COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2ème Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2011
N° 2011/ 221
Rôle N° 09/16575
S.A.R.L. COMPOSITEWORKS
C/
S.A.S. DU PONT PERFORMANCE COATINGS FRANCE
S.A.R.L. HYDRA SUD SERVICES
S.A.R.L. CORROSION CONTROLE SERVICE 'CCS'
S.A. GENERALI ASSURANCES
[X] [P]
Grosse délivrée
le :
à : COHEN
GIACOMETTI
ERMENEUX
BLANC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 3 septembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F01374
APPELANTE
S.A.R.L. COMPOSITEWORKS, prise en la personne de son gérant en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Bertrand COSTE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
S.A.S. DU PONT PERFORMANCE COATINGS FRANCE, venant aux droits de la S.A.S. [M] COATINGS, prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,
plaidant par Me Pierre VIOLET, avocat au barreau de PARIS, substitué
S.A.R.L. HYDRA SUD SERVICES, prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par la SCP GIACOMETTI DESOMBRE, avoués à la Cour,
plaidant par Me Joseph RIMMAUDO, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A.R.L. CORROSION CONTROLE SERVICE 'CCS', prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 7]
défaillante
S.A. GENERALI ASSURANCES, nouvelle dénomination de GENERALI ASSURANCES IARD
dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Sabine LIEGES, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
Maître [X] [P], intervenant volontairement en sa qualité de mandataire judiciaire de la société HYDRA SUD
né le [Date naissance 6] 1975 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP GIACOMETTI DESOMBRE, avoués à la Cour,
plaidant par Me Joseph RIMMAUDO, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 avril 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de procédure civile, Monsieur André JACQUOT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur André JACQUOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 mai 2011.
ARRÊT
Par défaut
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 mai 2011
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Les faits :
L'armateur ANTEXIS Limited du navire 'DARKSHADOW' a commandé à la société COMPOSITEWORKS une peinture complète de sa coque. Les travaux ont été sous-traités à la société HYDRASUD SERVICES qui a appliqué une peinture [M] fournie par la société CORROSION CONTROLE SERVICE (dite CCS). Des désordres étant apparus après une première application (oxydation, apparition de grains, défauts d'adhérence), un échange de courriers est intervenu entre les parties ainsi qu'un constat d'huissier du 30 janvier 2007 puis la société HYDRASUD SERVICES a spontanément reponcé la coque pour enlever les grains qui étaient apparus mais quelques jours plus tard des décollements localisés de peinture sont intervenus sur la superstructure.
La société HYDRA SUD SERVICES a alors sollicité la désignation d'un expert qu'elle a obtenu par décision de référé du 13 février 2007 commettant Monsieur [R] [V]. Il a été convenu que la peinture serait refaite avec des produits [M] et appliqué par une autre société agrééé par la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE soit la société HIGH SPEC YACHTING. De nouveaux désordres ayant été constatés à la remise à l'eau du navire le 6 mai 2007 la société [M] a obtenu le 11 mai 2007 la désignation d'un co-expert en peinture en la personne de Monsieur [U].
Enfin le 29 mai 2007, le Tribunal de Commerce de Marseille a déclaré leurs opérations communes aux sociétés [M] COATINGS, ANTEXIS Limited, COMPOSITEWORKS HYDRA SERVICES, CCS et HIGH SPEC YACHTING. Les expert ont déposé un rapport commun le 25 février 2008.
La procédure :
La société COMPOSITE WORKS a assigné la SAS [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE qui a elle-même attrait en garantie la Compagnie GENERALI ASSURANCES, assureur de l'applicateur HIGH SPEC YACHTING. La société HYDRA SUD SERVICES a également assigné la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE.
Le 15 octobre 2008, la société ANTEXIS Limited, armateur, a informé les parties de ce qu'elle allait procéder à une nouvelle application mais que compte tenu des deux expériences malheureuses précédentes, elle aurait recours à un autre produit de la marque ALEXSEAL et un autre chantier naval.
Le 6 janvier 2009, elle indiquait que l'application de ce produit ne soulevait pas de difficultés particulières.
Après jonction des demandes, le Tribunal de Commerce de Marseille par jugement contradictoire du 3 septembre 2009 a:
- déclaré le rapport d'expertise inopposable à la Compagnie GENERALI ASSURANCES IARD;
- exclu un vice de la peinture [M] mise en oeuvre;
- débouté les sociétés [M] COATINGS et HYDRA SUD SERVICES de leurs demandes;
- débouté la société [M] COATINGS de sa demande en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
- condamné la société [M] COATINGS à payer à l'assureur GENERALI ASSURANCES IARD la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
- condamné la société [M] COATINGS à l'intégralité des dépens et ce y compris les frais d'expertise.
Les sociétés COMPOSITEWORKS, [M] COATINGS et HYDRA SUD SERVICES sont régulièrement appelantes du jugement selon déclarations successives des 11 septembre, 14 et 20 octobre 2009.
Dans ses conclusions récapitulatives du 3 mars 2011, la société COMPOSITEWORDS soutient que:
- le jugement est nul en ce qu'il n'a ni repris ni statué sur les moyens qu'elle a exposés alors qu'il consacre 14 pages sur 35 aux écritures de la société [M] COATINGS;
- il comporte aussi de multiples erreurs et incohérences sur le déroulement des faits et les constatations des experts;
- ces derniers retiennent quatre causes possibles soit un défaut de polymérisation du vernis [M] qui 2 mois après son application n'était pas sec et pouvait être rayé à l'ongle, une brillance insuffisante de la peinture de 72 à 79 GU pour une norme fixée de 87 à 90 GU, l'intervention de la société HIGH SPEC YACHTING et enfin un lot de peinture défectueux, compte tenu d'une absence totale de transparence dans sa fourniture;
- c'est la société [M] COATINGS qui a choisi le sous-traitant HIGH SPEC et fourni les peintures pour la seconde application et est ainsi tenue d'une obligation de résultat envers la société COMPOSITEWORKS, entrepreneur principal;
- elle a fait pression sur l'armateur pour qu'il consente à reprendre des produits [M] et s'est engagée à le garantir alors que 80% de la flotte des grands yachts utilise une marque concurrente AWLGRIP qui donne toute satisfaction;
- dans un courriel du 15 mars 2007, le conseil de la société [M] COATINGS a réitéré cet engagement;
- la société [M] COATINGS est ainsi responsable des conséquences dommageables des deux peintures puisqu'elle a mis l'applicateur hors de cause pour la première;
- contrairement aux affirmations du Tribunal, la société COMPOSITEWORKS a produit un dire sur son préjudice qui s'établit à la somme de 167 970,06 euros tel que retenu par les experts outre une atteinte à son image.
La société COMPOSITEWORKS sollicite l'infirmation du jugement et principalement la condamnation de la société [M] COATINGS à lui payer au visa de l'article 1382 du Code civil la somme de 167 970 euros avec intérêts capitalisés à compter de l'assignation en référé du 14 mai 2007, et celle de 50 000 euros à titre de dommages intérêts pour trouble commercial ainsi qu'une indemnité de 20 000 euros pour frais de procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions du 10 mars 2011, la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE, venant aux droits de la SAS [M] COATINGS, fait valoir que:
- le rapport d'expertise 's'apparente plus à un travail d'huissier qu'à un travail d'expert';
- il n'émet que des hypothèses : 'vraisemblablement, il est fort probable que; il y a tout lieu de penser que', ce qui a conduit le Tribunal à écarter tout vice de la peinture;
- l'expert [V] a très rapidement affiché un parti pris à l'encontre de la peinture [M] alors qu'il n'a aucune compétence en ce domaine;
- son analyse chimique réalisé par la société ISITV ne révèle aucun vice mais un défaut d'application (forte concentration de poussière, traces de sel);
- les experts n'ont pas commenté les résultats de l'analyse des différents échantillons et n'ont procédé à aucune discussion dans leur rapport;
- le 14 décembre 2006, la société HYDRA SUD SERVICES a procédé à des essais dans ses locaux qualifiés de 'magnifique succès' par le capitaine du navire;
- les essais de la seconde peinture réalisés en cabine le 22 février 2007 en cours d'expertise ont été considérés comme satisfaisants mais ont révélé une quantité anormale de grains sur site;
- la société HIGH SPEC YACHTING a laissé mettre le bateau à l'eau avant que les vernis n'aient séché;
- la société [M] n'a pas mis la société HYDRA SUD SERVICES hors de cause alors qu'elle s'est hâtée, pour effacer toute trace, de poncer la coque;
- la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE n'a pas à supporter les conséquences de la défaillance du second applicateur HIGH SPEC YACHTING;
- elle n'est pas le sous-traitant de la société COMPOSITEWORKS et ne s'est engagée que sur la qualité des produits mis à disposition de l'applicateur choisi d'un commun accord dans la mesure où la société HYDRA SUD SERVICES s'est refusée à appliquer un produit [M] pour la deuxième peinture;
- la société [M] PERFORMANCE YACHTING dispose d'une action directe contre l'assureur de la société HIGH SPEC YACHTING aujourd'hui disparue (liquidation judiciaire) quand bien même cette dernière n'aurait procédé à aucune déclaration de sinistre;
- la Compagnie GENERALI ASSURANCES IARD a été appelée à la procédure à un moment où elle pouvait encore discuter le rapport d'expertise qui doit lui être déclaré opposable;
- le dommage s'étant révélé avant réception la garantie est acquise;
- la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE n'a aucune compétence pour apprécier l'état d'un cocon, sa ventilation, sa filtration, la température et l'hygrométrie;
- elle n'a en aucun cas surveillé les travaux d'HYDRA SUD SERVICES qui a modifié les systèmes de filtration d'air sans avertir la société COMPOSITEWORKS;
- la présence sur site d'un technicien [M] pendant la durée des travaux est une pratique commerciale courante et a pour but de répondre aux questions techniques sans contrôle du mode opératoire sauf protocole particulier;
- aucune partie n'a accepté le devis de 75 000 euros HT de la société HYDRA SUD SERVICES dont le montant était de 38 000 euros trois jours plus tôt;
- les premiers juges n'ont pas examiné les demandes indemnitaires de la société [M]
PERFORMANCE COATINGS FRANCE.
Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause la peinture et à son infirmation pour le surplus. Elle demande la condamnation de la société GENERALI au paiement de la somme de 97 025,50 euros, condamnation in solidum des sociétés COMPOSITEWORKS, HYDRA SUD SERVICES ET GENERALI ASSURANCES au paiement de celle de 64 275 euros à titre principal et de 5 000 euros chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle sollicite enfin la publication de l'arrêt dans trois supports de presse professionnels dans la limite de 3 000 euros HT pour chaque insertion.
La société HYDRA SUD SERVICES représentée par Maître [X] [P] explique dans ses conclusions du 30 mars 2011 que:
- ses travaux conformes aux règles de l'art ont été validés par le représentant de la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE ce qu'a admis la société [M] dans sa lettre du 29 janvier 2007;
- les analyses d'air sous le cocon attestent d'une qualité d'air conforme aux normes préconisées en la matière et supérieure à celle analysée dans le hangar;
- le rapport chimique du 22 octobre 2007 de la société ISITV montre la présence de particules d'aluminium lors des essais de peinture en cabine ce qui traduit un problème inhérent à la peinture elle-même;
- la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE a violemment critiqué le rapport d'expertise et a semé le doute dans l'esprit des juges sur la qualité du travail des experts alors qu'elle a certifié l'aptitude de l'applicateur HIGH SPEC YACHTING et lui a réglé la somme de 97 025 euros;
- l'utilisation d'un dégraissant de marque 'SIKKENS' est sans influence sur le sinistre;
- la société HYDRA SUD SERVICES est fondée à agir envers le fabricant de produits défectueux en vertu de l'action directe ouverte au sous-acquéreur;
- elle dispose aussi d'un recours contre son co-contractant COMPOSITWORKS qui se refuse à payer le solde de ses travaux alors que le marché souscrit a été réalisé;
- les parties ont accepté son devis du 2 mars 2007 de remise en état réalisé à concurrence de 60% tel que retenu par les experts et avant que la société [M] PERFORMANCE ne prenne la suite;
- la société HYDRA SUD SERVICES a aussi exposé des frais dans le cadre de l'expertise et un trouble commercial.
Maître [X] [P] ès-qualités, sollicite l'infirmation du jugement déféré, la condamnation solidaire des sociétés CCS et [M] PERFORMANCE au paiement des sommes principales de 53 862 euros et 44 227 euros avec intérêts capitalisés à compter de l'assignation, la condamnation solidaire des sociétés COMPOSITEWORKS, [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE et CCS à payer la somme de 26 910 euros au titre du premier marché de peinture, la condamnation de la société [M] PERFORMANCE au paiement de celle de 50 000 euros pour préjudice immatériel et enfin la condamnation des sociétés CCS et [M] au paiement de la somme de 15 000 euros pour frais de procédure.
Contestant toute garantie, l'assureur GENERALI IARD venant aux droits de la société GENERALI ASSURANCES expose dans ses conclusions du 10 février 2010 que:
- elle n'a été informée du litige qu'au jour de l'assignation au fond délivrée le 13 mai 2008 par la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE qui s'est abstenue de la mettre en cause en cours d'expertise;
- le rapport d'expertise lui est ainsi inopposable étant observé que la société HIGH SPEC YACHTINGS n'était pas assistée durant l'expertise et que les dires des autres parties ne lui ont pas été adressés en copie;
- contrairement aux affirmations de la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE, la société HIGH SPEC YACHTING n'a pas reconnu sa responsabilité (cf. page 8 du rapport);
- la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE ne donne aucun fondement juridique à sa demande en paiement, le devis de travaux ayant été réalisé à destination de la société COMPOSITE WORKS qui demeure son seul donneur d'ordres;
- la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE est intervenue comme seule maître d'oeuvre des travaux en prescrivant la méthodologie (rapport page 8);
- la société HIGH SPEC YACHTING n'étant intervenue que pour la seconde peinture ne peut être tenue des conséquences dommageables de la première;
- sa facture ayant été intégralement réglée, les travaux étaient achevés et seule la garantie après livraison peut être mise en oeuvre;
- celle-ci ne couvre pas le remboursement d'une facture qui ne constitue pas la conséquence de la responsabilité civile de la société HIGH SPEC YACHTING dont l'objet est de garantir les dommages causés par l'ouvrage de l'assuré (les travaux) et non à l'ouvrage.
La société GENERALLI IARD conclut à la confirmation du jugement et au paiement par la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE d'une indemnité de 8 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Selon acte d'huissier du 25 mars 2010, la société HYDRA SUD SERVICES a attrait la société CCS à la procédure. Sur cette assignation délivrée à l'étude d'huissier instrumentaire, la société CCS n'a pas comparu. Il sera statué par arrêt rendu par défaut conformément à l'article 474 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er avril 2011.
DISCUSSION
Sur la responsabilité :
Il est acquis au débat que les deux applications successives des peintures [M] par deux sociétés différentes ont totalement échoué, les experts qualifiant de 'catastrophiques' les résultats de la seconde application (rapport page 16). Or cette application a été réalisée sous l'égide de la société [M] PERFORMANCE COATINGS qui a fourni l'ensemble des produits, désigné la société en charge des travaux soit la société HIGH SPEC YACHTING et a assuré une présence constante sur le chantier.
Dans sa note n°5 aux parties datée du 2 avril 2007, l'expert [R][V] indique que la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE a imposé l'assèchement du sol du cocon, la réalisation de deux couches d'apprêt anti-porosité, de deux couches de laque sacrificielle, une modification du système d'extraction. C'est elle aussi qui assure la réception des travaux par l'intermédiaire de Monsieur [H] son représentant (rapport page 9) et en règle l'intégralité du prix à la société HIGH SPEC YACHTING.
L'implication du fournisseur a donc été déterminante dans la second peinture dont elle a garanti le résultat à l'armateur du navire (cf. courriel du 15 mars 2007):'[M] dans son rapport avec COMPOSITEWORKS prend la responsabilité de la nouvelle application').
Elle est ainsi mal venue d'une part de minimiser son rôle causal et d'autre part de critiquer les travaux de la société HIGH SPEC YACHTING qui s'est strictement conformée au processus défini et contrôlé par la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE.
Contrairement à ses dires les experts n'ont pas conclu en termes dubitatifs ou hypothétiques puisque s'agissant de la société HYDRA SUD SERVICES ils indiquent que les travaux ont été conformes aux documents contractuels et aux règles de l'art et ont été validés par le représentant de la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE (rapport page 11).
Ils précisent que la qualité de la peinture est en cause compte tenu d'une présence anormale d'agglomérats de pigmentation d'aluminium dans la base (rapport page 16) et qu'aucune traçabilité de la transformation opérée par la société CCS qui avait reconditionné la peinture fournie, n'a pu être obtenue. D'ailleurs le certificat de conformité de cette peinture n'a été délivré (rapport page 12) que postérieurement en cours d'expertise.
Mais la seconde peinture fournie par la société [M] PEFORMANCE COATINGS FRANCE présente les mêmes agglomérations de particules métalliques qui ont été constatées également lors des essais en cabine, soit 'dans une enceinte parfaitement étanche, propre, exempte de toutes poussières' (rapport page 11) ce qui exonère sa mise en oeuvre et au contraire établit 'un problème inhérent à la peinture elle-même' tel que le concluent les experts.
Le rapport d'intervention réalisé le 22 février 2007 par Monsieur J. [K] sur le contrôle de la qualité de l'air retient 'des conditions optimales pour un environnement extérieur' et une 'qualité de l'air ambiant de la bulle de peinture meilleure que celle du hangar' (cf. annexe 10 du rapport d'expertise).
Enfin et surtout la peinture, dont il n'est pas indifférent de rappeler qu'elle constituait un nouveau produit créé par la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE et mise en oeuvre pour la première fois, n'adhère pas, ne polymérise pas (le vernis de finition demeurant rayable à l'ongle après deux mois), manque d'homogénéité et pert de sa brillance, les mesures relevées de 72 GU étant largement inférieures aux normes de 87 à 90 GU. Les experts précisent s'agissant du vernis que son 'manque de dureté est dû à sa composition même'.
En définitive les malfaçons et désordres de la première peinture réalisée par la société HYDRA SUD SERVICES ayant pour seule origine ses vices propres sont strictement les mêmes dans la seconde peinture réalisée par la société HIGH SPEC YACHTING et de surcroît amplifiés nonobstant une modification de sa mise en oeuvre sous le contrôle de la société [M] COATINGS FRANCE. Il s'évince dès lors de ces éléments que les produits fournis par cette dernière sont défectueux en ce qu'ils ne répondent pas à l'usage auquel ils sont destinés et sont seuls à l'origine du sinistre.
La société HYDRA SUD SERVICES est ainsi fondée à retenir la responsabilité du fabricant dans les termes des articles 1641 et suivants du Code civil et ce en vertu de l'action directe dont elle dispose en sa qualité de sous-acquéreur des produits viciés.
La société COMPOSITE WORKS est pour sa part également fondée à engager la responsabilité de la société [M] COATINGS FRANCE au regard de l'article 1382 du Code civil, le préjudice subi par l'entrepreneur principal étant la conséquence directe de la fourniture par la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE de ces mêmes produits viciés.
Sur les préjudices :
Il n'est pas contesté que la société HYDRA SUD SERVICES avait débuté les travaux de réfection de la première peinture soit le ponçage et la préparation de la coque du navire en vue d'appliquer la seconde peinture, tâche qui sera finalement confiée à la société HIGH SPEC YACHTING à la demande de la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE le 16 mars 2007. Les experts admettent qu'à cette date, la société HYDRA SUD SERVICES avait achevé les travaux de préparation de la coque et du pont et qu'il ne restait plus qu'à réaliser l'application de la peinture elle-même et que ces travaux correspondent à 60% du devis du 2 mars 2007 accepté par les parties pour un montant de 89 700 euros TTC. La société HYDRA SUD est ainsi fondée à réclamer paiement au fabricant [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE et au fournisseur CCS de la somme de 53 862 euros à ce titre.
Les experts ont aussi chiffré à la somme de 44 227 euros TTC le coût de la main d'oeuvre et des diverses fournitures mises à leur disposition par la société HYDRA SUD SERVICES pour les nécessités de l'expertise.
C'est en vain que la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE conteste ces sommes au regard des courriels échangés entre les parties et l'expert [V] et de sa note n°3 aux parties datée du 8 mars 2007 mentionnant l'accord de la société COMPOSITEWORKS sur le devis de 75 000 euros HT et son financement. S'agissant des frais d'expertise, les experts ont bien déduit les travaux pouvant 'faire double-emploi' (rapport page 13).
La société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE soutient en revanche utilement qu'elle ne saurait régler aux lieu et place de la société COMPOSITEWORKS le solde du marché de sous-traitance qui ne peut être supporté que par cette dernière soit la somme de 6 910 euros TTC non contestée.
Enfin, aucun élément ou document circonstancié n'établit le préjudice immatériel allégué par la société HYDRASUD SERVICE ce qui conduit au rejet de sa demande en paiement de la somme de 50 000 euros.
***
La société COMPOSITEWORKS a adressé le 12 novembre 2007 à l'expert [V] une fiche détaillée de son préjudice. Elle explique qu'elle a réduit sa facture à l'armateur ANTEXIS Limited de 60% compte tenu du sinistre et que le montant de 60 260,40 euros qu'il lui a réglé correspond aux frais d'échafaudage, cocon, location du hangar et logistique mais qu'elle n'a rien reçu au titre des sommes qu'elle a elle-même versées à la société HYDRA SUD SERVICES et qui en outre lui réclame un solde de 26 910 euros TTC. Dans son dire du 10 décembre 2007, la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE n'a formulé aucune critique à ce décompte et l'expert n'a pas plus exigé de pièces et/ou d'explications complémentaires. La société COMPOSITEWORKS fait justement remarquer que ce préjudice étant intervenu en cours d'expertise, les experts comme les parties ont été en mesure d'en apprécier la teneur et notamment le coût du personnel mis à disposition de la logistique du chantier, de la préparation du cocon etc...D'ailleurs la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE a formulé une demande similaire au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de l'expertise et qu'elle évalue à la somme de 64 275 euros .
Enfin elle ne discute pas sérieusement les différents postes détaillés par la société COMPOSITEWORKS arguant seulement que les sommes réclamées devaient être mises à la charge de la société HYDRA SUD SERVICES.
Le montant de 16 790 euros admis par les experts (rapport page 12) sera ainsi alloué à la société COMPOSITEWORKS.
Par contre, aucune pièce ou élément circonstancié tel perte de marché, de chiffre d'affaires ne venant établir le trouble commercial prétendument subi, la demande en paiement de la somme complémentaire de 50 000 euros est écartée.
Sur la demande de garantie formée à l'encontre de l'assureur GENERALI:
La société HIGH SPEC YACHTING a été régulièrement convoquée aux opérations d'expertise et y a participé en la personne de son dirigeant, Monsieur [J]. Le défaut de déclaration du sinistre ne peut priver la victime de son action directe contre l'assureur.
C'est donc à tort que le Tribunal a déclaré inopposable à l'assureur GENRALI les conclusions des experts au seul motif que la société [M] COATINGS FRANCE ne l'avait pas attrait préalablement à l'expertise, l'assureur ayant été en mesure de les discuter en temps utile.
Par contre, la société GENERALI IARD est fondée à opposer une non-garantie issue des conditions générales de la police de responsabilité civile souscrite par la société HIGH SPEC YACHTING et qui a pour objet la garantie des dommages corporels, matériels et immatériels 'autres que ceux à l'ouvrage défectueux' soit en l'espèce les travaux litigieux (pages 21 à 23). La société GENERALI explique et justifie ainsi que la prestation défectueuse ou celle effectuée en remplacement est exclue de la garantie. Or en sollicitant purement et simplement de l'assureur le remboursement de la facture qu'elle a réglé à la société HIGH SPEC YACHTING, la demande de la société [M] COATINGS FRANCE a bien vocation à faire prendre en charge par l'assureur la prestation défectueuse imputée à l'assurée.
La société GENERALI IARD fait encore valoir en tout état de cause que le remboursement d'une facture n'est pas la conséquence de la responsabilité civile de la société HIGH SPEC YACHTING. La demande de la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE est rejetée.
***
Seule à l'origine des préjudices subis par les sociétés COMPOSITEWORKS et HYDRA SUD SERVICES, la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE ne peut obtenir le remboursement des frais qu'elle a exposés au cours de l'expertise. Sa demande en paiement de la somme de 64 275 euros est rejetée.
De même il n'existe aucun motif de publier le présent arrêt, la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE ayant été déboutée de l'intégralité de ses demandes.
Aucune circonstance économique ou d'équité ne conduit la Cour à écarter l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamnée à paiement, la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut:
Reçoit les appels;
Infirme le jugement déféré rendu par le Tribunal de Commerce de MARSEILLE sauf en ce qu'il a fait application de l'article 700 du Code de procédure civile et statué sur les dépens;
Et statuant à nouveau :
Condamne in solidum les sociétés [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE et CORROSION CONTROLE SEERVICES - C.C.S. - à payer à Maître [X] [P] ès-qualités les sommes de:
- 98 089 € (quatre vingt dix huit mille quatre vingt neuf euros) TTC à titre de dommages intérêts;
- 5 000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Condamne la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE à payer à la société COMPOSITEWORKS les sommes de:
- 167 970 € (cent soixante sept mille neuf cent soixante dix euros) à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal et capitalisés à compter de l'assignation introductive d'instance,
- 5 000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Condamne la société COMPOSITEWORKS à payer à Maître [X] [P] ès qualités la somme de 26 910 € (vingt six mille neuf cent dix euros) TTC au titre du solde du marché de sous-traitance;
Déboute Maître [X] [P] et la société COMPOSITEWORKS du surplus de leurs demandes;
Déboute la société [M] PERFORMANCE COATINGS FRANCE de l'intégralité de ses demandes;
La condamne à payer à la société GENERALI IARD la somme de 5 000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
La condamne aux dépens et autorise les SCP [W], avoués, à les recouvrer au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT