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12/12/2008 | FRANCE | N°21D

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0014, 12 décembre 2008, 21D


1o Chambre B
ARRÊT EN MATIÈRE RÉGLEMENTAIRE DU 12 DÉCEMBRE 2008

No 2008 / 21D

Rôle No 08 / 13380

LE PROCUREUR GENERAL
C /
L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE NICE
Laetitia X...
réf Décision déférée à la Cour :

Décision en date du 7 juillet 2008, rendue par le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Nice.

APPELANT

LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel-Palais Monclar-13100 Aix-en-Provence

représenté par Monsieur KIRIAKIDÈS, Substitut général

INTIMÉS

L'ORDRE DES AVOCATS AU BARRE

AU DE NICE Palais de Justice-Place du Palais-06300 Nice

représenté par le bâtonnier en exercice Me Eric-Michel EDEL
Mademoiselle Laeti...

1o Chambre B
ARRÊT EN MATIÈRE RÉGLEMENTAIRE DU 12 DÉCEMBRE 2008

No 2008 / 21D

Rôle No 08 / 13380

LE PROCUREUR GENERAL
C /
L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE NICE
Laetitia X...
réf Décision déférée à la Cour :

Décision en date du 7 juillet 2008, rendue par le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Nice.

APPELANT

LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel-Palais Monclar-13100 Aix-en-Provence

représenté par Monsieur KIRIAKIDÈS, Substitut général

INTIMÉS

L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE NICE Palais de Justice-Place du Palais-06300 Nice

représenté par le bâtonnier en exercice Me Eric-Michel EDEL
Mademoiselle Laetitia X... demeurant...

représentée par le bâtonnier Me Jean-François LECA, avocat au barreau d'Aix-en-Provence
COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue en audience solennelle le 31 octobre 2008 tenue dans les conditions prévues par l'article R 212-5 du code de l'organisation judiciaire devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre ATTHENONT, Premier Président Monsieur Gérard LAMBREY, Président Madame Anne VIDAL, Conseiller Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller Monsieur Michel CABARET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT

Ministère Public : présent uniquement lors des débats

ARRÊT :

Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2008.

Signé par Monsieur Jean-Pierre ATTHENONT, Premier Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

------
Monsieur PRIEUR est entendu en son rapport
Monsieur KIRIAKIDÈS est entendu en ses réquisitions,
Monsieur le bâtonnier EDEL est entendu en ses observations,
Monsieur le bâtonnier LECA est entendu en sa plaidoirie, aux intérêts de Melle X....
Sur quoi, les débats sont déclarés clos et l'affaire mise en délibéré.
Les parties sont avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2008.

------

EXPOSE DU LITIGE

Le 26 mai 2008 Mademoiselle Laëtitia X... a sollicité du Bâtonnier de Nice son inscription au tableau de l'ordre des avocats en invoquant les dispositions de l'article 98-3 du décret du 27 novembre 1991modifié par le décret du 4 novembre 2005 selon lesquelles : " Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, 3 Les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises ".

A l'appui de sa demande, Mademoiselle Laëtitia X... faisait valoir que titulaire d'une Maîtrise de droit obtenue en 2000 et ayant travaillé antérieurement à cette date au cabinet d'avocats X...- A..., elle a la qualité de juriste d'entreprise.

Elle ajoutait être aussi titulaire d'un DEA et d'une thèse de Doctorat en droit obtenus à l'université de NICE
Par décision du 7 juillet 2008, le conseil de l'ordre des avocats de Nice a autorisé Mademoiselle Laëtitia X... à prêter serment.
Cette décision a été notifiée le 22 juillet 2008 à Monsieur le procureur général qui en a relevé appel le 31 juillet 2008.
Au soutien de son appel, Monsieur le procureur général expose qu'aucun élément ne vient démontrer l'existence d'un service chargé de connaître des problèmes juridiques et fiscaux au sein du cabinet X...- A... et que Mademoiselle Laëtitia X... ne peut donc prétendre au bénéfice de l'article précité.
Il ajoute que l'absence de tout contrat de travail et de bulletins de salaire relatifs à l'activité prétendument exercée pendant une durée de huit années est pour le moins surprenante au regard de la structure dans laquelle elle prétend avoir évolué.
Monsieur le procureur général fait aussi observer qu'il résulte des propres déclarations de Mademoiselle Laëtitia X... et des attestations qu'elle produit, que non seulement elle aurait été chargée d'activités juridiques et fiscales, mais aussi d'activités comptables, bancaires, administratives et de gestion de patrimoine. Dès lors il soutient qu'il est démontré que Mademoiselle Laëtitia X... n'exerçait pas exclusivement des activités juridiques et fiscales au sein du cabinet d'avocat mais qu'elle avait une activité d'administration et de gestion courante.
Il prétend aussi qu'en raison des formations universitaires de haut rang suivies par Mademoiselle Laëtitia X..., il apparaît peu vraisemblable qu'elle ait pu travailler à temps plein au sein du cabinet X...- A.... Il souligne que la preuve n'est pas davantage rapportée du niveau de responsabilité de la demanderesse dans l'organisation et le fonctionnement du dit service, ni du caractère exclusif de son activité au profit du cabinet.
Monsieur le procureur général demande en conséquence l'annulation de la délibération du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Nice du 7 juillet 2008 qui a admis Mademoiselle Laëtitia X... à la prestation de serment d'avocat sur le fondement de l'article 98-3 du décret 27 novembre 1991 modifié.
Monsieur le bâtonnier de l'Ordre des avocats au Barreau de Nice a présenté ses observations.
Mademoiselle Laëtitia X... soutient que les documents qu'elle produit aux débats démontrent qu'elle répond aux exigences du texte invoqué. Elle demande par conséquent la confirmation de la décision déférée.
MOTIFS
Mademoiselle Laëtitia X... est née le 3 octobre 1975 et a obtenu le 9 octobre 2000 une Maîtrise en droit privé mention " carrières judiciaires ", le 26 novembre 2001 un DEA " Formation approfondie et transformations des systèmes juridiques " et le 19 décembre 2007 le titre de docteur en droit.
La dispense de formation accordée aux juristes d'entreprise remplissant la condition de pratique professionnelle ne constitue pas un droit attaché à l'ancienneté mais un mode d'accès à une profession à caractère dérogatoire et donc d'interprétation stricte, subordonnée à une condition d'aptitude tenant à une expérience pratique réelle et effective pour la durée requise.
Pour bénéficier des dispositions de ce texte, Mademoiselle Laëtitia X... doit démontrer qu'elle a exercé ses fonctions dans un service spécialisé, chargé au sein d'une entreprise de l'étude des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci, et que l'activité juridique au sein de la dite entreprise a été exclusive.
Il est établi par divers témoignages que Mademoiselle Laëtitia X..., à partir de l'année 1996, est venue travailler au cabinet en dehors de ses cours à la faculté et qu'à compter de son entrée en année de Maîtrise en 1999, elle travaillait à temps plein dans cette structure.

Selon une attestation rédigée le 20 octobre 2008, soit quelques jours avant l'audience, par Me N. A..., il existait dans le cabinet X...- A... " un service spécialisé chargé de tous les problèmes juridiques et fiscaux, du calcul des états de frais à recouvrer, de la taxation, de toutes les obligations contractuelles et légales envers le personnel du cabinet ".

Il n'est produit aux débats aucune autre pièce ou organigramme de la société d'avocats X...- A... prouvant l'existence d'un tel service juridique spécialisé.
L'attestation précitée est donc insuffisante pour démontrer qu'au sein du cabinet d'avocats X...- A... fonctionnait un service chargé spécifiquement de connaître des problèmes juridiques et fiscaux posés par l'activité de l'entreprise.
Mademoiselle Laëtitia X... remet aux débats diverses attestations selon lesquelles : N. A... : (associée du cabinet d'avocats) : " a compter de 1996 Mlle X... est venue travailler au cabine, en dehors de ses cours de droit " ; " Mlle X... était en charge de l'établissement des fiches de paye, de l'établissement des plannings des secrétaires " ; " Mlle X... assure la gestion et le suivi des comptes professionnels et CARPA " ; " Mlle X... est en charge des discussions portant sur les commandes de matériel et de maintenance " ; " elle s'est chargée de l'informatisation du cabinet principal et des cabinets secondaires "

D. Y... (avocat ayant travaillé au cabinet) : " Mlle X... s'occupe de la partie administrative et comptable de la SCP X...- A... ", " elle établit notamment les états de frais et procède à leur recouvrement " ;
X. Z... : " Mlle X... est chargée de 1'établissement de la comptabilité ", de " l'établissement des bulletins de paie, des déclarations sociales concernant les secrétaires " ; " Mlle X... est en charge de la gestion du patrimoine immobilier du cabinet " ;

M. B... (ancienne collaboratrice du cabinet d'avocats) : " Mlle Laëtitia X... était en charge des affaires.. comptables de la SCP X...- A... " ;
I. F... (avocat au barreau de Grasse depuis 2002) : " Mlle X... a toujours été une interlocutrice privilégiée du cabinet X... A... en ce qui concerne les procédures de taxation, les suivis comptables des dossiers " ;
A. A... : " Mlle X... était notamment en charge de l'organisation administrative, de la comptabilité " ;
M-L C... (ancienne stagiaire au cabinet d'avocats) : " Mlle Laëtitia X... était déjà en charge au cabinet des affaires.. comptables " ;
J. D... (ancienne collaboratrice du cabinet d'avocats) : " Mlle X... s'occupait du suivi comptable " ;
B. E... : " A partir de l'année 1997, Mlle Laëtitia X... était en charge constante du suivi comptable " ;
J. G... : (ancienne secrétaire du cabinet) : " Mlle X... faisait également la comptabilité du cabinet avec les déclarations afférentes " ;
A. H... (ancienne secrétaire du cabinet d'avocats) : " Mlle X... était alors en charge.. de la comptabilité du cabinet de Nice et de Paris.. ainsi que de la rédaction des états de frais " ;
V. I... (ancienne collaboratrice du cabinet d'avocats) : " Mlle X... s'occupait de l'ensemble du suivi des relations du cabinet avec l'ensemble de ses fournisseurs ", du " suivi des plannings d'audience, de la facturation de mes travaux.. de la prise en charge de mes états de frais " ;
M-C. J... (secrétaire du cabinet d'avocats) : " Mlle X... d'une manière générale, assume toute la partie administrative et comptable " ;
N. K... (secrétaire du cabinet d'avocats) : " Mlle X... était en charge de la partie comptable et administrative du cabinet. A ce titre, elle établissait, notamment, mes fiches de paie, effectuait les déclarations sociales et, d'une manière générale, avait la charge de la gestion du personnel. Mlle X... était également en charge de la tenue des livres comptables du cabinet de Paris... Toutes les démarches administratives effectuées au cabinet de Paris étaient supervisées par Mlle X...';
P. M... : " Mlle X... est la seule gestionnaire des problèmes relatifs à l'informatique au sein de la SCP X... A... " ;
C. N... (secrétaire du cabinet d'avocats) : " Mon contrat de travail a été rédigé par Mlle Laëtitia X... qui par la suite est restée ma seule interlocutrice pour toutes les questions salariales, administratives, ainsi que d'une manière générale, pour tous les problèmes inhérents à la gestion du cabinet " ;
G. O... (secrétaire du cabinet d'avocats) : " Mlle Laëtitia X... occupait divers postes dans le cabinet X...- A..., et notamment, tout ce que concerne le registre du commerce et le suivi de la comptabilité " ;
V. P... (directeur commercial de France télécom) : " J'étais en contact avec Mlle X... dans le cadre des négociations d'installation et de maintenance de réseaux de télécommunications et des travaux qui s'en sont suivis " ;
J-C. Q... (fournisseur de matériel et machines de bureau) : " Depuis une dizaine d'années j'ai à faire avec Mlle X... Laëtitia qui s'occupe des commandes de matériel, de la gestion du parc et des approvisionnements en fournitures " ;
J-C. R... : (fourniture et maintenance de matériel informatique) " les discussions relatives à l'achat des programmes, à leur mise à jour sont toujours intervenues avec Mlle Laëtitia X... " ;
Les attestations dont se prévaut Mademoiselle Laëtitia X... mettent en évidence qu'elle n'a jamais été affectée dans un service spécialisé et structuré, exclusivement chargé au sein de l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci, mais qu'elle a été chargée, dans la structure concernée, des activités essentiellement comptables, administratives, bancaires, patrimoniales, de maintenance de systèmes de communication et de commandes de fournitures, qui s'analysent comme des activités d'administration et de gestion courante. Ces pièces font indubitablement ressortir que l'activité juridique exercée par Mademoiselle Laëtitia X... au sein de la dite entreprise n'était que très accessoire et en tout cas nullement exclusive.
Mademoiselle Laëtitia X..., qui ne produit aux débats ni contrat de travail, ni feuilles de paie, ne démontre pas non plus l'existence d'un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, ni qu'elle aurait tiré des ressources de cette activité salariée.
En conséquence, Mademoiselle Laëtitia X... ne rapporte pas la preuve qu'elle répondrait aux exigences de l'article 98-3 du décret 91- 1197du 27 novembre 1991 modifié par le décret du 4 novembre 2005 et il convient d'annuler la décision rendue 7 juillet 2008 par le conseil de l'ordre des avocats de Nice qui a autorisé Mademoiselle Laëtitia X... à prêter serment.
PAR CES MOTIFS La Cour, Statuant en audience solennelle, par arrêt contradictoire en chambre du conseil par mise à disposition au greffe, Annule la décision rendue le 7 juillet 2008 par le conseil de l'ordre des avocats de Nice qui a autorisé Mademoiselle Laëtitia X... à prêter serment,. Rejette la demande présentée par Mademoiselle Laëtitia X... visant pouvoir être inscrite au barreau de Nice en étant dispensée de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, Condamne Mademoiselle Laëtitia X... au dépens.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : 21D
Date de la décision : 12/12/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2008-12-12;21d ?
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