COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2ème Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 18 DECEMBRE 2008
No 2008 / 465
Rôle No 07 / 12121
S. A. R. L. CHORUS
C /
S. A. R. L. PRODECOUP TELEPHONIE
Jean Pierre X...
Grosse délivrée
le :
à : BLANC
MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 24 mai 2007 enregistré au répertoire général sous le no 06 / 00525
APPELANTE
S. A. R. L. CHORUS
dont le siège est sis 1 rue Bocage-33200 BORDEAUX
représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Philippe OLHAGARAY substitué par Me Marie-Josée MALO, avocats au barreau de BORDEAUX
INTIMES
S. A. R. L. PRODECOUP TELEPHONIE
dont le siège est sis 80 Cours Gouffé-13006 MARSEILLE
Monsieur Jean Pierre X...
né le 22 août 1966 à MARSEILLE (13)
demeurant ...
représentés par Me Paul MAGNAN, avoué à la Cour,
plaidant par Me Olivier BURTEZ-DOUCEDE, avocat au barreau de MARSEILLE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 novembre 2008 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur André JACQUOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2008,
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Frédéric E... a déposé, le 26 juin 1984, auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle une demande d'enregistrement de la marque semi-figurative « PANO Publicité Peinte » pour désigner les produits et services ainsi indiqués : « toutes activités de peinture et décoration liées d'une manière quelconque à la publicité et à la communication-fabrication, installation et négoce de tous supports utilisés dans cette activité » et, le 13 janvier 1988, une demande d'enregistrement de la marque figurative « PANO Boutique » en couleurs pour désigner les produits ou services énoncés ainsi : « publicité et affaires », les enregistrements ont été renouvelés périodiquement. La S. A. R. L. CHORUS est présentement au bénéfice d'un contrat de concession de licence pour les deux marques.
Monsieur Jean-Pierre X..., gérant de la S. A. R. L. PRODECOUP TELEPHONIE, a déposé, le 28 septembre 2004, auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle une demande d'enregistrement de la marque verbale « PANODISCOUNT » pour désigner les produits ou services énoncés notamment ainsi : « services de création publicitaires, de maquettes, de logos, d'enseigne, de décoration, d'arts graphiques …, services de publicité en ligne sur un réseau informatique …, services de peintures de décoration sur tous supports …, services d'installation d'enseignes, panneaux, banderoles, lettres, produits signalétiques, panneaux de signalisation lumineux ou mécaniques …, enseignes … », et, le 3 novembre 2004, la marque verbale « PANOMAKER » pour désigner les produits ou services suivants : « logiciel de conception graphique, services de création publicitaires, de maquettes, de logos, d'enseignes, de décoration, d'arts graphiques …, services de publicité en ligne sur un réseau informatique ».
La S. A. R. L. CHORUS a fait dresser un procès-verbal de constat d'huissier, le 3 novembre 2005, relativement au site internet de la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie permettant aux internautes qui consultent le site, la création « en direct » d'enseignes, panneaux, banderoles, lettrages adhésifs, les mots clefs utilisés sur le moteur de recherches « Google » étant : « conception de panneaux publicitaires ».
Par jugement contradictoire en date du 24 mai 2007, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a débouté la S. A. R. L. CHORUS de ses demandes en contrefaçon de marques dirigée contre Monsieur Jean-Pierre X... et la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie et en nullité des marques secondes de Monsieur Jean-Pierre X..., après avoir constaté qu'il n'existe aucune similitude entre les signes concernés dont les éléments « les plus distinctifs » sont les termes associés au substantif PANO, d'un côté « Publicité Peinte » et « Boutique » et de l'autre « Discount » et « Maker » et a condamné la S. A. R. L. CHORUS à payer à la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La S. A. R. L. CHORUS a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret No 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de la S. A. R. L. CHORUS dans ses conclusions modificatives et récapitulatives en date du 21 janvier 2008 tendant à faire juger :
- que le caractère distinctif d'une marque s'apprécie au jour de son dépôt et par rapport à tous les produits ou services désignés dans la demande d'enregistrement, et, en l'espèce, le vocable PANO constitue l'élément le plus distinctif des marques premières et n'est pas un terme nécessaire, usuel, générique ou descriptif, s'il est modérément distinctif comme possiblement évocateur ou suggestif,
- que l'orthographe du terme PANO est un élément distinctif permettant au consommateur de rattacher la marque aux produits et services désignés dans le dépôt alors que les autres termes associés sont au contraire dépourvus de tout caractère distinctif,
- que la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie a imité de manière illicite les marques premières en choisissant pour marques les signes verbaux : « PANODISCOUNT » et « PANOMAKER » pour des produits et services identiques ou similaires à ceux visés dans les dépôts originaires et qu'il ne résulte une confusion évidente qui conduira à la nullité des marques secondes et à l'allocation de dommages-et-intérêts à hauteur de 50. 000 € ;
Vu les prétentions et moyens de la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie et de Monsieur Jean-Pierre X... dans leurs conclusions en date du 4 décembre 2007 tendant à faire juger :
- que les deux signes incriminés sont utilisés sur le site Internet de la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie à l'adresse www. panadiscount. com, le signe PANOMAKER pour les pages du site permettant la mise en œ uvre du logiciel de conception graphique en ligne et le signe PANODISCOUNT pour les pages du site relatives à l'acquisition en ligne des produits,
- que le préfixe PANO est très largement utilisé dans les dénominations sociales, les noms de domaines, les dénominations de marques … par référence selon les situations-à l'écriture phonétique du vocable panneau,- au terme portugais Pano signifiant voile ou tissu et-à l'abréviation pour panoramique, l'utilisation d'une écriture phonétique étant banale et « peu originale » surtout pour désigner toutes activités faisant intervenir un panneau, quelle que soit sa nature ou sa finalité (panneau publicitaire ou panneau de signalisation …),
- que le terme PANO, simple transcription phonétique d'un terme générique, est descriptif et non distinctif,
- que la comparaison des signes considérés dans leur globalité est exclusive d'un risque de confusion, aucune ressemblance sur les plans visuels, phonétique ou conceptuel n'existant,
- que l'action de la S. A. R. L. CHORUS est abusive et sera sanctionnée par l'allocation de dommages-et-intérêts à hauteur de 20. 000 € ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 24 octobre 2008.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu que le signe PANO élément essentiel des marques déposées par la S. A. R. L. CHORUS en 1984 et 1988, (les substantifs-Publicité Peinte ou Boutique-auxquels le terme PANO est associé étant accessoires comme figurant en caractères beaucoup plus petits que ceux de PANO et étant dépourvus de tout caractère distinctif) est un signe arbitraire, indépendant des produits ou services désignés dans les deux demandes d'enregistrement ; qu'il est simplement peu distinctif pour un seul des nombreux produits visés dans les dites demandes, les panneaux publicitaires ou panneaux supportant des enseignes, qu'il suggère faiblement par une écriture en phonétique ; que l'appréciation de la distinctivité du signe constitué principalement par les lettres P A N O en deux couleurs, bleu et rouge, soulignées d'un trait épais de couleur bleue doit s'effectuer au moment du dépôt ; que la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie qui oppose de nombreuses dénominations à titre d'enseigne commerciale, de marques pour des produits différents (tels des panneaux de signalisation ou des panneaux utilisés pour la construction) ou de dénomination sociale, n'établit pas l'antériorité des différents emplois du terme PANO par rapport aux dépôts des deux marques ;
Attendu qu'au moment de leur dépôt, les signes choisis par la S. A. R. L. CHORUS étaient suffisamment distinctifs pour permettre à un public de consommateurs de distinguer les services proposés : un marquage publicitaire sur un quelconque support-bâches, stores, panneaux, banderoles, fresques murales, carrosseries de véhicules- … ; que ce signe n'apparaissait pas comme le signe nécessaire ou générique ou usuel, banalement descriptif auquel il serait habituellement recouru pour distinguer des produits ou services tels que tous ceux qui ont été visés dans les dépôts de marques, en 1984 et 1988, et notamment « toutes activités de peinture et décoration liées d'une manière quelconque à la publicité ou à la communication et négoce de tous supports liés à cette activité » ;
Attendu que l'écriture en phonétique du terme panneau évocateur du service proposé ne constitue ni une dénomination générique, ni une dénomination usuelle, même si le signe choisi se rattache par le « raccourci » qui en est fait, à l'un des produits ou services visés dans une des demandes d'enregistrement, celle pour la marque « PANO Boutique » ;
Attendu qu'il ne peut être soutenu que ce sont les termes Publicité Peinte ou Boutique, comme les termes Discount ou Maker associés au terme PANO qui présentent essentiellement un caractère distinctif marqué alors qu'ils sont purement descriptifs et que c'est, au contraire, le terme PANO, choisi arbitrairement même en lien discret avec un produit ou service, qui a le caractère distinctif le plus marqué dans tous les signes soumis à la comparaison ;
Attendu que la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie a commis un acte de contrefaçon en imitant l'élément prédominant des marques protégées de la S. A. R. L. CHORUS et en faisant usage des marques qu'elle avait imitées dans l'agencement de son site Internet, pour développer une activité commerciale portant sur des services identiques ou pour le moins similaires (réalisation en ligne au moyen d'un logiciel de bandeaux, panneaux, enseignes, banderoles, lettrages …. publicitaires) à ceux visés dans les deux demandes d'enregistrement de la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie ; que l'usage des marques imitées pour des produits ou services identiques et pour le moins similaires risque d'entraîner une confusion dans l'esprit d'un public de consommateurs d'attention moyenne, amené à penser que le seul signe distinctif (PANO) qu'il perçoit dans toutes les marques en question, révèle une origine commune (entreprises liées économiquement) ou / et est la manifestation d'une déclinaison de la marque PANO ;
Attendu qu'il convient, en application de l'article L 714-3 du code de la propriété intellectuelle, de déclarer nulles les marques secondes déposées par la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie, comme étant non conformes à l'article L 711-4 du même code ;
Attendu que le préjudice résultant pour la S. A. R. L. CHORUS des actes de contrefaçon commis par la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie sera réparé par l'allocation d'une somme de 12. 000 € à titre de dommages-et-intérêts, au vu des éléments produits par les parties quant à l'étendue réelle du préjudice s'analysant principalement en l'atteinte portée aux droits privatifs ;
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 3. 000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Reçoit l'appel de la S. A. R. L. CHORUS comme régulier en la forme.
Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau, déclare nuls les enregistrements, les 28 septembre 2004 et 3 novembre 2004 des marques No FR 04 3 315 170 et 04 3 321 884, effectués par Monsieur Jean-Pierre X....
Condamne in solidum Monsieur Jean-Pierre X... et la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie à porter et payer à la S. A. R. L. CHORUS la somme de 12. 000 € à titre de dommages-et-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et celle de 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Enjoint la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie de cesser toute forme d'utilisation des marques PANODISCOUNT et PANOMAKER et notamment sur son site Internet, sous astreinte de 300 € par jour de retard et / ou par infraction constatée à l'expiration du délai d'un mois commençant à courir à compter de la signification du présent arrêt.
Dit qu'il sera satisfait aux prescriptions de l'article R 714-3 du code de la propriété intellectuelle sur les réquisitions du greffier quant à l'inscription de cette décision sur le Registre national des marques.
Condamne in solidum la S. A. R. L. Prodecoup Téléphonie et Monsieur Jean-Pierre X... aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S. C. P. d'Avoués associés Philippe BLANC, Colette ANSELLEM-MIMRAN – Romain CHERFILS, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT