1o Chambre B
ARRÊT AU FOND DU 20 NOVEMBRE 2008 MZ No 2008 / 672
Rôle No 07 / 13211
Daniel X...
C /
Patrick Y... France Z... épouse Y... SCI LE VOILIER
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 20 Juin 2007 enregistré au répertoire général sous le no 07 / 13.
APPELANT
Monsieur Daniel X... né le 26 Juin 1952 à BORDEAUX (33000), demeurant...
représenté par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour, plaidant par Me Nicolas DEUR, avocat au barreau de NICE
INTIMÉS
Monsieur Patrick Y... né le 27 Octobre 1962 à BILLY MONTIGNY (62420), demeurant...-06230 VILLEFRANCHE SUR MER
Madame France Z... épouse Y... née le 23 Avril 1962 à NICE (06000), demeurant...-06230 VILLEFRANCHE SUR MER
LA SCI LE VOILIER dont le siège est...-06300 NICE
représentés par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par la SCP KLEIN, avocats au barreau de NICE substituée par Me Estelle CIUSSI, avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président Madame Martine ZENATI, Conseiller Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2008,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement rendu le 20 juin 2007 par le Tribunal de Grande Instance de Nice, qui a débouté Monsieur Daniel X... de son action en inopposabilité de la vente reçue le 23 mars 2006 par Maître Alain D..., notaire, entre Monsieur Patrick Y..., Madame France Z... épouse Y..., et la S. C. I. LE VOILIER, portant sur une propriété sise... à Villefranche-sur-Mer, sur le fondement de la fraude paulienne,
Vu l'appel régulièrement interjeté par Monsieur Daniel X...,
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 13 octobre 2008 par l'appelant,
Vu les conclusions déposées le 20 octobre 2008 par Monsieur Patrick Y... et son épouse née France Z..., ainsi que la S. C. I. LE VOILIER,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 22 octobre 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que l'article 1167 du Code civil, qui permet à un créancier d'attaquer, en son nom personnel, les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, impose, pour son application, que la créance invoquée, même non encore liquidée, soit certaine en son principe antérieurement à l'acte argué de fraude, et que le débiteur ait eu connaissance ainsi que son contractant à titre onéreux du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux, sans que l'intention de nuire ait à être recherchée ;
Attendu qu'en l'espèce, Monsieur X..., propriétaire d'un local commercial sis au rez-de-chaussée, et d'un appartement sis au premier étage d'un immeuble sis... à Nice, qui avait consenti par acte authentique en date du 3 octobre 2000 un bail commercial aux époux E..., ont accepté la cession de ce bail le 30 mars 2001 aux époux Y..., agissant conjointement au nom et pour le compte de la S. A. R. L. L'EMBARCADERE ; que préalablement à cette cession, les époux Y... et Monsieur X... ont signé une convention le 7 mars 2001, par laquelle le preneur se voyait autorisé à réaliser sous sa seule responsabilité et à sa charge exclusive et sans recours contre le bailleur tous travaux dans les locaux à sa convenance et dans le respect des règles d'urbanisme en vigueur, du cahier des charges, du règlement de copropriété et des autorisations administratives en vigueur nécessaires de sorte que le bailleur ne soit jamais inquiété ni recherché à ce sujet ;
Attendu qu'un copropriétaire s'étant plaint des nuisances causées par les travaux réalisés par la S. A. R. L. L'EMBARCADERE, un expert judiciaire a été désigné à sa demande par ordonnance de référés en date du 26 juillet 2001 ; qu'ensuite du dépôt de son rapport, Monsieur X... a été assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Nice, aux fins de se voir condamner à lui payer les sommes de 98. 190, 41 € à valoir sur les travaux de remise en état de ses biens, outre la somme de 101. 295, 01 € en réparation de son préjudice de jouissance ; que les époux Y... ont été appelés en garantie par Monsieur X... par acte du 25 juin 2005 qui, autorisé par ordonnance du Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de Nice, a fait procéder à une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce de la S. A. R. L. L'EMBARCADERE pour garantir le paiement de la somme de 105. 000 €, dont la mainlevée a été refusée à cette dernière par jugement de cette même juridiction en date du 20 mars 2006 ;
Attendu qu'antérieurement, Monsieur X... avait fait citer le 4 juin 2004 les époux Y... et la S. A. R. L. L'EMBARCADERE aux fins d'obtenir la résiliation du bail commercial aux motifs que les travaux qu'ils avaient réalisés dans les locaux n'étaient pas conformes aux décisions administratives rendues, et qu'ils ne justifiaient pas avoir informé leur assureur de la clause de renonciation à recours à l'encontre de leur bailleur comprise dans la convention du 7 mars 2001, ainsi que leur condamnation conjointe et solidaire à faire effectuer tous travaux de remise en état et à leur payer la somme de 60. 000 € à titre de dommages et intérêts ;
Attendu en effet, que par jugement en date du 24 novembre 2005, le Tribunal administratif de Nice a rejeté les requêtes introduites par Monsieur Y... à l'encontre de l'arrêté du Maire de Nice en date du 4 juillet 2001 rejetant sa demande de permis de démolir au motif que le projet de travaux dans les locaux loués ne respectait pas les dispositions du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du vieux Nice, et l'arrêté en date du 13 décembre 2001 lui refusant le permis de construire au motif notamment que les travaux projetés étaient contraires aux règles de sécurité et d'urbanisme ; que les époux Y... avaient nonobstant lesdits arrêtés fait procéder aux travaux non autorisés ; qu'ils ne pouvaient dans ces conditions ignorer le risque de voir résilier le bail commercial en application des commandements de payer délivrés à cette fin par leur bailleur les 8 avril et 6 mai 2004, et de se voir condamner aux côtés de la S. A. R. L. L'EMBARCADERE, dès lors que l'avenant du 7 mars 2001 avait été conclu par eux pour le compte d'une S. A. RL. non encore constituée à cette date et qu'ils ne fournissaient pas de précision sur la date de commencement des travaux par rapport à cette constitution ; qu'en outre ils n'ont pas pu ignorer, en raison de la procédure en cours initiée par Monsieur X... le montant des travaux nécessaires à la remise en état des lieux, qui avait fait l'objet notamment d'une estimation à la demande de ce dernier par Monsieur G..., architecte et expert judiciaire à Nice, en date du 14 mars 2006, pour un montant de 390. 000 € TTC, estimation nécessairement produite aux débats ;
Attendu dans ces conditions qu'au jour où les époux Y... ont cédé le bien personnel sis à Villefranche-sur-Mer constituant leur patrimoine immobilier, le 23 mars 2006, Monsieur X... disposait d'un principe certain de créance à leur encontre dont ils avaient connaissance ; qu'il convient d'ailleurs de relever que par jugement en date du 18 décembre 2006, confirmé par un arrêt de la Cour de céans en date du 4 décembre 2007, ils ont été condamnés à lui verser la somme de 450. 000 € au titre des travaux de remise en état et de dommages et intérêts ;
Attendu que la vente litigieuse a été consentie par les époux Y... à la S. C. I. LE VOILIER, dont ils sont les seuls actionnaires, pour un montant de 3. 000. 000 €, étant relevé qu'il ressort de l'acte notarié qu'ils avaient eux-mêmes acquis ce bien le 10 juillet 2000 pour le prix de 3. 300. 000 € payé comptant à l'aide d'un prêt hypothécaire ; que le prix de vente a été stipulé payable par la S. C. I. acquéreur au moyen d'un prêt hypothécaire à hauteur de 1. 500. 000 €, et le solde de même montant au moyen de deniers personnels, étant précisé que le prêt contracté est remboursable en 180 mensualités, à concurrence de 179 mensualités de 4. 750 € et d'une 180ème de 1. 504. 750 € représentant le capital à terme échu ; que le coût du crédit s'élève dans ces conditions à 907. 732, 20 € ;
Attendu que si la S. C. I. LE VOILIER n'a certes pas été constituée à l'occasion de cette acquisition par les époux Y..., mais l'a été le 2 septembre 2002 par eux pour l'acquisition de l'immeuble sis à Nice,... et son exploitation par bail, location ou autrement dudit immeuble ; que son objet social vise également l'acquisition de tous autres biens, en sorte que l'acquisition du bien litigieux n'était pas contraire à ses statuts ; que même si selon les statuts, chaque part sociale donne droit dans la propriété de l'actif social dans lequel est rentré l'immeuble acquis, comme dans la répartition des bénéfices et du boni de liquidation, à une fraction proportionnelle au nombre de parts existantes, il n'en demeure pas moins que l'actif social s'est trouvé diminué en raison du montant et du coût du crédit contracté par la S. C. I. pour cette acquisition, comme du fait du paiement de la somme de 1. 500. 000 € de ses deniers, tout comme le patrimoine des époux Y... du fait de cette cession, étant rappelé qu'ils soutiennent eux mêmes avoir utiliser le prix de vente, dans une proportion qu'ils ne précisent pas, pour le remboursement de dettes contractées par ailleurs, et étant retenu que la S. A. R. L. L'EMBARCADERE a été placée sous sauvegarde par décision du Tribunal de Commerce de Nice en date du 7 septembre 2006, puis en liquidation judiciaire par décision de cette même juridiction du 9 février 2007, ce qui laisse présumer l'absence de revenus des époux Y... du chef de son exploitation ; qu'il y a lieu dans ces conditions de considérer qu'en cédant leur bien immobilier les époux Y... ont permis de le faire échapper aux poursuites de leur créancier, en le remplaçant par des fonds plus difficiles à appréhender que représentent des parts sociales d'une S. C. I. ; que d'ailleurs la saisie des parts sociales diligentée à la demande de Monsieur X... le 18 mai 2007 révèle que la valeur de la part nominale de la société n'est que de 30 € ; que les saisies appréhension des comptes bancaires personnels des époux Y... se sont révélées infructueuses, notamment en raison de saisies opérées par d'autres créanciers, ce qui démontre qu'au jour où la présente procédure a été engagée comme à celui où il est statué la situation financière des époux Y... ne démontrent pas qu'ils disposent de biens de valeur suffisante pour répondre de leur engagement, en sorte qu'infirmant la décision entreprise, il convient de faire droit à la demande de Monsieur X... fondée sur les dispositions de l'article 1167 du Code civil, étant précisé que celui-ci n'a nullement renoncé à sa créance dans le cadre de la procédure collective de la S. A. R. L. L'EMBARCADERE dès lors que sa déclaration de créance initiale de 650. 000 € inclus celle de 105. 000 € justifiant qu'il ait renoncé à la deuxième déclaration de créance faite de ce chef là, comme faisant double emploi avec la précédente ;
Attendu qu'il est inéquitable de laisser supporter à l'appelant les frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,
Infirme la décision entreprise,
Statuant à nouveau,
Déclare inopposable à Monsieur Daniel X... la vente du bien immobilier sis..., consistant en une maison d'habitation composée au rez-de-chaussée d'une entrée, salle de séjour, salle à manger, cuisine, buanderie, cabinet de toilettes, au 1er étage de 4 chambres et 3 salles de bains, d'un garage et d'un jardin, observation étant faite que, suite à divers travaux réalisés par le vendeur, la désignation actuelle de la propriété est la suivante :- une maison d'habitation composée de, au niveau 0 : un garage, un local piscine et un local machinerie ascenseur, au niveau 1 : une chambre, une salle de douche avec WC, au niveau 2 : une salle de bains et une douche avec WC, au niveau 3 : une entrée, un WC, une chambre et une buanderie, au niveau 4 : un palier, 4 chambres dont 2 avec placards et 3 salles de bains avec WC,- piscine-terrain attenant, figurant au cadastre sous la section ... lieu-dit..., pour une contenance de 00 ha, 40 a, 01 ca, tel que ce bien existe, s'étend, se poursuit et comporte actuellement avec toutes ses aisances, dépendances, immeubles par destination, sans aucune exception ni réserve,
Dit que la présente décision sera publiée à la Conservation des Hypothèques dont dépend ledit immeuble,
Condamne Monsieur Patrick Y... et son épouse née France Z... à payer à Monsieur Daniel X... la somme de 2. 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne Monsieur Patrick Y... et son épouse née France Z... aux dépens de première instance et d'appel, distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT