COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 22 FEVRIER 2011
B.R.
N° 2011/
Rôle N° 10/06797
[M] [F]
C/
[P] [D]
[Y] [D]
[B] [D]
[U] [D]
[E] [D]
Grosse délivrée
le :
à :la SCP MAYNARD - SIMONI
la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 01 Mars 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 06/2228.
APPELANTE
Madame [M] [F]
née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 16] ([Localité 16]), demeurant [Adresse 15]
représentée par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour,
assistée par Me Eric MARY, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Madame [P] [D]
demeurant [Adresse 12]
représentée par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assistée par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE
Monsieur [Y] [D]
demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assisté par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE
Monsieur [B] [D]
demeurant [Adresse 8]
représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assisté par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE
Madame [U] [D]
demeurant [Adresse 13]
représentée par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assistée par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE
Monsieur [E] [D]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assisté par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 25 Janvier 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.LAMBREY, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Gérard LAMBREY, Président
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller
Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Février 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 22 Février 2011,
Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement du 1er mars 2010 du Tribunal de Grande Instance de Nice,
Vu la déclaration d'appel formée le 8 avril 2010 par Mme [M] [F],
Vu les conclusions d'interventions volontaires par voie de conclusions déposées le 3 janvier 2011 aux noms de M. [R] [Z], de la Société Eco Construction Renovation Decoration Architecture, et de la Société Immobilier Welt World,
Vu les conclusions régulièrement déposées le 14 janvier 2010 par l'appelante,
Vu les conclusions régulièrement déposées le 18 janvier 2011 par des consorts [D],
MOTIFS DE LA DECISION :
La demande de renvoi de l'examen de l'affaire présentée par Mme [F] au motif qu'un nouveau plan local d'urbanisme a été adopté le 23 décembre 2010, doit être rejetée, dans la mesure où cette nouvelle réglementation n'affecte pas les conditions de la responsabilité des consorts [D] qui est recherchée.
Par mandat de vente sans exclusivité en date du 25 juillet 2002, Messieurs [Y] et [B] [D] et Mmes [U] et [P] [D] ont confié à M. [R] [Z] (fils de Mme [M] [F]), la vente d'une propriété foncière désignée de la façon suivante : n° 292, route de [Localité 14], 06 [Localité 17] - propriété foncière 17'000 m² comprenant des bâtiments à usage agricole et d'habitation. Le prix de vente stipulé était de 800 francs/m², soit 121,96 euros/m².
Le 17 juillet 2003, Mme [F] adressait à Messieurs [Y] et [B] [D] et à Mmes [U] et [P] [D] une offre d'achat visant le mandat de vente du 25 juillet 2002 portant sur les parcelles cadastrées O K n° [Cadastre 4],[Cadastre 5], [Cadastre 6],[Cadastre 7], [Cadastre 9],[Cadastre 10], d'une surface totale de 16'069 m², pour un prix de 1000 fr./m², soit 16'509'000 fr. ou 2'516'780,80 euros qui devait être versé à la signature de l'acte notarié, lequel devait être signé et les lieux libérés au plus tard le 31 décembre 2003.
Par la suite Mme [M] [F] se faisait autoriser, par un accord écrit du 3 janvier 2005 de [Y], [B] et [U] [D], à installer un panneau publicitaire de vente ainsi qu'un bureau de vente.
Le 18 janvier 2005 Mme [M] [F] obtenait, sur papier à en-tête de son enseigne commerciale «Immobilier Welt World », un accord écrit de la part de [P], [U], [Y] et [B] [D], dans lequel ils confirmaient être d'accord 'pour signer une promesse de vente par devant maître [X] [T] pour les 16'509 m² de terrain indivis, parcelles OK [Cadastre 4]/[Cadastre 5]/[Cadastre 6]/[Cadastre 7]/[Cadastre 9]/ [Adresse 11]', pour un prix de 'E 167,69 (F 1 100) net vendeur par m² de terrain + E10,16 /m² (intermédiaires [M] [F] et [R] [Z] es-qualité), soit E 176,08 hors taxes, le m²'. La signature d'une promesse de vente devait intervenir au plus tard le 31 mars 2005.
Il était prévu qu'après signature de la promesse de vente, les consorts [D] percevraient une indemnité de 4 € annuelle par m² de terrain, et que cette somme resterait acquise au vendeur en cas d'abandon du projet de village automobile par les acquéreurs avant le 31 mars 2007.
Mme [M] [F] ne peut valablement invoquer les dispositions de l'article 1583 du Code civil pour soutenir que la vente des terrains des consorts [D] est parfaite à la suite de la proposition d'achat du 17 juillet 2003 qui a suivi le mandat de vente du 25 juillet 2002.
On relèvera tout d'abord que le bien à vendre par les consorts [D] n'est pas précisément déterminé, tant dans sa composition que dans sa contenance, dans le mandat de vente du 25 juillet 2002.
Par ailleurs si l'agent immobilier [R] [Z] avait reçu mandat de proposer, présenter et faire visiter les biens, et notamment établir tous actes sous-seing privés et recueillir la signature de l'acquéreur, il n'avait pas reçu le pouvoir d'engager son mandant pour la vente envisagée faute de stipulation d'une clause expresse telle que prévue par l'article 72 alinéa 3 du décret du 20 juillet 1972, M. [R] [Z] n'étant chargé que d'une mission d'entremise. Dès lors la simple offre d'achat du bien figurant dans le mandat de vente ne peut conduire à considérer la vente comme étant parfaite.
Certes dans le mandat de vente il est prévu que le mandant s'engage à signer au prix, charges et conditions convenus, toute promesse de vente ou tout compromis de vente éventuellement assorti d'une demande de prêts immobiliers, avec tout acquéreur présenté par le mandataire, et qu'en cas de non-respect de cette obligation il s'engage expressément à verser au mandataire une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue, mais cette stipulation n'engage le mandant qu'à l'égard de l'agent immobilier au cas il se refuserait, sans motif légitime, de contracter avec l'acheteur présenté par l'intermédiaire.
Au demeurant il n'apparaît pas qu'[R] [Z] ait présenté aux consorts [D], Mme [M] [F] en qualité d'acquéreur. Cette dernière ne se présente d'ailleurs pas en cette qualité, puisque dans le courrier accompagnant l'offre d'achat du 17 juillet 2003, elle indique qu'elle « lève l'option du mandat de vente du 25.07.2007", et qu'elle 'dénonce le nom du client Peugeot ».
De même l'acte sous-seing privé du18 janvier 2005, rédigé sous l'en-tête «Immobilier Welt World » enseigne commerciale de Mme [M] [F], par lequel les consorts [D] confirment être d'accord pour signer une promesse de vente par devant Maître [X] [T] (leur conseil) pour les 16'509 m² de terrain indivis au prix de 176,0 8 € hors-taxes le m², dont 10,16 euros/m² pour les intermédiaires [M] [F] et [R] [Z], ne constitue pas en lui-même une promesse de vente, tout au plus une obligation de faire.
L'accord exprimé par les consorts [D], pour signer une promesse de vente, ne comporte la désignation d'aucun bénéficiaire, et en aucun cas Mme [M] [F], puisque celle-ci se présente comme intermédiaire, ayant pris le soin de préciser que son établissement «Immobilier Welt World » suivrait les négociations jusqu'à leur aboutissement.
Cet accord des consorts [D], obtenue par Mme [M] [F], s'analyse en réalité en un mandat de vente puisque cette dernière n'apparaît nullement comme bénéficiaire de la promesse de vente qui doit être signée avant le 31 mars 2005, étant observé que Mme [M] [F] n'a pas la qualité d'agent immobilier, et que son fils [R] [Z] avait été radié du registre du commerce pour une cessation d'activité au 30 septembre 2003.
Au surplus l'accord du 18 janvier 2005 ne peut en aucun cas être considéré comme une promesse unilatérale de vente valide, puisque non enregistrée, elle devrait être considérée comme nulle en vertu des dispositions de l'article 1840 A du code général des impôts, lequel était applicable jusqu'au 1er janvier 2006.
En conséquence Mme [M] [F] est mal fondée en sa demande de voir déclarer parfaite la vente du bien immobilier des consorts [D] et elle doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Par son action introduite en mars 2006, tendant à se voir reconnaître la qualité de bénéficiaire de la vente du bien des consorts [D], alors qu'elle n'entendait intervenir qu'en tant qu'intermédiaire, elle a dissuadé ces derniers de procéder par eux-mêmes à la vente effective de leur bien, ce qui a entraîné une immobilisation de presque 5 ans de celui-ci.
Il en est résulté pour les consorts [D] un préjudice qui sera indemnisé par l'octroi d'une somme qui tiendra compte de la valeur du bien immobilisé, à savoir un prix de 167,69 euros/m² hors taxes, net vendeur, selon le prix proposé par Mme [M] [F] elle-même le 18 janvier 2005, soit pour 16'509 m², un montant total de 2'768'394 €, montant dont n'ont pu disposer les propriétaires indivis pendant presque 5 ans.
Compte tenu des taux d'intérêts pratiqués, mais aussi du fait qu'un tel placement aurait été soumis à imposition, la somme de 100 000 euros constitue une juste indemnisation du préjudice subi.
M. [R] [Z], par son intervention volontaire en cause d'appel, a contribué à causer le préjudice subi par les consorts [D]. Il sera donc tenu in solidum avec Mme [M] [F] au paiement de l'indemnisation de ces derniers.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles qu'ils ont exposés en cause d'appel, il leur sera alloué la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle déjà allouée sur le même fondement par le premier juge.
La S.C.P. Maynard-Simoni, avoués associés, ayant déposé le 3 janvier 2011 des conclusions d'interventions volontaires au nom de la Société Eco Construction Renovation Decoration Architecture, et de la Société Immobilier Welt World, alors qu'il s'agit d'enseignes commerciales et non de personnes morales pourvues de la personnalité juridique, les dépens relatifs à ces conclusions d'interventions volontaires seront mis à la charge de ladite société civile professionnelle par application des dispositions de l'article 697 du code de procédure civile, puisque celle-ci n'a pu recevoir mandat de sociétés qui n'existaient pas.
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté les consorts [D] de leur demande de dommages et intérêts,
Et statuant à nouveau sur cette demande,
Condamne in solidum Mme [M] [F] et M. [R] [Z] à payer aux intimés la somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [M] [F] et M. [R] [Z] à payer aux intimés la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens afférents aux conclusions d'interventions volontaires de la Société Eco Construction Renovation Decoration Architecture, et de la Société Immobilier Welt World, sont à la charge de la S.C.P. Maynard-Simoni, avoués associés,
Condamne in solidum Mme [M] [F] et M. [R] [Z] à supporter le surplus des dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP Boissonnet-Rousseau, avoués associés,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,