COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 14 JUIN 2011
G.L.
N° 2011/
Rôle N° 10/12667
[T] [V]
C/
SCI MARKAT
Grosse délivrée
le :
à :la SCP COHEN-GUEDJ
la SCP JOURDAN - WATTECAMPS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 27 Mai 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 07/5841.
APPELANT
Maître [T] [V], demeurant - [Adresse 1]
représenté par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,
assisté par Me Jean-Michel GARRY, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Christelle OUILLON, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SCI MARKAT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 2]
représentée par la SCP JOURDAN - WATTECAMPS, avoués à la Cour,
assistée par Me Marc ERHARD, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Mai 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.VEYRE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Gérard LAMBREY, Président
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller
Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2011,
Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu le 27 mai 2010 par le Tribunal de Grande Instance de TOULON entre la SCI MARKAT et [T] [V],
Vu l'appel interjeté le 5 juillet 2010 par [T] [V],
Vu les conclusions déposées par l'appelant le 4 novembre 2010,
Vu les conclusions déposées le 26 avril 2011 par l'intimé contenant appel incident,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 mai 2011,
SUR CE
1. Attendu que la SCI LE LEZARD, composée de [Y] [L], gérant et de ses quatre enfants dont [O] [L], [P] [L] et [G] [L], a accepté de vendre à la SCI MARKAT une parcelle constructible de 3422 m² située à [Localité 6] cadastrée [Cadastre 3] au prix de 27.2121 euros suivant compromis de vente du 14 novembre 2003 ;
Attendu que les exigences personnelles du gérant de la SCI LE LEZARD, âgé de 77 ans, habitant sur une propriété contiguë (une seule construction, pas de chien, piscine à l'opposé, etc...) et le caractère d'enclavement total du terrain rendaient l'opération particulièrement délicate, de sorte que la SCI MARKAT, a demandé à Maître [D], son notaire, d'analyser le projet de compromis et d'y apporter toutes précisions nécessaires ;
Attendu qu'en ce qui concerne la desserte du terrain, l'acte comportait une clause ACCES DE L'IMMEUBLE VENDU ainsi rédigée (p.3) ;
L'accès de l'immeuble vendu s'exercera par un chemin appartenant à Monsieur et Madame [L] [Y], usufruitier et Messieurs [L] [O], [L] [P] et [L] [G], nu-propriétaires, constitué de deux parcelles cadastrées section [Cadastre 4], au lieudit [Localité 7] pour 46centiares et [Cadastre 8], au lieudit [Localité 7] pour 2ares 14centiares, au moyen d'une servitude qui sera consentie par les sus-nommés, à l'ACQUEREUR, aux termes de l'acte authentique réitérant les présentes.
De plus les consorts [L] s'engagent à vendre à l'ACQUEREUR la moitié indivise de la parcelle [Cadastre 5] à usage de chemin, sous condition expresse de l'accord de Monsieur [R], l'autre acquéreur indivis.
Attendu que l'acte reprenait en page 9 l'ensemble des conditions suspensives de la manière suivante :
CONDITIONS SUSPENSIVES GÉNÉRALES
Comme conditions déterminantes des présentes, sans lesquelles l'ACQUEREUR n'aurait pas contracté, les présentes sont soumises aux conditions suspensives suivantes;
Cession par les consorts [L] au profit de L'ACQUEREUR de la moitié indivis de la parcelle [Cadastre 5] sous réserve de l'accord de Monsieur [R] l'autre acquéreur de la moitié indivise.
