COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3o Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 04 DÉCEMBRE 2008
No 2008 / 336
Rôle No 06 / 17643
SA BANQUE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS BTP BANQUE
C /
SNC BAOU DE SORMIOU
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 27 Septembre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 06 / 98.
APPELANTE
SA BANQUE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS BTP BANQUE,
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le No : B 339 182 784,
sise 33 Rue des Trois Fontanot-92000 NANTERRE
représentée par Me Paul MAGNAN, avoué à la Cour,
assisté de Me Bertrand MAHL, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SNC BAOU DE SORMIOU,
immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le no B 342 917 176,
sise C / O la SA PROGEREAL-Hermès Park-64 Avenue d'Haïfa-BP 204-13268 MARSEILLE CEDEX 08
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
assistée de Me Pascal-Yves BRIN, avocat au barreau de MARSEILLE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Monsieur Jean Noël GAGNAUX, Conseiller
Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Véronique PELLISSIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Décembre 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Décembre 2008,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Mademoiselle Véronique PELLISSIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
SUR CE :
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans le cadre d'une opération de construction de 103 logements appelée " les Terrasses de Sormiou ", la SNC Baou de Sormiou a confié à la société Sogeco l'exécution des lots 1 et 13 (gros oeuvre, terrassements complémentaires, enduits de façades, murs extérieurs, VRD), ce moyennant un prix de 3. 658. 776. 41 € HT, soit 4. 375. 896. 59 € TTC. Par acte du 21. 11. 2003, la Société Banque du Bâtiment et des Travaux Publics dite BTP Banque s'est constituée caution personnelle et solidaire de la société Sogeco pour le montant de la retenue de garantie, soit 218. 794. 83 € TTC.
La société Sogeco a abandonné le chantier le 20. 09. 2004.
La SNC Baou de Sormiou a convoqué celle-ci pour le 13. 10. 2004 à l'effet d'établir un constat contradictoire de l'état des travaux. Par lettre du 4. 11. 2004, la SNC Baou de Sormiou a informé la Société Banque du Bâtiment et des Travaux Publics dite BTP Banque qu'elle formait opposition à la libération de caution en application de l'article 2 de la loi 71-584 du 16. 07. 1971, puis l'a assigné en condamnation au paiement de la somme de 218. 794. 83 € TTC outre intérêts au taux légal à compter du 21. 06. 2005. Le Tribunal de Commerce de Marseille a par jugement du 27. 09. 2006, fait droit à la demande, ce avec capitalisation et exécution provisoire, outre un article 700 du Code de Procédure Civile.
Le premier juge a indiqué que la société Sogeco n'avait pas honoré son contrat, que la réception était acquise, et que l'expertise ordonnée en référé établissait l'existence d'un surcoût de 208. 620 € HT en raison de la défaillance de l'entreprise cautionnée, et de divers préjudices d'un montant de 400. 000 € HT.
Par déclaration remise le 19. 10. 2006, la Société Banque du Bâtiment et des Travaux Publics dite BTP Banque a interjeté appel du jugement précité.
Les prétentions des parties sont les suivantes :
La Société Banque du Bâtiment et des Travaux Publics dite BTP Banque, appelante (dernières conclusions du 8. 09. 2008) :
- la SNC Baou de Sormiou ne conserve en propre que des charges HT, la Société Banque du Bâtiment et des Travaux Publics dite BTP Banque ne pouvait donc avoir d'obligation de paiement que dans la limite de la créance principale, soit l'assiette HT et non TTC, le jugement est entaché d'erreur au delà de cette assiette.
- la loi du 16. 07. 1971 s'impose car elle relève de l'ordre public de prohibition.
- il ne s'agit pas d'une caution d'achèvement ou de bonne fin du chantier, il s'agit de garantir la retenue de garantie soit 5 % des sommes successivement payées à l'entreprise suite aux situations, la caution ne peut naître dans la limite maximum de son plafond qu'au fur et à mesure des paiements effectués et à concurrence de 5 %, donc il incombait à la SNC Baou de Sormiou de prouver les paiements effectués et leur caractère libératoire, elle ne le prouvait pas par la production du rapport Y....
- la SNC Baou de Sormiou n'a réglé que la somme de 2. 639. 936. 28 € HT et opéré une retenue en nature de 20. 146. 62 € HT, la caution ne pouvait prendre effet que pour un maximum de 5 % de 2. 639. 836. 28 € HT-20. 146. 62 € HT, soit 111. 845. 19 € HT, la SNC Baou de Sormiou ne pouvait obtenir au delà de ce montant.
- la SNC Baou de Sormiou a effectué une retenue en nature dépassant le plafond nominal HT de la caution de retenue de garantie.
- c'est sans fondement que le tribunal a retenu le préjudice de 400. 000 € et le surcoût de 208. 620 € ; au surplus, les pièces produites ne prouvent aucun surcoût.
- aucun aveu judiciaire ne peut lui être opposé en raison de sa déclaration de créance qui est une action préventive.
- la caution ne peut avoir effet qu'à compter de la réception, laquelle n'a pas eu lieu (pas de réception en son absence, pas de réception judiciaire).
- elle demande le rejet de la demande de la SNC Baou de Sormiou, sa condamnation à lui rembourser les sommes payées et à lui payer la somme de 10. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SNC Baou de Sormiou, intimée (dernières conclusions du 1. 08. 2007) :
- le jugement doit être confirmé et la Société Banque du Bâtiment et des Travaux Publics dite BTP Banque condamnée à payer 2000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- en raison de la défaillance de la société Sogeco, elle a dû résilié le marché, et la loi du 16. 07. 1971 est d'ordre public.
- la retenue de garantie permet la satisfaction des réserves mais s'exerce aussi en cas d'abandon de chantier, la caution solidaire de la loi de 1971 échappe aux dispositions de l'article 2011 du Code Civil.
- sont nécessaires la réception des travaux (constat effectué le 13. 10. 2004), l'opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur dûment effectuée le 4. 11. 2004, et l'inexécution des obligations par Sogeco (cf rapport de Monsieur X... du 23. 06. 2005, dire du cabinet Sechaud, maître d'oeuvre, chiffrant le coût des travaux pour achever et réparer les ouvrages à 208. 620 €, note de Monsieur Y..., expert).
- la déclaration de créance de la Société Banque du Bâtiment et des Travaux Publics dite BTP Banque, par laquelle elle reconnaît avoir une créance contre Sogeco, est un aveu judiciaire de l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible.
La procédure a été clôturée le 9. 10. 2008.
MOTIVATION
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée et qu'aucun élément de la procédure ne permet à la Cour d'en relever d'office l'irrégularité ;
Attendu que les parties s'opposent sur l'application de la retenue de garantie réglementée par la loi no 71-584 du 16 juillet 1971, tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l'article 1779, 3o du Code civil, (JO 17 juillet).
Qu'aux termes de l'article 1er de cette loi,
" les paiements des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés visés à l'article 1779, 3o du Code civil, peuvent être amputés d'une retenue égale au plus à 5 % de leur montant et garantissant contractuellement l'exécution des travaux pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître d'ouvrage. Le maître de l'ouvrage doit consigner entre les mains d'un consignataire accepté par les deux parties ou à défaut désigné par le Président du Tribunal de Grande Instance ou du Tribunal de Commerce, une somme égale à la retenue effectuée.
" Dans le cas où les sommes ayant fait l'objet de la retenue de garantie dépassent la consignation visée à l'alinéa précédent, le maître de l'ouvrage s'engage à compléter celle-ci jusqu'au montant des sommes ainsi retenues.
" Toutefois, la retenue de garantie stipulée contractuellement n'est pas pratiquée si l'entrepreneur fournit, pour un montant égal, une caution personnelle et solidaire émanant d'un établissement financier figurant sur une liste fixée par un décret " ;
Attendu que la retenue de garantie et la caution solidaire ont en principe pour objet de protéger le maître d'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution de la construction prévue au contrat ayant donné lieu à des réserves à la réception, à l'exclusion des frais annexes ;
Attendu que la garantie ne s'applique pas aux seuls travaux mal exécutés mais peut concerner l'inexécution par l'entrepreneur de son obligation de réaliser l'ouvrage contractuellement promis ;
Attendu que la retenue de garantie et en l'espèce l'obligation du banquier ne peut porter que sur les sommes pour lesquelles le maître d'ouvrage ne peut plus opérer de retenue de garantie ;
Qu'en effet si le maître de l'ouvrage reste redevable d'une somme à titre de solde du prix des travaux, cette même somme doit être soustraite du montant de la garantie mise à la charge de l'établissement financier, garantie qui ne peut s'appliquer que sur les sommes pour lesquelles le maître de l'ouvrage ne peut plus opérer la retenue légale de garantie ;
Attendu que la production de créance de l'établissement financier qui ne concerne que ses rapports avec la société en procédure collective n'est pas un aveu judiciaire dans ses rapports avec une autre partie en un autre contentieux ;
Attendu que la SNC Baou de Sormiou pour le surplus raisonne d'une part comme si il y avait eu une réception des travaux et un décompte contradictoire des sommes dues, et, d'autre part, comme si la banque était détentrice pour le compte de l'entreprise défaillante d'une somme à hauteur de 5 % de l'ensemble du marché et qu'elle serait bien fondée en une action directe ou à première demande de se voir attribuer ;
Attendu que la SNC Baou de Sormiou se prévaut d'une réception des travaux du 13 octobre 2004 mais il convient de relever que la Société SOGECO n'était ni présente ni représentée à la réunion qui avait lieu à cette date ; que surtout elle n'a jamais été question d'une réception de travaux à cette date ;
Qu'à cet égard il faut souligner que la convocation du 07 octobre 2004 vise exclusivement l'article IX du Cahier des Clauses Administratives Particulières sur la rupture du contrat et en vise expressément et exclusivement :
" le maître d'ouvrage peut faire procéder dans les conditions qu'il jugera opportunes à la reprise des travaux inachevés (etc...) " ;
Que les autres parties EM2C et SECHAUD BÂTIMENT, sont le 07 octobre 2004, elles aussi convoquées le 13 " pour un constat contradictoire de l'état de la qualité des travaux au moment de la résiliation " ;
Que l'acte établi se présente expressément comme un " constat contradictoire " et établi par le maître d'oeuvre hors la présence de SOGECO et sans mention d'une acceptation en l'état de l'ouvrage par le maître d'ouvrage ;
Attendu que l'on ne peut considérer ce document comme un procès-verbal de réception des travaux ;
Attendu que la SNC Baou de Sormiou a obtenu le 22 octobre 2004 du Président du Tribunal de Commerce d'AIX en PROVENCE statuant en référé une ordonnance désignant un expert judiciaire ;
Que cet expert, Monsieur Y..., avait notamment in fine pour mission de " faire les comptes entre les parties " ;
Qu'en page 22 de son rapport après avoir évalué à 3. 867. 396 € le " coût des travaux nécessaires " à la mise en conformité des ouvrages et à leur achèvement il a " évalué les préjudices " après déduction du marché SOGECO 3. 658. 776 € HT à 208. 620 € HT en prenant pour acquis en l'état de la situation 11 pour l'essentiel payé 2. 639. 836 € HT ;
Qu'il convient encore de rappeler ici que ce rapport d'expertise n'est pas contradictoire à la BTP BANQUE ;
Attendu que la SNC Baou de Sormiou a déclaré à l'expert s'en tenir à la somme de 208. 620 € (7 page 22) ;
Attendu que l'expert s'arrête à la situation de travaux 11 (total cumulé 2. 649. 836 €) dont il déduit 10. 000 € retenus par le maître d'ouvrage pour parvenir à 2. 639. 836 € ;
Qu'il faut s'en tenir à cette somme, la situation 12 ne pouvant être ajoutée comme le prétend la banque ;
Qu'aucune somme n'était réglée en effet sur cette dernière situation et le décompte de retenues avancé par la banque 20. 146, 62 € en la situation 12 reprend la retenue de 10. 000 € déjà décomptée supra sur la situation 11 en un cumul de retenues ;
Attendu que l'application de 5 % des sommes payées est selon l'expert sur la base de 2. 649. 836 €, la retenue maximum de garantie étant alors de 132. 491, 80 € ;
Que le préjudice de l'arrêt des travaux est toujours selon l'expert, de 208. 620 € ;
Que la somme de 132. 491, 80 € est donc la garantie acquise à la SNC mais il faut encore déduire la retenue de garantie opérée au moment du dernier règlement pris en compte par l'expert 10. 000 € ;
Attendu qu'en de telles circonstances la SNC Baou de Sormiou n'était au mieux fondée en ses prétentions qu'à hauteur de 132. 491, 80-10. 000 = 122. 491, 80 € HT ;
Qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris pour toute condamnation au-delà de cette somme ;
Attendu que la BTP BANQUE est bien fondée à demander restitution du trop perçu de la SNC Baou de Sormiou au titre de l'exécution provisoire du jugement réformé, mais avec des intérêts au taux légal qu'à compter de la signification du présent Arrêt, outre capitalisation demandée selon les termes de l'article 1154 du Code civil ;
Que les parties succombant pareillement pour fraction de leurs prétentions supporteront leurs dépens et seront déboutées de leurs demandes réciproques au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant contradictoirement et en dernier ressort,
En la forme,
Dit l'appel recevable,
Au fond,
Réformant le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau,
Condamne la Société BANQUE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (BTP BANQUE) à payer à la SNC Baou de Sormiou la somme de 122. 491, 80 € HT,
Condamne la SNC Baou de Sormiou à rembourser à la BTP BANQUE le trop perçu de la condamnation du jugement réformé avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent Arrêt et capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code civil,
Déboute les parties de leurs autres prétentions notamment,
Dit que les parties supporteront leurs dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés à leur encontre par les avoués de la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. PELLISSIERG. SCHMITT