COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 28 JUILLET 2011
N° 2011/697
M.C. F.
Rôle N° 10/20176
[L] [Y] [J]
[F] [P] [U] épouse [J]
C/
S.C.I. NOVALIS
[A] [Z]
[O] [Z]
[K] [Z]
[H] [Z]
[D] [R] [B] [M] épouse [Z]
[E] [T] [W]
S.A.R.L. MONTANER
Grosse délivrée
le :
à :
SCP SIDER
SCP BLANC
SCP LIBERAS
SCP LATIL
SCP BOTTAÏ
SCP COHEN
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Novembre 2010 enregistrée au répertoire général sous le N° 10/02031.
APPELANTS ET INTIMÉS :
Monsieur [L] [Y] [J]
né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 17],
demeurant [Adresse 10]
Madame [F] [P] [U] épouse [J]
née le [Date naissance 12] 1952 à [Localité 20],
demeurant [Adresse 10]
représentés par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
plaidant par Maître Christophe SANTELLI-ESTRANY, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Maître Aurore SAGET, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉS ET APPELANTS :
S.C.I. NOVALIS,
demeurant [Adresse 10]
représentée par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour,
plaidant par Maître Vincent ROUSSIN, avocat au barreau de GRASSE
Madame [A] [Z]
née le [Date naissance 11] 1974 à [Localité 15],
demeurant [Adresse 14] - SUISSE
Monsieur [O] [Z]
né le [Date naissance 8] 1976 à [Localité 15],
demeurant [Adresse 14] - SUISSE
Mademoiselle [K] [Z]
née le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 18],
demeurant [Adresse 14] - SUISSE
Mademoiselle [H] [Z]
née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 16],
demeurant [Adresse 14] - SUISSE
représentés par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par la SCP STIFANI FENOUD, avocats au barreau de GRASSE, substituée par Maître Letterio SETTINERI, avocat au barreau de GRASSE
Madame [D] [R] [B] [M] épouse [Z]
née le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 19],
demeurant [Adresse 14] - SUISSE
représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour,
ayant pour avocat Maître Claude TREFFS, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE PROVENCE
INTIMÉS :
Maître [E] [T] [W],
ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. VS et Monsieur [N] [Z]
né le [Date naissance 9] 1948 à [Localité 17],
domicilié en cette qualité [Adresse 13]
représenté par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avoués à la Cour,
plaidant par Maître Pascal KLEIN, avocat au barreau de NICE, substitué par Maître Vivian THOMAS, avocat au barreau de NICE
S.A.R.L. MONTANER,
dont le siège est [Adresse 7]
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Maître Patrick DEUDON, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Juin 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-Claire FALCONE, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie-Claire FALCONE, Président
Madame Anne VIDAL, Conseiller
Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juillet 2011.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juillet 2011,
Signé par Madame Marie-Claire FALCONE, Président, et Madame Marie-Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*-*
EXPOSÉ SUCCINCT DU LITIGE :
M [L] [J] et Mme [F] [J], les consorts [Z] sont appelants d'une ordonnance de référé, réputée contradictoire, rendue le 8 novembre 2010 par le tribunal de grande instance de Grasse qui a dit que les travaux exécutés par la société Montaner pour le compte des consorts [Z], ayant pour mandataire apparent M [L] [J], empêchant la sci Novalis d'accéder à la parcelle dont elle est propriétaire (CL[Cadastre 6]) située à [Adresse 10], ayant entrainé l'arrachage de canalisations, câbles, réseaux, constituent une voie de fait, à l'origine d'un trouble manifestement illicite auquel il doit être mis fin par la remise en état des lieux à peine d'astreinte.
Le premier juge a condamné M [L] [J] et les consorts [Z] à payer à la société Novalis 10 000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice et a dit n'y avoir lieu à référé à l'égard de Mme [J] [F], de Me [W] ès qualités de liquidateur de la société VS et de la société Montaner.
M et Mme [Z] [N] et leurs quatre enfants sont propriétaires de la parcelle CL[Cadastre 5] sur laquelle se trouve un immeuble « [Adresse 21] », propriété voisine de celle de la société Novalis qui a entrepris la construction d'un ensemble immobilier.
Pour accéder à sa propriété, la société Novalis utilise un chemin situé sur la propriété des consorts [Z], sous lequel ont été implantés des réseaux destinés à alimenter l'immeuble notamment en eau et électricité .
Ce sont ces ouvrages et la servitude de passage qui sont remis en cause par les appelants ; d'une part le passage a été obstrué par l'édification d'un mur, d'autre part les canalisations existantes ont été détruites, ces travaux ayant été réalisés par la société Montaner.
M [Z] [N] est en liquidation judiciaire ; Me [W], mandataire judiciaire, a été désigné en qualité de liquidateur de ce dernier et de la société dont il était le gérant, la société VS.
Les consorts [Z] ne résident pas dans la [Adresse 21] qui est louée par appartement, notamment à M et Mme [J].
Dans leurs dernières conclusions du 17 juin 2011, les consorts [Z] [A], [O], [K] et [H] concluent à la nullité de l'assignation à eux délivrée et en conséquence à l'annulation de l'ordonnance.
Subsidiairement ils contestent être à l'origine d'un trouble manifestement illicite dés lors que l'existence de la servitude de passage dont se prévaut la société Novalis est discutable dans son principe , son assiette et son étendue ; ils concluent en conséquence à l'infirmation de la décision ; ils demandent qu'il soit fait interdiction à la société Novalis d'emprunter leur parcelle pour accéder à sa propriété, à peine d'astreinte.
Mme [M] [B] épouse [Z] conclut le 17 juin 2011 à la nullité de l'assignation et de l'ordonnance entreprise.
M et Mme [J] concluent le 17 juin 2011 ; ils demandent la confirmation de la décision en ce qu'elle a mis hors de cause Mme [J].
Pour le surplus ils concluent au rejet des demandes de la société Novalis et à l'infirmation de la décision, contestant dans les mêmes termes que les consorts [Z] l'existence d'une servitude, de passage et de tréfonds, au profit de l'intimée.
Me [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société VS et de M [Z] [N] conclut le 18 avril 2011. Il demande à la cour d'appel de constater que l'existence d'une servitude de passage au bénéfice de la société Novalis grevant le fonds [Z] n'est pas démontrée ; il s'en rapporte à justice sur les demandes des parties.
La société Montaner conclut le 16 juin 2011 à la confirmation de la décision et au rejet des demandes de la société Novalis ; elle demande la condamnation de cette dernière à lui payer 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La société Novalis conclut le 18 mai 2011 à la régularité de l'assignation délivrée aux consorts [Z] .
Elle demande la confirmation de la décision en ce qu'elle a constaté l'existence d'une voie de fait ; elle demande à la cour d'appel d'augmenter la peine d'astreinte fixée par le premier juge, la décision n'ayant pas été exécutée, de dire que les travaux de remise en état seront exécutés sous le contrôle de son architecte.
Elle demande la condamnation, in solidum, de M et Mme [J] , des consorts [Z] et de la société Montaner à lui payer une provision de 300 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
-sur la régularité de l'assignation :
La société Novalis a présenté une requête pour être autorisée à assigner les défendeurs d'heure à heure.
Par ordonnance du 26 octobre 2010 il a été fait droit à la demande, l'affaire a été fixée au 3 novembre suivant , l'assignation devant être délivrée au plus tard le 29 octobre à 12heures.
Cette exigence a été respectée.
Les assignations concernant Mme [M] épouse [Z] et ses enfants qui demeurent en Suisse ont été délivrées d'une part [Adresse 10], d'autre part au cabinet d'un avocat.
Ces actes qui sont irréguliers doivent être annulés .
En effet il n'est pas contesté que les consorts [Z] demeurent en Suisse et nullement en France [Adresse 21].
Les actes litigieux ne mentionnent pas en quoi l'assignation n'a pu être remise à la personne de leur destinataire en application de l'article 654 alinéa 1 du code de procédure civile, alors que les délais de distance ne sont pas applicables en référé en application de l'article 643 .
Or une assignation est nulle si l'acte ne contient comme en l'espèce aucune des raisons concrètes et précises qui auraient empêché la signification à personne ni les diligences entreprises à cette fin.
Lorsque la signification à personne s'avère impossible elle peut être faite à domicile ou à défaut à résidence.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
En l'espèce les actes ont été remis à M [G] , gardien de l'immeuble qui les acceptés.
Mais une telle signification n'est valable que si il s'agit bien du domicile ou de la résidence du destinataire ; or en l'espèce il n'est ni établi ni même soutenu que les consorts [Z] ont leur domicile ou leur résidence [Adresse 21] ; d'ailleurs l'huissier de justice n'a porté aucune mention dans les actes relatant les vérifications par lui opérées pour s' assurer de l'adresse des destinataires.
L'assignation en référé en outre a été signifiée au cabinet d'un avocat ; l'acte a été accepté par la secrétaire du cabinet.
Aux termes de l'article 689 alinéa 3 , la notification est aussi valablement faite au domicile élu lorsque la loi l'admet ou l'impose.
En l'espèce il n'y a pas eu élection de domicile des consorts [Z] au cabinet de l'avocat où l'acte a été délivré. Si cet avocat est celui qui les représente en cause d'appel, le choix d'un avocat ne fait pas présumer l'élection de domicile en son cabinet de sorte que la signification des assignations délivrée dans ces conditions est irrégulière , peu important que leurs copies aient été acceptées.
Les consorts [Z] n'ayant pas comparu devant le premier juge et la preuve de ce que les assignations leur ont été remises n'étant pas rapportée, l'irrégularité des assignations leur a causé un grief certain puisqu'ils n'ont pu faire valoir leurs moyens en défense.
Il convient en conséquence d'ordonner la nullité des assignations délivrées à Mme [M] épouse [Z], et à ses quatre enfants, [A], [O], [K] et [H] [Z].
La nullité de ces actes entraîne celle de l'ordonnance pour ce qui les concerne.
-sur les demandes formées contre M et Mme [J] et la société Montaner :
Les demandes formées par la société Novalis contre M et Mme [J] ne peuvent pas être accueillies en ce qu'elles se heurtent à une contestation sérieuse.
M et Mme [J], locataires des consorts [Z], affirment en effet avoir agi pour le compte de leur bailleur ; s'ils ne justifient pas d'un mandat de l'ensemble de l'indivision, ils versent aux débats une lettre de M [Z] [N] du 1er juillet 2010 l'autorisant à interdire tout accès si l'un d'eux (Sociétés SLC ou Novalis) se présente, ainsi qu'une lettre du 7 08 2010 de Mme [A] [Z] donnant à M [J] tout pouvoir afin d'interdire toute personne non munie d'un titre officiel signé (par elle) de pénétrer à l'intérieur de sa propriété (...).
Si M [J] a revendiqué les faits litigieux comme l'a rapporté l'huissier de justice dans un procès verbal de constat du 22 octobre 2010, il a déclaré à ce dernier qu'il représentait les consorts [Z] , propriétaires de la parcelle CL[Cadastre 5].
Et si selon procès verbal de constat du 7 septembre 2010 un ouvrier de la société Montaner a déclaré M [J] nous a demandé de faire ces travaux pour la pose de jardinières, le devis versé aux débats, signé par lui, porte la mention manuscrite pour la famille [Z] . Etabli pour un montant de 57 091€, il n'aurait pas été réglé à ce jour à la société Montaner par M [J] comme la société Novalis l'affirme dans ses écritures.
En l'état de ces éléments , et en l'absence dans la procédure des propriétaires de la parcelle CL[Cadastre 5], la question de la réalité et de la portée du mandat donné par les consorts [Z] à M et Mme [J] qui suppose une interprétation des actes et de l'intention des parties ne peut être tranchée en référé et la responsabilité personnelle de M et Mme [J] dans la commission de la voie de fait alléguée se heurte à une contestation sérieuse qui relève des pouvoirs du seul juge du fond.
En outre la demande de la société Novalis qui tend à la remise en état des lieux constitue une difficulté sérieuse supplémentaire alors que M et Mme [J] en leur qualité de locataires, ne sont titulaires d'aucun droit sur la propriété [Z] pour faire exécuter des travaux.
En conséquence la décision est infirmée en ce qu'elle a condamné M [J] à remettre les lieux en leur état d'origine et l'a condamné au paiement d'une provision à valoir sur le préjudice subi par la société Novalis.
Elle est confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé à l'encontre de Mme [J] et de Me [W] ès-qualités de la société VS mais aussi de la société Montaner ; en effet l'obligation de cette dernière est sérieusement contestable en ce qu'elle a établi un devis de remise en état des parties communes extérieures de la [Adresse 21] et qu'elle a pu ne pas mesurer les conséquences des travaux par elle entrepris.
L'action engagée contre cette dernière ne revêt toutefois pas un caractère abusif et ne peut justifier l'octroi de dommages et intérêts.
L'équité commande que les parties conservent à leur charge les sommes par elles exposées non comprises dans les dépens.
Les dépens sont à la charge de la société Novalis.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé, et en dernier ressort :
Recevant l'appel,
Déclares nulles les assignations délivrées à Mme [M] épouse [Z], à Mmes [Z] [A], [K] et [H], M [Z] [O],
En conséquence annule la décision en ce qu'elle a prononcé une condamnation à leur encontre,
Infirme la décision en ce qu'elle a condamné M [J] à remettre en état les lieux et au paiement d'une provision,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute la société Novalis de ses demandes contre M [J],
Confirme la décision en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé à l'encontre de Mme [J], de Me [W] ès-qualités et de la société Montaner,
Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts et à application de l'article 700 du Code de procédure civile ,
Condamne la société Novalis aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT