COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 2ème Chambre
ARRÊT AU FOND DU 8 JANVIER 2009
No 2009 / 13
Rôle No 07 / 15739
André X...
Corinne Y... épouse X...
C /
S. A. S. CAFEIN MEDITERRANEE
Grosse délivrée le : à : ERMENEUX SIDER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 12 décembre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 2006F06246
APPELANTS
Monsieur André X... demeurant ...-13009 MARSEILLE
Madame Corinne Y... épouse X... demeurant ...-13009 MARSEILLE
représentés par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour, plaidant par Me Jean-Pierre TERTIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S. A. S. CAFEIN MEDITERRANEE, anciennement dénommée ROSSI BOISSONS dont le siège est sis 205 Val de Cagnes-06800 CAGNES SUR MER représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, plaidant par Me Frédéric BERGRANT pour la SELARL ROUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de MARSEILLE
*- *- *- *- * COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 4 décembre 2008 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller Monsieur André JACQUOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2009.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2009,
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur et Madame André X..., exploitant un fonds de commerce de débit de boissons, ont bénéficié, le 3 avril 2003, d'un prêt de trésorerie d'un montant 8. 385 € de la Banque Scalbert Dupont, ce prêt étant « assorti d'une convention de fournitures » de bière en fûts ou conditionnée. Monsieur et Madame André X... s'étaient engagés à s'approvisionner exclusivement pendant cinq années en bière auprès de la Brasserie de Saint Omer en contrepartie du cautionnement des époux X... donné par la Brasserie de Saint Omer au profit du Banquier. La Brasserie de Saint Omer avait désigné la société des établissements ROSSI Boissons en qualité de « distributeur » de la bière.
Par acte séparé du 3 avril 2003, Monsieur et Madame André X... s'étaient engagés envers la société des établissements ROSSI Boissons qualifiée « d'entrepositaire » à s'approvisionner exclusivement pendant cinq années en boissons autres que la bière.
Un contrat de brasserie a été conclu entre la Brasserie de Saint Omer et Monsieur et Madame André X..., par acte sous seing-privé enregistré, le 10 octobre 2006, désignant en qualité de « distributeur », la société ROSSI Père et Fils, société concurrente de la S. A. S. CAFEIN Méditerranée qui était venue aux droits de la société des établissements ROSSI Boissons. Monsieur et Madame André X... ont cessé en 2006 de s'approvisionner en bière et en autres boissons auprès de la S. A. S. CAFEIN Méditerranée.
Par jugement réputé contradictoire en date du 12 décembre 2006, le Tribunal de Commerce de Marseille a prononcé la résiliation du contrat de fournitures de boissons autres que la bière aux torts de Monsieur et Madame André X... et les a condamnés à payer à la S. A. S. CAFEIN Méditerranée différentes sommes au titre de factures impayées (2. 331, 25 €), au titre de clause pénale (466, 25 €), au titre d'indemnité de rupture (2. 081, 85 €) et autres sommes (1. 755, 73 € et 447, 80 €), s'agissant du contrat de fournitures de boissons autres que la bière et « au titre du non-respect de la désignation comme entrepositaire-grossiste » dans le contrat de brasserie (11. 375 €), outre une somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.
Monsieur et Madame André X... ont régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret No 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de Monsieur et Madame André X... dans leurs conclusions récapitulatives en date du 24 juillet 2008 tendant à faire juger :
1. que la société des établissements ROSSI Boissons aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la S. A. S. CAFEIN Méditerranée n'a pas été partie au contrat de brasserie par lequel ils s'engageaient envers la seule Brasserie de Saint Omer à s'approvisionner et que la S. A. S. CAFEIN Méditerranée n'est pas fondée à invoquer la stipulation pour autrui dès lors qu'elle n'est plus bénéficiaire depuis le 10 octobre 2006 du droit que lui avait conféré la Brasserie de Saint Omer,
2. que le cautionnement donné par la société des établissements ROSSI Boissons avait pour cause l'obligation de Monsieur et Madame André X... de s'approvisionner exclusivement en boissons autres que la bière auprès de la société des établissements ROSSI Boissons et que le cautionnement donné par la Brasserie de Saint Omer avait pour cause l'obligation de Monsieur et Madame André X... de s'approvisionner en bière auprès de la Brasserie de Saint Omer, mais que l'engagement d'approvisionnement exclusif n'a pas été donné en faveur de la société des établissements ROSSI Boissons,
3. que la rupture du contrat de fournitures de boissons autres que la bière est imputable à la société des établissements ROSSI Boissons qui a refusé de livrer en boissons Monsieur et Madame André X... ;
Vu les prétentions et moyens de la S. A. S. CAFEIN Méditerranée dans ses « conclusions pour dénonce d'adresse » en date du 21 mai 2008 tendant à faire juger :
4. que Monsieur et Madame André X... portent la responsabilité de la rupture du contrat de fournitures de boissons autres que la bière et devront en assumer les conséquences (clause pénale, remboursement de la valeur de divers matériels mis à disposition …), outre le paiement des factures pour livraisons de marchandises,
5. que s'agissant du contrat de brasserie, il comporte une stipulation pour autrui au bénéfice de la société des établissements ROSSI Boissons envers laquelle Monsieur et Madame André X..., promettant, se sont engagés à s'approvisionner pendant cinq années correspondant à la durée de remboursement du prêt cautionné par la société des établissements ROSSI Boissons,
6. que le bénéfice d'une stipulation pour autrui doit lui être reconnu, la volonté de la Brasserie de Saint Omer, stipulant, étant bien de faire naître au profit de la société des établissements ROSSI Boissons le droit direct contre Monsieur et Madame André X..., promettant, de les contraindre à respecter l'engagement d'une durée de cinq années qu'ils avaient pris au profit de la Brasserie de Saint Omer, stipulant,
7. que Monsieur et Madame André X... seront tenus à indemniser la S. A. S. CAFEIN Méditerranée du préjudice résultant du non-respect de leur obligation d'approvisionnement exclusif pendant cinq années et non à payer une somme au titre de la clause pénale insérée dans le contrat de bière,
8. que le nouveau contrat de bière conclu le 10 octobre 2006 ne permet pas à la Brasserie de Saint Omer et à Monsieur et Madame André X... d'évincer la S. A. S. CAFEIN Méditerranée, la révocation de la stipulation pour autrui en cours d'exécution de l'engagement (promesse consentie) n'étant pas possible ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 4 novembre 2008.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu que s'agissant du contrat de fournitures exclusives de boissons, vins et spiritueux autres que la bière, conclu, le 3 avril 2003, entre la société des établissements ROSSI Boissons et Monsieur et Madame André X... pour une durée de cinq années, il apparaît que Monsieur et Madame André X... ont cessé de s'approvisionner auprès de leur fournisseur qualifié « d'entrepositaire », malgré leur engagement d'approvisionnement exclusif ; que Monsieur et Madame André X... allèguent sans en justifier aucunement que la cessation de leur approvisionnement est imputable à leur fournisseur qui aurait refusé de leur livrer toutes boissons autres que la bière au motif qu'ils ne passaient plus aucune commande de bière ; que la société des établissements ROSSI Boissons a mis en demeure, le 6 avril 2006, Monsieur et Madame André X... de respecter leurs engagements en matière d'approvisionnement en toutes marchandises (bière et autres boissons) qui avait cessé à partir du mois de janvier 2006 ; que Monsieur et Madame André X... ne produisent aucunes pièces ou commencements de preuve desquels il pourrait être déduit le refus de la société des établissements ROSSI Boissons de poursuivre leur livraison ; que Monsieur et Madame André X... ont cessé volontairement leur approvisionnement au mépris de leur engagement exclusif d'une durée de cinq années ; qu'ils doivent être condamnés à assumer les conséquences pécuniaires de leur manquement contractuel ; que le montant des réclamations de la S. A. S. CAFEIN Méditerranée (factures impayées majorées d'une clause pénale de 20 %, restitution de la valeur des matériels mis à disposition-compresseur et matériel de tirage pression-, dommages-et-intérêts forfaitaires en cas de résiliation du contrat de fournitures de boissons, vins et spiritueux autres que la bière) n'est pas discuté, même à titre subsidiaire, par Monsieur et Madame André X... ; qu'il n'est pas soutenu que le montant de la clause pénale égale à 20 % du montant minimum hors taxe (4. 000 par année) des achats que Monsieur et Madame André X... auraient dû faire jusqu'à l'expiration du contrat, est manifestement excessif par rapport au préjudice réellement subi par la S. A. S. CAFEIN Méditerranée ; que la clause pénale représente la perte de marge bénéficiaire, calculée sur les quantités minimales de produits devant être achetés par les débitants de boissons ; que les demandes de la S. A. S. CAFEIN Méditerranée ont justement été accueillies par les premiers juges pour leur montant justifié suffisamment par des pièces contractuelles ;
Attendu sur le « contrat de brasserie » que la société des établissements ROSSI Boissons aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la S. A. S. CAFEIN Méditerranée n'était pas bénéficiaire de la promesse d'approvisionnement exclusif de la part de Monsieur et Madame André X..., contractée dans le « prêt assorti d'une convention de fournitures » du 3 avril 2003 ; que dans cet acte Monsieur et Madame André X... s'étaient engagés à se fournir en bière (30 hectolitres / an) auprès de la Brasserie de Saint Omer ou de tout distributeur désigné par elle, celui-ci étant au jour de l'acte qui le précisait : la société des établissements ROSSI Boissons ; que la S. A. S. CAFEIN Méditerranée ne peut soutenir que la société des établissements ROSSI Boissons aux droits de laquelle elle se trouve aujourd'hui, était bénéficiaire, par l'effet d'une stipulation pour autrui, d'une promesse irrévocable d'approvisionnement exclusif en bière de la part de Monsieur et Madame André X... et s'était trouvée investie d'un droit direct contre Monsieur et Madame André X..., promettant, à partir du jour où ceux-ci se sont engagés envers la Brasserie de Saint Omer, stipulant ; qu'une stipulation pour autrui au profit de la société des établissements ROSSI Boissons n'a pas été convenue entre la Brasserie de Saint Omer et Monsieur et Madame André X..., lors de la conclusion, le 3 avril 2003, du contrat de fournitures de bière ; que celui-ci contient un engagement alternatif de Monsieur et Madame André X... de s'approvisionner exclusivement auprès soit de la Brasserie de Saint Omer, leur co-contractant, soit auprès du distributeur désigné par la Brasserie de Saint Omer, celui-ci étant au « jour des présentes » : la société des établissements ROSSI Boissons ; que, par cette formulation la Brasserie de Saint Omer n'a pas manifesté, (ni même induit de manière tacite), qu'elle avait l'intention, s'agissant d'un contrat à exécution successive d'une durée de cinq années (livraisons périodiques de bière dans un débit de boissons), de stipuler en faveur de la société des établissements ROSSI Boissons et de lui attribuer l'exclusivité de l'approvisionnement du débit de boissons de Monsieur et Madame André X... pendant toute la durée de la convention ; qu'au contraire, par cette formulation la Brasserie de Saint Omer n'a pas conféré à la société des établissements ROSSI Boissons l'avantage commercial de fournir en bière Monsieur et Madame André X... pendant toute la durée du contrat de brasserie ; que la Brasserie de Saint Omer s'était réservée de désigner un autre distributeur qui bénéficierait, le cas échéant, aux lieu et place du distributeur désigné initialement, de l'engagement d'approvisionnement exclusif souscrit par Monsieur et Madame André X... ; que d'ailleurs, par contrat d'approvisionnement « annulant et remplaçant » celui souscrit par acte sous seing-privé le 4 avril 2003 », non daté, enregistré, le 10 octobre 2006, mais conclu bien antérieurement (la période d'amortissement mensuel d'un autre prêt consenti à Monsieur et Madame André X... commençant le 20 juillet 2006), la Brasserie de Saint Omer a désigné un autre distributeur : la société des établissements ROSSI Père et Fils, société concurrente de la S. A. S. CAFEIN Méditerranée ; que la S. A. S. CAFEIN Méditerranée qui ne peut bénéficier d'une stipulation pour autrui, non consentie expressément ou implicitement par la Brasserie de Saint Omer, n'a pas d'action directe et personnelle contre Monsieur et Madame André X... en réparation du préjudice qui résulterait, selon elle, de l'inexécution par Monsieur et Madame André X... ; que ces derniers n'étaient tenus, dans le cadre de la stipulation pour autrui invoquée en vain, d'aucune obligation vis-à-vis de la société des établissements ROSSI Boissons aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la S. A. S. CAFEIN Méditerranée ; qu'il convient de réformer le jugement qui, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, a condamné Monsieur et Madame André X... à indemniser la S. A. S. CAFEIN Méditerranée de son préjudice (11. 375 €) résultant du non-respect de l'engagement d'approvisionnement exclusif ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre ;
Attendu que chacune des parties qui ont succombé dans leurs supportera les prétentions respectives, supportera frais qu'elle a personnellement engagés ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,
Reçoit l'appel de Monsieur et Madame André X... comme régulier en la forme.
Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf celle ayant condamné Monsieur et Madame André X... à payer à la S. A. S. CAFEIN Méditerranée la somme de 11. 375 € au titre du « non-respect de la désignation comme entrepositaire / grossiste ».
Statuant à nouveau, déboute la S. A. S. CAFEIN Méditerranée de sa demande fondée sur la stipulation pour autrui issue du « contrat de brasserie ».
Dit que chaque partie supportera les frais qu'elle a engagés.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT