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25/05/2011 | FRANCE | N°10/00780

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 25 mai 2011, 10/00780


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 25 MAI 2011



N° 2011/ 231













Rôle N° 10/00780







S.A. CMA - CGM



C/



S.A. GROUPAMA TRANSPORTS



S.A. GENERALI



S.A. COVEA FLEET



Société CNGU INSURANCE



Société BEAZLEY GROUP plc



Société WARTA















Grosse délivrée

le :

à : TOUBOUL



[U]

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 18 décembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F04225







APPELANTE



S.A. CMA - CGM, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

dont le siège...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 25 MAI 2011

N° 2011/ 231

Rôle N° 10/00780

S.A. CMA - CGM

C/

S.A. GROUPAMA TRANSPORTS

S.A. GENERALI

S.A. COVEA FLEET

Société CNGU INSURANCE

Société BEAZLEY GROUP plc

Société WARTA

Grosse délivrée

le :

à : TOUBOUL

[U]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 18 décembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F04225

APPELANTE

S.A. CMA - CGM, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,

plaidant par Me Henri NAJJAR, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. GROUPAMA TRANSPORTS, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 1]

S.A. GENERALI, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 4]

S.A. COVEA FLEET, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 2]

Société CNGU INSURANCE, Compagnie de droit écossais

dont le siège social est sis [Adresse 8] (Ecosse)

Société BEAZLEY GROUP plc

dont le siège social est [Adresse 11]

Société WARTA, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 6] (Pologne)

toutes ces sociétés étant subrogées dans les droits de la Société SODIFRAM

dont le siège social est [Adresse 5] (Mayotte)

représentées par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour,

plaidant par Me Bruno TIRET, avocats au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 avril 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de procédure civile, Monsieur Robert SIMON, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur André JACQUOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 mai 2011.

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 mai 2011

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La S.A. C M A / C G M a assuré, sous connaissement N° BR 132 54 81 émis, le 6 juillet 2007, à ITAJAJ (Brésil) (port d'embarquement [Localité 10]), l'acheminement d'un conteneur frigorifique renfermant 2.300 cartons de cuisses de poulets congelées sous température dirigée de - 18 ° C. La marchandise a fait l'objet d'un transbordement au port de [Localité 9] (Ile Maurice) où elle a séjourné du 21 août au 27 septembre 2007, avant de parvenir au port de [Localité 7] (Comores), le 3 octobre 2007. La marchandise en état de putréfaction a été détruite à l'arrivée. Six co-assureurs ont versé au destinataire inscrit au connaissement, la société SODIFRAM, basée à Mayotte, une indemnité de 40.515,89 €.

Par jugement contradictoire en date du 18 décembre 2009, le Tribunal de Commerce de Marseille a condamné la S.A. C M A / C G M à payer aux co-assureurs la somme de 40.515,89 €, outre une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.

La S.A. C M A / C G M a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998.

Vu les prétentions et moyens de la S.A. C M A / C G M dans ses conclusions récapitulatives en date du 8 avril 2011 tendant à faire juger :

que l'action des co-assureurs est irrecevable, faute pour eux de démontrer qu'ils sont subrogés légalement ou conventionnellement dans les droits du destinataire, subrogation légale pour *absence de preuve du décaissement de la somme de 40.515,89 €, *versement d'une indemnité alors que la police d'assurance excluait la couverture du risque (« vice propre des facultés assurées »), subrogation conventionnelle pour absence de concomitance entre la subrogation et le paiement,

au fond, que la cause du dommage est antérieure à la prise en charge des marchandises (présence d'eau dans le conteneur avant son empotage par les soins du chargeur et absence de dysfonctionnement du groupe frigorifique du conteneur lors de son stationnement prolongé à l'Ile Maurice en « position inclinée »,

que la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, amendée dans son article 4 i), m), n), ou q ) prévoit des cas exceptés tenant à l'action du chargeur, à l'insuffisance d'emballage, au vice propre de la marchandise ou à tout cause étrangère au transporteur, qui recouvrent les circonstances à l'origine du dommage survenu dans un conteneur transporté « FCL », c'est-à-dire remis au transporteur, chargé et complet ;

Vu les prétentions et moyens des co-assureurs dans leurs conclusions en date du 12 avril 2011 tendant à faire juger :

que leur action est parfaitement recevable, ils étaient tenus de régler l'indemnité d'assurance, le rapport d'expertise concluant à la survenance du dommage pendant le transport, sans incriminer les opérations d'empotage ou d'arrimage et les empêchant de refuser de prendre en charge le sinistre,

que la production d'une quittance subrogative suffit à démontrer le décaissement des fonds,

que la S.A. C M A / C G M ne peut se prévaloir d'hypothèses envisagées par l'expert pour soutenir que le dommage a pour cause la présence d'eau ou d'humidité lors de l'empotage consécutivement à un lavage du plancher ou un temps pluvieux', outre que les relevés de températures enfin communiqués révèlent un dysfonctionnement du groupe frigorifique qui n'a pas insufflé l'air à la température requise ;

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 14 avril 2011.

Attendu qu'aux termes de l'article L 172-29 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l'assuré nés des dommages qui ont donné lieu à la garantie ; que, pour bénéficier de la subrogation légale de plein droit, l'assureur doit justifier qu'il a effectivement payé l'indemnité d'assurance et que le paiement est intervenu en exécution de l'obligation de garantie qu'il avait souscrite par contrat ; qu'en l'espèce, *premièrement les co-assureurs produisent au débat *une « quittance d'indemnité et de subrogation » en date du 20 juin 2008 par laquelle la société SODIFRAM reconnaît avoir reçu de la S.A. GROUPAMA Transport, prise en sa qualité d'apéritrice, la somme de 40.515,89 € à titre d'indemnité versée au titre de la police d'assurance pour le sinistre (perte totale de produits congelés) survenu aux marchandises transportées sous connaissement N° BR 132 54 81 émis à Itajaj  et *une « dispache » par laquelle le courtier Taffe établit le coût du préjudice « revenant aux ayants droit » (soit 40.515,89 €) pour le sinistre considéré ; que la production de ces deux documents établit suffisamment la réalité du paiement qui est contestée, à tort, par la S.A. C M A / C G M ; que par la quittance subrogative, destinée à affirmer aux tiers l'effectivité du paiement, la société SODIFRAM, assurée, a reconnu formellement avoir reçu paiement de l'indemnité ; qu'aucune circonstance particulière ne permet de douter de la matérialité du paiement reconnu ainsi par la société SODIFRAM ; que *secondement, les co-assureurs ont réglé l'indemnité d'assurance en exécution de la police d'assurance n° 261.973, souscrite par la société SODIFRAM ; que les clauses d'exclusion de garantie en cas de « vice propre des facultés assurées » ou « d'absence, insuffisance ou inadaptation de la préparation, de l'emballage ou du conditionnement de la marchandise effectués par l'assuré et/ou exécutés avant le commencement du voyage » ne pouvaient pas être invoquées par les co-assureurs en l'état du rapport d'expertise amiable (la S.A. C M A / C G M ayant été représentée aux opérations d'expertise), qui « avançait l'hypothèse » in fine « de l'obstruction aléatoire de la distribution d'air frais par présence d'eau devenue glace à un moment donné de cette expédition maritime » ; que les co-assureurs étaient tenus de régler l'indemnité en exécution de l'obligation d'assurance qu'ils avaient souscrite, puisque selon l'expertise faite à la requête de la société SODIFRAM, l'événement causal du dommage (« l'eau devenue glace ») est survenu pendant le transport et que le dommage subséquent s'est également produit pendant l'expédition maritime ;

Attendu que le paiement effectif de l'indemnité d'assurance a été fait en exécution de l'obligation contractuelle de garantie, expressément souscrite par les co-assureurs  ; que les conditions de la subrogation légale au profit des co-assureurs sont réunies ; que ceux-ci sont recevables à agir contre la S.A. C M A / C G M, le transporteur maritime ; qu'au demeurant les co-assureurs bien que non subrogés dans les droits du créancier, le destinataire des marchandises, qu'ils auraient indemnisé par suite d'une erreur, disposeraient d'un recours à l'encontre des parties auxquelles la responsabilité du dommage peut être imputée ; qu'un assureur dispose, en toute hypothèse, d'un recours fondé sur « le principe général du droit selon lequel nul ne peut s'enrichir injustement au dépens d'autrui », dont l'application a été étendue en matière de transport  ; qu'en l'espèce, les co-assureurs pouvaient invoquer l'erreur d'appréciation qu'ils auraient commise en se croyant tenus d'indemniser le sinistre, et, par conséquent, bénéficiaires de la subrogation légale du code des assurances ;que leur dénier la possibilité de se prévaloir de la subrogation légale reviendrait à permettre au responsable du sinistre qui est affranchi de toute obligation de réparer l'ayant droit à la marchandise, de s'enrichir aux dépens  des co-assureurs ;

Attendu au fond que, la S.A. C M A / C G M ne peut invoquer aucun cas excepté tiré de la loi du 18 juin 1966, applicable au transport maritime considéré ; qu'elle ne fait pas la preuve qui lui incombe que les dommages sont dus soit, à une cause antérieure à la prise en charge de la marchandise, soit, à un fait constituant un événement qui ne lui est pas imputable, ou à un vice propre de la marchandise, ou à la faute du chargeur ' ; que le rapport d'expertise amiable ne permet pas d'établir que l'eau qui s'est formée en glace « au pied de la paroi avant, dans les rainures du plancher, en quantité non négligeable » obstruant la circulation (« le soufflage ») d'air réfrigéré produit par le groupe frigorifique, soit due à une faute du chargeur qui a effectué l'empotage et qui n'a su alors la déceler ; que le conteneur mis à la disposition du chargeur par la S.A. C M A / C G M, a été remis plein au transporteur maritime, le 27 juin 2007, pour être chargé sur un premier navire, le 6 juillet 2007 ; que l'expert a envisagé plusieurs hypothèses (3) pour expliquer la présence d'eau dans les rainures du plancher, avant de n'en retenir aucune et de conclure à « une obstruction aléatoire de la distribution d'air frais » par suite de la formation de glace dans les rainures du plancher ; qu'il ne peut être reproché au chargeur de ne pas avoir décelé la présence d'éventuels résidus d'eau de lavage sous le plancher du conteneur, lors de sa mise à disposition  ; qu'il n'était pas possible au chargeur de constater l'éventuelle présence d'eau résiduelle de lavage dans un espace fermé sous le plancher du conteneur, sans se livrer à des investigations dépassant ses obligations ;

Attendu par contre que le relevé des températures du conteneur frigorifique enregistrées par « dataline », (relevé produit tardivement au débat par la S.A. C M A / C G M ) montre plusieurs anomalies de fonctionnement, notamment une élévation très importante de la température de l'air « supply » (soufflé) et « return » (extrait) à partir du 7 août 2007, 8 heures jusqu'au 8 août 2007, 5 heures ; que les températures ont une des valeurs positives, de + 0,10 ° C à + 2,65 °C en « return » de 15 heures, le 7 août 2007, à 4 heures le lendemain et des valeurs négatives de - 9 ° C à - 5 ° C en « supply » pendant 16 heures ; que d'autre anomalies sont enregistrées, ainsi, le 26 septembre 2007, alors que le conteneur était à quai à [Localité 9] : élévation de la température de l'air « return » jusqu'à - 1,50 °C ; qu'il s'agit d'anomalies prolongées du groupe frigorifique en lien avec les constatations de l'expert notant un phénomène de décongélation/re-congélation des marchandises avec coulures de sang sur les emballages et humidité des colis ;

Attendu que le jugement mérite confirmation pour les motifs exposés ci-dessus et ceux non contraires des premiers juges ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre une somme de 3.000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Reçoit l'appel de la S.A. C M A / C G M comme régulier en la forme.

Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant, condamne la S.A. C M A / C G M à porter et payer aux co-assureurs la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

Condamne la S.A. C M A / C G M aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. d'Avoués Sylvie MAYNARD & Corine SIMONI, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 10/00780
Date de la décision : 25/05/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°10/00780 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-25;10.00780 ?
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