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09/06/2011 | FRANCE | N°10/16642

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre c, 09 juin 2011, 10/16642


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE



1ère Chambre C



ARRÊT

DU 09 JUIN 2011



N° 2011/541

A. V.













Rôle N° 10/16642







S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE



C/



SYNDICAT DÉPARTEMENTAL CFDT DES SERVICES DES [Localité 3]



UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFDT DES [Localité 3]







Grosse délivrée

le :

à :







SCP LATIL



SCP BLANC
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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 18 Août 2010 enregistré au répertoire général sous le N° 10/00682.







APPELANTE :



S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE,

dont le siège...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1ère Chambre C

ARRÊT

DU 09 JUIN 2011

N° 2011/541

A. V.

Rôle N° 10/16642

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE

C/

SYNDICAT DÉPARTEMENTAL CFDT DES SERVICES DES [Localité 3]

UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFDT DES [Localité 3]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP LATIL

SCP BLANC

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 18 Août 2010 enregistré au répertoire général sous le N° 10/00682.

APPELANTE :

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE,

dont le siège est [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à la Cour,

plaidant par Maître Jacques BISTAGNE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉS :

SYNDICAT DÉPARTEMENTAL CFDT DES SERVICES DES [Localité 3],

dont le siège est [Adresse 2]

UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFDT DES [Localité 3],

dont le siège est [Adresse 2]

représentés par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,

plaidant par Maître Rémi BOULVERT, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Mai 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne VIDAL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Marie-Claire FALCONE, Président

Madame Anne VIDAL, Conseiller

Madame Nicole GIRONA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2011.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2011,

Signé par Madame Marie-Claire FALCONE, Président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*-*

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier en date du 12 avril 2010, l'union départementale des syndicats CFDT des [Localité 3] et le syndicat départemental CFDT des services des [Localité 3] ont fait assigner la SAS Distribution CASINO France devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse pour obtenir la condamnation de cette société, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée, d'avoir à fermer son commerce, exploité à [Localité 4] sous l'enseigne Supercasino, un jour par semaine de 0h à 24h, du 16 septembre au 30 juin de l'année suivante, sauf durant 5 semaines fériées, en application des dispositions de l'arrêté préfectoral des [Localité 3] du 13 juillet 2004.

Par ordonnance en date du 18 août 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse a rejeté la question préjudicielle présentée par la SAS Distribution CASINO France à raison de l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral et a retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation de cet arrêté et de l'ouverture du magasin pendant toute l'année de 8h30 à 20h30 et le dimanche de 9h à 12h30. Il a donc condamné la SAS Distribution CASINO France à fermer son commerce Supercasino à [Localité 4] un jour par semaine de 0h à 24h durant la période du 16 septembre au 30 juin de l'année suivante, sauf pendant 5 semaines festives notifiées préalablement à la direction départementale du travail et de l'emploi des [Localité 3], et ce dans le délai de 2 mois à compter de la signification de sa décision, à défaut sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée. Il a également condamné la SAS Distribution CASINO France à verser aux syndicats CFDT demandeurs une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Distribution CASINO France a interjeté appel de cette décision suivant déclaration au greffe en date du 14 septembre 2010.

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La SAS Distribution CASINO France, aux termes de ses conclusions en date du 21 avril 2011, sollicite la réformation de la décision et demande à la cour :

de rejeter les demandes des deux syndicats CFDT comme se heurtant à une contestation sérieuse sur le fond,

subsidiairement, d'interroger le Conseil d'Etat par voie de question préjudicielle sur la légalité de l'arrêté préfectoral,

d'inviter en conséquence les syndicats CFDT à mieux se pourvoir et de les condamner à lui payer une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir, sur la question préjudicielle, que le juge judiciaire est tenu de surseoir à statuer si l'exception touchant à la légalité d'un acte administratif présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement du litige ; que la contestation est sérieuse en l'espèce puisque la légalité et l'opposabilité de l'arrêté sont discutées pour violation des dispositions de l'article L 221-17 (devenu l'article L 3132-29) du code du travail en ce que, notamment :

- l'accord professionnel du 21 mars 2003 préalable à l'arrêté a été pris par des organisations professionnelles spécialisées, en dehors de celles de la grande distribution à commerces multiples, et n'exprime pas la volonté de la majorité des professionnels concernés,

- les magasins à commerces multiples constituent une profession distincte de celle de commerce de détail des produits alimentaires visée dans l'accord et dans l'arrêté,

- l'arrêté instaure une discrimination attentatoire à l'égalité du citoyen devant la loi en introduisant une discrimination injustifiée à l'intérieur d'une même branche, puisque la commission prévue à l'article 4 de ce texte exclut de ses membres les parties non représentées à l'accord de 2003, donc la grande distribution,

- l'accord professionnel sur lequel repose l'arrêté n'avait été conclu que pour un an et est donc devenu caduc et la commission de l'article 4 ne s'est jamais réunie.

Elle soutient, par ailleurs, que la cour, si elle ne retenait pas la question préjudicielle, ne pourrait pas constater l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation de l'arrêté préfectoral en l'état de la contestation sérieuse portant sur la légalité et l'opposabilité de cet arrêté et en l'absence donc d'illicéité manifeste du trouble allégué. Elle ajoute qu'elle ne viole pas les règles légales sur le repos dominical puisque l'article L 221-6 du code du travail prévoit une dérogation le dimanche matin pour les commerces dont l'activité exclusive ou principale est la vente de denrées alimentaires.

Elle complète son argumentation sur l'illicéité de l'arrêté en évoquant la décision du Conseil constitutionnel du 21 janvier 2011 ayant retenu que l'article 3132-29 du code du travail était conforme à la constitution sous les réserves suivantes :

la conclusion préalable indispensable d'un accord professionnel,

l'arrêté doit viser les établissements qui exercent la même profession,

la décision préfectorale n'a aucune vocation à perpétuité.

L'union départementale des syndicats CFDT des [Localité 3] et le syndicat départemental CFDT des services des [Localité 3], en l'état de leurs écritures déposées le 15 avril 2011, concluent à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de l'appelante à leur verser une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils rappellent que l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2004 a été pris au visa d'un accord du 20 mai 2003 ; qu'un jugement du tribunal administratif en date du 29 novembre 2007 a rejeté la demande en nullité de cet arrêté pour illégalité et a dit que cet arrêté s'appliquait à la grande distribution ; que cette décision a été confirmée par la cour administrative d'appel de Marseille le 17 décembre 2009.

Ils font valoir que le pourvoi interjeté devant le Conseil d'Etat est sans incidence en raison du principe selon lequel les décisions administratives reçoivent exécution jusqu'à leur éventuelle annulation ; que la légalité de l'arrêté n'est pas sérieusement contestable en l'état des deux décisions de la justice administrative qui ont rejeté l'ensemble des arguments développés par la SAS Distribution CASINO France ; que le préfet n'a pas outrepassé ses pouvoirs en prenant des dispositions à l'égard des commerces de détail à prédominance alimentaire qui constituent une catégorie légale à laquelle appartiennent les commerces de grande distribution (ce dont ils se prévalent pour bénéficier des dispositions légales sur le repos dominical) ; qu'il n'y a pas de caducité des décisions administratives et que la réunion de la commission de l'article 4 n'était pas une nécessité mais une faculté.

Ils ajoutent que le trouble qu'ils dénoncent est manifestement illicite puisque la SAS Distribution CASINO France viole l'arrêté préfectoral depuis plus de 6 ans, bafouant ainsi l'intérêt collectif et portant atteinte à la protection des emplois stables (l'ouverture 7j/7 créant des emplois précaires) et à la protection du commerce de proximité et de ses emplois.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que l'article L 3132-29 du code du travail (venu remplacer l'ancien article L 221-17) prévoit dans son alinéa 1er : 'Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce temps.'

Qu'au visa de ces dispositions, le préfet des [Localité 3] a pris un arrêté en date du 13 juillet 2004 instaurant une obligation de fermeture hebdomadaire des établissements et parties d'établissement vendant au public des denrées alimentaires au détail ; que cet acte a été pris en considération de l'accord départemental interprofessionnel signé le 20 mai 2003 par les organisations patronales et syndicales des commerces de détail de denrées alimentaires ;

Que l'union départementale des syndicats CFDT des [Localité 3] et le syndicat départemental CFDT des services des [Localité 3] ont saisi le juge des référés pour voir constater que l'ouverture 7j/7 du magasin exploité par la SAS Distribution CASINO France à [Localité 4] sous la dénomination Supercasino, en violation de cet arrêté, constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ;

Attendu que c'est en vain que la SAS Distribution CASINO France demande à la cour de surseoir à statuer sur la demande en référé des syndicats CFDT au motif qu'il y aurait lieu à question préjudicielle sur la légalité de l'arrêté préfectoral ;

Qu'en effet, si le juge civil ne peut se prononcer sur la légalité d'un acte administratif et doit surseoir à statuer lorsque l'exception d'illégalité présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement du litige dont il est saisi, l'existence d'une question préjudicielle n'oblige le juge judiciaire à surseoir à statuer que jusqu'à ce que la juridiction administrative saisie ait rendu une décision définitive ;

Qu'en l'espèce, la cour retient, comme l'a fait le premier juge, que la question de la légalité de l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2004 a été soumise au tribunal administratif de Nice qui a, par jugement du 29 novembre 2007, rejeté les demandes de la SAS Distribution CASINO France tendant à voir annuler cet arrêté et à voir dire qu'il ne lui serait pas opposable ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 janvier 2010 ; que cette dernière décision est une décision définitive de la juridiction administrative, nonobstant le pourvoi en cassation interjeté par la SAS Distribution CASINO France devant le Conseil d'Etat ; qu'il n'existe dès lors aucun obstacle à ce que le juge judiciaire statue, en dépit du pourvoi actuellement pendant ;

Attendu que c'est à juste titre que le premier juge a constaté que l'ouverture du magasin Supercasino de [Localité 4] 7j/7 contrevenait à l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2004 et constituait par cela même un trouble manifestement illicite ;

Que c'est en vain que la SAS Distribution CASINO France demande à la cour de considérer que le trouble ne serait pas manifestement illicite en raison de la contestation sérieuse existant sur la légalité de l'arrêté dont la violation est alléguée ; qu'en effet, il a été vu précédemment que la question de la légalité de l'arrêté avait été tranchée par les juridictions administratives qui, dans ses deux décisions, avaient répondu point par point aux arguments et moyens développés par la requérante et tenant à la violation des dispositions de l'article L 221-17 devenu l'article L 3231-29 du code du travail et à l'inopposabilité de cet acte aux commerces de grande distribution ;

Que la survenance de la décision du Conseil constitutionnel en date du 21 janvier 2011, rendu sur la question prioritaire de constitutionnalité de l'article L 3231-29 du code du travail posée par la Cour de cassation, n'est pas de nature à modifier les éléments d'appréciation de la question, le Conseil constitutionnel ayant décidé que cet article était conforme à la constitution, sans aucune réserve, les considérants de sa décision ne faisant que rappeler les conditions posées par ce texte - et fondant les décisions des juridictions administratives - dont l'existence lui ont permis de retenir qu'il ne portait aucune atteinte à la liberté d'entreprendre, sans avoir à y apporter la moindre réserve ;

Qu'il convient en conséquence de rejeter l'appel formé par la SAS Distribution CASINO France et de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Vu l'article 696 du Code de Procédure Civile,

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

en matière de référé et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Distribution CASINO France à payer à l'union départementale des syndicats CFDT des Alpes 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel ;

En autorise le recouvrement direct par la SCP BLANC, CHERFILS, avoués, dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre c
Numéro d'arrêt : 10/16642
Date de la décision : 09/06/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°10/16642 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-09;10.16642 ?
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