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24/05/2011 | FRANCE | N°10/10470

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 24 mai 2011, 10/10470


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2011

B.R.

N° 2011/













Rôle N° 10/10470







[G] [E]





C/



[Z] [R]





















Grosse délivrée

le :

à :la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI

















Décision dé

férée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 Novembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 99/4795.





APPELANTE



Madame [G] [E]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]



représentée par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2011

B.R.

N° 2011/

Rôle N° 10/10470

[G] [E]

C/

[Z] [R]

Grosse délivrée

le :

à :la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 Novembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 99/4795.

APPELANTE

Madame [G] [E]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]

représentée par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,

assistée par Me Florence CARRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [Z] [R]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 7], demeurant [Adresse 4]

représenté par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avoués à la Cour, assisté par Me Dominique D'ORTOLI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Avril 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.LAMBREY, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Gérard LAMBREY, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2011,

Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement du 20 novembre 2009 du Tribunal de Grande Instance de Grasse,

Vu la déclaration d'appel formée le 4 juin 2010 par Mme [G] [E],

Vu les conclusions régulièrement déposées le 8 avril 2011 par M. [Z] [R],

Vu les conclusions régulièrement déposées le 11 avril 2011 par l'appelante,

MOTIFS DE LA DECISION :

Les époux [Z] [R]-[D]-[N] [E], mariés sans contrat préalable, ont modifié leur régime matrimonial pour adopter le régime de la séparation de biens selon jugement en date du 2 juin 1992.

Le jugement en date du 6 septembre 1993, prononçant le divorce des époux à leurs torts partagés, a été réformé partiellement par arrêt du 2 avril 1996 de la Cour de céans qui a prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de l'épouse.

Par acte d'huissier en date du 29 avril 1999, M. [Z] [R] saisissait le Tribunal de Grande Instance de Grasse aux fins, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, d'obtenir une récompense portant sur la plus-value procurée au fond appartenant en propre à son épouse.

Par ordonnance du 3 avril 2003 une expertise était ordonnée par le juge de la mise en état et confiée à M. [O] qui déposait le 28 juin 2007 son rapport.

Sur la récompense due par Mme [G] [E] à la communauté :

Au cours de la communauté ayant existé entre les époux [Z] [R] - [G] [E], il a été construit une villa sur le terrain appartenant en propre à Mme [G] [E], et situé commune de [Localité 8] (Alpes-Maritimes), cadastrée section C, lieu-dit « [Localité 6] » n° [Cadastre 3].

Pour évaluer le prix au mètre carré du terrain de Mme [G] [E], l'expert [O] s'est référé de façon pertinente à des éléments de comparaison, représentatifs du marché ponctuel local auquel appartenait le terrain considéré. Partant d'une valeur moyenne d'environ 150 € par mètre carré, pour les années 2004-2005, et tenant compte d'une vue sur mer devenue extrêmement rare, l'expert retenait une valeur de 200 € par mètre carré à la date de son rapport.

Toutefois l'expert [O] s'étant basé sur une surface cadastrale de 1540 mètres carrés, qui s'est révélée erronée à la suite du remaniement du cadastre, il y a lieu de prendre en compte, non pas une valeur arrondie à 310'000 € pour la valeur du terrain, mais une valeur de 364'400 € correspondant à une surface réelle de 1822 m², soit une majoration de 56'400 €.

Il ressort du rapport d'expertise, qu'à la date de la dissolution de la communauté, la villa édifiée sur ce terrain n'était pas terminée, et que Mme [G] [E] a financé les travaux d'achèvement de cette construction.

Il résulte des dispositions de l'article 1469 alinéa 3 du Code civil, que lorsque des fonds de communauté ont servi acquérir ou améliorer un bien qui se retrouve au jour de la dissolution de cette communauté dans le patrimoine propre de l'un des époux, le profit subsistant, auquel la récompense due à la communauté ne peut être inférieure, doit se déterminer d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à ladite communauté ont contribué au financement de l'acquisition ou de l'amélioration.

Pour apprécier la valeur vénale du bien immobilier, l'expert [O] s'est référé à des éléments de comparaison, représentatifs du marché local des transactions immobilières portant sur des villas constituant des habitations principales et ayant une vue dégagée sur la mer. Il en a déduit un prix moyen par mètre carré habitable, terrain intégré, de 3727 € hors dépendances.

Tenant compte en l'espèce de la surface importante des dépendances et de la vue de ce bien immobilier qui, selon l'expert correspond parfaitement à une résidence principale agréable et confortable, une augmentation de la valeur moyenne au mètre carré bâti, terrain intégré, de l'ordre de 15 % a été appliquée pour atteindre un prix au mètre carré pondéré de 4000 €, permettant d'aboutir à une valeur vénale globale de 880'000 €.

Toutefois l'expert n'a pu tenir compte de la surface réelle du terrain, laquelle doit être intégrée dans son évaluation. Il y a donc lieu d'ajouter à cette valeur globale un montant de 56'400 € correspondants à la valeur du terrain non pris en compte. En définitive il convient de retenir un montant total de 936'400 €.

Il s'en déduit que le profit subsistant s'élève à la somme suivante :

936'400 € - 364'400 € = ............................................ 572'000 €

La communauté n'ayant contribué que partiellement à créer ce profit subsistant, la récompense due à la communauté sera proportionnelle à la part de travaux qu'elle a financée.

Ainsi sur des travaux d'un montant total évalué en 2007 à 482'000 euros, la communauté en a financé à hauteur de 230'000 €.

Il s'en déduit que la récompense due à la communauté s'élève à la somme suivante :

572'000 € X 230'000 =................................................. 272'946 € 482'000

Il n'y a pas lieu de tenir compte du coût des travaux de main-d'oeuvre fournis par M. [Z] [R], chiffrés par le sapiteur choisi par M. [O] à hauteur de 14'269,22 euros à raison de 312 heures de travail, ni du coût des travaux de 'filerie' d'électricité chiffrés à hauteur de 7927,34 euros, dans la mesure où les fruits du travail de l'un des époux pendant la communauté, tombent en communauté, et où ces montants sont déjà compris dans le coût des travaux réalisés au moment de la dissolution de la communauté, à savoir 163'823,27 euros (valeur 1995), réévalués par l'expert à 230'000 € (valeur aux 31 janvier 2007).

Sur le recel de fonds de communauté :

Mme [G] [E] fait état d'un prêt consenti par le Crédit Agricole Provence-Côte d'Azur, le 13 février 1991 pour un montant de 400'000 francs versé sur le compte joint des époux, en expliquant que M. [Z] [R] a prélevé au cours de l'année 1991 des sommes importantes sur ce compte joint, lesquelles n'ont pu permettre de régler les travaux de gros oeuvre de la maison, les factures produites au débat pour un montant total de 155'318 € portant des dates antérieures aux prélèvements effectués par M. [Z] [R].

L'examen des relevés du compte joint ouvert auprès de la Caisse de Crédit Agricole, et des ordres de virements et de retraits, montre qu'après le versement du prêt de 400'000 fr. le 13 février 1991, M. [Z] [R] a procédé au profit de son compte personnel à un virement de 200'000 fr. le 18 février 1991, puis à un retrait de 50'000 fr. le 1er mars 1991, encore un retrait de 30'000 fr. le 20 septembre 1991, enfin à l'émission d'un chèque de 25'000 fr. le 7 octobre 1991. C'est donc au total la somme de 305'000 fr. que M. [Z] [R] a prélevée sur le compte joint pour alimenter son compte personnel.

M. [Z] [R] ne peut valablement prétendre que ces sommes ont pu servir à régler les dépenses de travaux de la villa. En effet les factures qu'il produit remontent pour l'essentiel à l'année 1990, seules 4 factures sont postérieures au déblocage du prêt et leur montant total n'atteint que la somme de 15'932,49 francs. Ainsi le déblocage du prêt n'a pu avoir été utilisé pour financer des travaux et M. [Z] [R] ne justifie pas de l'utilisation des sommes qu'il a prélevées en 1991 sur le compte joint, alors que dès le 5 septembre 1991 les époux ont signé l'acte authentique par lequel ils adoptaient le régime de la séparation de biens, cet acte ayant été homologué le 2 juin 1992, date qui correspond à la dissolution de la communauté.

Si M. [Z] [R] n'est pas en mesure de justifier de l'utilisation de la somme de 305'000 fr. qu'il a prélevée sur le compte joint, en revanche on sait qu'il a acquis le 24 novembre 1994 un bien immobilier pour un montant de 1'300'000 fr. qu'il aurait financé en partie par un prêt familial de 500'000 fr., sans qu'aucun acte, ni justificatif bancaire ne soit produit.

Au regard de ces constatations il y a lieu d'en déduire que M. [Z] [R] a conservé par devers lui la somme de 305'000 fr. Toutefois il convient de relever que le prêt de 400'000 fr. n'a été remboursé sur des fonds de la communauté que par des échéances mensuelles s'étendant du 28 mars 1991 aux 28 mai 1992, soit pour un total de 57'491,53 francs, alors que M. [Z] [R] a réglé les mensualités suivantes sur ses fonds propres.

Il y a lieu de relever en définitive que si la communauté n'a bénéficié du prêt de 400'000 fr. qu'à hauteur de 95'000 fr., compte tenu des prélèvements effectués par M. [Z] [R] à hauteur de 305'000 fr. au profit de son compte personnel, elle n'a supporté des charges de remboursement que pour un montant de 57'491,53 francs. On ne peut donc reprocher à M. [Z] [R] à ce titre un recel de fonds de communauté.

M. [Z] [R] pour sa part est mal fondé à réclamer la moitié de la somme de 172'887 fr. qu'il dit avoir réglée personnellement au titre des mensualités de remboursement du prêt de communauté, puisqu'il est établi qu'il a bénéficié de la somme de 305'000 fr. pour ces investissements personnels, étant relevé que selon le tableau de l'amortissement produit au débat le capital restant dû au 28 mai 1992 s'élevait à 380'404,62 francs, mais les parties ont manifestement entendu faire abstraction des conditions dans lesquelles la totalité du prêt avait été remboursée.

Par ailleurs il résulte d'un relevé de compte joint ouvert auprès de la BNP, que le couple a cédé le 26 novembre 1990 des SICAV pour un montant de 222'430,50 fr., et que la somme de 222'400 fr. a été débitée le 30 novembre suivant par virement. M. [Z] [R] s'est abstenu de donner toute explication sur l'utilisation de cette somme, qui n'a pu servir au financement des travaux, puisque l'essentiel des factures produites sont antérieures à cette date, et que compte tenu de son montant important elle n'a pu servir à couvrir les besoins quotidiens du ménage.

De même il est établi par Mme [G] [E], par la production de son relevé personnel de compte bancaire ouvert auprès du Crédit Agricole, et d'un ordre de virement, que le 8 novembre 1991 M. [Z] [R] a fait procéder à un virement de 100'000 fr. sur son compte personnel, étant relevé qu'il ne produit aucune facture de travaux pour cette période et les années qui ont suivi.

Il apparaît ainsi que M. [Z] [R] a prélevé sur les fonds de communauté la somme totale de 322'430,50 francs, au cours d'une période d'un an, pendant laquelle les époux ont signé l'acte par lequel ils ont adopté le régime de séparation de biens, celui-ci n'ayant pris effet qu'au 2 juin 1992. M. [Z] [R] prétendant vainement que les sommes ainsi prélevées ont pu servir à financer les travaux de la villa, et niant en avoir bénéficié à titre personnel, ces faits sont constitutifs du recel de communauté, tant en son élément matériel qu'en son élément intentionnel.

En conséquence, et en application des dispositions de l'article 1477 du Code civil, M. [Z] [R] est redevable envers la communauté de la somme de 322'430,50 francs, soit 49'154,21 euros, sur laquelle il sera privé de tous droits.

Aucune des parties ne demande à titre principal la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage du régime matrimonial, estimant ainsi que dans le présent débat l'ensemble des intérêts matrimoniaux peuvent être réglés.

En conséquence, dans la mesure où les parties ne font état d'aucun autre élément d'actif et de passif dépendant de la communauté, il y a lieu de réformer le jugement déféré, et de fixer de la façon suivante les récompenses dues à la communauté par chacun des époux et la somme qui reste due par Mme [G] [E] et M. [Z] [R] :

-Mme [G] [E]-[N] [E] doit récompense à la communauté pour un montant de 272'946 €, dont la moitié est due à M. [Z] [R], soit 136'473 €,

- M. [Z] [R] doit récompense à la communauté pour un montant de 49'154,21 euros, sur laquelle il est privé de tous droits.

Il en résulte que Mme [G] [E] doit en définitive la somme suivante à M. [Z] [R] :

136'473 € - 49'154,21 € =................................................ 87'318,79 €

M. [Z] [R] se voyant sanctionné par les dispositions relatives au recel de communauté, est mal fondé à solliciter de son ex-épouse des dommages-intérêts pour résistance abusive.

L'équité n'implique pas qu'il soit fait application de l'article au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement

Reçoit l'appel,

Réforme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

Dit que Mme [G] [E] doit récompense à la communauté pour un montant de 272'946 €, dont la moitié revient à M. [Z] [R], soit 136'473 €,

Dit que M. [Z] [R] doit récompense à la communauté pour un montant de 49'154,21 euros, somme sur laquelle il est privé de tous droits,

Condamne en conséquence Mme [G] [E] à payer à M. [Z] [R] la somme de 87'318,79 €,

Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens, et que les frais d'expertise réalisée par M. [O] seront supportés par moitié par chacune des parties,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 10/10470
Date de la décision : 24/05/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°10/10470 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-24;10.10470 ?
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