COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2ème Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 13 NOVEMBRE 2008
No 2008 / 399
Rôle No 06 / 18323
S. A. MATHEZ TRANSPORTS INTERNATIONAUX
Béatrice X...
C /
Société CNAN GROUP SPA
S. A. GAN ASSURANCES IARD
S. A. KS EXPORT
S. N. C. SOCOMAN
S. A. R. L. TH AMGHAR
S. A. GROUPAMA TRANSPORT
S. A. Compagnie A. G. F.- I. A. R. T
Yves Y...
Compagnie L'HELVETIA
Grosse délivrée
le :
à : LATIL
SIDER
COHEN
LIBERAS
TOLLINCHI
TOUBOUL
GIACOMETTI
ERMENEUX
BLANC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 3 février 2006 enregistré au répertoire général sous le no 2004F02627
APPELANTS
S. A. MATHEZ TRANSPORT INTERNATIONAUX
dont le siège est sis Aéroport International Nice Côte d'Azur-B. P. 109-06022 NICE CEDEX 1
représentée par la SCP LATIL-PENARROYA-LATIL-ALLIGIER, avoués à la Cour,
plaidant par Me François CITRON, avocat au barreau de PARIS
Maître Béatrice X..., en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société K. S. EXPORT
demeurant...-76008 ROUEN CEDEX 1
représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
plaidant par la SCP HOLMAN FENWICK et WILLAN, avocats au barreau de PARIS
INTIMEES
Société CNAN GROUP SPA
dont le siège est sis 17B avenue Robert Schuman-13002 MARSEILLE
représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Hervé TASSY, avocat au barreau de MARSEILLE
S. A. GAN ASSURANCES IARD
dont le siège est sis 8-10 rue d'Astorg-75383 PARIS CEDEX 08
représentée par la SCP LIBERAS-BUVAT-MICHOTEY, avoués à la Cour,
plaidant par Me Marina LAURE, avocat au barreau de MARSEILLE
S. A. KS EXPORT
dont le siège est sis 255 chemin de Croisset-76000 ROUEN
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour
S. N. C. SOCOMAN
dont le siège est sis Enceinte Portuaire-Quai Grande Bigue-13002 MARSEILLE
représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour,
plaidant par Me Maryse FOLLIN, avocat au barreau de MARSEILLE
S. A. R. L. TH AMGHAR
dont le siège est sis 93 boulevard National-13003 MARSEILLE
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
plaidant par Me Tahar CHAIB, avocat au barreau de MARSEILLE
S. A. GROUPAMA TRANSPORT
dont le siège est sis 1 Quai Georges V-B. P. 1403-76600 LE HAVRE
représentée par la SCP GIACOMETTI-DESOMBRE, avoués à la Cour,
plaidant par Me Marianne SCHEUBER, avocat au barreau de PARIS
PARTIES INTERVENANTES
S. A. Compagnie ASSURANCES GENERALES DE FRANCE IART " A. G. F. IART ", intervenant volontairement
dont le siège est sis 87 rue de Richelieu-75113 PARIS CEDEX 02
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour,
plaidant par Me Gérard DAUMAS, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître Yves Y..., assigné en intervention forcée en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la S. A. KS EXPORT
demeurant...-76000 ROUEN
défaillant
Compagnie L'HELVETIA, intervenant volontairement
dont le siège est sis 141 / 145 avenue du Prado-13008 MARSEILLE
représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Jacques BONNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 octobre 2008 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur André JACQUOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2008,
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La S. A. KS EXPORT a chargé la S. A. MATHEZ Transports Internationaux d'acheminer de Nice à Annaba (Algérie) des colis de cigarettes et alcools destinés à des magasins de Duty Free de l'aéroport. La S. A. MATHEZ Transports Internationaux, commissionnaire de transport, a confié à la société CNAN Group SPA, transporteur maritime, l'acheminement par mer à partir du port de Marseille, le navire « Blue Sky » devant appareiller, le 27 février 2004. La marchandise empotée dans un conteneur de 40'a été acheminée dans l'enceinte du Port Autonome de Marseille, le 26 février 2004, et remise à la S. N. C. SOCOMAN, l'acconier missionné par la société CNAN Group SPA, qui a placé le conteneur sur le poste à quai 42. Le navire ayant subi un retard, le conteneur demeuré à quai a subi une spoliation dans la nuit du 27 au 28 février 2004 avec cette circonstance qu'un agent de surveillance de la S. A. R. L. T. H. AMGHAR, missionnée par la S. A. SOCOMAN pour effectuer le gardiennage du site, découvrant fortuitement le vol a été immobilisé par les voleurs. La société CNAN Group SPA a acquitté, le 30 avril 2004, auprès de l'Administration des Douanes la somme de 272. 243 au titre de la liquidation d'office des droits de douane, des droits de consommation sur les tabacs, de taxes diverses et de T. V. A. correspondant à la part des marchandises mise sous douane (principalement tabacs manufacturés) qui a été soustraite et ainsi « mise à la consommation ».
Par jugement contradictoire en date du 3 février 2006, le Tribunal de Commerce de Marseille a, excluant le cas de force majeure et retenant la faute personnelle de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux et la déclarant responsable sans limitation,- condamné cette dernière à payer à la S. A. KS EXPORT la somme de 91. 353, 56 à titre de dommages-et-intérêts, outre la somme de 5. 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné la société CNAN Group SPA à garantir la S. A. MATHEZ Transports Internationaux de cette condamnation à concurrence de la contre-valeur de 4. 690, 82 DTS,- mis hors de la cause la S. A. SOCOMAN,- condamné la S. A. MATHEZ Transports Internationaux à payer à la société CNAN Group SPA la somme de 272. 243 € et celle de 10. 475, 19 € résultant d'une compensation indument opérée, outre la somme de 2. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a mis hors de la cause la S. A. R. L. T. H. AMGHAR, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.
La S. A. MATHEZ Transports Internationaux a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret No 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux dans ses conclusions récapitulatives en date du 19 septembre 2008 tendant à faire juger :
- qu'elle est en droit d'opposer à la demande de la S. A. KS EXPORT, un cas de force majeure et son absence de faute personnelle dans l'organisation du transport de bout en bout, subsidiairement qu'elle est en droit de bénéficier des limitations de responsabilité dont la société CNAN Group SPA peut se prévaloir,
- que la société CNAN Group SPA n'est pas recevable à demander le remboursement des pénalités douanières qu'elle a acquittées, dès lors qu'elle ne justifie pas d'un intérêt pour agir, ses assureurs l'ayant indemnisée avant l'introduction du procès,
- que la demande en remboursement fondée sur l'existence d'un mandat ne peut être accueillie, aucun mandant n'ayant été donné,
- que la société CNAN Group SPA connaissait la nature des marchandises devant être transportées et a commis des fautes du fait de sa situation irrégulière au regard de la réglementation douanière (défaut de qualité d'entrepositaire agréé ou d'opérateur agréé qui peuvent seuls recevoir des marchandises soumises à « accises »), cette faute l'empêchant de « répercuter » le paiement des droits et taxes douanières qu'elle a effectué sans protestation, les droits de T. V. A. ne devant pas être acquittés en toute hypothèse dans le cas de vol de marchandise ne s'analysant pas en une livraison,
- que la S. A. KS EXPORT reste redevable de la somme de 64. 002, 42 € au titre des frais engagés pour la livraison postérieure des marchandises non spoliées,
- qu'il convient de « faire droit à ses appels en garantie contre la S. A. KS EXPORT, la société CNAN Group SPA et la S. A. SOCOMAN » ;
Vu les prétentions et moyens de la Compagnie HELVETIA, assureur de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux au titre de la « responsabilité contractuelle » dans ses conclusions récapitulatives en date du 24 janvier 2008 tendant à faire juger :
- que son assurée, la S. A. MATHEZ Transports Internationaux n'a commis aucune faute personnelle dès lors que la société CNAN Group SPA connaissait la nature de la marchandise et en avait la garde juridique depuis sa remise sur le poste à quai 42 et les mesures de sûreté prises alors,
- que la responsabilité de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux ne peut être recherchée que comme garante du transporteur maritime qu'elle a choisi et elle bénéfice des limitations de responsabilité de sa substituée, la société CNAN Group SPA, à savoir une limitation au nombre de colis si bien que le plafond de limitation n'est pas atteint,
- que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux doit rembourser en vertu de la répétition de l'indu à son assureur l'indemnité d'assurance, soit 87. 765, 93 € (valeur de la marchandise perdue ou endommagée) que ce dernier a versé à la S. A. KS EXPORT au titre du préjudice matériel ;
Vu les prétentions et moyens de la S. A. Assurances Générales de France I. A. R. T., assureur de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux au titre de la responsabilité civile professionnelle dans ses conclusions d'intervention volontaire et récapitulatives No 2 en date du 21 décembre 2007 tendant à faire juger :
- que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux n'a pas commis de faute personnelle dans l'exécution de mission ensuite de la remise de la marchandise à la société CNAN Group SPA,
- que les premiers juges n'ont pas caractérisé une faute lourde de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux, opérateur de transport, à l'occasion de la mission qu'il a accomplie, faute lourde qui est seule susceptible d'entraîner une limitation de responsabilité,
- que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux s'exonère de sa responsabilité vis-à-vis de la S. A. KS EXPORT en démontrant l'existence d'un cas de force majeure, toutes les précautions d'usage ayant été prises, outre celle d'une grande discrétion sur la nature des marchandises,
- que la demande de la société CNAN Group SPA en remboursement des droits et taxes afférents aux marchandises volées n'est pas recevable, faute pour la société CNAN Group SPA de démontrer son intérêt pour agir,
- qu'il n'existe aucun mandat donné par la S. A. KS EXPORT ou / et par la S. A. MATHEZ Transports Internationaux à la société CNAN Group SPA pour acquitter lesdits droits auprès de l'Administration des Douanes,
- que la société CNAN Group SPA, qui connaissait la nature réelle des marchandises, a commis une faute en « n'étant pas en règle avec la réglementation douanière » (absence de qualité d'entrepositaire agrée, d'opérateur enregistré ou non enregistré), ce qui l'a privée de la possibilité de bénéficier de l'exonération d'impôts prévue par l'article 64 de la loi 92-677 en cas de perte consécutive à un cas fortuit ou de force majeure, sa précipitation à s'acquitter des pénalités douanières s'expliquant par sa situation chroniquement irrégulière vis-à-vis de l'Administration des Douanes,
- que la société CNAN Group SPA n'avait pas en toute hypothèse à acquitter le montant de la T. V. A. pour plus de 50. 000, elle était exonérée pour le moins de ce paiement dès lors que le vol d'une marchandise n'est pas assimilable à une livraison et ne constitue pas le fait générateur de la T. V. A. ;
Vu les prétentions et moyens de Maître Béatrice X..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la S. A. KS EXPORT mise en liquidation judiciaire dans ses conclusions en date du 23 janvier 2008 tendant à faire juger :
- que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux a engagé sa responsabilité en sa qualité de commissionnaire de transport tenue d'une obligation de résultat,
- que la société CNAN Group SPA a engagé sa responsabilité sur le fondement de la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, amendée, à défaut de prouver que la perte ou les dommages résultent d'un cas excepté constitué par la force majeure, les circonstances du vol étant exclusives de la force majeure et eu égard au fait qu'elle « ne pouvait ignorer qu'il s'agissait de marchandises sensibles »,
- que la limitation de responsabilité, éventuellement applicable, est celle constituée par 869 colis X 666, 67 DTS ou 10. 000 kgs X 2 DTS,
- que la société CNAN Group SPA ne peut lui réclamer le remboursement des droits douaniers, 1) le mandat entre la S. A. MATHEZ Transports Internationaux et la société CNAN Group SPA invoqué au soutien de cette demande n'existant pas et 2) la société CNAN Group SPA ayant commis une faute en n'obtenant pas de l'Administration des Douanes les agréments ou habilitations requis,
- que son préjudice devant être indemnisé solidairement par la S. A. MATHEZ Transports Internationaux et par la société CNAN Group SPA s'établit à 139. 435, 01 ;
Vu les prétentions et moyens de la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport, assureur de la S. A. KS EXPORT, dans ses conclusions en date du 12 septembre 2008 tendant à la confirmation du jugement ;
Vu les prétentions et moyens de la société CNAN Group SPA dans ses conclusions récapitulatives en date du 31 décembre 2007 tendant à faire juger :
- qu'elle est fondée à opposer * « l'événement non imputable au transporteur » constitué par le vol prévu par l'article 27 de la loi du 18 juin 1966, * la déclaration inexacte du chargeur, la S. A. KS EXPORT, relativement à la nature de la marchandise transportée et * également les fautes personnelles commises par la S. A. MATHEZ Transports Internationaux et énumérées dans le jugement attaqué, le « défaut de mesures de précautions » (imputable à la S. A. MATHEZ Transports Internationaux) étant tel que son caractère volontaire est « possible »,
- que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux ne disconvient pas qu'elle a opéré abusivement un compensation de 10. 475, 19 €,
- subsidiairement, qu'elle dispose d'un recours en garantie contre la S. A. SOCOMAN, acconier qu'elle s'était substitué pour le chargement de la marchandise et qui en avait la garde,
- qu'elle est recevable à agir en remboursement des droits douaniers qu'elle a acquittés auprès de l'Administration des Douanes et qu'elle n'était pas obligée d'avoir le statut d'entrepositaire agréé pour recevoir des produits tels des alcools et des tabacs manufacturés,
- que la soustraction frauduleuse de produits soumis à des droits de douane ou / et à des accises n'éteint pas l'obligation d'acquitter des droits, ce qu'elle a fait en qualité de mandataire de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux, elle-même mandataire de la S. A. KS EXPORT, aucune imprudence ne pouvait lui être imputée, dès lors qu'elle a ignoré la réelle nature des marchandises renfermées dans le conteneur, une condamnation solidaire au remboursement doit être prononcée contre la S. A. MATHEZ Transports Internationaux et la S. A. KS EXPORT ou subsidiairement contre la S. A. SOCOMAN, acconier sous la responsabilité duquel la marchandise se trouvait au moment du vol,
- très subsidiairement, que la limitation de responsabilité a justement été décidée à hauteur de 4. 690, 82 DTS ;
Vu les prétentions et moyens de la S. N. C. SOCOMAN dans ses conclusions en date du 25 janvier 2008 tendant à faire juger :
- que toutes demandes émanant d'une autre partie que la société CNAN Group SPA qui l'a missionnée est irrecevable,
- que le jugement qui l'a mise hors de la cause doit être confirmé dès lors qu'ignorante de la nature réelle des marchandises, elle a pris les mesures de précautions adaptées et ne pouvait pas faire face « à un vol en réunion, avec agression sous la menace d'armes plus séquestration, organisé et orchestré par des personnes parfaitement informées, connaissant les lieux, les heures et conditions d'ouverture des portes du PAM », toutes circonstances qui constituent un cas de force majeure et ayant notamment le caractère d'irrésistibilité,
- subsidiairement, que la limitation de responsabilité tirée de la loi « nationale » (articles 28 et 54 de la loi du 18 juin 1966) doit recevoir application, soit 4. 690, 82 DTS ;
Vu les prétentions et moyens de la S. A. R. L. T. H. AMGHAR dans ses conclusions récapitulatives en date du 22 janvier 2008 tendant à faire juger :
- que l'appel en garantie formé contre elle par la S. N. C. SOCOMAN n'est pas fondé, en l'absence de faute démontrée dans l'exécution de sa mission générale de surveillance et gardiennage des postes à quai 40, 42, 44 et 48 du Port Autonome de Marseille, aucune mission spéciale de surveillance afférente au conteneur litigieux ne lui ayant été confiée spécialement ;
Vu les prétentions et moyens de la S. A. Compagnie GAN Assurances IARD, assureur en Responsabilité Civile de la S. A. R. L. T. H. AMGHAR, dans ses conclusions récapitulatives en date du 5 septembre 2008 tendant à faire juger :
- que, en toute hypothèse, aucune faute de la S. A. R. L. T. H. AMGHAR, son assurée dans la surveillance ou le gardiennage n'est démontrée et que l'identité du mandant de la S. A. R. L. T. H. AMGHAR n'est pas connue, le PAM ou la S. N. C. SOCOMAN ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 22 septembre 2008.