La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2011 | FRANCE | N°10/04212

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 08 février 2011, 10/04212


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 08 FEVRIER 2011

B.R.

N° 2011/













Rôle N° 10/04212







[J] [D]





C/



[T] [W] épouse [G]

[F] [I] épouse [K]





















Grosse délivrée

le :

à :













réf





Décision déférée à la Cour :


r>Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Janvier 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 07/6891.





APPELANT



Monsieur [J] [D]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]



représenté par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour,

assisté par Me Emmanuel PLATON, avocat au barreau ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 08 FEVRIER 2011

B.R.

N° 2011/

Rôle N° 10/04212

[J] [D]

C/

[T] [W] épouse [G]

[F] [I] épouse [K]

Grosse délivrée

le :

à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Janvier 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 07/6891.

APPELANT

Monsieur [J] [D]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour,

assisté par Me Emmanuel PLATON, avocat au barreau de TOULON

INTIMEES

Madame [T] [W] épouse [G], demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour, assistée par Me Philippe BOSSUT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [F] [I] épouse [K], demeurant [Adresse 7]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,

assistée par Me Philippe BOSSUT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Janvier 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.LAMBREY, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Gérard LAMBREY, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Février 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 08 Février 2011,

Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement du 21 janvier 2010 du Tribunal de Grande Instance de Draguignan,

Vu la déclaration d'appel formée le 4 mars 2010 par M. [J] [D],

Vu les conclusions régulièrement déposées le 24 décembre 2010 par Mme [R] [I] épouse [K] et Mme [T] [W] épouse [G],

Vu les conclusions régulièrement déposées le 4 janvier 2011 par l'appelant,

MOTIFS DE LA DECISION :

Par acte sous seing privé du 23 novembre 2006, Mme [M] [C], médecin radiologue, exerçant au sein d'une société civile de moyens avec Mesdames [R] [I] épouse [K] et [T] [W] épouse [G], a consenti à M. [J] [D] une promesse synallagmatique de vente sous condition suspensive portant sur le tiers de la clientèle d'un cabinet de radiologie situé au [Localité 6] (83) et le tiers des parts sociales de la société civile de moyens, moyennant un prix de 250'000 €.

Dans cet acte il était prévu qu'en cas de défaillance ou de renonciation de M. [J] [D], Mesdames [F] [I] et [T] [W] seraient bénéficiaires de substitution aux mêmes prix et conditions que le bénéficiaire principal, l'acte devant être réitéré au plus tard le 15 janvier 2007.

M. [J] [D] ayant accepté de se désister en faveur des docteurs [R] et [T] [W], en ce qui concerne le bénéfice du compromis de vente qu'il avait signé avec le docteur [C], les deux bénéficiaires de substitution s'engageaient à revendre au docteur [J] [D] les mêmes parts et droits de présentation de clientèle au plus tard le 1er avril 2007 aux mêmes conditions avec un prix de cession globale fixé à 250'000 €.

Par suite Mme [M] [C] cédait le 17 janvier 2007 à Mme [T] [W] et à Mme [F] [I], à chacune 35 parts sociales, outre le tiers de la clientèle du cabinet de radiologie exploité au [Localité 6], moyennant le prix de 250'000 €.

Aucune rétrocession de ces parts et de cette clientèle n'intervenant par la suite au profit de M. [J] [D], le conseil de celui-ci adressait le 28 mars 2007, par lettre recommandée avec avis de réception, à Mme [F] [I] d'une part et à Mme [T] [W] d'autre part, un courrier dans lequel il était rappelé que M. [J] [D] avait obtenu le prêt nécessaire à l'acquisition, qu'il avait notifié à la venderesse, et exposait que les deux associés du docteur [C] avaient invoqué des difficultés d'établissement des comptes avec la venderesse, ce qui rendait préférable, selon elles, le report de quelques mois de la vente au profit du docteur [J] [D] de manière à ce que son arrivée puisse se faire dans des conditions de totale transparence des comptes.

Ce courrier comportait en outre mise en demeure de Mmes [F] [I] et [T] [W] aux fins de voir fixer une date, une heure et un lieu pour la signature de l'acte de vente des parts sociales et du droit de présentation du tiers de la clientèle du cabinet de radiologie.

Aucune réponse n'était apportée par Mmes [F] [I] et [T] [W], lesquels n'apportaient alors aucune explication à leur refus de céder à M. [J] [D], les parts sociales en cause et le tiers de la clientèle. Il n'était même pas fait état d'un éventuel défaut de réalisation des conditions suspensives.

Faisant valoir que l'ensemble des conditions suspensives avaient été levées, et que la vente était parfaite, M. [J] [D], renonçant à demander la signature forcée du contrat, sollicite la condamnation solidaire de Mme [F] [I] et de Mme [T] [W] à lui payer la somme de 150'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de leur carence.

Contrairement à ce que soutiennent Mesdames [F] [I] et [T] [W], la non réitération de la promesse de cession du 23 novembre 2006, et la non réitération de la promesse de rétrocession qui a suivi, ne sont pas imputables à M. [J] [D].

En effet celui-ci a justifié de la réalisation de la condition suspensive portant sur l'obtention d'un prêt bancaire de 270'000 € au taux de 4 %, puisqu'il résulte des pièces versées aux débats que dès le 22 décembre 2006 il a notifié à Mme [C] l'accord de financement consenti par la Lyonnaise de Banque à hauteur de 270'000 €. En outre le docteur [J] [D] produit une offre de crédit de la part de la banque populaire Côte d'Azur à hauteur de 270'000 € sur 10 ans au taux fixe de 3,95 %, avec garantie d'un contrat d'assurance-vie AGIPI AXA n° 560 304.

De même le docteur [J] [D] justifie de la réalisation de la seconde condition suspensive concernant l'autorisation de son inscription au tableau de l'ordre du Var de la profession, puisqu'il est produit une attestation du conseil départemental du Var de l'ordre des médecins selon laquelle l'intéressé est régulièrement inscrit depuis le 11 décembre 2000.

Par ailleurs Mesdames [F] [I] et [T] [W] ne sont pas fondées à se prévaloir de la non réalisation des 3e 4e et 5e conditions suspensives de la promesse synallagmatique de vente.

En effet le docteur [C] a démissionné de sa fonction de cogérante de la société civile de moyens lors de la vente de ses parts sociales. En outre lors de cette vente le docteur [C] a renoncé à la réalisation de la condition suspensive consistant en la levée de l'ensemble de ses engagements de caution et de garantie, condition suspensive dont elle était la seule bénéficiaire, et partant la seule à pouvoir en invoquer la défaillance. Il convient de relever que ni dans la promesse de vente, ni dans la promesse de rétrocession, il n'était prévu l'engagement de M. [J] [D] à se substituer en qualité de caution à Mme [C].

En ce qui concerne l'agrément du docteur [J] [D] par l'assemblée générale de la société civile de moyens à la majorité des 3/4 des associés présents ou représentés, possédant ensemble au moins les trois-quarts du capital social, les docteurs [F] [I] et [T] [W] ne peuvent en tout état de cause se prévaloir de la non réalisation de cet condition suspensive puisque :

- en leur qualité de cédant, elles n'ont pas mis en oeuvre la procédure d'agrément, en soumettant à l'assemblée générale l'agrément du docteur [J] [D],

- étant les seules associées de la société civile de moyens, mais en même temps les cédants des parts sociales, elles ne peuvent valablement invoquer le défaut d'agrément, puisque cet agrément est institué au bénéfice des associés qui sont tiers à la cession de parts sociales,

- elles ont accepté M. [J] [D] en qualité de cessionnaire, dans la promesse de rétrocession de parts sociales qu'elles ont souscrite,

- en application des dispositions de l'article 1854 du Code civil, les décisions collectives prises par les associés peuvent résulter, outre des décisions prises en assemblée générale, du consentement de tous les associés exprimés dans un acte, comme c'est le cas dans la promesse de rétrocession souscrite par Mmes [F] [I] et [T] [W] en faveur de M. [J] [D].

Il convient de souligner que reconnaître aux associés cédants, la possibilité de refuser l'agrément du cessionnaire, reviendrait à leur faire bénéficier d'une condition purement potestative.

On constate ainsi que si cette condition suspensive était justifiée dans le cadre de la cession de parts entre Mme [C] et M. [D], elle ne pouvait trouver application dans le cadre de la rétrocession entre d'une part Mmes [I] et [W] et d'autre part [J] [D].

Mmes [F] [I] et [T] [W] n'excipent donc d'aucun motif légitime leur permettant de s'opposer à la rétrocession de parts sociales et du tiers de la clientèle, qu'elles avaient consentie au profit de M. [J] [D].

Elles ne peuvent reprocher à ce dernier d'avoir poursuivi une collaboration avec le docteur [E] et d'avoir assuré des vacations à l'hôpital de [Localité 5], dans la mesure où [J] [D] n'était lié que par une convention d'association provisoire avec le docteur [E], et qu'il devait continuer à percevoir des revenus en l'attente de son intégration dans la société civile de moyens avec Mmes [F] [I] et [T] [W].

La mauvaise foi de ces dernières est d'autant mieux établie, qu'elles entendent se prévaloir d'un courrier du 26 décembre 2006 adressée à M. [X] [V], auxquelles elles font part de leur refus d'agréer le docteur [J] [D] dans la société civile de moyens, l'authenticité de ce courrier pouvant être sérieusement mise en doute dans la mesure où par courrier du 8 février 2007 elles font état auprès de la BNP Paribas de l'entrée prochaine du docteur [J] [D] dans leur association. Ce courrier montre d'ailleurs que postérieurement à l'acquisition qu'elles ont faites des parts sociales de Mme [C], elles envisageaient toujours l'intégration de M. [J] [D] dans leur société, étant relevé que Mmes [F] [I] et [T] [W] connaissaient bien ce dernier puisqu'il avait effectué plusieurs remplacements au sein du cabinet dans le courant de l'année 2006. Il est ainsi démontré que le refus de réaliser la rétrocession des parts sociales en sa faveur n'est justifié par aucun motif légitime et constitue un refus fautif d'exécuter leur engagement de rétrocéder les parts sociales et le tiers de la clientèle qu'elles avaient acquis.

Par ce refus injustifié de cession de parts sociales et de présentation du tiers de la clientèle, le docteur [J] [D] subit un préjudice lié, comme il l'explique lui-même, à la perte d'une chance de percevoir les revenus afférents au tiers des parts sociales.

La clause de dédit figurant dans l'acte du 23 novembre 2006, sous l'intitulé 'cautionnement', n'a été stipulée qu'en faveur de la cédante, Mme [C], laquelle se voyait attribuer la somme de 25 000 euros en cas de défaillance de l'acquéreur ou des acquéreurs de substitution.

Pour quantifier le montant du préjudice subi, [J] [D] entend se baser sur le décompte de répartition du résultat fiscal au 31 décembre 2006 de la société formée entre Mmes [M] [C], [F] [I] et [T] [W] ; au vu de ce décompte le docteur [J] [D] pouvait escompter un revenu mensuel, hors frais, d'au moins 16'500 €, soit un manque à gagner, qu'il arrête lui-même au 31 janvier 2009, de 297'000 € sur 18 mois. Toutefois il y a lieu de tenir compte des charges personnelles qu'il aurait eues à verser aux organismes sociaux, évaluées à 30 %, mais aussi des remboursements mensuels du prêt qu'il n'a pas eu à honorer, ainsi que des honoraires qu'il a pu continuer à percevoir pendant la période d'avril 2007 à janvier 2009. Par ailleurs il n'est pas démontré que sa collaboration avec le Docteur [E] n'ait pu se poursuivre (cf. courrier du 14 avril 2008 du Dr. [E]), ni qu'il n'ait pu en définitive acquérir le cabinet de ce radiologue ou tout autre cabinet. En conséquence le montant du préjudice subi par le docteur [J] [D] résultant de la perte d'une chance de percevoir les revenus afférents au tiers des parts sociales du cabinet de radiologie du [Localité 6], sera ramenée 30'000 €.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera alloué la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement

Reçoit l'appel,

Infirme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

Condamne in solidum Mme [F] [I] épouse [K] et Mme [T] [W] épouse [G] à payer à M. [J] [D] une somme de 30'000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, ainsi que la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les entiers dépens sont à la charge de Mmes [F] [I] épouse [K] et [T] [W] épouse [G], avec distraction au profit de la S.C.P. Philippe Blanc- Romain Cherfils, avoués associés,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 10/04212
Date de la décision : 08/02/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°10/04212 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-08;10.04212 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award