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03/05/2011 | FRANCE | N°10/09149

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 03 mai 2011, 10/09149


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 03 MAI 2011

G.L.

N° 2011/













Rôle N° 10/09149







[Y] [K]





C/



UNIVERSITE [9]

[W] [G]





















Grosse délivrée

le :

à :la SCP BLANC-CHERFILS

la SCP COHEN-GUEDJ













réf





Décision déféré

e à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 23 Février 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 01/97.





APPELANT



Monsieur [Y] [K]

né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 11] (BELGIQUE), demeurant [Adresse 5] - - BELGIQUE



représenté par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour

assisté par...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 03 MAI 2011

G.L.

N° 2011/

Rôle N° 10/09149

[Y] [K]

C/

UNIVERSITE [9]

[W] [G]

Grosse délivrée

le :

à :la SCP BLANC-CHERFILS

la SCP COHEN-GUEDJ

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 23 Février 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 01/97.

APPELANT

Monsieur [Y] [K]

né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 11] (BELGIQUE), demeurant [Adresse 5] - - BELGIQUE

représenté par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour

assisté par Me Marie DANGIBEAUD, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

UNIVERSITE DE HAIFA, agissant en qualité de légataire universelle représentée par M. le Professeur [U] [Z], Président de la dite Université, domicilié es qualité en son bureau de représentation, [Adresse 7]

représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,

assistée par Me Patrick GERBI, avocat au barreau de NICE

Monsieur [W] [G], pris en sa qualité d'exécuteur testamentaire demeurant et domicilié, demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,

assisté par Me Patrick GERBI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Mars 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.LAMBREY, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Gérard LAMBREY, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mai 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 03 Mai 2011,

Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement rendu le 23 février 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NICE entre l'Université de HAIFA, [W] [G] et [D] [K],

Vu l'appel interjeté le 14 mai 2010 par [Y] [K],

Vu les conclusions récapitulatives déposées par l'appelant le 8 mars 2011,

Vu les conclusions récapitulatives déposées par les intimés le 21 mars 2011,

Vu les conclusions de procédure échangées entre les parties le 22 mars 2011,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 22 mars 2011,

SUR CE

Sur la procédure

Attendu que l'appelant conclut au rejet des conclusions adverses déposées le 21 mars 2011 eu égard à la 'nouveauté résultant de nombreux nouveaux éléments factuels' impliquant une réponse ;

Attendu qu'aucun moyen de fait fondé sur de nouvelles pièces qui justifierait un débat contradictoire n'étant précisément allégué et l'appelant n'ayant pas demandé le renvoi de l'affaire, il n'y a pas lieu d'écarter les conclusions d'intimé déposées le 21 mars 2011 ;

Sur le fond

1. Attendu que [H] [T], née le [Date naissance 6] 1913, est décédée à [Localité 13] le [Date décès 3] 2000, où elle habitait depuis les années 1980 [Adresse 14] avec son troisième mari Monsieur [C] dont elle avait ensuite divorcé, révoquant le [Date décès 2] 1982 un testament en sa faveur (portant sur l'usufruit de son appartement) et désignant comme son seul héritier son fils [R] [K], unique enfant survivant de son premier mariage ;

Attendu que [H] [T] a rédigé le 14 novembre 1986 un nouveau testament par lequel elle réservait l'usufruit de tous ses biens à son fils [R], instituant son petit fils [D] [K], né le [Date naissance 4] 1968, comme son légataire universel en nue-propriété ;

2. Attendu que [R] [K] est décédé début 1994 à l'âge de 64 ans à la suite d'une opération cardiaque ;

3. Attendu qu'avant de décéder, [R] [K] avait écrit à son fils le 11 janvier 1994 dans l'éventualité de son décès en lui confiant 'sa mère '[E]', en ces termes :

'Si jamais il devait m'arriver quelque chose, je te demande d'apporter une attention toute particulière à [E]. Tu n'es pas vraiment au courant mais sache que ta grand-mère m'appelle presque tous les jours parce que soit on l'a volée, soit il y a des inconnus qui rentrent dans son appartement la nuit soit....100 autres raisons ! Neuf fois sur dix il s'agit des fruits de son délire mais il arrive malheureusement parfois que ce soit la réalité. Elle fait confiance au premier venu qu'elle fait monter chez elle. Sois prudent ! Je sais que je peux te faire confiance pour t'occuper d'elle mais pardonne lui à l'avance certains de ses comportements fous ; ne perds pas de vue tout ce qu'elle a vécu : malheureusement je crois qu'elle devient de plus en plus folle... C'est bien triste, je ne sais plus de chemin avec elle.'

4. Attendu que jusqu'à son décès [H] [T] est restée en contact avec son petit fils et son ex-belle fille, même si elle estimait 'qu'il n'était pas très gentil avec elle et ne s'intéressant pas vraiment à ses affaires', et a exprimé à plusieurs reprises (pièce 13 et 41 notamment) sa volonté de ne pas déshériter son petit fils ;

5. Attendu qu'en revanche, [W] [G], domicilié à [Localité 12], recruteur de donateurs dans plusieurs pays pour le compte de l'Université de [10], a eu l'occasion, par l'intermédiaire de Madame [I], membre de l'association d'entraide féminine juive WIZO, d'approcher [H] [T] à quelques reprises pour lui faire écrire un testament le 20 octobre 1996 ainsi rédigé :

'Je nomme L'unniversité D'Haifa

Pour mon légataire Universel

Je révoque toute dispositions antérieur'

6. Attendu que [W] [G] n'ayant pas jugé utile de déposer ce testament chez un notaire, désireux sans doute d'en améliorer le contenu, dictait à [H] [T] le 10 février 1997 le codicille suivant :

'Je confirme mes dispositions pour l'Université de [10] pour des oeuvres caritables et sociales en mémoire de mes fils [R] et [V]. Je nomme entant que exécuteur testamentaire Monsieur [W] [G] et lui confère la saisine'

7. Attendu qu'après comparaison avec des courriers manuscrits de l'époque, expert graphologue privé CHRISTIANS a estimé que les testaments semblent avoir été écrits sous contrainte, avec de grands espaces entre les mots et les lignes, ce qui n'est pas dans ses habitudes de même qu'ils ont été écrits sous la dictée, sans connaître d'avance le texte, concluant qu'ils avaient été écrits sous contrainte, dans un grand stress ;

Attendu qu'il est de fait qu'à l'époque, deux procédures judiciaires, l'une à [Localité 15], l'autre à [Localité 8] (arrêt 1ère Chambre A - arrêt du 1er mars 2005) ont reconnu deux testatrices insanes et annulé divers testaments obtenus notamment en novembre 1997 et janvier 1998 par ce même [W] [G] ;

Attendu qu'il est d'ailleurs intéressant de relever qu'une dame de compagnie de Madame [I], a déclaré aux services de police le 5 février 2004 qu'elle avait trouvé celle-ci tremblante et en pleurs, lui racontant que Monsieur [G] allait peut-être avoir des problèmes et être mis en examen, lui avouant 'j'ai donné tout à lui et lui c'est un escroc' ;

Attendu au demeurant qu'il résulte d'un courrier du 18 décembre 1997 adressé par [H] [T] au procureur de la République de [Localité 13] dans le cadre d'une 'plainte pour tentative de mise sous tutelle' et du témoignage du [J] [M], auxiliaire de nuit depuis 1997, que [H] [T] avait totalement occulté le testament du 20 octobre 1996, rappelant son 'intention formelle de transmettre son patrimoine à son petit fils [D], par référence expresse au testament du 14 novembre 1986, dont son fils était malheureusement privé par son décès prématuré, qu'elle était 'paniquée' à l'idée d'avoir peut-être signé un testament au profit de l'Université de [10] et au détriment de son petit fils ;

Attendu qu'à chaque fois que ce dernier était alerté, celui-ci pensait que la tutelle la protégeait suffisamment ;

8. Attendu en effet qu'au cours de l'été 1996, une voisine, inquiète de la situation de [H] [T], qui était endettée envers la copropriété, en informait son médecin traitant, le Docteur [A], lequel saisissait le juge des tutelles des circonstances rappelées ainsi :

Je soussigné, Docteur [A], Docteur en Médecine, médecin traitant de M. [H] [T] en août 1996.

Elle présentait un état de démence débutante.

J'ai donc fait une demande de protection au Juge des tutelles de [Localité 13] en août 1996.

Certificat remis en main propre à Monsieur [K] [D], petit fils de Madame [T], le mardi 24 août 2010.

9. Attendu que dès le 2 septembre 1996, le juge des tutelles rendait une ordonnance de désignation d'un mandataire spécial et de placement sous sauvegarde de justice ;

10. Attendu que le Docteur [P], psychiatre et expert désigné rendait le 30 novembre 1996 son rapport, concluant de la manière suivante :

2°) DISCUSSION

Madame [T] [H] est une dame âgée de 83 ans qui présente un affaiblissement sénile de ses facultés mentales qui se traduit par un émoussement de l'esprit critique et des troubles du jugement qui la rendent crédule et influençable. Elle a une tendance à la générosité excessive en raison de son histoire. En effet, ses parents sont décédés alors qu'elle avait quatre ans, elle a donc été élevée dans une orphelinat puis a été victime de l'holocauste dont elle a échappé au prix de nombreuses séquelles physiques. Elle met un point d'honneur à se montrer généreuse envers les pauvres et les mendiants et dit ne pas savoir refuser l'aide financière lorsqu'elle est sollicitée. Au cours de l'entretien elle a évoqué plusieurs situations qui peuvent faire penser à des spoliations et il paraît nécessaire que le mandataire spécial qui a été désigné fasse un bilan des pertes et éventuellement aide Madame [T] à récupérer les fonds qu'elle aurait avancés.

Par ailleurs, l'altération de ses facultés corporelles : difficulté à se déplacer et troubles de la vision, nécessite qu'elle soit assistée dans les actes de la vie civile.

Madame [T] ne présente pas de déficit de ses fonctions intellectuelles, sa mémoire est bonne, son orientation temporo-spatiale est bien conservée. Elle ne présente pas de troubles du raisonnement, ce qui exclut une mesure de tutelle. Par contre, il est nécessaire qu'elle soit conseillée dans les actes de la vie civile. L'instauration d'une mesure de curatelle spéciale est souhaitable.

3°) CONCLUSIONS

1°) j'ai examiné Madame [T] [H] le 30 novembre 1996.

2°) J'ai constaté un affaiblissement modéré de ses facultés mentales, se traduisant par un émoussement de l'esprit critique et une tendance à la générosité, voire à la prodigalité, qui l'ont amenée à prêter de fortes sommes d'argent sans aucune garantie. Ses facultés corporelles sont altérées par les séquelles de la déportation. Elle marche difficilement, elle utilise très peu son membre supérieur droit. De plus, elle présente des troubles de la vision avec perte de la vision de l'oeil gauche et une diminution très importante de l'acuité à l'oeil droit qui rendent la lecture quasiment impossible.

3°) Les constatations ainsi effectuées sont de nature à justifier l'instauration d'une mesure de curatelle spéciale.

4°) Il lui a été donné connaissance de la procédure en cours, cette information a été parfaitement comprise par l'intéressée qui s'y est déclarée totalement hostile, elle assimile la mesure de protection à une privation de liberté, ce qui entraîne chez elle des affects dépressifs, elle exprime des idées suicidaires en relation avec l'ouverture de la mesure de protection.

5°) L'audition par Monsieur le Juge des Tutelles n'est pas de nature à nuire à sa santé ni à son équilibre psychique ; au contraire l'intéressée désire être entendue par le Magistrat pour exprimer son opinion, mais elle se déplace difficilement.

11. Attendu qu'après avoir procédé à son audition le 17 mars 1997, aux termes de laquelle elle n'accordait de confiance qu'à son tuteur Monsieur [S] et à son petit fils, le juge des tutelles décidait par jugement du 6 mai 1997 de la placer sous tutelle, mesure qu'elle tentait en vain de transformer en curatelle renforcée, après nouvelle audition par le juge des tutelles auquel elle confiait le 9 novembre 1998 l'existence d'autres abus de faiblesse ;

12. Attendu en droit que pour qu'un acte fait par une personne ultérieurement placée sous le régime de la tutelle puisse être annulé sur le fondement de l'article 503 du Code civil, il n'est pas nécessaire de rapporter la preuve de l'insanité d'esprit au moment de l'acte et il suffit que la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle ait existé notoirement à l'époque où l'acte a été fait ;

Attendu que la cause médicale à l'origine de la tutelle est l'état de démence sénile ;

13. Attendu que la preuve du caractère notoire de l'affaiblissement de ses facultés mentales, en octobre 1996 et en février 1997, mis à part le témoignage de son propre fils [R] et de son petit fils (selon lequel elle est devenue à moitié folle à la mort de son fils) et du médecin traitant, résulte d'un certain nombre de témoignages ci-après résumés :

- [B] [F], voisine et amie depuis 1987 'au fil des années ses facultés mentales ont beaucoup diminué... elle faisait confiance aux premiers venus et les faisait entrer chez elle... elle se faisait souvent voler' ses épisodes délirants étaient de plus en plus fréquents. En 1996 elle avait sombré dans la confusion mentale'.

- Monsieur [S] gérant de tutelle depuis septembre 1996 'son état psychologique s'est nettement dégradé depuis le décès de son fils...elle tenait des propres contradictoires en l'espace d'une heure'. 'Elle a été victime de sa générosité naturelle' 'elle était fragilisée, en proie à des périodes de confusion intellectuelle ..avait un comportement délirant'.

- Madame [O] relation 'fin années 1990, elle avait signé des papiers, elle n'y comprenait rien... elle pleurait...elle disait je ne sais plus.

- Madame [N], auxiliaire de vie depuis septembre 1996, 'elle était souvent incohérente dans ses discours et particulièrement généreuse... elle donnait à n'importe qui puis se plaignait du vol'.

- Madame [X] amie en vacance en 1995-1996 à [Localité 13] 'elle avait une éducation qui lui donnait un vernis de sorte qu'elle pouvait parfois paraître normale, ses propos n'étaient pas toujours incohérents, mais en réalité ce qu'elle racontait n'était pas la réalité et elle mélangeait tout et n'importe quoi. Elle perdait vraiment la raison'.

- Mademoiselle [J] [M] amie en 1995 garde malade en 1997-98 'elle était fragile avec des moments de lucidité et d'autres où elle était moins lucide. Elle était parfois paranoïaque. Dans ses instants de lucidité elle avait peur d'avoir déshérité son petit fils'.

11. Attendu que ces nombreux témoignages établissent la notoriété générale de l'existence de la démence sénile de [H] [T] au moment de la rédaction du testament et du codicille litigieux, de sorte que ces deux actes doivent être annulés au visa de l'article 503 du Code civil, et le jugement réformé en ce sens ;

12. Attendu qu'à défaut de démonstration du caractère abusif de la procédure il n'y a pas lieu d'allouer de dommages et intérêts à l'appelant ni aux intimés en raison de leur succombance ;

13. Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions d'intimés déposées le 21 mars 2011,

Au fond,

Réforme le jugement,

Statuant à nouveau,

Annule les testaments de [H] [T] des 20 octobre 1996 et 10 février 1997,

Condamne L'UNIVERSITE DE HAIFA et [W] [G] à payer à [Y] [K] la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Admet la SCP BLANC-CHERFILS avoué au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 10/09149
Date de la décision : 03/05/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°10/09149 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-03;10.09149 ?
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