La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2011 | FRANCE | N°10/10783

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 29 mars 2011, 10/10783


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2011

B.R.

N° 2011/













Rôle N° 10/10783







SARL SAINTE EULALIE DEVELOPPEMENT

Société COREAL INTERNATIONAL LIMITED





C/



[K] [V]





















Grosse délivrée

le :

à :la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI

la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL

- ALLIGIER













réf





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 14 Mai 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 05/8926.





APPELANTES



S.A.R.L SAINTE EULALIE DEVELOPPEMENT agissant poursuites et dil...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2011

B.R.

N° 2011/

Rôle N° 10/10783

SARL SAINTE EULALIE DEVELOPPEMENT

Société COREAL INTERNATIONAL LIMITED

C/

[K] [V]

Grosse délivrée

le :

à :la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI

la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 14 Mai 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 05/8926.

APPELANTES

S.A.R.L SAINTE EULALIE DEVELOPPEMENT agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège, [Adresse 3]

représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour,

assistée par Me Bernard HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Société COREAL INTERNATIONAL LIMITED agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié en cette qualité, [Adresse 5]

représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour,

assistée par Me Bernard HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Monsieur [K] [V]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 4], demeurant [Adresse 6]

représenté par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à la Cour,

assisté par Me Thierry CABELLO, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Mars 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.LAMBREY, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Gérard LAMBREY, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2011,

Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement du 14 mai 2010 du Tribunal de Grande Instance de Draguignan,

Vu la déclaration d'appel formée le 9 juin 2010 par les sociétés Sainte Eulalie Développement et Coreal International Limited,

Vu les conclusions régulièrement déposées le 8 novembre 2010 par M. [K] [V],

Vu les conclusions régulièrement déposées le 3 février 2011 par les sociétés appelantes,

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte des pièces produites par les parties et des éléments recueillis par l'expert [G], désigné par jugement du 12 janvier 2006 du Tribunal de Grande Instance de Draguignan, qu'en 1987 la société SOPROMEB a engagé des études de faisabilité en vue de la création d'un golf sur la commune de [Localité 4]. À cette fin M. [A] [D], propriétaire de parcelles de terrain, consentait un bail emphytéotique à la Société d'Aménagement du Domaine Sainte Eulalie.

En janvier 1991 une autorisation de défrichement est accordée et en juin 1990 le conseil municipal de [Localité 4] délivre une première autorisation de construire un parcours de golf de 18 trous +9 trous permettant une première ligne d'investissement pour la création du practice qui connaîtra une activité jusqu'en 1995.

En décembre 1993 intervient le règlement de Plan d'Aménagement de Zone de la ZAC Saint Eulalie, devant permettre la création d'équipements hôteliers, club-house, commerces et habitat pour 42'400 m² de SHON, ces constructions ne devant être autorisées qu'après réalisation des parcours de golf.

Le 11 juin 1996 la Société d'Aménagement du Domaine Saint Eulalie est mise en liquidation judiciaire. Il s'ensuit la vente des terrains acquis par cette société à la SAFER, et la résiliation judiciaire du bail emphytéotique.

En 1998, les autorisations délivrées par l'administration pour la ZAC et le permis de construire du parcours de golf, étant toujours valables et sans aucun recours en caducité, M. [K] [V] entreprenait diverses actions afin de permettre la renaissance du projet et plus particulièrement la reconstitution du périmètre foncier, la constitution d'une société d'aménageur foncier, l'acquisition de parcelles de terres supplémentaires et la conclusion d'une convention d'aménageur avec la mairie d'[Localité 4]. Il constitue à cet effet la SARL Saint Eulalie Développement (SED).

Le 5 octobre 1999 M. [K] [V] obtient de la SAFER un droit anticipé d'occuper et d'utiliser les parties de terrains nécessaires au développement du projet, ainsi qu'une promesse synallagmatique de bail emphytéotique d'une durée de 70 ans consenti par M. [D], la validité de l'autorisation de défrichement ayant été confirmée par la DDAF, le 14 octobre 1999. Il obtient également de la SAFER et de Monsieur [D] des promesses unilatérales de vente d'immeubles.

Par une convention sous seing privé du 27 avril 2000, M. [K] [V] s'engageait à céder à une société dénommée Coreal International Limited, représentée par M. [C], l'intégralité des parts de la Société Sainte Eulalie Développement (SED). Cette société devait financer les acquisitions et prises à bail emphytéotique des terrains grâce à un prêt de la société Coreal International Limited, qui se transformerait en avance en compte courant dès l'acquisition des parts.

La société Coreal International Limited s'est engagée, à titre irrévocable, comme condition de la cession de l'intégralité des parts, à verser à M. [K] [V] une somme forfaitaire de 3'400'000 fr. hors taxes, soit 518'326 euros HT, à titre de remboursement des frais exposés pour le montage du projet, et à titre de rémunération de son travail passé et de celui à accomplir. Un échéancier était prévu pour le règlement de cette somme jusqu'au 30 avril 2001.

La cession des parts est intervenue le 12 mai 2000 pour le prix de 31'000 €, représentant le montant des 31 000 parts sociales d'une valeur d'un euro chacune, représentant le capital social de la SED, M. [V] restant gérant de cette société.

Quatre ans plus tard, le 29 avril 2004, M. [V] et la société Coreal International Limited représentée par M. [C] sur autorisation de M. [Y] représentant légal de ladite société, concluaient un avenant à la convention du 27 avril 2000. Les parties indiquaient que M. [V] avait perçu une somme de 126'904 €; que les échéances versées avec retard produiraient intérêts à 6 %, que le solde de sa rémunération était égal à 391'422 €, cette somme étant réglée partiellement par le moyen d'une dation en paiement à hauteur de 228'673 €, portant sur l'attribution d'un lot de terrains du lotissement à réaliser dans la Zac de Saint Eulalie. Il était stipulé une augmentation des honoraires de M. [K] [V] à hauteur de 30'000 € hors taxes en raison des délais supplémentaires nécessaires pour l'obtention de l'autorisation de défrichement et au titre de la loi sur l'eau. Le solde restant à payer, hors dation en paiement mais intérêts de retard compris, s'élevait à la somme de 273'149 €, laquelle serait réglée par mensualités à compter du mois de juillet 2004.

Les échéances des mois de juillet 2004 à janvier 2005 étaient payées, et le 11 avril 2005 la société SED se substituait à la société Coreal International Limited pour l'exécution de ses obligations envers M. [V], concernant notamment le paiement de la somme de 273'149 € et la dation en paiement. Par cet acte la société SED a reconnu devoir à M. [V] la somme de 15'000 €, sous réserve des intérêts de retard et de toute somme restant ultérieurement.

Les actionnaires de la SED ont mis fin aux fonctions de gérant de M. [V] lors de l'assemblée générale du 28 avril 2005 et le nouveau gérant, M. [O], a notifié à M. [V], par lettre du 11 juillet 2005, la résolution de la convention du 27 avril 2000 et de ses avenants.

À cette date, les autorisations administratives nécessaires à la réalisation du programme immobilier et l'implantation du golfe n'étaient pas obtenues. Le 18 février 2008 la demande d'autorisation présentée le 14 octobre 2006 a été rejetée par un arrêté préfectoral. Cette décision était essentiellement motivée par l'aggravation du risque pour les personnes et les biens résultant de la construction d'immeubles en aval d'un barrage dont la réfection n'était pas prévue, par l'atteinte au principe de la gestion durable des ressources en eau résultant de l'implantation du golf et par l'incompatibilité du projet avec l'équilibre biologique d'un site présentant un intérêt remarquable pour la préservation des espèces.

****

C'est par de justes et pertinents motifs que la Cour adopte, que dans le jugement déféré, le Tribunal de Grande Instance de Draguignan, qui a dit que la Société Saint Eulalie Développement n'établissait pas de manquements de la part de M. [V] dans le cadre de sa mission de prestataire de services et dans le cadre de son mandat de gérant, a condamné ladite société in solidum avec la société Coreal International Limited à payer à M. [K] [V] la somme de 561'141,38 € avec intérêts au taux annuel de 6 % à compter du 1er janvier 2008.

En effet le premier juge a d'abord rappelé que la convention du 27 avril 2000 prévoyait que l'engagement à titre irrévocable de la société Coreal International Limited à verser à M. [V] une somme de 3'400'000 fr. hors taxes, qui était une condition de la cession par ce dernier de ses parts dans la société SED, aménageur de la Zac Saint Eulalie, correspondait au remboursement des frais avancés par M. [V] dans le cadre de la préparation du projet et à la rémunération du travail réalisé antérieurement et de celui restant à faire dans le cadre de la mission qui lui était confiée, ladite mission consistant à obtenir, en concours avec les collaborateurs de la société Coreal International Limited et en respectant leurs directives, l'ensemble des autorisations administratives nécessaires pour aboutir à l'obtention des permis de construire définitifs permettant la réalisation du projet.

Le premier juge a ensuite constaté que la réalité et la qualité de l'accomplissement par M. [V] de sa mission n'avait pas été remise en cause par la société Coreal International Limited, principal associé de la société SED, après le rejet des demandes d'autorisations relatives au défrichement et à la loi sur l'eau en 2003, puisque par avenant à la convention de 2000, signé le 29 avril 2004, la société Coreal International Limited ratifiait ses engagements de paiement à M. [V] et consentait en sa faveur une augmentation de ses honoraires de 30'000 € hors taxes, en raison des délais supplémentaires nécessaires pour l'obtention de l'autorisation de défrichement et au titre de la loi sur l'eau.

En se référant aux pièces produites par les parties et notamment le contrat de coordination et de pilotage signé entre la Société SED et la Société Coreal Gestion le 18 août 2004, et l'attestation de M. [W] en date du 3 juin 2006, le premier juge a pu en déduire que la gestion administrative du dossier du golf de Saint Eulalie était confiée à la Société Coreal Gestion.

Après avoir souligné que l'expert avait examiné toutes les pièces techniques relatives au projet ainsi que les documents juridiques, le premier juge retenait que cet expert avait pu déterminer que le retard dans l'obtention des autorisations relatives au défrichement et à la loi sur l'eau provenait de la modification de la législation et de la modification du projet, notamment par la conservation de la digue retenant les eaux du lac situé en amont du domaine, laquelle devait être détruite et reconstruite pour des raisons de sécurité, ce dernier élément motivant également le refus d'autorisation de 2008.

Il indiquait que l'expert avait mis en évidence que les retards dans l'avancement du projet ne provenaient pas de manquements de M. [V], qui avait rempli sa mission en entretenant des relations suivies avec les partenaires extérieurs, et avait déposé en leur temps les dossiers de demandes d'autorisations et signer les actes de cessions et de prise à bail emphytéotique, les pièces produites montrant qu'étaient à l'origine de l'échec du projet, les experts ayant élaboré les dossiers de demandes d'autorisations, ainsi que les actionnaires n'ayant pas constitué les garanties bancaires nécessaires, reconnaissant aussi que l'échec était également imputable au durcissement de la législation en matière de protection des réserves d'eau et de l'environnement.

Le premier juge expliquait également que les manquements reprochés dans les rapports avec la famille [D] étaient imputables non seulement au défaut de constitution de garanties bancaires, mais aussi au défaut d'aménagement promis et au défaut de paiement de termes de loyer, ces manquements incombant aux actionnaires de la société SED, qui n'ont pas mis à disposition les fonds propres nécessaires, les mises en demeure adressées par M. [D] aux mois de février et avril 2001 en raison de ces manquements, ayant été communiquées en copie à M. [C] alors représentant des actionnaires de la société SED. Il relève que ce dernier a dirigé le projet à compter de l'année 2000 et que M. [D] a mis en cause la loyauté de celui-ci dans les engagements financiers par son courrier adressé au maire de la commune en date du 24 avril 2003.

Le premier juge a caractérisé le manque d'engagement des actionnaires, représentés pendant plusieurs années par M. [C], en citant une note interne de la holding Saint Philippe, groupe Coreal, en date du 13 novembre 2000, qui indique que la société a retiré la validation des accords intervenus avec M. [V] et a interdit tout autre investissement en rapport avec le projet de [Localité 4], à M. [C] et à M. [O], en raison des pertes du groupe.

Considérant ainsi que la société SED n'établissait pas la preuve des manquements invoqués à l'encontre de M. [V], et que celui-ci selon les travaux de l'expert et les pièces produites avaient réalisé la mission qui lui était confiée, il en concluait qu'il lui était dû le solde de la rémunération convenue.

Rappelant que dans l'acte du 11 avril 2005 M. [V] n'avait pas expressément déchargé la société Coreal International Limited de ses engagements envers lui, et qu'en conséquence la substitution conclue entre la société SED et la société Coreal International Limited ne pouvait mettre fin à la relation contractuelle établie entre M. [V] et cette dernière, le premier juge était fondé à condamner in solidum les 2 sociétés au paiement de la rémunération de M. [V], cette rémunération ayant été arrêtée par l'expert, après déduction des acomptes versés, et après calcul des intérêts échus, à la somme de 561'141,38 euros hors taxes outre intérêts à 6 % l'an à compter du 1er janvier 2008.

****

Dans leurs conclusions les sociétés appelantes formulent un certain nombre de critiques à l'égard de la motivation du jugement déféré.

En premier lieu elles critiquent l'interprétation qui a été faite par le premier juge des dispositions de la convention du 27 avril 2000 concernant la rémunération de M. [K] [V]. Elles soutiennent que la rémunération du travail accompli par ce dernier jusqu'à la date de signature de la cession des parts sociales de la SED, aurait été prise en considération dans la valorisation des actifs nécessaires à la détermination du prix de cession des parts, et que seul le travail que M. [K] [V] s'était engagé à exécuter pour l'avenir, constituait la quasi-totalité de la contrepartie des 3'400'000 fr. promis.

Il s'agit là d'une dénaturation flagrante des termes de la convention. En effet celle-ci stipule clairement et de façon expresse que :

'la société Coreal International Limited s'engage à titre irrévocable à verser à M. [K] [V] au titre de :

- Remboursement de ses frais avancés pour le montage du projet,

- Rémunération de son travail réalisé à ce jour et de celui restant à faire dans le cadre de la mission qui va lui être ci-après confiée,

une somme forfaitaire de 3'400'000 francs'.

Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il n'a pas été tenu compte dans la détermination du prix de cession des parts sociales de la SED, du travail accompli par M. [K] [V] antérieurement à cette cession, puisque ce prix a été fixé sur la base de la valeur nominale de un euro la part sociale.

Pour les sociétés appelantes la rémunération stipulée en faveur de M. [K] [V] était la contrepartie de l'accomplissement du mandat social de celui-ci et plus particulièrement de l'obtention pour le compte de la société du résultat défini comme étant sa mission spécifique.

L'examen des nombreuses pièces versées au dossier montre suffisamment qu'en réalité M. [K] [V] était essentiellement rémunéré d'une part en raison de l'état d'avancement du projet résultant de son travail, à la date de la convention, et d'autre part pour l'utilité de son « relationnel » dont la société SED pouvait tirer bénéfice à l'égard des autorités publiques locales et des propriétaires des parcelles concernées, la qualité de gérant de la société SED n'apparaissant qu'accessoire et purement formelle, n'étant justifiée que pour légitimer son rôle relationnel vis à vis des autorités publiques et des propriétaires de parcelles.

Alors que selon les dispositions de l'article L223-27 du code de commerce, les assemblées d'une société à responsabilité limitée sont convoquées par le gérant, il ressort de l'examen des procès-verbaux d'assemblées générales ordinaire et extraordinaire, en date du 11 novembre et du 2 décembre 2004, que ces assemblées se réunissaient à l'insu du gérant, sous la présidence de M. [Y], représentant de l'associé majoritaire Coreal International Limited, en présence des représentants des deux autres associés.

Manifestement le représentant de l'associé majoritaire, entendait gérer et diriger la société SED comme s'il s'agissait d'une société anonyme, son rôle étant équivalent à celui d'un président de conseil d'administration, excluant le gérant de tout rôle effectif dans le fonctionnement interne de la société.

Il ressort des pièces produites que jusqu'en octobre 2004, M. [C], qui représentait alors l'associé majoritaire, assurait la direction effective et la mise en oeuvre de l'objet social de la SED.

En effet dans son attestation du 3 juin 2006, M. [L] [W], qui assurait des missions relatives à la gestion administrative du dossier du golf du Domaine de Sainte Eulalie, en qualité d'assistant au développement au sein de la Société Coreal Gestion, explique que l'essentiel de l'activité de la SARL Saint Eulalie Développement se rapportait à la constitution des dossiers des demandes d'autorisation de défrichement et pour la loi sur l'eau, mais que cette constitution de dossiers était est elle-même confiée à des experts indépendants.

Il indique qu'il n'avait à prendre ses directives et à rendre compte qu'à son groupe Coreal Gestion, c'est-à-dire à M. [C] puis à M. [E] [J], son successeur en 2005 après les poursuites judiciaires dont a fait l'objet ledit [C].

Il précise que 'M. [K] [V], le gérant statutaire, n'avait pas pouvoir de décision ou mission de contrat à responsabilité dans la gestion de ce dossier. Son rôle a consisté dans l'accompagnement des demandes finalisées par le groupe Coreal, grâce à son relationnel auprès des services concernés, et il n'a été informé des travaux du groupe Coreal qu'à titre consultatif.'

Il apparaît ainsi qu'effectivement M. [K] [V] n'avait pas de pouvoir décisionnel dans l'activité de la SED, et ce d'autant moins que si dans la mission qui lui avait été confiée par la convention du 27 avril 2000, il était prévu l'obtention de l'ensemble des autorisations administratives, jusqu'au permis de construire devenu définitif, c'était en concours avec les collaborateurs de la société Coreal International Limited, et en respectant leurs directives. Ce qui montre que M. [K] [V] n'avait aucune autonomie ni pouvoir de décision dans l'élaboration des demandes d'autorisation administrative.

Au demeurant l'essentiel de sa mission est stipulé dans la convention du 27 avril 2000 laquelle prévoit que cette mission comprendra les relations à entretenir avec les responsables de la ville et l'administration municipale, celles avec les administrations départementales et enfin celles avec la famille de [D] et les voisins de la propriété du domaine Saint Eulalie.

C'est ainsi que M. [K] [V], qui n'avait pas de réels pouvoirs de décision quant à la constitution des dossiers de demandes d'autorisations, était amené surtout à présenter les dits dossiers aux autorités administratives locales avec lesquelles il avait des contacts privilégiés, encore qu'il résulte de divers courriers, notamment des 23 et 26 octobre 2000, de M. [H], de la Société Coreal Gestion, que les services de cette société adressaient directement aux administrations départementales les dossiers qu'ils constituaient, et traitaient directement avec ces administrations, notamment avec la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt dont ils recevaient les réponses (lettre du 26 octobre 2000 de l'ingénieur des eaux et forêts), M. [K] [V] n'étant destinataire que pour information, de ces échanges de courriers.

Il en était de même dans les relations avec les prestataires de services qui contractaient avec la SED (société du canal de Provence, cabinet d'architecture [P] [B], géomètre expert [F] [S]...), comme le montrent les courriers portants les numéros 70 à 75 des pièces de l'intimé, les services de la Société Coreal Gestion étant destinataires des courriers et offres de services ; ainsi M. [C] signait lui-même un « bon pour accord » sur une proposition de devis de l'établissement « Eau et Perspectives », la société SED étant invitée à régler les prestataires.

M. [C] signait pour le compte de la société SED, bien d'autres projets de devis comme celui présenté par la Société du Canal de Provence en date du 16 avril 2004, mais aussi le projet de confortement de la digue, en date du 23 mars 2004, ce qui montre que cette solution, qui apparaît être un motif du rejet préfectoral, a été entérinée par le représentant de l'associé majoritaire de la SED, et ne paraît pas ressortir d'une initiative de M. [K] [V], comme il le lui est reproché par les appelantes.

Il est bien certain que dans ces conditions il ne peut être reproché à M. [K] [V] le défaut d'obtention des autorisations administratives, celui-ci devant, selon les dispositions conventionnelles, respecter les « directives » des collaborateurs de la Société Coreal International Limited, et étant privé de tout pouvoir de décision dans les rapports avec les prestataires de services, et dans la mise en oeuvre des projets.

M. [Y], qui a succédé à M. [C] comme représentant de l'associé majoritaire de la SED, affirmait lui-même, dans son courrier du 19 mai 2005, qu'il était absurde d'attribuer à M. [K] [V], l'élaboration du dossier de demande des autorisations, et que 99 % du travail avait été fourni par l'équipe de management dans laquelle travaillait M. [W] en tant que salarié, et par les équipes de MM. [R] et [M] rémunéré par la Société Coreal International Limited.

En aucun cas la mission confiée à M. [K] [V] ne peut être considérée comme une obligation de résultat, puisque celui-ci se voyait privé de pouvoir de décision, devant agir en respectant les directives des collaborateurs de la Société Coreal International Limited.

Si par jugement du 25 février 2002, le Tribunal de Grande Instance de Toulon, a constaté la résolution du bail emphytéotique consenti par M. [D], pour non respect par la SED de ses obligations, il ne peut être valablement reproché à M. [K] [V] son inaction et de ne pas avoir informé les associées de ces difficultés, puisque M. [C], représentant de l'associé majoritaire, et dirigeant de fait de la SED, était parfaitement informé des réclamations formées par M. [D], comme le montrent les mentions figurant sur les lettres des 21 février, 1er avril et 19 avril 2001 adressées par ce dernier, mentions desquelles il résulte que M. [C] était destinataire d'un exemplaire des dites lettres de réclamation.

Force est de constater que M. [K] [V] a parfaitement tenu son rôle de relations publiques, qui constituaient l'essentiel de sa mission, puisque postérieurement au jugement rendu le 25 février 2002 résiliant le bail emphythéotique, M. [K] [V] a obtenu de M. [D] un protocole d'accord en date du 26 avril 2002 par lequel celui-ci se désistait de toute action.

En outre les sociétés appelantes sont mal fondées à reprocher à M. [K] [V] des défaillances dans la gestion sociale, fiscale et comptable de la SED, ainsi que la rétention de pièces et dossiers de la société.

Comme le montre le courrier du 4 novembre 2004 des services de la Société Coreal Gestion, c'est cette dernière qui fournissait à M. [K] [V] le bilan de la Société SED et ses annexes, le projet de rapport du gérant, le rapport spécial du gérant, ainsi que le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire et l'affectation des résultats. La Société Coreal Gestion facturait d'ailleurs pour ses services un montant mensuel de 500 € à la SED, et le gérant de cette dernière, M. [K] [V], apparaissant, selon le même courrier, chargé seulement du dépôt des comptes annuels au greffe du Tribunal de Commerce.

Par ailleurs on a vu que les assemblées générales se tenaient entre actionnaires, sans que le gérant M. [K] [V], y prenne part ou en soit informé. Il est vain dans ces conditions de lui reprocher la non-représentation de pièces administratives, tels les registres d'assemblée générale.

Un courrier du 27 septembre 2004 adressé par M. [CH], expert qui avait évalué les actifs de la SED, à la demande de M. [C], montre que celui-ci avait déjà fait intervenir pour celle-là, le Cabinet d'expertise comptable [I], lequel ne manquait pas de facturer dès le 28 février 2005, ses honoraires à la SED (Cf. courrier du 28 février 2005du cabinet [Z] à M. [K] [V]).

Les actionnaires de la SED, par l'intermédiaire de leur représentant choisissait donc le cabinet d'expertise qui intervenait pour la comptabilité de la SED, et avait avec ce cabinet des rapports privilégiés, puisque dans un courrier du 5 décembre 2004, leur nouveau représentant, M. [Y], recommandait à l'expert comptable, M. [I], 'd'alléger au maximum les commentaires dans le PV de la dernière assemblée générale', et précisait : 'il faut par exemple simplement dire que Monsieur [V] est demandé de les remettre au plus vite au lieu indiqué par le représentant des associés'.

Dans le même courrier, M. [Y] demandait encore à l'expert-comptable d' 'organiser aussi rapidement que possible une séance avec M. [V] pour l'informer des mesures au niveau de la restructuration de l'organisation et des organismes mandatés pour le service juridique et la comptabilité ». Il poursuivait en expliquant : « si Monsieur [V] demandera pourquoi je ne lui ai pas fait part, lors de mes visites des diverses résolutions (conc. la restructuration), je propose de dire que ce n'était pas le moment ».

Dans ces conditions on comprend que M. [K] [V] était tenu à l'écart de toutes les décisions importantes, notamment en ce qui concerne le suivi de la comptabilité. Il en résulte que les allégations des sociétés appelantes, selon lesquelles elles ont été privées des pièces comptables que M. [K] [V] aurait diverties, n'apparaissent pas fonder.

Il résulte en outre de 2 arrêts de la Cour de céans en date des 18 juin 2008 et 16 avril 2009, que M. [K] [V] s'est trouvé dans l'impossibilité de restituer les documents qui lui étaient réclamés, puisqu'il était établi d'une part que les dossiers administratifs loi sur l'eau et défrichement avaient été remis à la mairie d'[Localité 4], et que la police judiciaire avait saisi l'essentiel des documents de la SED dans le cadre de l'enquête diligentée au sujet des agissements de M. [C].

Dès avant la résiliation de la convention du 27 avril 2000, par courrier du 11 juillet 2005 de la SED, on constate que le 6 juillet 2005, Me [T] [X], huissier de justice mandatée par cette société s'est vue remettre par M. [K] [V] la déclaration d'impôt sur les sociétés pour l'exercice 2004 ainsi que l'état de synthèse (bilan) pour le même exercice. Au demeurant, en ce qui concerne l'exercice précédent, on relève que M. [Y] écrit dans un courrier du 6 décembre 2004, qu'il a transmis à l'expert-comptable [I], les documents que M. [K] [V] lui avait remis, s'agissant des comptes et bilans de l'exercice 2003 et du rapport de gestion.

En ce qui concerne les dénigrements du projet de golf et des dirigeants de la SED, reprochés à M. [K] [V], dans la lettre de résiliation du 11 juillet 2005, les sociétés appelantes ne donnent aucune précision dans leurs conclusions d'appel sur la nature de ces dénigrements. Les interventions de M. [K] [V] dans la presse locale, ont eu pour objet légitime de se démarquer de M. [C], qui faisait l'objet de poursuites judiciaires.

En conclusions, il résulte de l'ensemble des constatations qui précèdent, que M. [K] [V] a, dans la limite des contraintes qui lui étaient imposées, assuré pleinement l'accomplissement des missions qui lui ont été confiées dans le cadre de la convention du 27 avril 2000, puisqu'il a conduit la présentation, auprès des autorités administratives locales, des dossiers de demandes d'autorisations qui avaient été constitués par les services techniques de la société holding ' Saint Philippe Holding', en particulier la Société Coreal Gestion.

Il s'est acquitté parfaitement du chef essentiel de mission consistant à entretenir les relations avec les responsables de la ville, l'administration municipale, les administrations départementales, et avec la famille de [D] et les propriétaires voisins.

On citera à ce titre le courrier du 6 décembre 2004 adressé par M. [Y]

à M. [K] [V], par lequel il remercie ce dernier pour la bonne préparation des rendez-vous lors de sa visite à [Localité 4]

S'adressant à l'expert-comptable [I], dans son courrier déjà cité du 5 décembre 2004, M. [Y] écrit : « en prenant connaissance du compte rendu des visites à [Localité 4], vous observerez que Monsieur [V] a été serein dans son discours, tranquille, précis, faisant preuve de bien maîtriser les sujets dont il est responsable'.

En effet dans son compte rendu des visites effectuées à [Localité 4], M. [Y] rappelle que l'assemblée générale du 11 novembre 2004 des associés de la SED lui avait demandé de visiter Messieurs [N] (maire de [Localité 4]), [D] (vendeur du terrain) et [U] (président de l'association sportive du golf [2]), les rendez-vous ayant été préparés par M. [V].

M. [Y] ajoute dans ses commentaires : 'la séance qui a eu lieu dans le salon du château des [D], en plein centre d'[Localité 4]... s'est déroulée dans un bon climat. M. [V] a su répondre à toutes les questions des [D] en partie complexes'.

Après avoir résumé sa visite avec M. [U] puis avec le maire de [Localité 4], M. [Y] écrit : « tout au long de cette journée et pendant les réunions, M. [V] exposait ses propos et la raison de ma visite avec sérieux, sérénité et de manière professionnelle. M. [V] semble bien maîtriser le dossier malgré les importants retards. M. [V] a soulevé divers problèmes au niveau du management actuel'.

Il convient de souligner en outre que M. [V] a reconstitué et maintenu le périmètre foncier du projet de golf, malgré la résolution, par jugement du 25 février 2002, du bail emphytéotique conclu avec M. [D], en obtenant de celui-ci, un protocole d'accord en date du 25 avril 2002.

La condamnation prononcée par le premier juge, à l'encontre des sociétés SED et Coreal International Limited, au paiement de la rémunération de M. [K] [V], sera confirmée, mais en outre, s'agissant d'un montant qui a été fixé hors TVA, il y a lieu d'y ajouter cette taxe.

M. [K] [V] ayant fait savoir que la Société Coreal International Limited a modifié sa dénomination le 9 septembre 2010 en société Leon Investments Ltd, ce qui n'a pas été contestée par cette société, cette modification sera mentionnée dans le dispositif de la présente décision.

****

Les sociétés appelantes ayant invoqué fallacieusement moult motifs, non seulement pour se dispenser du paiement de la rémunération de M. [K] [V], mais aussi obtenir de celui-ci de considérables dommages et intérêts à hauteur de 965'626,81 euros, l'intention de nuire est ainsi caractérisée. Non seulement M. [K] [V] a fait l'objet de critiques injustes, mais il s'est en outre heurté à une résistance tout à fait abusive pour obtenir sa rémunération. En outre la réputation de M. [K] [V] a été sérieusement atteinte puisque celui-ci a été contraint de se justifier dans les médias locaux. Il lui sera alloué, pour l'indemnisation de ses préjudices, la somme de 50'000 €.

Chacune des parties a évalué les frais irrépétibles qu'elle a exposés à la somme de 30'000 €, étant relevé qu'effectivement chacune d'elles a produit de très longues conclusions argumentées et détaillées, et a rassemblé de très nombreuses pièces.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. [K] [V] les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera alloué la somme de 23'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle de 7000 € déjà accordée sur le même fondement par le premier juge.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement

Reçoit l'appel,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de paiement de dommages et intérêts présentés par M. [K] [V],

Statuant à nouveau sur ce chef demande,

Condamne in solidum les sociétés Sainte Eulalie Développement et Coreal International Limited, devenue Leon Investments LTD, à payer à M. [K] [V] la somme de 50'000 € à titre de dommages et intérêts,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit que la condamnation en principal sera majorée de la TVA au taux de 19,60 %,

Condamne in solidum les sociétés Sainte Eulalie Développement et Coreal International Limited, devenue Leon Investments LTD, à payer à M. [K] [V] la somme 23'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Sainte Eulalie Développement et Coreal International Limited, devenue Leon Investments LTD, aux entiers dépens pour le recouvrement desquels il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 10/10783
Date de la décision : 29/03/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°10/10783 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-29;10.10783 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award