guide de bonne pratique de l'évaluation » établi en mars 2007, de ne plus faire figurer les patronymes. À partir d'un codage propre à chaque équipe, il est possible néanmoins d'assurer une connaissance de chaque dossier personnalisé... » et le « Guide de bonne pratique de l'évaluation dans les services de prévention » dans lequel il est précisé que « les fiches individuelles figurant sur EVA 4 sont non nominatives. Par un codage interne, les équipes éducatives sont capables de suivre les accompagnements individuels... » ;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble des éléments produits par les parties que, dans la version EVA 4, il était prévu initialement de saisir les noms des usagers ;
Que la direction de l'Association ADSEA 06, suite à la réaction des salariés et des délégués du personnel, a admis la « possibilité de suppression des patronymes... » (compte-rendu de la réunion droit d'expression des salariés du 25/01/2007 produit par l'employeur) ;
Attendu qu'il est donc indiscutable que, lors du passage du logiciel EVA 3 à EVA 4 en janvier 2007, les données à caractère personnel enregistrées par les éducateurs étaient nominatives en sorte que la modification du traitement des données devait être préalablement déclarée à la CNIL ;
Attendu qu'il a ensuite été décidé, après réflexion et établissement d'un « guide de bonne pratique » en mars 2007, de ne plus faire apparaître les patronymes, étant observé cependant qu'il a été indiqué lors de la réunion du Comité d'Établissement du 26 février 2008 que, sur le secteur de l'Ariane, certains membres du personnel continuaient à noter les noms ;
Attendu que la direction de l'Association ADSEA 06 se contente d'affirmer que les patronymes sont « codés » et que les informations saisies sont ainsi anonymes alors qu'elle laisse chaque équipe éducative décider du « codage » ;
Qu'elle ne contrôle pas et ne garantit pas que seules les données « anonymisées » sont saisies ;
Attendu que le « codage » utilisé sur le secteur de [Localité 4]-[Localité 5] (Les [Localité 3]) selon le témoignage de Monsieur [B] [O], éducateur, soit la saisie des trois premières lettres du nom, à laquelle s'ajoute la saisie du prénom, de la date de naissance et de l'adresse
de l'usager, ne garantit aucunement l'anonymat de la personne suivie en prévention spécialisée ;
Que la CNIL a d'ailleurs répondu dans ce sens à Monsieur [B] [U] le 23 mai 2008 : « le prénom, les trois premières lettres du nom, et le cas échéant, l'adresse permettent d'identifier une personne, ces informations ne peuvent être considérées comme anonymes », précisant au surplus que « s'agissant de données à caractère personnel auprès de mineurs, les parents doivent avoir préalablement donné leur consentement » ;
Attendu que l'Association ADSEA 06 ne peut donc arguer de ce « codage » pour justifier qu'elle n'ait pas procédé à la déclaration de la modification du traitement de données à caractère personnel auprès de la CNIL ;
Attendu qu'à défaut de toute déclaration à la CNIL de la modification du logiciel de traitement des données à caractère personnel mis en 'uvre au sein de l'Association ADSEA 06, le refus du salarié de saisir les informations nominatives concernant les mineurs bénéficiant d'actions de prévention ne constitue pas un motif réel et sérieux de licenciement ;
Attendu qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de dire que le licenciement de Monsieur [B] [U] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'il y a lieu d'allouer au salarié 4890,71 € d'indemnité conventionnelle de licenciement et 4347,30 € d'indemnité conventionnelle de préavis, dont le calcul des montants n'est pas discuté, ainsi que la somme de 434,73 € de congés payés sur préavis ;
Attendu que l'appelant ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation personnelle et sur ses ressources ;
Qu'en considération de l'ancienneté du salarié supérieure à deux ans dans l'entreprise occupant habituellement plus de 10 salariés et du montant de son salaire lors du licenciement, la Cour accorde à Monsieur [B] [U] la somme de 13 042 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235 -3 du code du travail ;
Attendu qu'eu égard au congédiement brutal du salarié, qui n'a perçu aucune indemnité de rupture et qui a reçu ses documents de fin de contrat et son solde de tout compte un mois après la rupture, il y a lieu de faire droit à la réclamation du salarié et de lui allouer la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral résultant des circonstances brutales et vexatoires de son licenciement ;
Attendu qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,
Reçoit l'appel en la forme,
Infirme le jugement,
Dit que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne l'Association ADSEA 06 (Association Départementale pour la Sauvegarde de l'Enfance, de l'Adolescence et des Jeunes Adultes des Alpes-Maritimes) à payer à Monsieur [B] [U] :
-4347,30 € d'indemnité de préavis,
-434,73 € de congés payés sur préavis,
-4890,71 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-13 042 € d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant des circonstances brutales et vexatoires ayant entouré le licenciement,
Condamne l'Association ADSEA 06 aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [B] [U] 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT