COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 28 JUILLET 2011
N° 2011/692
M.A. V.
Rôle N° 11/06314
SOCIÉTÉ PALIMEX
ÉTABLISSEMENT ZGOLLI FRÈRES
C/
MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES DOUANES DE [Localité 4]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP TOUBOUL
M. le Directeur Régional des Douanes de [Localité 4]
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 24 Mars 2011 enregistrée au répertoire général sous le N° 12/11/719.
APPELANTES :
SOCIÉTÉ PALIMEX
dont le siège est [Adresse 1]
ÉTABLISSEMENT ZGOLLI FRÈRES,
dont le siège est [Adresse 3] TUNISIE
représentés par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
plaidant par Maître Eve-Marie BOUVIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES DOUANES DE [Localité 4],
dont le siège est [Adresse 2]
représenté par Monsieur [T] [L], dûment mandaté
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 juin 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie-Claire FALCONE, Président
Madame Anne VIDAL, Conseiller
Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2011.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2011,
Signé par Madame Marie-Claire FALCONE, Président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*-*
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Vu l'ordonnance de référé rendue contradictoirement le 24 mars 2011 par le président du tribunal d'instance de Marseille dans l'instance opposant la Société PALIMEX et les Etablissements ZGOLLI FRERES à Monsieur le Directeur Régional des Douanes de Marseille;
Vu la déclaration d'appel déposée par la Société PALIMEX et les Etablissements ZGOLLI FRERES les 6 et 7 avril 2011 ;
Vu les conclusions déposées par la Société PALIMEX et les Etablissements ZGOLLI FRERES le 20 avril 2011 ;
Vu les conclusions déposées par Monsieur le Directeur Régional des Douanes de [Localité 4] le 21 juin 2011 ;
SUR CE :
Sur la genèse du litige
La Société SCAPCB, société de droit tunisien qui a notamment pour objet la conservation de fruits et légumes, a déposé en 2002, sous le n° 023186396, une marque française dénommée « Le Phare du Cap Bon » relative à la mise en conserve de piment rouge dont le signe distinctif est un phare juché sur un promontoire en bord de mer.
Par l'intermédiaire de la Société PROMARK, cabinet de conseil en propriété industrielle, elle a formé une demande d'intervention auprès du service des douanes de [Localité 4], sur le fondement des dispositions de l'article L716-8 de la propriété intellectuelle, contre les conserves de harissa exportées par l'un de ses concurrents, les Etablissements ZGOLLI FRERES.
Le 17 décembre 2010, la Société ZIEGLER, commissionnaire en douane, a déposé pour le compte de la Société PALIMEX, une déclaration relative à des marchandises acquises par celle-ci auprès des Etablissements ZGOLLI FRERES. Les agents des Douanes de [Localité 4] ont alors procédé à un contrôle qui a donné lieu à la découverte de 21 504 boîtes de 760 grammes chacune de sauce harissa, décrites comme « conditionnées dans des emballages ressemblant à ceux utilisés par la marque « Le Phare du Cap Bon » et donc susceptibles de contrefaire celle-ci». Ils ont alors procédé à la mise en retenue de ces marchandises suivant procès-verbal en date du 20 décembre 2010 et en ont immédiatement avisé la propriétaire de la marque.
Le 5 janvier 2011, après réception d'un courrier de la Société PROMARK représentant les intérêts de la marque «Le Phare du Cap Bon» en date du 4 janvier confirmant que les marchandises retenues constituaient des contrefaçons et indiquant qu'elle s'engageait à entreprendre une action en justice, les agents des Douanes ont procédé à la saisie de ces marchandises en application des dispositions de l'article 325 du code des douanes après avoir notifié à la représentante de la Société PALIMEX que ces faits constituaient une importation sans déclaration de marchandises prohibées à titre absolu, prévus et réprimés par les articles 38, 428 et 414 du même code.
Suivant acte en date du 18 février 2011, la Société PALIMEX et les Etablissements ZGOLLI FRERES ont fait assigner Monsieur le Directeur Régional des Douanes de Marseille devant le juge des référés du tribunal d'instance de Marseille, compétent par application des dispositions de l'article 357 bis du code des douanes, en mainlevée de cette saisie.
Par ordonnance en date du 24 mars 2011, le premier juge les a déboutés de leur demande en retenant que la titulaire de la marque avait déposé une plainte auprès de Monsieur le procureur de la République, interruptive du délai de retenue tel que fixé par l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle et qu'en conséquence, les Services des Douanes étaient bien fondés à retenir les marchandises litigieuses.
La Société PALIMEX et les Etablissements ZGOLLI FRERES ont interjeté appel de cette décision dont elles sollicitent en premier lieu l'annulation au motif de l'erreur de droit commise par le premier juge. Après évocation par la cour, elles demandent qu'il soit fait droit à leur demande en mainlevée de la saisie pratiquée en l'état du caractère manifestement illicite de celle-ci.
Elles font valoir que le premier juge a, de son propre chef, fondé sa décision sur les dispositions de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle alors même que les Services des Douanes n'entendait se prévaloir que de celles de l'article 323 paragraphe 2 du code des douanes pour justifier la saisie des marchandises en cause. Sur ce fondement, elles soutiennent que la mesure de saisie est entachée d'une illécéité manifeste dans la mesure où elle a été réalisée en l'absence de toute constatation par les Services des Douanes du caractère contrefaisant de la marchandise, ceux-ci n'ayant fait que reprendre les griefs énoncés par le représentant de la marque déposée, sans caractériser l'existence d'une contrefaçon. Elles ajoutent que le fait que la Société SCAPCB n'ait pas pris à ce jour l'initiative de saisir un juge, que ce soit civil ou répressif, démontre à l'évidence le peu de sérieux de ses allégations quant à la réalité de cette contrefaçon.
Monsieur le Directeur Régional des Douanes de [Localité 4] conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée. Il expose que la saisie douanière constitue une obligation lorsque deux conditions sont réunies, à savoir lorsque le titulaire du droit justifie à la fois de la réalité de celui-ci et de la protection qu'il sollicite et lorsque qu'est établi l'élément matériel de l'infraction. La marchandise retenue devient alors prohibée au sens de l'article 38 du code des douanes et doit être impérativement saisie. En l'espèce, en l'état des éléments apportés par le titulaire du droit, ses services ne pouvaient se dispenser de saisir les marchandises litigieuses.
Sur l'annulation de ordonnance
Devant la cour, les parties sont d'accord pour convenir que le présent débat ne peut s'emplacer sur les dispositions de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle relatif à la procédure de retenue douanière puisqu'à cette mesure, dont on doit considérer qu'elle concernait des denrées non périssables s'agissant de boîtes de conserve, s'est trouvée substituée dans le délai légal, soit le 5 janvier 2011, une décision de saisie des mêmes marchandises.
Les parties n'ayant pas versé aux débats leurs écritures devant le premier juge, il apparaît impossible de rechercher si celui-ci a statué au delà de ce qui lui était demandé par celles-ci.
En conséquence, il ne saurait y avoir lieu à prononcer la nullité de l'ordonnance déférée de ce chef.
Sur le caractère manifestement illicite de la mesure de saisie
Les juridictions civiles n'ont pas qualité pour apprécier la régularité des actes accomplis par l'administration des douanes sauf si ceux-ci sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite ou d'une voie de fait, le juge des référés étant alors compétent pour y mettre fin.
La Société PALIMEX et les Etablissements ZGOLLI FRERES prétendent que la mesure de saisie a été faite en violation des dispositions de l'article 323 paragraphe 2. du code des douanes qui dispose « ceux qui constatent une infraction douanière ont le droit de saisir tous objets passibles de confiscation » dans la mesure où les agents de douanes n'ont procédé à aucune constatation personnelle, ne faisant que reprendre à leur compte les doléances exprimées par le propriétaire de la marque.
L'existence d'un trouble illicite n'est caractérisée qu'en l'état d'une violation manifeste de la loi. En l'espèce, il résulte de la chronologie des faits qu'à la suite de la retenue à laquelle ils avaient procédé dans des conditions qui ne leur sont pas reprochées, les agents du service des douanes ont procédé à une mesure de saisie qui entre dans le cadre de leurs attributions.
Dans le procès-verbal établi le 20 décembre 2010, ils avaient d'ores et déjà constaté que les boîtes de conserve fabriqués par les Etablissements ZGOLLI FRERES étaient «conditionnées dans des emballages ressemblant à ceux utilisés par la marque «Le Phare du Cap Bon» et donc susceptibles de contrefaire celle-ci».
En l'état de ces constatations et eu égard aux pouvoirs qui leur sont dévolus, il apparaît qu'il n'est nullement établi l'existence d'une violation évidente des textes applicables en la matière de nature à caractériser un trouble manifestement illicite résultant de la saisie des marchandises en cause.
En conséquence, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a débouté la Société PALIMEX et les Etablissements ZGOLLI FRERES de leur demande en mainlevée de la mesure de saisie douanière ordonnée suivant procès-verbal du 5 janvier 2011.
La Société PALIMEX et les Etablissements ZGOLLI FRERES qui succombent supporteront les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et en matière de référé,
En la forme,
Reçoit la Société PALIMEX et les Etablissements ZGOLLI FRERES en leur appel,
Au fond,
Confirme l'ordonnance du 24 mars 2011,
Condamne la Société PALIMEX et les Etablissements ZGOLLI FRERES aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT