COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 11o Chambre A
ARRÊT AU FOND DU 30 AVRIL 2010
No 2010/ 216
Rôle No 08/ 08380
Christine Germaine X... épouse Y... Jean-Paul Emile, François Y...
C/
Anne-Marie Z... épouse A... Geoffroy Z... S. A. R. L TSM-AGENCE IMMOBILIERE KORINE OLIVIER Daniel A...
Grosse délivrée le : à :
SCP BOTTAI SCP SIDER SCP TOUBOUL
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 21 Mars 2008 enregistré au répertoire général sous le no 11-07-1144.
APPELANTS
Madame Christine Germaine X... épouse Y... née le 31 Janvier 1960 à CANNES, demeurant... représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, Assistée de Me Marie-Thérèse LANDRISCINA, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Monsieur Jean-Paul Emile, François Y... né le 09 Septembre 1960 à PHILIPPEVILLE, demeurant... représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, Assisté de Me Marie-Thérèse LANDRISCINA, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMES
Madame Anne-Marie Z... épouse A... née le 10 Mai 1945 à AIX EN PROVENCE (13100), demeurant... représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, Assistée de Me Camilla OY, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Monsieur Geoffroy Z... né le 12 Septembre 1920 à MARSEILLE (13000), demeurant... représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour, Assisté de Me Camilla OY, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Monsieur Daniel A..., demeurant... représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour, Assisté de Me Camilla OY, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
S. A. R. L. AGENCE IMMOBILIERE KORINE OLIVIER, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant ... représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, Assistée de Me Daniel LAMBERT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
*- *- *- *- * 11ème A-2010/
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Mars 2010 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Robert PARNEIX, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Robert PARNEIX, Président Madame Danielle VEYRE, Conseiller Madame Cécile THIBAULT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2010.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2010,
Signé par Monsieur Robert PARNEIX, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
11ème A-2010/ FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon bail du 1er mai 2006, Mme Anne-Marie Z... épouse A..., nue-propriétaire et M. Geoffroy Z..., usufruitier, ont loué une maison d'habitation à M. et Mme Y..., le bail ayant été signé par l'intermédiaire de la société TSM, exerçant sous l'enseigne Immobilière Korine Olivier.
Par acte du 28 septembre 2007, M. et Mme Y... ont assigné les bailleurs, afin de les entendre condamner à installer sous astreinte une alimentation du logement en eau potable et à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que la société TSM, afin d'obtenir le remboursement de la somme de 1 400 euros versée à titre d'honoraires. M. Daniel A..., époux de Mme A..., est intervenu volontairement à l'instance.
Par jugement du 21 mars 2008, le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence a constaté le désistement des époux Y... de leur demande de mise en conformité du logement, condamné M. et Mme Y... à payer à Mme A... et M. Z... la somme de 485, 47 euros, au titre d'un rappel de charges, condamné solidairement Mme A... et M. Z... à payer à M. et Mme Y... la somme de 400 euros à titre de dommages et intérêts et ordonné la compensation des créances et des dettes respectives.
Par déclaration du 9 mai 2008, M. et Mme Y... ont relevé appel de ce jugement.
Ils exposent, d'abord, que la somme de 485, 47 euros a été réglée les 12 novembre et 5 décembre 2007 ainsi qu'ils en justifient.
Ils font valoir, ensuite, que, contrairement à ce que mentionne l'état des lieux d'entrée, le logement ne disposait pas d'une alimentation en eau potable et n'a été mis en conformité que le 21 septembre 2007, en sorte que l'indemnisation de leur préjudice de jouissance a été manifestement sous évaluée par le premier juge.
Ils soutiennent, enfin, qu'ils ont versé directement des honoraires à la société TSM qui a manqué à son obligation de conseil en n'indiquant pas l'identité exacte des bailleurs et en portant sur l'état des lieux une mention erronée relative à l'équipement du logement en eau potable.
Ils concluent à la réformation du jugement, à la condamnation de Mme A... et de M. Z... à leur payer 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et 328, 30 euros en remboursement du dépôt de garantie, ainsi qu'à la condamnation de la société TSM ou, subsidiairement des bailleurs, à leur restituer la somme de 1 400 euros. Ils réclament en outre une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés soulèvent l'absence d'intérêt à agir de M. et Mme Y... au motif que, dans un courrier du 30 avril 2007, ils se sont dits " prêts à attendre le raccordement à la distribution de la ville qui est prévu dans les mois à venir ".
Sur le fond, ils exposent que, selon le décret du 6 mars 1987, l'alimentation en eau potable n'est obligatoire que dans la cuisine qui en l'espèce était équipée d'un stérilisateur distribuant une eau potable, que cette installation avait fait l'objet le 3 décembre 2003 d'un avis favorable des services municipaux et que la mairie a délivré le 8 décembre 2003 le certificat de conformité de la maison. Ils ajoutent que, dès que ces mêmes services leur ont imposé, le 2 juillet 2007, le raccordement au réseau d'eau potable de la ville, ils ont effectué les travaux nécessaires. Ils soutiennent enfin que M. et Mme Y... ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'ils invoquent.
Ils concluent, à titre principal, à la réformation du jugement et au rejet des prétentions des époux Y..., à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement en ce qu'il leur a alloué une indemnité de 400 euros et, en tout état de cause, à leur condamnation au paiement d'une somme de 2 000 euros à M. et Mme A... et d'une somme identique à M. Z... au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
11ème A-2010/
La société TSM fait valoir que M. et Mme Y... étaient parfaitement informés, lors de la signature de l'état des lieux d'entrée, que l'eau potable était distribuée à la cuisine grâce à un stérilisateur dont les cartouches étaient à leur charge. Elle en conclut qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Elle sollicite la confirmation du jugement et une indemnité de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur l'intérêt à agir de M. et Mme Y...
Attendu que la lettre du 30 avril 2007 par laquelle les époux Y... se déclarent prêts à attendre l'achèvement des travaux d'adduction d'eau ne vise que la demande de travaux sous astreinte, dont ils se sont effectivement désistés, et ne peut s'analyser comme un abandon de leur demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance ; que leur intérêt à agir ne peut être sérieusement contesté et que premier juge a déclaré à bon droit leurs prétentions recevables de ce chef ;
2) Sur le préjudice de jouissance
Attendu qu'en application de l'article 1719 du code civil : " Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune disposition particulière : 1o De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent " ; qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 : " Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation " ;
Attendu que l'article 3 du décret no 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent prévoit que celui-ci doit comporter " une installation d'alimentation en eau potable assurant à l'intérieur du logement la distribution avec une pression et un débit suffisants pour l'utilisation normale de ses locataires " ;
Attendu que ce texte, applicable lors de la signature du bail, ne prévoit pas la distribution d'eau potable uniquement dans la cuisine, à la différence du décret no 87-149 du 6 mars 1987 fixant les conditions minimales de confort et d'habitabilité des locaux mis en location ;
Attendu, en conséquence, que la pose d'un stérilisateur sur la seule arrivée d'eau de la cuisine ne satisfait pas aux dispositions des textes précités relatives aux normes de décence et de sécurité sanitaire du logement et que l'acceptation de ce dispositif par le locataire ne dispense pas le bailleur de son obligation de respecter cette réglementation d'ordre public ;
Attendu, au surplus, que le 13 juin 2007 les services municipaux ont constaté, après une visite de l'ensemble de l'installation, que le logement était " alimenté en eau brute du canal de Provence non traitée par un dispositif conforme à la réglementation sanitaire " et ont mis les propriétaires en demeure d'" assurer la fourniture et la distribution d'une eau potable " ; que, par ailleurs, un rapport d'observation d'un laboratoire d'analyses a conclu que le stérilisateur permet de filtrer et d'affiner l'eau mais ne " répond pas à la fonction de potabilisation individuelle d'un foyer " ;
Attendu que ces constats ne sont pas contredits par la production du certificat de conformité délivré le 8 décembre 2003 par la mairie d'Aix-en-Provence, qui a pour seul objet d'attester la conformité de l'habitation au permis de construire et qui ne comporte aucune information relative à l'alimentation en eau ; qu'ils ne sont pas non plus remis en cause par les analyses du 29 juillet 2006 communiquées par les intimés et concluant au caractère potable de l'eau, dès lors qu'il n'est pas démontré que les prélèvements ont été effectués au domicile des locataires ;
Attendu qu'il résulte de ces constatations que le jugement, qui a retenu l'existence d'un manquement imputable aux bailleurs et d'un préjudice de jouissance subi par les locataires, sera confirmé ;
11ème A-2010/
Attendu, sur l'indemnisation du préjudice, qu'il convient de retenir, d'une part, que les bailleurs ont réalisé les travaux de raccordement au réseau public d'eau potable avant l'assignation en justice et ont pu croire de bonne foi, jusqu'à la mise en demeure des services municipaux du 13 juin 2007, que leur installation était conforme à la réglementation, d'autre part, qu'il n'est pas établi avec certitude que les troubles de santé subis en octobre 2006 par la fille des locataires soient consécutifs à une absorption d'eau non potable ; que, dans ces conditions, le préjudice subi par les appelants est essentiellement moral et sera justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 1500 euros, la somme de 400 euros accordée en première instance étant insuffisante ; que le jugement sera réformé de ce chef ;
3) Sur le compte locatif
Attendu que M. et Mme Y... ont déménagé en juillet 2009 et ont fait dresser un constat le 31 juillet 2009 duquel il résulte que les lieux sont libérés en bon état et " très propres " ; que, par ailleurs, ils justifient avoir restitué le stérilisateur à l'agence Korine Olivier le 5 octobre 2009 ; que par suite, la somme de 328, 30 euros retenue par les bailleurs sur le dépôt de garantie en remboursement du coût du stérilisateur et de travaux de remise en état du jardin doit leur être restituée ;
Attendu, en outre, que M. et Mme Y... justifient avoir effectué un virement de 222, 50 euros le 12 novembre 2007 et un virement de 262, 97 euros le 5 décembre 2007 au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ; que les bailleurs ne contestent pas ce point ; que le jugement qui les a condamnés à payer la somme de 485, 47 euros sera réformé ;
4) Sur la demande dirigée contre la société TSM
Attendu qu'il est constant que M. et Mme Y... ont versé des honoraires à la société TSM avec laquelle ils ont en conséquence un lien contractuel, ce que la société TSM ne conteste pas dans ses écritures ;
Attendu qu'il est établi que, lors de l'établissement du bail, cette société a commis une erreur sur l'identité des bailleurs, ce qui a imposé aux époux Y... des recherches et des vérifications avant de délivrer leur assignation ; qu'il est établi également qu'elle a porté sur l'état des lieux la mention inexacte selon laquelle la cuisine et la salle de bains étaient alimentées en eau potable ;
Attendu que ces manquements à son obligation de conseil et de vérification n'ont pas été réparés par la signature d'un additif à l'état des lieux qui se borne à préciser : " Stérilisateur d'eau au robinet de la cuisine. La cartouche est à la charge du locataire " ;
Attendu en conséquence que le jugement qui a débouté M. et Mme Y... de leur demande à l'encontre de la société TSM sera infirmé ;
Attendu que les fautes commises par cette société ne justifient pas la restitution de la totalité des honoraires versés et seront suffisamment réparées par l'allocation d'une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
5) Sur les demandes accessoires
Attendu qu'il est justifié de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre une indemnité de 1 000 euros aux appelants ; que les mêmes demandes présentées par les intimés qui succombent en leur argumentation seront rejetées ;
Et attendu que les consorts A...- Z... seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile ;
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PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en ce qu'il a donné acte à M. Daniel A... de son intervention volontaire, donné acte à M. et Mme Y... de leur désistement de leur demande relative à la mise en conformité de l'installation d'alimentation en eau potable et retenu l'existence d'un manquement imputable aux bailleurs et d'un préjudice de jouissance subi par les locataires ;
L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau ;
Condamne solidairement Mme Anne-Marie Z... épouse A... et M. Geoffroy Z... à payer à M. et Mme Y... la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, la somme de 328, 30 euros à titre de restitution du solde du dépôt de garantie et la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société TSM (agence immobilière Korine Olivier) à payer à M. et Mme Y... la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute Mme Anne-Marie Z... épouse A... et M. Geoffroy Z... de leur demande reconventionnelle en paiement de la somme de 485, 47 euros ;
Déboute M. et Mme A..., M. Z... et la socité TSM (agence immobilière Korine Olivier) de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme Anne-Marie Z... épouse A... et M. Geoffroy Z... aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Et le président a signé avec la greffière.
La greffière Le Président