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30/06/2009 | FRANCE | N°09/02851

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, 14° chambre, 30 juin 2009, 09/02851


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 14° Chambre

ARRÊT AU FOND DU 30 JUIN 2009

N° 2009 / 557

Rôle N° 09 / 02851

SAS ELECTRONIQUE ET VERRERIE TECHNIQUE ELVETEC

C /

URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
DRASS

Grosse délivrée le : à :

Me Xavier PELISSIER, avocat au barreau de STRASBOURG
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 14 Janvier 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 20502131.

A

PPELANTE

SAS ELECTRONIQUE ET VERRERIE TECHNIQUE ELVETEC, prise en la personne de son représentant légal, demeurant Avenue Satolas Green...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 14° Chambre

ARRÊT AU FOND DU 30 JUIN 2009

N° 2009 / 557

Rôle N° 09 / 02851

SAS ELECTRONIQUE ET VERRERIE TECHNIQUE ELVETEC

C /

URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
DRASS

Grosse délivrée le : à :

Me Xavier PELISSIER, avocat au barreau de STRASBOURG
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 14 Janvier 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 20502131.

APPELANTE

SAS ELECTRONIQUE ET VERRERIE TECHNIQUE ELVETEC, prise en la personne de son représentant légal, demeurant Avenue Satolas Green-69330 PUSIGNAN
représentée par Me Xavier PELISSIER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE

URSSAF DES BOUCHES DU RHONE, demeurant 20 Avenue Viton-13299 MARSEILLE CEDEX 20
représenté par Mme Alice X... en vertu d'un pouvoir général

PARTIE (S) INTERVENANTE (S)

DRASS, demeurant 23-25 Rue Borde-13285 MARSEILLE CEDEX 08
non comparant

*- *- *- *- * COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président Madame Martine MATHIEU-GALLI, Conseiller Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2009 et prorogé au 30 Juin 2009.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2009
Signé par Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Procédure et prétentions

L'URSSAF a procédé à un contrôle portant sur les huit établissements de la société ELVETEC sur la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, concernant les allégements de cotisations au titre de la loi Aubry II.
Après avis de la Direction du Travail (DDTEFP) relatif à la suppression de cet allégement pour absence de mise en oeuvre imputable à l'employeur des clauses de la convention ou de l'accord passé quant à la durée du travail, l'organisme de recouvrement a émis huit mises en demeure portant sur un montant de 330 479 euros au titre des cotisations et majorations exigibles.
La société ELVETEC a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du recours. Le Tribunal par jugement en date du 14 janvier 2009, a confirmé le bien fondé des décisions et l'a condamnée au paiement de cette somme. La société a relevé appel de la décision le 11 février 2009.
Elle sollicite aujourd'hui l'infirmation de ce jugement en exposant tout d'abord que l'avis de la DDTEFP, qui n'est pas une décision administrative, ne lie pas l'organisme et n'a pas à faire l'objet d'une recours devant la juridiction administrative alors que le TASS a retenu le contraire.
Sur la forme, elle soutient que la procédure de contrôle ne répond pas aux prescriptions réglementaires et instructions et implique qu'est nulle la décision prise par l'organisme dès lors qu'elle s'appuie sur un avis irrégulier rendu par une autorité administrative tenue à un ensemble de formalités.
Elle affirme par ailleurs que la prescription de l'article L 244-3 du Code de la sécurité sociale est encourue pour les sommes réclamées antérieurement au début de l'année 2002. Enfin elle prétend que les majorations de retard ne sauraient être réclamées.
Elle soutient en outre que le redressement, non motivé, résulte d'une interprétation erronée de la loi du 19 janvier 2000 concernant les conditions de mise en oeuvre de la suspension ou de la suppression de l'allégement et qu'il convient de procéder à une lecture précise, qui lui est favorable, des conditions posées. Elle s'appuie en cela sur les instructions résultant de la circulaire 2000-3 du 03 mars 2000 et 2002-28 du 04 mai 2002.
Elle prétend sur le fond, que l'absence prétendue de mise en oeuvre des clauses de la convention n'est pas établie en ce que l'administration ne s'est pas rendue sur place pour vérifier la réalité de la mise en oeuvre alors même que les questions relatives au contrôle de la durée du travail ne figurent pas au titre des conditions provoquant une suppression de l'allégement mais tout au plus et uniquement une suspension de celui-ci.
Enfin elle affirme que l'avis de l'administration a méconnu l'application de l'article D 212-21 du Code de travail.
En conséquence elle demande l'annulation du redressement et la condamnation de l'URSSAF à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
De son côté, l'URSSAF entend obtenir la confirmation de la décision et faire constater que la procédure décisionnelle a été régulièrement menée y compris au niveau de l'avis administratif sollicité au vu des observations de l'organisme.
Il admet que la prescription est applicable pour l'année 2001 et affirme que la lettre d'observation du 14 octobre 2004 vaut décision et que la société disposait d'un délai de 30 jours pour procéder au reversement ce qu'elle n'a pas fait, entraînant l'application de majorations de retard.
Enfin sur le fond elle fait observer qu'il appartient à la société de procéder au décompte des heures de travail et de produire celui-ci, ce qui n'a pas été fait et justifie la sanction prise puisqu'il n'a pu être constaté l'application exacte des dispositions permettant de bénéficier de l'allégement à savoir la durée effective à 35 heures ou 1600 heures par an. Il demande enfin la condamnation de la société ELVETEC au versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La DRASS régulièrement avisée ne comparaît pas.

SUR CE

Sur la procédure de contrôle
Il ressort des explications données par les parties que la saisine de la DDTEPF est intervenue dans le second des deux cas prévus par l'article 19 XVI de la loi 2000-37 du 19 janvier 2000, c'est à dire une demande d'avis motivé portant sur le respect des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice de l'allégement en ce qui concerne la durée du travail, les engagements en matière d'emploi et la conformité de l'accord.
Les éléments constants relatifs à la procédure en cause sont les suivants :
- Le contrôle par l'organisme annoncé le 08 avril 2003 puis opéré par l'organisme, a fait l'objet d'une lettre d'observations du 17 juillet 2003, dans laquelle l'inspecteur qui n'a relevé aucune anomalie a toutefois émis des réserves limitées aux seul statut des intinérants annonçant ainsi l'éventuelle élaboration d'un rapport complémentaire.
- Une demande d'avis motivé, dont la teneur et la mission ne sont pas connues, l'URSSAF n'ayant pas versé cette pièce, aurait semble-t-il été adressée le 13 juin 2003 à la DDTEFP, selon les indications figurant sur le sommaire de l'avis joint à la lettre d'observation du 14 octobre 2004.
- Cet avis, selon le document sommaire joint à la lettre d'observation du 14 octobre 2004, était sollicité pour l'établissement ELVETEC à Genas sous le N° Sret 857 200 885 187 et le N° cotisant 69 117000000 143 1631.
- La lettre d'observation du 14 octobre 2004 vise les huit établissements de la société lesquels disposent chacun d'un n° Siret et d'un n° de cotisant différent.
Il en résulte un ensemble de conséquences relatives notamment aux motifs pris par le premier juge pour confirmer la décision prise qui imposent un réexamen de la pertinence de cette décision eu égard à la régularité d'ensemble.
Sur l'avis rendu
L'avis donné par l'administration constitue un élément obligatoire prévu par la loi venant à l'appui de la décision prise par l'organisme, mais il ne saurait, de la part de l'URSSAF, être donné à cet avis, une importance que le texte de l'article 19 de la loi du 19 janvier 2000 ne lui donne pas.
Contrairement à ce qu'indique cet organisme dans un courrier adressé à la société ELVETEC, le 22 novembre 2004, il ne ressort d'aucune disposition que la décision de l'organisme soit liée par cet avis en lui donnant une nature que le texte ne lui attribue pas. Et par ailleurs, il n'apparaît pas prétendu que cet acte soit du type contre lequel un contentieux administratif puisse être développé impliquant une éventuelle saisine d'une juridiction administrative.

Cependant s'il importe de retenir que la décision de l'organisme a été prise au vu d'un avis dont la régularité formelle n'a pas à être examinée, la juridiction saisie devant seulement vérifier que les conditions de la saisine de cette administration étaient bien entourées du dispositif réglementaire prévu, ce qui constitue le sens du moyen présenté portant sur la régularité de la décision.
Il appartenait ainsi au premier juge, la société s'appuyant notamment sur les circulaires relatives à la régularité de la procédure de saisine, après avoir constaté que la discussion sur le formalisme de l'avis n'était pas de mise, de vérifier, dès lors qu'elles étaient contestées, les conditions de régularité de cette saisine et des conséquences tirées par l'organisme.
Il ressort en effet des dispositions de l'article 19 XVI de la loi précitée et du décret 2000-150 du 23 février 2000 que l'organisme ayant demandé l'avis de l'administration dispose seule du pouvoir décisionnel et d'un choix entre le maintien de l'allégement, une décision de suppression ou une décision de suspension, en fonction de la nature des manquements relevés.
Il est d'ailleurs à remarquer que l'URSSAF situe son argumentation au fond sur un manquement aux dispositions relatives à la durée du travail, et ne peut sans contradiction prétendre être liée par l'avis et en même temps développer un argumentaire fondé sur le non respect de la durée du travail de nature éventuellement à entraîner une décision de suspension.
Dans ces conditions, alors que de manière erronée le premier juge retient que la décision a été prise par l'administration, il conviendra par voie de conséquence, d'infirmer la décision rendue en ce qu'elle a rejeté le recours en décidant sans en justifier qu'il n'appartenait ni à l'URSSAF ni au Tribunal de remettre en cause une décision prise par l'administration.
Sur la régularité formelle et de fond
A cet égard deux éléments doivent être retenus :- d'une part et contrairement à ce que préconisent les deux circulaires citées par la société ELVETEC, aucune pièce ne justifie de la demande d'avis, alors que ces instructions administratives rappellent que « dans le cas où l'URSSAF saisit la DDTEFP pour avis, la lettre de saisine doit préciser clairement les motifs susceptibles d'entraîner une suspension ou une suppression du bénéfice de l'allégement » (circulaires du 03 mars 2000 et du 04 mai 2002 dont se prévaut la société ELVETEC).

Cette absence de production ne permet pas la vérification des manquements allégués alors même que la première lettre d'observation ne relevait aucune manquement et n'émettait que des réserves relatives à l'application aux travailleurs itinérants et qu'en réalité une prétendue saisine aurait eu lieu le 03 juin 2003, sans qu'une réponse ait été donnée par l'administration dans le délai de 15 jours préconisé par la circulaire de 2002 (Article 1. 1 A).
- D'autre part il ressort du sommaire de l'avis de l'administration (28 novembre 2003) que celle-ci n'était saisie que de la situation de l'établissement de Génas (une confusion semblant avoir été instaurée à cet égard puisqu'il est indiqué que cet établissement comporterait 140 salariés) et ainsi que le souligne avec raison la société ELVETEC, l'inspecteur du travail qui n'a contrôlé que cet établissement n'a pas fait porter ses observations sur les autres établissements.
Or, l'URSSAF, organe décisionnaire, a fait porter son complément de contrôle sur les huit établissements en appuyant sa décision de redressement sur les constatations faites sur le seul établissement de Génas et ainsi en généralisant une constatation sans établir en quoi les autres établissements étaient susceptibles de présenter les mêmes manquements. Il conviendra de relever à cet égard que huit mises en demeure ont été émises à l'encontre et à l'adresse de chacun des établissements et non une seule, s'il s'était agi d'une seule entité
En outre bien que la circulaire du 04 mai 2002, opposable à l'URSSAF soit claire, aucune motivation n'est apportée aux décisions de redressement en dehors de la seule référence à l'avis administratif, cet organisme affirmant : « il n'appartient pas aux inspecteurs de l'URSSAF de remettre en cause les avis de la DDTE » (lettre du 22 novembre 2004) en contradiction flagrante avec la réalité juridique et les instructions de cette circulaire qui précise : « il convient de noter que le rapport de la DDTEFP comme l'avis ne lient pas l'URSSAF. Ils ne peuvent être considérés comme des décisions administratives susceptibles de recours. Toutefois l'URSSAF est invitée à suivre les préconisations contenues dans le rapport ou avis » (annexe II, circulaire du 04 mai 2002)
Que le moyen soulevé par la société ELVETEC doit être retenu et déclaré bien fondé. Dans ces conditions, alors que l'organisme bénéficie d'avantages relatifs aux investigations faites et le caractère probant de ses constatations, il ne peut être admis qu'en violation des dispositions réglementaires et de ses propres instructions, elle puisse opérer un redressement dans des conditions qui s'avèrent irrégulières.

Au surplus, il conviendra d'observer que l'organisme a directement appliqué une période de redressement erronée, puisqu'elle admet aujourd'hui qu'elle ne pouvait exiger le paiement de sommes pour une créance antérieure au 1er janvier 2002.
De plus l'absence de relevé de manquements allégués justifiant la demande d'avis, de production de la mission, de constatation portant sur les huit établissements, de motivation de la décision, vicie l'ensemble de la procédure et il conviendra de procéder à l'annulation des huit mises en demeure qui ne reposent plus sur aucun fondement régulier et ceci sans qu'il y ait lieu de procéder à d'autre analyse quant au bien fondé du redressement sur l'établissement de Génas, atteint des mêmes vices.
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de condamner l'URSSAF à verser à la société ELVETEC la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevable l'appel de la société ELVETEC,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau fait droit au recours présenté par la société ELVETEC, annule les mises en demeure portant les numéros 000 253 7263, 000 253 7274, 000 253 7254, 000 253 7312, 000 253 7286, 000 253 7256, 0002537315, 000 253 7314 émises par l'URSSAF des Bouches du Rhône le 10 janvier 2005.
Condamne l'URSSAF à verser à la société ELVETEC la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : 14° chambre
Numéro d'arrêt : 09/02851
Date de la décision : 30/06/2009

Analyses

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Recouvrement - URSSAF -

L'avis délivré par la Direction du travail (DDTEFP) relatif à l'allégement de cotisations au titre de la loi Aubry II ayant conduit au redressement de la société est un élément obligatoire prévu par la loi venant à l'appui de la décision prise par l'URSSAF. Mais, outre le fait que cet organisme ne soit pas lié par cet avis, il ne constitue pas davantage un acte susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux administratif. Le formalisme de l'avis n'étant pas en cause, il convenait de s'attarder sur les conditions de régularité de la procédure de saisine ce que n'ont pas fait les premiers juges. Par ailleurs, l'URSSAF ne peut en violation des dispositions réglementaires et de ses propres instructions opérer un redressement dans des conditions irrégulières. Dès lors, l'absence de relevé de manquements allégués justifiant la demande d'avis, de production de la mission, de constatation portant sur les huit établissements, de motivation de la décision, vicie l'ensemble de la procédure. Les mises en demeures ne reposant plus sur aucun fondement régulier, il convient de les annuler.


Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Marseille, 14 janvier 2009


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2009-06-30;09.02851 ?
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