COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9° Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 20 OCTOBRE 2010
N°2010/
Rôle N° 09/10564
SARL CIFFREO BONA
C/
[G] [E]
Grosse délivrée le :
à :
Me Denis DEUR, avocat au barreau de NICE
Me Brigitte DE CASANOVE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes d'AIX-EN-PROVENCE en date du 25 Mai 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 06/303.
APPELANTE
SARL CIFFREO BONA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Denis DEUR, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [G] [E], demeurant [Adresse 4]
comparant en personne, assisté de Me Brigitte DE CASANOVE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise GAUDIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Alain BLANC, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2010.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2010
Signé par Madame Françoise GAUDIN, Conseiller et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [G] [E] a été engagé par la société CIFFREO BONA à compter du 10 juillet 2000 en qualité de cariste.
Le 22 avril 2002, Monsieur [E] a été victime d'un accident de travail à la suite duquel il a fait l'objet d'arrêts de travail et d'une rechute.
Le 4 février 2005, à l'issue d'une seconde visite de reprise, le Médecin du Travail rendait un avis en ces termes :
« Inapte au poste de magasinier cariste. Salarié à reclasser en fonction des indications émises sur la fiche d'aptitude du 21 janvier 2005. Peut effectuer des tâches simples en position assise ou debout (telles que tâches administratives, standard téléphonique et activité commerciale)l.».
Monsieur [E] était alors reclassé à partir du 7 mars 2005, à un poste de guichetier au dépôt de [Localité 2], avec l'assentiment de la médecine du travail et des délégués du personnel.
Après convocation à entretien préalable du 3 mai 2005, Monsieur [E] se voyait notifier son licenciement par courrier recommandé du 23 mai 2005, pour inadaptation au poste de guichetier.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, Monsieur [E] percevait un salaire mensuel brut de 1.054,12 euros, outre une prime d'ancienneté de 34 euros.
Contestant la légitimité de la rupture, Monsieur [E] a saisi le Conseil des prud'hommes d'AIX EN PROVENCE d'une demande indemnitaire sur le fondement de l'article L.122-32-7, devenu l'article L.1226-15 du Code du Travail. Et à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement de départage en date du 25 mai 2009, le Conseil a accueilli sa demande et a condamné la société CIFFREO BONA France à lui payer la somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice tant moral que matériel , avec intérêts légaux, outre la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 4 juin 2009, la société SARL CIFFREO BONA France a régulièrement formé appel.
Elle conclut à l'infirmation de ladite décision, au débouté des demandes de Monsieur [E] et reconventionnellement à sa condamnation à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle soutient essentiellement que le licenciement pour insuffisance professionnelle du salarié est justifié dès lors qu'il est établi par les pièces produites aux débats qu'il n'était pas opérationnel dans ses nouvelles fonctions, malgré plusieurs semaines de formation professionnelle, après qu'il ait fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude physique à l'emploi qu'il occupait auparavant et ce, alors même qu'il avait accepté ce reclassement à ce poste.
Monsieur [E] demande quant à lui la confirmation de la décision déférée, faisant observer que l'employeur n' a pas mis tout en 'uvre pour que son reclassement soit efficace:
Formant appel incident sur le quantum de l'indemnisation, il sollicite la condamnation de la société appelante au paiement des sommes suivantes :
. 55.392 euros à titre de préjudice matériel,
. 10.000 euros à titre de préjudice moral,
. 10.000 euros pour non respect de l'obligation de reclassement,
. 2.500 euros au titre de ses frais irrépétibles .
MOTIFS
Sur le bien-fondé du licenciement
Attendu qu'il est constant que l'inaptitude définitive de Monsieur [E] à reprendre son poste de travail dans l'entreprise a été prononcée par le Médecin du travail , conformément aux exigences du double examen médical prévu à l'article R 4624-31 du Code du Travail.
Attendu que l'article L 1226-10 du Code du Travail fait obligation à l'employeur de proposer au salarié déclaré inapte par le médecin du travail , compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications que celui-ci formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, un autre emploi approprié à ses capacités, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail (cette liste n'étant pas limitative).
Que dans ce cadre, Monsieur [E] a été reclassé à compter du 7 mars 2005 à un poste de guichetier après avis favorable de la Médecine du travail et des délégués du personnel.
Que cependant, dès le 3 mai 2005, le salarié était convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement et la lettre de licenciement en date du 23 mai suivant fait état d'une inadaptation au poste de guichetier, notamment en ces termes :
« Votre incapacité à assimiler le travail et des tâches très simples pénalise la bonne marche du guichet et le bon fonctionnement général du dépôt d'[Localité 1] et nous empêche de vous affecter sur le dépôt sur lequel nous avons un besoin car vous devez systématiquement être entouré et n'êtes toujours pas capable de travailler seul !
Vos insuffisances et votre inaptitude à effectuer ce travail de façon satisfaisante sont d'autant plus surprenantes que vous n'aviez à assimiler que la partie « informatique » de la fonction car vous connaissiez déjà en grande partie les produits !!!
Vous avez de plus bénéficié d'un accompagnement de Mr [J], le chef de dépôt, en caisse qui était très présent afin de vous aider et de tenter également de limiter vos erreurs !!
Malgré une formation renforcée (8 fois la durée d'une formation typer de guichet), votre connaissance préalable des produits et du négoce, vous n'arrivez pas à exercer une fonction de guichetier qui habituellement est maîtrisée par un novice (informatique et produits du bâtiment) après une formation standard en à peine une semaine avec une autonomie acquise très rapidement. Vous semblez de plus ne pas vous intéresser à votre travail et nous déplorons votre manque de motivation qui complique plus encore votre adaptation au poste.
Ces difficultés de compréhension et ces nombreuses erreurs révèlent votre insuffisance professionnelle et votre inadaptation à ce poste de guichetier, malgré une formation pus longue et plus pointue que pour tout autre employé.. »
Attendu que le premier juge a, par des motifs pertinents, relevé à juste titre que l'emploi de reclassement proposé à Monsieur [E] n'était pas accessible à celui-ci nonobstant une formation professionnelle délivrée par l'employeur.
Que ladite formation en binôme sur le poste pendant 45 jours s'est avérée inefficace compte tenu de ce qu'il s'agissait en fait d'assurer une formation initiale qui faisait défaut au salarié , ayant des aptitudes manuelles mais non en informatique et en comptabilité, nécessaires au poste de guichetier ;
Qu'en conséquence, la prétendue insuffisance professionnelle du salarié à son nouveau poste résulte en fait de l'inadaptation dudit poste aux capacités professionnelles du salarié et l'employeur aurait du le licencier en respectant à nouveau les dispositions de l'article susvisé.
Que c'est à juste titre que le jugement a dit que le licenciement de Monsieur [E] intervenu en méconnaissance des dispositions protectrices susvisées, était nul et Monsieur [E] peut donc prétendre à l'indemnité prévue à l'article L.1226-15 du Code du Travail, laquelle ne peut être inférieure à douze mois de salaire ;
Que compte tenu de la rémunération brute des trois derniers mois, celle-ci a été justement chiffrée par le premier juge à la somme de 18.000 €, toutes causes de préjudices confondues ;
Qu'en conséquence, la décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.
Attendu que cependant, il parait équitable que la société CIFFREO BONA participe à concurrence de 1.000 euros aux frais exposés par l'intimé, pour l'instance d'appel et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.
ET Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société SARL CIFFREO BONA MEYRARGUES à payer à Monsieur [G] [E] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Rejette toute autre demande.
Condamne la SARL CIFFREO BONA aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Le GreffierPour le Président empêché
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
En ayant délibéré