COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 23 MARS 2011
N° 2011/
Rôle N° 09/14047
[T] [S] épouse [V]
C/
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 26 Juin 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 09/4.
APPELANTE
Madame [T] [S] épouse [V], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, concerne l'établissement HYPERMARCHE GEANT CASINO sis [Adresse 3], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Alain BLANC, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2011..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2011.
Signé par Monsieur Alain BLANC, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [V] a été employée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE en qualité de caissière à compter du 26 novembre 1991 suivant contrat de travail à durée déterminée puis par contrat de travail à durée indéterminée. Elle a été licenciée le 24 novembre 2006 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Suivant jugement rendu le 26 juin 2009 le Conseil de Prud'hommes de MARTIGUES a :
Débouté Mme [V] de sa demande de nullité du licenciement pour harcèlement
Condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme [V] les sommes de :
- 2.188,36 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 218,84 € de congés payés y afférents
- 1.200 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Débouté les parties pour le surplus et autres demandes
Mme [V] a relevé appel de cette décision par acte du 17 juillet 2009 dont la régularité n'est pas contestée.
Vu les conclusions de Mme [V] développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la Cour de :
« REFORMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la Société DISTRIBUTION CASINO France au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de son incidence congés payés.
DIRE lourdement fautive l'exécution du contrat de travail par l'employeur, à raison des agissements de harcèlement qu'il a commis et laissé commettre.
DIRE nul le licenciement litigieux, en ce qu'il résulte d'une situation de harcèlement (Article L.1152-3 du Code du Travail).
CONDAMNER en conséquence la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement des sommes suivantes :
- 2 188,36 € (DEUX MILLE CENT QUATRE VINGT HUIT EUROS et TRENTE SIX CENTIMES) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 218,84€ (DEUX CENT DIX HUIT EUROS et QUATRE VINGT QUATRE CENTIMES) à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée.
- 15 000,00 € (QUINZE MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution lourdement fautive du contrat de travail,
- 26 000,00 € (VINGT SIX MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, en application des dispositions de l'Article L.1235-11 du Code du Travail (Article L.122-14-4 ancien en sa rédaction issue de la Loi du 17 janvier 2002),
- 1 500,00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile »
Vu les conclusions de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Mme [V] de toutes ses demandes et de lui allouer la somme de 3.000 € pour frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DECISION
A l'appui de son recours, Mme [V] soutient avoir été victime des agissements lourdement fautifs et répétés de sa supérieure hiérarchique, Mme [U] ;
Selon Mme [V], cette dernière abusait de ses prérogatives et humiliait les salariées placées sous sa subordination, ayant à leur endroit un comportement méprisant, tenant des propos dégradants ;
Elle verse aux débats divers témoignages qui font état des « agissements irrespectueux » (Mme [D]) de Mme [U] à l'égard du personnel sans autre précision ;
Mlles [Z] et [I] ont travaillé sous les ordres de Mme [U] évoquent, de manière générale, un « harcèlement moral », une « agressivité verbale », des « brimades, humiliations et reproches incessants » sans aucun rapport à la situation de Mme [V] ;
Mme [R] relate la rupture du contrat de travail de son fils mais ne fait nullement état de la situation de Mme [V] ; Mme [L] évoque la situation de Mme [H] et non celle de l'intéressée ;
Les autres témoins, salariés et clients du magasin, ne font état d'aucun fait précis et circonstancié, Mme [E], agent technique, n'hésitant pas, dans une attestation non datée, à tenir des propos manifestement déplacés et subjectifs sur les tenues vestimentaires de Mme [U] ;
Le 30 juin 2005 Mme [V] a été victime d'un malaise sur son lieu de travail, malaise que celle-ci impute à une pression liée à l'énervement des clients en raison du changement constant des rayons du à la rénovation du magasin ;
Le 17 décembre 2005 Mme [V] a été victime d'un nouveau malaise en raison, selon l'intéressée, des pressions exercées sur elle par Mme [U] ;
A compter du 7 mars 2006 Mme [V] a travaillé à temps partiel thérapeutique ;
A compter du 30 septembre 2006, Mme [V] s'est trouvée en position d'arrêt de travail ; les médecins qui ont prodigué des soins à l'intéressée mentionnent un « état anxio-dysthymique gravissime en relation étroite avec un vécu ancien de harcèlement moral » ajoutant que « compte tenu de la topographie des lieux où ce harcèlement a été vécu, il est formellement contre-indiqué que Mme [V] se présente sur le lieu de travail sous peine d'un effondrement vagal, dépressif et anxieux » ;
Mme [V] a été déclarée inapte le 19 octobre 2006, le médecin du travail précisant « ne peut travailler dans l'établissement » ;
Mme [V] estime qu'un tel avis qui ne fait nullement état d'une déficience qui lui serait propre conforte le fait que son inaptitude est due aux agissements de harcèlement dont elle a été victime ;
Toutefois, les éléments d'information médicale précités sont insuffisants en eux-mêmes à permettre de retenir une possible situation de harcèlement à l'égard de Mme [V] dans la mesure où il n'est nullement établi aucun fait précis permettant de présumer l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Doit en découler le débouté de Mme [V] en ses demandes de dommages et intérêts et de nullité du licenciement ;
Le licenciement de Mme [V] survenu le 24 novembre 2006 pour inaptitude et refus de principe de celle-ci de toute proposition de poste, est régulier ;
En conséquence, Mme [V] qui était dans l'impossibilité d'exécuter son préavis en raison de son état de santé ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et le jugement est infirmé en ce qu'il a alloué à celle-ci la somme de 2.188,36 € de ce chef outre 218,83 € de congés payés y afférents.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
- Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension,
-Déboute Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamne Mme [V] aux entiers dépens.
Le GreffierLe Président