2. Attendu que sommé par Maître [D] de réitérer la vente le 28 juin 2004, le gérant de la SCI LE LEZARD a refusé de signer l'acte au motif qu'il 'n'avait pas obtenu l'autorisation de l'assemblée générale (étant rappelé qu'elle était constituée des 3 nu-propriétaires des parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 5]) ;
Attendu que dès le 16 septembre 2004, la SCI MARKAT recevait confirmation par un courrier de Monsieur [R], gérant de la SCI L'ARBOUSIER, que 'suite à notre dernière conversation concernant l'engagement irrévocable pris vis à vis de la SCI L'ARBOUSIER de céder la parcelle [Cadastre 5], (il) ne pouvait pas en aucun cas s'engager à signer un tel acte' ;
3. Attendu que la SCI MARKAT ayant assigné le 30 juin 2004 la SCI LE LEZARD en vente forcée, l'arrêt confirmatif du 15 septembre 2005 a constaté la validité puis la caducité du compromis de vente aux motifs suivants :
[Y] [L], cosignataire avec son épouse de cet acte, lequel précise par ailleurs que la SCI LE LEZARD est 'représentée' par ceux-ci, 'agissant en leur qualité d'associés au nom et pour le compte de ladite société' ne saurait donc sérieusement soutenir qu'il n'a pas valablement engagé la SCI ;
Aucune disposition de l'acte du 14 novembre 2003 ne subordonnait la réalisation de la vente à la ratification de l'assemblée générale de la SCI LE LEZARD, en sorte que cette dernière ne peut être admise à opposer aux prétentions de la SCI MARKAT les restrictions apportées à l'habilitation du gérant en vue de la réitération de la vente décidées par l'assemblée générale extraordinaire de ses associés réunie le 26 juin 2004 ;
En sa page 3, rubrique 'Accès à l'immeuble vendu', l'acte précise 'L'accès à l'immeuble vendu s'exercera par un chemin appartenant à Monsieur et à Madame [L] [Y], usufruitier et Messieurs [L] [O], [L] [P] et [L] [G], nu-propriétaires, constitué par deux parcelles cadastrées section [Cadastre 4], lieudit [Localité 7] .... et [Cadastre 8] ...., au moyen d'une servitude qui sera consentie par les susnommés, à l'ACQUEREUR, aux termes de l'acte authentique réitérant les présentes' ;
Cette condition déterminante du consentement des parties à l'acte et sans laquelle elles n'auraient pas contracté dès lors qu'il est constant que le terrain objet de la promesse de vente est totalement enclavé et que son accès ne peut résulter que de la constitution de la servitude susvisée, implique nécessairement l'accord exprès de [O], [P] et [G] [L], nus-propriétaires desdites parcelles, tiers à l'acte du 14 novembre 2003, étant retenu qu'il ne résulte d'aucune énonciation de cette convention que la SCI LE LEZARD, dont la personnalité diffère nécessairement de celles des consorts [L], ait expressément promis à la SCI MARKAT de lui procurer le consentement des nus-propriétaires à la constitution de cette servitude, observation étant au surplus faite qu'il n'existe pas d'indivision quant à la propriété des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 8] entre les époux [Y] [L], usufruitiers, et leurs trois enfants, nus-propriétaires qui sont titulaires de droits différents et indépendants l'un de l'autre;
4. Attendu dans ces conditions, c'est à juste titre que par des motifs que la Cour adopte expressément le premier juge a écarté le manquement de Maître [V] à son devoir d'efficacité juridique du compromis de vente quant à la qualité et à la capacité des parties ainsi que sur la nature juridique dudit compromis ;
Attendu que pour retenir sa responsabilité en ce qui concerne l'accès au terrain vendu, le premier juge a considéré que si Maître [V] avait pris la précaution d'obtenir le consentement des personnes susvisées, en l'absence, le compromis n'aurait pas été rédigé et l'ensemble du litige n'aurait pas existé sans avoir à réaliser des conditions suspensives aussi importantes que l'obtention d'un permis modificatif ou à s'interroger sur la rédaction et la compréhension qu'en avaient les parties ;
Attendu qu'en appel, la SCI MARKAT reprend son raisonnement, invalidité par l'arrêt du 15 septembre 2005, soutenant que le notaire n'a pas prévu dans l'acte le consentement des cinq membres de la famille [L] et celui de Monsieur [R] comme une condition suspensive quant à l'accès au terrain vendu et que cette faute, ayant entraîné la caducité du compromis, a causé un préjudice puisqu'elle a empêché la réalisation de la vente ;
5. Attendu que c'est à bon droit que Maître [V] fait valoir que l'instauration de conditions suspensives dans l'intérêt des deux parties ne saurait constituer une faute dès lors qu'elles n'apparaissaient pas totalement irréalisables au moment de l'élaboration du compromis de vente au su de l'officier ministériel, lequel n'avait pas à informer la SCI MARKAT d'un événement qui était parfaitement à sa connaissance personnelle, savoir l'accord de Monsieur [R] de vendre la parcelle [Cadastre 5] constituant l'assiette du chemin d'accès ;
Attendu que par conséquent que le jugement sera réformé et la SCI MARKAT déboutée de toutes ses prétentions ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Déboute la SCI MARKAT de l'ensemble de ses demandes,
La condamne à payer à [T] [V] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
La condamne aux dépens,
Admet la SCP COHEN avoué au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,