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14/03/2011 | FRANCE | N°08/04647

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 14 mars 2011, 08/04647


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2011



N° 2011/



MV/FP-D









Rôle N° 08/04647





[Y] [N]





C/



Sarl TACAVL





















































Grosse délivrée le :



à :

Me Jean-Jérôme MONDOLONI, avocat au bar

reau de NICE





Me Bruno ZACARIAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 21 Novembre 2005, enregistré au répertoire général sous le n° 04/1208.







APPELANT



Monsieur [Y] [N], demeurant [Adresse 2]



comparant en personne, assisté de Me Jean-Jér...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2011

N° 2011/

MV/FP-D

Rôle N° 08/04647

[Y] [N]

C/

Sarl TACAVL

Grosse délivrée le :

à :

Me Jean-Jérôme MONDOLONI, avocat au barreau de NICE

Me Bruno ZACARIAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 21 Novembre 2005, enregistré au répertoire général sous le n° 04/1208.

APPELANT

Monsieur [Y] [N], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Jean-Jérôme MONDOLONI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Sarl TACAVL, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Bruno ZACARIAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2011.

Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [Y] [N] a été engagé par la SARL des TRANSPORTS AUTOMOBILES de la CÔTE D'AZUR ET DE LA VALLÉE DU LOUP ci-après dénommée TACAVL le 13 janvier 1998 en qualité de conducteur grand tourisme coefficient 150 V moyennant la rémunération mensuelle brute de 8 100 francs pour 169 heures de travail.

Le 30 juillet 2003 il était élu en qualité de délégué du personnel et désigné en qualité de délégué syndical et membre du CHSCT.

Le 15 juin 2007 il était réélu en qualité de délégué du personnel, membre du comité d'entreprise délégation unique et membre du CHSCT.

Le 15 juin 2010 il était réélu en qualité de délégué du personnel et membre du comité d'entreprise délégation unique et membre du CHSCT.

Le 24 octobre 2005 jusqu'au mois de septembre 2009 il était en outre élu conseiller du salarié.

Le 26 janvier 2010 il était nommé conseiller prud'homal près le Conseil de Prud'hommes de GRASSE.

Le 1er novembre 2010 il était en outre détaché permanent CFDT deux jours par semaine et ce jusqu'au 31 décembre 2011.

Indiquant être victime de discrimination salariale et de discrimination syndicale Monsieur [N] a le 29 octobre 2004 saisi le Conseil de Prud'hommes de GRASSE, lequel, par jugement du 21 novembre 2005, a condamné la société TACAVL à lui verser les sommes de :

9 750 € à titre de rappel de salaire concernant la différence de rémunération le concernant par rapport à ses collègues [D], [A], [K] et [G] bénéficiant du même coefficient 150 V de la Convention Collective du transport,

975 € au titre des congés payés y afférents,

l'a débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ainsi que de ses autres demandes,

a débouté la SARL TACAVL de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à M. [N] la somme de 750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ayant le 13 décembre 2005 régulièrement relevé appel de cette décision M.[N], au visa des articles L. 1222. 1, L. 1132. 1, L. 2315. 11 et L. 2141. 5 du code du travail et 1315 du Code civil conclut à son infirmation en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour discrimination salariale et syndicale.

Il sollicite la condamnation de la société TACAVL à lui verser les sommes de :

75 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale et discrimination syndicale,

50 000 € en réparation du préjudice moral,

ainsi qu'à produire les procès-verbaux dressés par l'Inspection du Travail sur le non-respect de la législation en matière de durée du travail.

Vu son statut de salarié protégé, il demande à la Cour de dire et juger que l'employeur ne pouvait modifier le coefficient dont il bénéficiait en application d'une grille de salaires interne créée et mise en oeuvre de manière unilatérale par l'employeur, d'ordonner le rétablissement du coefficient 150 V avec rectification des bulletins de salaire et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard et paiement du salaire de base mensuel correspondant depuis le mois d'octobre 2004 jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir.

Il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société TACAVL à lui verser la somme de 9 750 € à titre de rappel de salaire et 975 € au titre des congés payés y afférents pour la période d'octobre 2000 à octobre 2004.

Il sollicite la condamnation de la société TACAVL à lui verser les sommes de :

5 241,60 € à titre de rappel de salaires sur le salaire de base mensuel brut pour la période d'octobre 2004 à octobre 2006,

524,16 € au titre des congés payés y afférents,

6 439,42 € à titre de rappel de salaires sur le salaire de base mensuel brut pour la période d'octobre 2006 à décembre 2007,

643,94 au au titre des congés payés à parfaire en fonction de la date de notification de l'arrêt à intervenir,

2096,51 € à titre de rappel de salaires sur le salaire de base mensuel brut pour l'année 2008,

209,65 € au titre des congés payés y afférents,

2096,51 € au titre de rappel de salaires sur le salaire de base mensuel brut, à parfaire, pour l'année 2009,

209,56 € au titre des congés payés y afférents,

2158 € à titre de rappel de salaires sur le salaire de base mensuel brut pour l'année 2010,

215,80 € au titre des congés payés y afférents.

Il demande de dire que si la société TACAVL ne justifie pas de la différence de salaire mensuel brut de base entre lui-même et M. [T] il y a lieu de la condamner à lui verser les sommes de :

32 500 € à titre de rappel de salaire,

3250 € au titre des congés payés y afférents.

Il demande de dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisé à compter de la demande en justice.

Il sollicite enfin la condamnation de la SARL TACAVL à lui verser la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL DES TRANSPORTS AUTOMOBILES DE LA CÔTE D'AZUR ET DE LA VALLEE DU LOUP conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts sur le fondement d'une prétendue discrimination et à sa réformation pour le surplus.

Statuant à nouveau, elle demande à la Cour de dire et juger que M. [N] ne subit aucune discrimination salariale et syndicale au sein de la société et que les missions qui lui sont confiées sont conformes d'une part à une demande expresse de ce dernier exprimée en 2002, réitérée en 2003 d'aménagement de son activité pour des raisons familiales, sans lien avec l'exercice de ses mandats électifs ou représentatifs, puisque exprimée antérieurement, de constater d'autre part que l'exercice du droit de M.[N] à bénéficier d'une activité en lien avec la qualification professionnelle se trouve rendu impossible par l'exercice d'un autre droit qu'il exerce pleinement en ce qui concerne la prise des heures de délégation auquel il peut prétendre dans le cadre de l'exercice de l'ensemble de ses mandats et en conséquence de débouter l'intéressé de ses demandes en paiement de dommages et intérêts à ce titre.

Elle demande de dire et juger que les différences de salaires constatées s'expliquent objectivement en raison d'une part de l'ancienneté beaucoup plus importante des salariés auxquels M. [N] se compare, d'autre part de l'existence non contestable d'une prime d'ancienneté propre à la société et qui repose elle-même sur des critères objectifs mis en oeuvre par l'entreprise, de constater en outre que le rappel de salaire dont M. [N] a bénéficié au titre du jugement déféré conduit à tout le moins à constater un trop-perçu qu'il conviendra de rembourser à la société à hauteur de la somme de 3296,80 € outre 329,68 € au titre des congés payés y afférents, à défaut d'infirmer le jugement déféré qui a condamné la société à verser à l'intéressé la somme de 9 750 € au titre de rappel de salaires pour la période d'octobre 2000 à octobre 2004 ainsi que 975 € au titre des congés payés y afférents et de condamner en conséquence M.[N] à lui rembourser cet indû.

Elle demande de dire et juger qu'il n'y a pas eu de modification unilatérale du coefficient dont bénéficie M. [N], celui restant toujours comme à l'embauche au groupe 10 coefficient 150 et que la mise en oeuvre par l'entreprise d'une grille interne en 2004 n'a pas eu pour conséquence de lui être défavorable ; de constater que cette grille interne n'a eu aucune incidence sur la nature des missions confiées par l'entreprise, lesquelles avaient déjà été aménagées pour tenir compte de la demande de l'intéressé en 2002 réitérée en 2003 et sur laquelle il n'est jamais revenu, et débouter en conséquence M. [N] de sa demande visant à obtenir la rectification des bulletins de salaire sous astreinte ainsi que de ses demandes de rappel de salaire.

Elle demande de dire et juger qu'elle avait déjà produit en première instance les bulletins de salaire de Messieurs [G], [D], [K],[H] et [T] et les verse à nouveau aux débats en appel, de constater qu'il n'existe aucune disparité de salaire qui ne s'expliquerait pas par les critères objectifs qu'elle démontre ou la conséquence d'une discrimination positive en application des dispositions conventionnelles applicables en matière d'ancienneté et de débouter en conséquence M.[N] de ses demandes en paiement de rappel de salaire et des congés payés y afférents.

Elle demande de dire et juger que M. [N] ne rapporte nullement la preuve du prétendu isolement dont il fait état, bien au contraire, ni même qu'il aurait fait l'objet d'insultes ou de brimades et fait valoir que la différence d'interprétation dans la durée du travail ne fonde pas l'élément intentionnel nécessaire et indispensable à la qualification de travail dissimulé ; de débouter en conséquence M. [N] de ses demandes à ce titre.

En tout état de cause elle sollicite la condamnation de M. [N] à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de Prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

Sur ce,

Sur la demande en rappel de salaire,

Aux termes de l'article L. 3221.2 du code du travail :

« tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes » ;

Attendu que le principe « à travail égal, salaire égal » énoncé par les articles L. 2261. 22 et L. 2271. 1 du code du travail dont la règle de l'égalité des rémunération entre hommes et femmes édictée par l'article L. 3221. 2 n'est qu'une application, impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause soient placés dans une situation identique, étant précisé que la différence d'ancienneté ne saurait constituer la justification d'une inégalité de rémunération dès lors qu'il est constaté que l'ancienneté est prise en compte par une prime d'ancienneté distincte du salaire de base ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 3221. 8 du code du travail :

« lorsque survient un litige relatif à l'application du présent chapitre, les règles de preuve énoncée à l'article L. 1144. 1 s'appliquent »,à savoir que s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ;

Attendu en conséquence que face à la constatation d'une différence de rémunération entre des salariés de même catégorie professionnelle effectuant un même travail ou un travail de valeur égale il appartient à l'employeur de justifier par des raisons objectives, pertinentes et matériellement vérifiables la différence de rémunération constatée précision faite que la différence des salaires entre les employés à égalité de qualification et d'emploi ne saurait s'établir au niveau de la rémunération mensuelle de base qui doit être la même pour tous, seul l'octroi d'avantages supplémentaires sous forme notamment de primes diverses pouvant récompenser l'importance et la qualité du travail fourni, et l'insuffisance pouvant être sanctionnée mais sur un plan strictement disciplinaire ;

Attendu que M. [N] engagé le 13 janvier 1998 pour un salaire de base brut de 8 900 F pour 169 heures de travail soit au taux horaire de 52,66 F ou 8,03 € a perçu au bout de deux ans d'ancienneté une prime d'ancienneté faisant l'objet d'une ligne séparée sur son bulletin de salaire, prime fixée tout d'abord à 2 % puis à compter du 30 juin 2003 à 4 % , permettant ainsi que soit individualisée ce qui ressortait de la rémunération de base et de l'ancienneté acquise et ce conformément au taux prévu par la Convention Collective applicable ;

Attendu qu'il apparaît que d'autres salariés, ayant exactement la même qualification que lui, soit conducteur grand tourisme coefficient 150 V et ayant certes une ancienneté supérieure à la sienne, percevait toutefois eux aussi un salaire mensuel brut de base et également, authentifiée par une ligne distincte sur le bulletin de salaire, une prime d'ancienneté fixée en fonction de leurs années de présence dans l'entreprise, de sorte que le taux horaire du salaire de base brut, sauf preuve de l'incorporation dans ce salaire de base de la prime d'ancienneté, devrait être identique pour tous les salariés ayant la même qualification, la différence de rémunération se faisant ensuite en fonction de l'ancienneté acquise par l'octroi d'une prime augmentant au fil des années ;

Attendu ainsi, qu'à titre d'exemple, en janvier 1998 M. [N] percevait un salaire mensuel brut de base de 8900 F soit un taux horaire de 8,03 € tandis que les salaires de base bruts d'autre conducteurs, M Messieurs [D], [A], [K] et [G] se situaient entre 9 000 F et 10 000 F, soit des taux horaires bruts allant de 8,12 € à 9,02 €, l'ensemble d'entre eux percevant par ailleurs une prime d'ancienneté identifiée sur les bulletins de salaire en fonction de leur année de présence, de sorte que la différence relevée sur le salaire mensuel de base brut ne peut s'expliquer par l'ancienneté, la société TACAVL n'expliquant pas à quelle date elle aurait selon elle intégré la prime d'ancienneté dans le salaire de base brut ;

Attendu que la comparaison des bulletins de salaire des salariés concernés les années suivantes fait invariablement ressortir une différence dans le salaire de base brut et le paiement séparée d'une prime d'ancienneté de sorte que les explications de la SARL TACAVL selon lesquelles le salaire de base brute « intégrerait » à une date qu'elle ne précise pas l'ancienneté conventionnelle tandis qu'elle aurait créé en avril 2004 une prime d'ancienneté supplémentaire dite « maison » basée sur le même pourcentage de majoration que la prime d'ancienneté conventionnelle (à savoir 2 % après deux ans d'ancienneté, 4 % entre cinq et 10 ans d'ancienneté, 6 % entre 10 et 15 ans d'ancienneté etc.) ne sont nullement convaincantes et ce d'autant que la prime d'ancienneté maison n'a jamais fait l'objet d'un accord collectif de la part des organisations syndicales, que son mode de calcul est totalement opaque puisqu'à plusieurs reprises elle en a refusé la communication et que le 30 janvier 2008 encore un procès-verbal de désaccord concernant la négociation annuelle obligatoire est intervenu notamment quant à la « grille actuelle » et à la « prime d'ancienneté actuelle » ;

Attendu ainsi qu'indépendamment pour chaque salarié concerné de la perception d'une prime d'ancienneté faisant l'objet d'une ligne séparée sur le bulletin de salaire et modulée en fonction du taux applicable , il apparaît, par sondage, que les taux horaires des salariés exerçant un travail égal à celui de M. [N] étaient les suivants :

En janvier 1998 :

M. [N] de 8,03 €

M.[H] de 8,12 €

M. [G] de 9,02 €

M. [K] de 9,02 €

M.[D] de 8,12 €

M. [A] de 8,12

En décembre 1999 :

M. [N] de 8,03 €

M.[H] de 8,57 €

M. [G] de 9,02 €

M. [K] de 9,02 €

M.[D] de 8,57 €

M. [A] de 9,02 €

En janvier 2000 :

M. [N] de 8,03 €

M.[H] de 8,57 €

M. [G] de 9,02 €

M. [K] de 9,02 €

M.[D] de 9,02 €

En janvier 2002 :

M. [N] de 8,03 €

M.[H] de 9,02 €

M.[G] de 9,02 €

M. [K] de 9,02 €

M.[D] de 9,02 €

M. [A] de 9,02 €

En mai 2003 :

M. [N] de 8,13 €

M.[H] de 9, 10 €

M.[G] de 9, 17 €

M. [K] de 9, 17 €

M.[D] de 9, 17 €

M. [A] de 9, 17 €

En janvier 2004 :

M. [N] de 9,06 €

M. [H] de 10,14 €

M.[D] de 10,22 €

M.[G] de 10,63 €

M. [K] de 10,22 €

M. [A] de 10,17 €

En septembre 2004 :

M. [N] de 9,24 €

M.[G] de 10,80 €

M.[H] de 10,19 €

M. [K] de 10,43 €

M.[D] de 10,27 €

En décembre 2004 :

M. [N] de 9,58 €

M.[G] de 11,02 €

M. [H] de 11,02 €

M. [K] de 11,02 €

M.[D] de 10, 43 €

en décembre 2005 :

M. [N] de 10,27 €,

M. [H] de 11,76 €,

M. [K] de 11,76 €

M.[D] de 11,15 €

M.[G] de 11,76 €

En décembre 2006 :

M. [N] de 11,87 €

M.[G] de 13,47 €

M. [H] de 13,47 €

M.[D] de 12,78 €

M. [K] de 13,47 €

en novembre 2007 :

M. [N] de 11,87 €

M. [D] de 13,47 €

M. [G] de 13,47 €

M. [K] de 13,47 €

M.[H] pourtant entré 2 ans et 10 mois après M.[G] et 3 ans et un mois après M. [K] de 13,47 €

en novembre 2008 :

M.[D] de 13,47 €

M. [G] de 13,87 €

M. [K] 13,87 €

M.[H] pourtant entré deux ans et 10 mois après M.[G] et trois ans et un mois après M. [K] de 13,87 euros ,

en janvier 2010 :

M. [N] de 13,22 €

Monsieur [K] de 14,32 €,

soit en permanence, pour M. [N] , un taux horaire de base brut inférieur à celui octroyé aux autres salariés concernés ;

Attendu que la société TACAVL indiquait le 12 septembre 2007 lors d'une réunion du Comité d'entreprise à propos de la prime d'ancienneté : « je ne connais pas le pourcentage et d'ailleurs je ne suis pas obligé de vous fournir le détail des calculs. S'il y a des litiges on vérifiera... Je le calcule comme je veux. Je n'ai pas l'obligation de fournir des pourcentages... Si vous voulez plus de détails calculez cela vous-même... Je ne suis pas obligé de vous fournir les grilles de salaires », puis en octobre 2007 interrogé sur l'obligation faite à l'employeur de fournir aux représentants du personnel un document sur les modalités de rémunération et notamment la grille de salaire « vous pourrez le savoir quand on aura réglé le problème avec M. [Y] [N], après que nous soyons passés au tribunal en décembre. Vous avez la réponse. Donnez-nous des cas précis de discrimination et on vous répondra... Allez-y si ça peut vous faire plaisir [à l'inspection du travail], de toute façon on n'est pas à ça près » ;

Attendu que la société TACAVL écrivait encore M. [N] le 14 novembre 2007 :

« depuis janvier 2007, le pourcentage conventionnel de la prime d'ancienneté ainsi que le montant conventionnel en référence n'apparaissent plus sur votre bulletin de salaire ainsi que sur celui de vos collègues. Cette modification, comme vous l'affirmez, ne correspond en aucune manière à une modification unilatérale et sans consultation des organisations syndicales. Comme vous pouvez le constater, le montant est toujours le même sauf en cas d'évolution. Les éléments qui n'apparaissent plus sur le bulletin de salaire sont dûs au changement du logiciel de paie par le cabinet ACG ; seule apparaît l'importation du montant de cette prime. Il a été prévu, avec notre cabinet comptable, de réintégrer la base et le taux sur les prochains bulletins de paie » , ce qui démontre l'opacité du mode de calcul afférent à l'ancienneté et l'incompréhension des salariés quant à ce poste de rémunération, incompréhension concrétisée lors de la réunion du comité d'entreprise du 14 novembre 2007 au cours de laquelle le Président de la Société TACAVL indiquait à propos de la nouvelle grille mise en place : « il s'agit de la prime « maison » on ne peut pas revenir là-dessus. Il y a deux primes différentes, ou plutôt une prime ou une évolution de salaire... Non, c'est écrit nul part et ce n'est pas moi qui ai décidé... Ça a toujours existé depuis x années. Depuis la nuit des temps... le comptable a rajouté la prime d'ancienneté ; il y a eu confusion alors que c'était une évolution normale de la chose. Au bout de x années de présence il y a une évolution de votre bulletin de salaire... L'autre prime indiquée sur la fiche de paye est une prime supplémentaire « maison » ...le problème est que cette grille est faite et que vous ne l'avez pas validée et que vous n'avez pas donné de réponse » explications confuses qui ne sont nullement de nature à justifier ni à expliciter l'existence d'une prime d'ancienneté conventionnelle intégrée au salaire de base et d'une seconde prime différenciée sur les bulletins de salaire ;

Attendu que la société TACAVL compare sans cesse le salaire de base brut de M. [N] avec celui prévu par la Convention Collective pour en déduire que celui-ci perçoit plus que la rémunération minimale, ce qui n'est pas contesté -, l'Inspection du Travail ayant effectivement écrit à la société le 20 décembre 2007 que « si les salariés sont rémunérés, compte tenu de leur coefficient et ancienneté, à des niveaux supérieurs à ceux des salaires mensuels minimums garantis majorés par l'ancienneté, fixés par la convention collective des transporteurs, il y a lieu de considérer que vous respectez, sur ce point, la convention collective nationale étendue » - mais qui n'est pas l'objet du débat puisque si tous les salariés concernés, y compris M. [N], perçoivent effectivement une rémunération mensuelle supérieure au minimum conventionnel garanti majoré par l'ancienneté cette constatation est insuffisante à expliquer pourquoi les conducteurs ayant la même qualification que M. [N], et qui comme lui perçoivent tous plus que la rémunération de base conventionnelle, n'ont pas pour autant un taux horaire de base identique à celui perçu par ce dernier;

Attendu en effet que la société TACAVL soutient que la rémunération mensuelle brute de base « inclut » l'ancienneté conventionnelle ce qui expliquerait selon elle les différences de salaire de base constatées, incorporation qu'elle ne démontre mathématiquement pas - et ce d'autant que l'accord d'entreprise signé le 25 septembre 2002 relatif à la réduction du temps de travail ne fait nullement mention de l'intégration de la prime d'ancienneté dans le salaire de base - et qui est contredite par le fait qu'une prime d'ancienneté distincte a toujours figuré sur les bulletins de salaire de M.[N] et des salariés auxquels il se compare et qui tend à démontrer que cette prime d'ancienneté conventionnelle faisait toujours l'objet d'une ligne à part sur les bulletins de salaire et que cette ligne distincte ne concernait nullement une seconde prime, dite prime d'ancienneté « maison » dont la société se prévaut aujourd'hui pour expliquer les différences constatées sur le salaire de base ;

Attendu que la société TACAVL fait valoir que M. [N] lui reproche de ce qu'elle ne produit « aucun commencement de preuve de la soi-disant intégration de la prime d'ancienneté dans le salaire de base avant la mise en place, fin 2004, de manière unilatérale de la nouvelle grille de salaires et de coefficients », soutenant que cette affirmation procède d'une parfaite méconnaissance des dispositions conventionnelles applicables, indiquant qu'elle a appliqué les dispositions de la convention collective en versant un salaire de base incluant l'ancienneté selon les taux de majoration prévus par celle-ci sans expliquer dans cette hypothèse l'incohérence relevée par M. [N] selon laquelle par exemple M.[V], embauché en février 2001 au coefficient 145 V bénéficiait en mai 2004 avec une ancienneté de deux ans d'un taux horaire de 9,59 € au lieu de celui de 8,80 € prévu par la convention collective après intégration de la prime d'ancienneté et pourquoi ce même monsieur [V] percevait en mai 2004 un taux horaire de 9,59 € , supérieur à celui perçu par M. [N], à savoir 9,10 € alors que ce dernier a une ancienneté supérieure ;

Attendu que la société TACAVL indique encore que M. [N] « tente de tromper la religion de la Cour en exposant que la prime d'ancienneté visée dans le bulletin de salaire serait en réalité la prime d'ancienneté conventionnelle » indiquant qu'en dehors de la différence conventionnelle de traitement basé sur l'ancienneté des salariés elle a institué « depuis de très nombreuses années, et bien avant l'embauche de M. [N], une prime complémentaire d'ancienneté « maison » qui vient s'ajouter à celle déjà prévue par la convention collective applicable », affirmation qui ne repose sur aucun élément concret et ce d'autant que cette prime d'ancienneté maison n'est concrétisée par aucun document, que sa date d'application supposée est inconnue et qu'elle n'a jamais été discutée ni acceptée par les institutions représentatives du personnel ;

Attendu que M. [N] rapporte donc des éléments concrets démontrant qu'il existe, indépendamment de toute référence à l'ancienneté , entre lui-même et des salariés ayant une qualification égale une différence dans le salaire mensuel de base brut, différence que la société TACAVL n'explique par aucun élément objectif, puisqu'elle n'opère aucune comparaison pertinente entre M. [N] et ces autres salariés, mais seulement entre le salaire de M. [N] et la convention collective, ne démontre pas la date ni le mécanisme qu'elle invoque de l'intégration de la prime d'ancienneté conventionnelle dans le salaire de base brut, ne démontre pas que la prime d'ancienneté figurant sur les bulletins de salaires des salariés concernés serait en réalité une prime d'ancienneté maison s'ajoutant à la prime d'ancienneté conventionnelle incluse dans le salaire de base, et ce d'autant que cette prime « maison » a toujours été contestée et refusée par les institutions représentatives du personnel, de sorte que ne contestant que sur des points de détail les chiffres avancés par M. [N] sur les différences du salaire de base constatées en tentant de surcroît de jeter le discrédit sur ce dernier sans jamais pour autant s'expliquer quant à elle, en dehors de comparaisons enchevêtrées, sur le principe et le calcul du mode de rémunération, il apparaît qu'elle ne conteste pas sérieusement les éléments de fait rapportés par M. [N] de nature à caractériser une inégalité de rémunération ;

Attendu d'ailleurs que la société TACAVL indique qu'il convient de s'en rapporter aux « tableaux » qu'elle produit alors qu'il n'existe dans l'accumulation des pièces qu'elle produit précisément aucun tableau cohérent expliquant à partir de 1998, date d'entrée de M. [N] dans l'entreprise, ce qui relève, pour les salariés avec lesquels ce dernier se compare, d'une part du salaire mensuel de base, d'autre part de « l'intégration » selon elle dans ce salaire de base de l'ancienneté et enfin de la prime « maison » instaurée par elle de façon unilatérale à une date inconnue ;

Attendu qu'à partir de calculs non sérieusement contestés par la société TACAVL M. [N] a pu établir qu'à compter du 29 octobre 1999, date de départ de la prescription puisqu'il a saisi le conseil de prud'hommes le 29 octobre 2004, il a subi un écart de rémunération qui varie, selon qu' il se compare à M.[H], à M.[D], à M. [A], à M. [K] ou à M. [G] et selon les époques , de 91 € à 238,12 €, de sorte qu'il convient d'établir une moyenne de rappel de salaire que la Cour fixe de la façon suivante :

du 1er novembre 1999 au 30 décembre 1999 : écart moyen de 198 € soit pour 2 mois outre le 13e mois : 594 € de rappel de salaire,

du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001 : écart moyen de 122 € soit pour 26 mois : 3172 € de rappel de salaire,

du 1er janvier 2002 au 31 mai 2003 : écart moyen de 167 € soit pour 18 mois : 3006 € de rappel de salaire,

du 1er juin 2003 au 31 décembre 2003 : écart moyen de 173 € soit pour huit mois : 1384 € de rappel de salaire,

du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004 : écart moyen de 185 € soit pour 13 mois : 1405 € de rappel de salaire,

du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005 : écart moyen de 142 € soit pour 13 mois : 1846 € de rappel de salaire,

du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 : écart moyen de 242 € soit pour 26 mois : 6292 € de rappel de salaire,

du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 : écart moyen de 161 € soit pour 26 mois : 4186 € de rappel de salaire,

du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 : écart moyen de 166 € soit pour 13 mois : 2158 € de rappel de salaire ;

Attendu que la société TACAVL doit en conséquence être condamnée à verser à M. [N] un rappel de salaire global de 24043 € pour la période du 1er novembre 1999 au 31 décembre 2010 outre 2404,30 € au titre des congés payés y afférents ;

Attendu en revanche qu'il apparaît que M. [T] avait, jusqu'à sa démission en janvier 2006, une qualification différente dans la mesure où il était conducteur grand tourisme « forfaitiste » ce qui est établi par ses bulletins de salaire et ce dont il a témoigné et n'effectuait donc pas un travail de valeur égale à celui des autres salariés susvisés de sorte que la différence de salaire mensuel brut de ce dernier est justifiée par le fait qu'il occupait un emploi de nature différente ce qui rend injustifiée la demande de rappel de salaire formée par M. [N] sur la base d'une comparaison faite avec ce salarié ;

Sur la discrimination syndicale,

Attendu qu'aux termes de l'Article L1132-1 du code du travail :

«... aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'Article L3221 3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de... de ses activités syndicales ou mutualistes.... »

et de l'article 1134. 1 du même code :

« Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ;

Attendu qu'il apparaît qu'à partir du mois d'octobre 2004 le coefficient de M.[N] est devenu 150 bis au lieu du coefficient 150 V qui était le sien depuis le mois de janvier 1998, tandis que malgré les différentes réclamations faites par celui-ci tant le 7 décembre 2004, que le 6 juin 2008 , que le 14 avril 2008 tendant à se voir restituer son coefficient initial et les contestations exprimées lors des réunions du Comité d'entreprise ou de la négociation annuelle obligatoire le 27 avril 2005, le 4 octobre 2006, le 14 novembre 2007, le 30 janvier 2008, le 14 avril 2008 et le 13 février 2009 au cours desquelles il était demandé la suppression de la grille 2004 incorporant « des faux coefficients bis » et malgré le courrier de l'Inspection du Travail adressé à l'employeur le 2 mars 2005 concernant notamment ce coefficient mais également la suppression de certaines missions, l'employeur s'est refusé, y compris dans son courrier de réponse à l'inspection du travail le 22 mars 2005, de même que lors de la négociation annuelle obligatoire du 13 février 2009, à restituer à M. [N] son coefficient 150 V au motif qu'en aucun cas ce nouveau coefficient ne constituait un « sous coefficient » alors que M. [N] démontre par les tableaux comparatifs établis par la société TACAVL elle-même concernant la nouvelle grille de salaire que ce coefficient 150 bis induit une rémunération inférieure pendant les 14 premières années par rapport au coefficient 150 V, la rémunération ne revenant identique qu'à compter de 15 ans d'ancienneté ;

Attendu qu' ainsi cette grille de salaire, toujours « proposée » mais jamais acceptée et malgré tout appliquée mentionne des taux horaires toujours inférieurs jusqu'au 180e mois inclus pour le coefficient 150 bis par rapport au coefficient 150 V ;

Attendu qu'il apparaît par ailleurs que M. [N] est le seul salarié de sa catégorie , 150 V, à avoir subi une modification de son coefficient 150 V en 150 bis ;

Attendu qu'il s'agit là, nonobstant les affirmations de la société TACAVL, d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail de M. [N] affectant sa rémunération, modification imposée sans aucune concertation préalable avec les organisations syndicales, sans qu'ait été requis l'accord de l'intéressé et alors au surplus qu'en sa qualité de salarié protégé aucune modification de son contrat de travail ne pouvait lui être imposée sans qu'ait été recueilli son accord exprès, peu important, comme le soutient de surcroît à tort la société TACAVL en ce qui concerne M. [N] , que cette modification ait eu pour effet d'augmenter la rémunération des salariés dans l'entreprise ;

Attendu que la société TACAVL devra en conséquence rectifier les bulletins de salaire de M. [N] avec application du coefficient 150 V à compter du mois d'octobre 2004 et ce sous astreinte définitive de 20 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent arrêt ;

Attendu qu'il apparaît par ailleurs que M. [N] a vu à partir de l'année 2003, concomitamment avec ses différents mandats syndicaux, les missions grand tourisme ne plus lui être proposées qu'à raison de deux nuits en 2003 (contre 39 nuits en 1998, 34 nuits en 1999, 51 nuits en 2000, 25 nuits en 2001 et 14 nuits en 2002) puis plus du tout à partir de 2004, la société TACAVL expliquant cette diminution par le fait d'une part que c'était à la demande exprès de M. [N], telle qu'exprimée par ce dernier dans une lettre du 17 juin 2003, qu'elle s'était trouvée contrainte d'aménager son activité professionnelle, d'autre part que les activités syndicales de l'intéressé étaient incompatibles avec les circuits grands tourisme requérant 65 jours de repos journalier hors du domicile et des missions de cinq jours continus et enfin, ainsi qu'elle l'expliquait à l'Inspection du Travail dans son courrier du 22 mars 2005, par le fait que « ces dernières années, cette activité, en forte régression de manière générale dans notre profession, nous a contraints à réexaminer notre situation. Les commandes touristiques ne nous permettant plus de faire partir tout le monde, nous avons été forcés d'adapter le travail de M. [Y] [N] en fonction du marché, mais aussi de son ancienneté. En effet, M. [N] est le dernier entré au sein de l'entreprise dans cette catégorie de personnel. En outre, il souhaitait avoir de manière plus systématique des repos hebdomadaires le dimanche, parce que sa situation familiale l'impliquait » ;

Attendu toutefois que contrairement à ce que soutient la société TACAVL qui se réfère sans cesse au courrier de M. [N] en date du 17 juin 2003 censé selon elle justifier la baisse des missions confiées, il apparaît qu'en réalité ce courrier ne contient nullement une demande d'aménagement de la fonction de conducteur ni un quelconque refus de M. [N] d'exécuter la fonction pour laquelle il avait été embauché ;

Attendu en effet que dans ce courrier M. [N] écrit :

« Je tiens à vous signaler par écrit que je serai obligé de faire un déplacement familial le samedi 28 juin et le dimanche 29 juin 2003. J'ai remarqué que depuis que j'ai manifesté le souhait de respecter la réglementation sur les temps de travail ainsi que les repos hebdomadaires vous exerciez un véritable « harcèlement moral » afin de me faire quitter votre société.

Vous connaissez très bien ma situation familiale (divorcé avec deux enfants) visite un week-end sur deux.

De ce fait vous prenez un malin plaisir à me faire travailler tous les jours fériés ainsi que les week-ends.

Petit récapitulatif : du 23 février à Pâques aucun dimanche. Depuis Pâques (20/04) a aujourd'hui seulement le 31 mai et le 1er juin car je vous l'avais demandé.

Ainsi que tous les jours fériés de mai :

le 1er mai fête du travail

le 8 mai férié Armistice

le 29 mai Ascension

le 9 juin Pentecôte.

Pour ainsi dire tous les samedis, dimanches et jours fériés, donc aucun moyen de profiter et de m'occuper de mes enfants ainsi que de ma famille.

Cela finit par me taper sur les nerfs et j'envisage de consulter un médecin.

Je vous signale que j'expédie le double de cette lettre à l'inspection du travail et vous demande de cesser cela dans les meilleurs délais.

De plus il me semble aussi que la durée minimum de repos est de 35 heures, 24 heures + 11.

À plusieurs reprises cette durée a été amputée par une fin tardive d'activité.

Les deux exemples les plus récents sont le... »,

de sorte que cette lettre n'exprime qu'une lassitude par rapport à une constatation objective et non sérieusement contestée de l'existence d'un emploi du temps estimé trop pesant tandis que la société TACAVL qui ne produit pas le planning complet de M. [N] sur l'année « 2003 », et se réfère à l'année « 2004 » qui n'est pas l'objet du courrier, ( mais d'un autre courrier adressé le 26 mai 2004 à l'Inspection du Travail), n'apporte aucune contestation sérieuse aux plaintes exprimées par M. [N] dans cette lettre de juin 2003 ;

Attendu en toute hypothèse que c'est à tort que la société TACAVL, avec une mauvaise foi certaine, dénature à dessein le sens de ce courrier et l'utilise comme prétexte à une diminution des missions confiées à M. [N] alors que ce courrier n'exprime en réalité qu'une demande tendant à l'exécution de bonne foi du contrat de travail ;

Attendu que dans son courrier de réponse en date du 27 juin 2003 la société TACAVL indiquait d'ailleurs à M. [N] « si votre situation familiale implique la nécessité que vous ayez, de façon plus systématique, des repos hebdomadaires le dimanche, nous sommes prêts à envisager avec vous la possibilité de vous affecter sur des services réguliers », courrier auquel M. [N] ne répondait pas ce qui démontre qu'il ne demandait aucun aménagement particulier et qu'en conséquence c'est à tort que la société TACAVL peut prétendre qu'elle a été « contrainte » d'aménager l'activité de M.[N] ;

Attendu que la société TACAVL soutient encore que M. [N] aurait préalablement, en décembre 2002, déjà sollicité un aménagement personnalisé et permanent de son activité professionnelle, ce dont elle ne rapporte aucune preuve, précision faite que si M. [N] dans ses dernières écritures fait état de ce qu'en 2001 le Médecin du Travail a constaté qu'il avait une tension artérielle trop élevée le conduisant à solliciter de bénéficier davantage de repos hebdomadaires, il apparaît que la société TACAVL remet ironiquement en cause cette affirmation alors que les avis d'aptitude à l'emploi auxquels elle se réfère ne sont pas incompatibles avec la constatation éventuelle d'une tension trop élevée ;

Attendu que la société TACAVL n'apporte par ailleurs aucun élément relatif à son affirmation selon laquelle l'activité grand tourisme serait en forte régression et ne conteste pas l'affirmation de M. [N] selon laquelle elle aurait confié des missions grand tourisme à des salariés, Messieurs [W],[J], [P] et [B], ayant un coefficient et une ancienneté inférieure à la sienne ou à certains chauffeurs en extra ainsi que cela apparaît sur le listing des voyages produit par M.[N] pour la période de novembre 2002 à juillet 2008 ;

Attendu encore que la Convention Collective ne prévoit pas l'attribution des missions grand tourisme en fonction de l'ancienneté des salariés de sorte que l'explication donnée sur ce point par la société TACAVL à l'Inspection du Travail est dénuée de fondement ;

Attendu par ailleurs que s'il est exact que M. [N] à partir de juillet 2003 a eu des missions syndicales requérant des heures de délégation allant jusqu'à 32 heures puis 61 heures mensuelles, heures dont la société TACAVL entend démontrer concernant l'année 2010 que « le mode opératoire » de M. [N] a consisté à les utiliser «avant ou après les repos hebdomadaires, les congés payés et les jours fériés et généralement les vendredis et les prolongements de repos les week-ends », il apparaît que pour toutes les autres années, à une date ou l'engagement de M. [N] était moins important puisqu'il n'a été conseiller du salarié que du 24 octobre 2005 au mois de septembre 2009, et même pour l'année 2010 elle ne démontre pas l'impossibilité matérielle de continuer à confier à M. [N] des missions grand tourisme, (voyages se déroulant sur cinq jours minimum incluant les week-ends et jours fériés), procédant sur l'impossibilité alléguée par affirmation et non démonstration ;

Attendu en effet qu'il ressort du tableau des heures prises au titre des délégations que ce n'est qu'à compter de février 2006 que M. [N] a utilisé des heures variant entre 61 heures et 46 heures alors qu'auparavant, entre juin 2004 et janvier 2006 , le volant d'heures utilisées n'a jamais dépassé 37 heures ce qui en conséquence rendait possible les missions grand tourisme lesquelles ont pourtant été totalement supprimées en 2004 ;

Attendu en toute hypothèse que les salariés protégés ne peuvent être privés davantages liés à certaines sujétions dans l'exécution du travail qu'ils n'ont pas eu à supporter du fait de l'utilisation des heures de délégation et ne peuvent subir de perte de salaire du fait de l'utilisation de ces heures ;

Attendu qu'il apparaît en conséquence que M. [N] au prétexte de ses activités syndicales a subi sans justification une baisse de rémunération importante du fait de la diminution puis de la suppression des missions grand tourisme inhérentes à sa fonction et qui étaient génératrices de primes diverses ;

Attendu qu'il apparaît en conséquence que la société TACAVL - indépendamment de diverses condamnations dont elle a fait l'objet y compris dans une procédure correctionnelle qu'elle a intentée et à l'issue de laquelle la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 28 avril 2010 a stigmatisé « sa particulière mauvaise foi et son intention manifeste de nuire à M. [N]... qu'elle a attrait devant la Cour dans le seul but de retarder l'action prud'homale pendante à Grasse » - a versé à M. [N] un salaire inférieur à celui d'autres salariés effectuant un travail identique au sien, a modifié unilatéralement son coefficient induisant une rétrogradation et une baisse de rémunération et a progressivement cessé de lui confier des missions grand tourisme en invoquant des raisons qui ne reposent pas sur des éléments objectifs, autant d'éléments conjugués qui démontrent la discrimination syndicale dont l'intéressé a été l'objet et qui justifient que lui soit accordé tant en réparation du préjudice matériel induit par les rémunérations complémentaires dont il a été privé que du préjudice moral lié au fait que toutes ses revendications sont restées vaines, que ses affirmations sont qualifiées de « perfides et péremptoires » alors que les actions qu'il a menées ou initiées tant pour lui-même que pour d'autres salariés, ont abouti à des décisions ( - ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 21 juin 2006 constatant que « l'examen général des pièces du dossier met en évidence au sein de la SARL TACAVL un problème constant de non-respect des règles légales en matière de durée du travail, entraînant une situation générale de stress, que plusieurs rappels à l'ordre précis et circonstanciés de l'Inspection du travail restaient manifestement sans effet sont joints au dossier des défendeurs, que la requérante n'apporte pas de solution concrète au problème posé lié à la durée excessive du travail, lequel existe depuis plusieurs années, ce qui entraîne à l'évidence un risque au regard de la sécurité des salariés, que ce risque peut être qualifié de grave au regard de l'ancienneté du problème, de l'absence de solution à lui apporté au fil des années et du fait que les chauffeurs sont ainsi amenés à emprunter les voies publiques dans des conditions difficiles génératrices de potentialités fortes d'accidents, tant pour eux-mêmes que pour autrui... » et confirmant une délibération du CHSCT relative à la mise en place d'une mission d'expertise, - jugement du juge de proximité de GRASSE du 29 mai 2008 condamnant le gérant de la société TACAVL à cinq amendes contraventionnelles pour dépassement de la durée de travail hebdomadaire et 11 amendes pour emploi de personnel roulant au-delà de la durée maximale de l'amplitude de la journée de travail, - jugement de juin 2000 du Conseil de Prud'hommes de GRASSE condamnant la société TACAVL à verser à l'un de ses salariés la prime de 13e mois) démontrant leur bien-fondé ;

Attendu qu'il est à titre superflu observé que concernant la poursuite intentée par la veuve et les ayants droits d'un salarié décédé, M. [V], devant le Tribunal Correctionnel de GRASSE à l'encontre des gérants de la SARL TACAVL pour mise en danger de la vie d'autrui, et s'il est exact comme s'en prévaut la société TACAVL que ces derniers ont été le 4 juillet 2008 relaxés des fins de la poursuite, il apparaît néanmoins que le Tribunal, jugeant qu'il n'existait « aucun élément médical venant corroborer un lien quelconque entre la cause du décès de ce salarié et son activité professionnelle » , a néanmoins relevé « des violations à la législation sur le droit du travail (défaut de visite médicale et dépassement d'une demi-heure de l'amplitude journalière) » de nature à corroborer le non-respect par la société TACAVL d'une partie de ses obligations légales comme dénoncé par M. [N] ;

Attendu en conséquence, qu' en réparation du préjudice découlant de la discrimination syndicale dont M. [N] a été l'objet il y a lieu de condamner la société TACAVL à lui verser, toutes causes de préjudices confondus, une somme que la Cour fixe à 30 000 € ;

Sur le travail dissimulé,

Attendu que si l'expertise réalisée le 14 novembre 2006, à l'initiative du CHSCT dont la demande a été confirmée par l'ordonnance de référé susvisée, démontre des dysfonctionnements importants quant aux amplitudes de travail, aux difficultés d'anticipation, à la lecture des disques ,à la comptabilisation des temps de coupures et d'une façon générale des dysfonctionnements dans l'organisation du travail et sa planification , il n'apparaît pas en revanche que ce soit de façon intentionnelle que le temps de travail effectif n'ait pas été pris en totalité en considération par la société TACAVL, de sorte qu'indépendamment du fait que M. [N] ne réclame aucune somme sur ce fondement, l'existence d'un travail dissimulé n'est pas rapportée ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur la somme allouée à M.[N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner en cause d'appel la société TACAVL à lui verser sur ce fondement la somme de 2500 € ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu le principe d'une disparité de salaire ainsi que dans sa disposition relative aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

Réforme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Constate le non-respect par la société TACAVL du principe « à travail égal , salaire égal»

Constate que M. [N] a été victime d'une discrimination syndicale,

Condamne la société TACAVL à payer à M. [N] les sommes de :

24 043 € à titre de rappel de salaire du 1er novembre 1999 au 31 décembre 2010,

2404,30 € au titre des congés payés y afférents,

30 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

Condamne la société TACAVL à délivrer à M. [N] des bulletins de salaire rectifiés avec application du coefficient 150 V à compter du mois d'octobre 2004 et ce sous astreinte définitive de 20 € par jour de retard à compter du 30e jour suivant la notification du présent arrêt ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Condamne la société TACAVL aux dépens ainsi qu' à payer à M. [N] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 08/04647
Date de la décision : 14/03/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°08/04647 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-14;08.04647 ?
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