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28/07/2011 | FRANCE | N°09/10888

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 28 juillet 2011, 09/10888


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 28 JUILLET 2011



N° 2011/

JMC/FP-D











Rôle N° 09/10888





[S] [P]





C/



SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE













































Grosse délivrée le



à :



Me Robin EVRARD, avocat au barreau d

e NICE



Me Jan-Jack SEBAG, avocat au barreau de PARIS





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE en date du 13 Mai 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/1777.







APPELANT



Monsieur [S] [P], demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Robin EVRARD, avocat au ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 28 JUILLET 2011

N° 2011/

JMC/FP-D

Rôle N° 09/10888

[S] [P]

C/

SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE

Grosse délivrée le

à :

Me Robin EVRARD, avocat au barreau de NICE

Me Jan-Jack SEBAG, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE en date du 13 Mai 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/1777.

APPELANT

Monsieur [S] [P], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Robin EVRARD, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jan-Jack SEBAG, avocat au barreau de PARIS

[Adresse 3]

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Monsieur Philippe MARCOVICI, Vice-Président placé

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2011 prorogé au 28 juin 2011 puis au 28 juillet 2011 .

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2011.

Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[S] [P] a été embauché le 1er juin 2004 par la Société CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE en qualité de Croupier 1re catégorie, coefficient 140, niveau 3, échelon JEUX.

La convention collective applicable est celle des Casinos.

Son salaire mensuel brut pour 151,67 heures de travail initialement de 2 063,30€ a été porté à 2 200€ à compter du 1er juin 2007.

Comparant sa situation salariale à celle de [F] [C], embauchée depuis le 17 juin 2005, qui, bien que se trouvant dans la même situation que lui, percevait une rémunération notablement plus élevée, il a, le 12 décembre 2007, ayant quitté l'entreprise le 1er septembre 2007, saisi le conseil de prud'hommes de NICE d'une demande tendant à la condamnation de son employeur, d'une part, au paiement d'un arriéré de salaire.

Les parties n'ayant pu se concilier et les conseillers prud'homaux se départager sur les demandes, auxquelles la SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE s'est opposée, le conseil de prud'hommes précité, par un jugement de départage rendu le 13 mai 2009, a débouté [S] [P] de l'intégralité de ses prétentions, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, condamné [S] [P] aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 9 juin 2009, reçue au greffe de cette cour le 10 juin suivant, [S] [P], auquel ce jugement a été notifié le 3 juin 2009, en a relevé appel.

Aux termes de ses conclusions, déposées et reprises oralement à l'audience par son conseil, il fait essentiellement valoir que, au regard du principe consacré « A travail égal, salaire égal » en application duquel l'employeur est tenu d'assurer l'égalité des rémunérations entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique, la situation en faveur de [F] [C] ne se justifie pas, l'emploi occupé, le coefficient, le niveau, l'échelon et le nombre d'heures effectuées étant exactement identiques, l'employeur, sur lequel pèse la charge de cette preuve, ne rapportant pas la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence, les arguments tirés de ce que [F] [C], classé 1ière catégorie A, aurait bénéficié d'un coefficient supérieur et aurait une formation de croupier de roulette française étant inopérants, tous deux bénéficiant de la même catégorie et qu'il n'est pas justifié par l'employeur qu'ils aient eu des tâches différentes.

Par suite il demande à la cour de :

Vu l'article 23 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948,

Vu les articles L 3221-2, L1152-1 et 4 du Code du Travail,

Vu l'article 1315 du Code Civil,

Vu la jurisprudence,

La recevoir en son appel et l'en déclarer bien fondé ;

Réformer le Jugement entrepris;

Condamner la Société CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE à lui payer la somme de 13544,10€ à titre de dommages-intérêts, sur le fondement du principe « A travail égal, salaire égal », au titre de la période allant du 1er juin 2005 au 31 août 2007 ;

Condamner la Société CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE à lui verser la somme de 1 500,00€ au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par ses écritures, déposées et reprises oralement à l'audience par son conseil, la SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE fait essentiellement valoir que l'inégalité de traitement prohibée sur le fondement du principe « à travail égal salaire égal » doit s'entendre de la situation négative injustifiée faite à un salarié par rapport à ses collègues dans les conditions de sa rémunération et que, en l'espèce de différence de salaire existant en faveur d'un seul salarié, M. [C] résulte d'éléments objectifs qui ont justifiés son sort avantageux, celui-ci, entré dans l'entreprise le 17 juin 2005 et démissionnaire le 10 août 2007, bénéficiant d'une rémunération supérieure parce qu'il pouvait exercer sa fonction de croupier à la table de roulette française en raison de son expérience professionnelle depuis novembre 1995, dans un autre casino de [Localité 4] en qualité de croupier Roulette Française, ce qui n'était pas le cas de [S] [P], cette pratique exigeant des compétences supérieures à celles nécessaires aux autres tables de jeu, la raréfaction des tables de roulettes françaises dans les casinos du monde entier lui ayant imposé des recherches particulières pour compléter son effectif obligatoire à la date de son ouverture ce qui a mis M. [C] en situation d'imposer à son employeur une rémunération plus élevée, ces raisons techniques et professionnelles, objectives et vérifiables étant pleinement de nature à justifier la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

En conséquence la SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE demande à la cour de :

Confirmer le jugement dont appel ;

Débouter [S] [P] de ses demandes ;

La condamner à lui payer la somme de 500€ au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.

SUR CE :

Attendu que l'appel, interjeté dans les formes et le délai de la loi, est recevable ;

Attendu que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ; Que ne méconnaît pas le principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspire les articles L 2261-22 (anciennement L. 133-5 4°), L 2271-1 8° (anciennement L. 136-2 8°) et L. 3221-2 (anciennement L 140-2 alinéa 1) du Code du travail, l'employeur qui justifie par des raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; Qu'il appartient à l'employeur de démontrer que les différences de rémunération reposent sur des considérations objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ;

Attendu que, en l'occurrence, l'examen comparatif des contrats de travail de [S] [P] et de [F] [C], embauchés le premier, le 1er juin 2004 et, le second, le 17 juin 2005, fait ressortir que tous deux ont été embauchés en qualité de Croupier Jeux Traditionnels 1ière catégorie C, emploi répertorié dans la convention collective applicable dans la filière des jeux traditionnels, statut employés niveau 3, indice 140 pour le même nombre d'heures de travail (151,67) par mois ; Qu'il est constant que [S] [P] percevait un salaire mensuel brut pour 151,67 heures de travail de 2 063,30€ puis, à compter du 1er juin 2007, de 2 200€ alors que pour le même nombre d'heures de travail, [F] [C] percevait un salaire mensuel brut de 2 600€, la cour observant que si les bulletins de salaire portent, en ce qui concerne celui-ci, la mention « croupier 1ière catégorie A » le contrat de travail porte la mention « croupier 1ière catégorie C » ; Que, en dehors de l'attestation de [I] [N], directeur des jeux au casino du Palais de la méditerranée, qui certifie que [S] [P] n'a jamais été croupier de roulette française et selon lequel, d'une part, ce jeu demande un apprentissage d'au moins six mois et une pratique de 3 ans pour considérer comme employé de roulette française au moins et, d'autre part, [F] [C] a été embauché avec une pratique de 7 années de roulette française dans un casino proche du palais de la méditerranée, qui ne peut servir de justificatif des allégations de l'employeur en considération des responsabilités que l'intéressé exerce dans la société, dont il ne résulte pas au reste que [F] [C] était exclusivement ou essentiellement affecté auxdites roulettes, l'attestation d'[K] [U], qui exerçait les fonctions de chef de parties au même casino expliquant qu'il n'y avait aucune différence entre les différents croupiers et que leur affectation aux tables de jeu tenait compte de l'affluence, du type des jeux pratiqués les jours précédents pour assurer la rotation du personnel, force est de constater que la SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE ne produit pas le moindre document permettant à la cour, laquelle ne saurait se satisfaire de ses seules assertions, de vérifier concrètement, d'une part, que [F] [C] a été recruté, en raison de sa grande expérience, pour se consacrer à la tâche spécifique qu'elle décrit, sans fournir aucun justificatif extérieur à elle-même, comme ne pouvant être exercée par un croupier qui ne le serait pas, ce qui apparaît au demeurant comme inconciliable avec ses autres assertions puisqu'elle indique, de façon contradictoire, en premier lieu, que la roulette française nécessite la présence de trois croupiers et d'un chef de table expérimentés et, en second lieu, que [F] [C] est le seul croupier à avoir une rémunération du niveau indiqué et, d'autre part, que, en raison de cette spécificité et de la raréfaction du personnel compétent dans cette spécialité, elle se serait effectivement trouvé dans l'obligation, confrontée à nécessité de compléter son effectif obligatoire à la date de son ouverture, l'autorisation d'ouverture étant d'ailleurs postérieure de plus de deux ans au recrutement de [F] [C] puisque la seule autorisation produite, concernant notamment les DEUX tables de roulette française, est du 7 août 2007, de satisfaire aux exigences salariales de [F] [C] et ce faisant, de fixer le salaire mensuel brut de celle-ci à la somme de 2 600€ alors que celui de [S] [P] s'élevait à la même époque à 2 063,20€ et, de dernière part, il existait ne serait-ce qu'au niveau local, une pénurie ou une quelconque tension sur la main d''uvre de ce secteur d'activité, la mettant à la merci des exigences du salarié ; Qu'il apparaît donc, la différence de salaire n'étant pas objectivement justifiée, que c'est à tort que la demande de [S] [P] tendant au rétablissement de l'égalité entre son salaire et celui de [F] [C] été rejetée ;

Que pour la période concernée, qui va du 1er juin 2005 au 31 août 2007, sa démission ayant pris effet au 1er septembre 2007, [S] [P] est en droit de prétendre, non pas à des dommages-intérêts mais à des rappels de salaires selon le détail suivant :

-du 1er juin 2005 au 31mai 2007 : (2 600€ - 2063,20€) x 23 mois : 12 346,40€ bruts ;

-du 1er juin 2007 au 31 août 2007 : (2600,00€ - 2 200,00€) x 3 mois : 1 200,00€ bruts ;

soit au total à la somme en brut de 13 544,10€qu'il sollicite ; Que par suite il a lieu, par réformation du jugement, de condamner la SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE au paiement de cette somme ; 

Que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant ;

Que la SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE qui succombe principalement sera condamnée aux entiers dépens ; Que par suite de cette succombance elle ne peut prétendre au bénéfice de ces dernières dispositions.

PAR CES MOTIFS :

Déclare l'appel recevable.

Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE à payer à [S] [P], à titre de rappels de salaires, en brut, au titre de la période allant du 1er juin 2005 au 31 août 2007 la somme de 13 544,10€.

Condamne la SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE à payer à [S] [P], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000€.

Condamne la SA CASINO DU PALAIS DE LA MEDITERRANEE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Déboute les parties de leurs demandes, fins et conclusions autres, plus amples ou contraires.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 09/10888
Date de la décision : 28/07/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°09/10888 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-07-28;09.10888 ?
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