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu sur la connaissance par la société CNAN Group SPA de la nature réelle des marchandises renfermées dans le conteneur litigieux, qu'il apparaît que la S. A. KS EXPORT avait antérieurement au transport litigieux fait transporter par la société CNAN Group SPA ou la SNTL / CNAN (en « réexportation sur l'Algérie ») à de nombreuses reprises des cargaisons d'alcools ou tabacs manufacturés à destination de boutiques en Duty Free de l'aéroport d'Annaba (cf les connaissements versés au débat mentionnant la nature précise des marchandises transportées-alcools et cigarettes-, le chargeur : la S. A. KS EXPORT et le destinataire : « Duty Free ») ; que pour le transport litigieux, nonobstant l'ordre de mise à quai mentionnant comme nature de marchandise : « matériel », cette mention, selon la S. A. MATHEZ Transports Internationaux, étant portée à dessein pour ne pas attirer l'attention d'individus malveillants, la déclaration portuaire informatisée PROTIS, datée du 27 février 2004, mentionne les nomenclatures douanières correspondant exactement aux marchandises en question : 2208 pour les alcools éthyliques de moins de 80 % et 2402 pour les cigarettes … ; qu'il n'est pas contesté que le responsable de la S. A. KS EXPORT et un salarié de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux ont participé, le 26 février 2004, au transport par route du conteneur de Nice au port autonome de Marseille pour « l'escorter » et ont spécialement assisté à son positionnement par la S. N. C. SOCOMAN en « hauteur » sur une pile, sa porte plaquée contre un autre conteneur pour en interdire l'ouverture ; que la société CNAN Group SPA ne conteste pas que ce positionnement a été requis par la S. A. MATHEZ Transports Internationaux et son client ; que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux indique, dans un courrier du 10 mars 2004, adressé à sa cliente, la S. A. KS EXPORT, et versé au débat qu'elle avait demandé à la société CNAN Group SPA l'autorisation de souder la porte du conteneur et que celle-ci avait refusé au motif de l'endommagement qui en résulterait ; que la société CNAN Group SPA ne contredit pas véritablement cette version des faits donnée par la S. A. MATHEZ Transports Internationaux dans le courrier en question ; qu'il est effectif que la société CNAN Group SPA dans un autre courrier du 1er mars 2004, adressé à la S. A. MATHEZ Transports Internationaux pour lui annoncer la spoliation du conteneur n'a pas manifesté sa surprise quant à la véritable nature de la marchandise qui s'y trouvait ; que l'expert Monsieur Z... ne mentionne nullement l'existence de réserves ou de protestations de la société CNAN Group SPA quant à la nature de la marchandise autre que celle mentionnée sur l'ordre de mise à quai et que celle-ci ne lui aurait été révélée que postérieurement au vol ; que l'expert note « la fausse déclaration consciente de la nature de la marchandise confiée au transporteur maritime en vue de son embarquement à destination d'Annaba » et en déduit que, la véritable nature n'ayant pas été signalée à la S. N. C. SOCOMAN, elle, seule, semble pouvoir être exonérée de toute responsabilité ; que l'expert ne fait pas état d'une dissimulation aux yeux de la société CNAN Group SPA ; que, de plus, la société CNAN Group SPA, mise en demeure, dès le 9 mars 2004 et encore le 17 mars 2004, par l'Administration des Douanes d'acquitter des liquidations d'office de droits qui ont été pratiquées, n'a protesté par l'intermédiaire de son assureur ETIC, qu'ensuite du procès-verbal des douanes du 26 mars 2004 lui imputant en outre un défaut d'agrément ou de statut lui permettant de recevoir des marchandises « soumises à accises en suspension de droits et taxes » (c f le procès-verbal du 26 mars 2004 du responsable de la société CNAN Group SPA déclarant ignorer qu'il était assujetti au statut d'entrepositaire agréé), ce que son assureur ETIC reconnait également dans un courrier du 26 mars 2004 adressé à la S. A. MATHEZ Transports Internationaux (cf « la société CNAN Group SPA n'était pas habilitée à intervenir pour une exportation de cigarettes alcools relevant d'un régime séparé très encadré et particulier nécessitant une licence douanière complémentaire avec déclaration préalable » ; qu'il apparaît donc que d'une part, la société CNAN Group SPA connaissait la nature réelle des marchandises qui lui avaient été remises pour cette expédition ; que d'autre part, la société CNAN Group SPA était en position délicate vis-à-vis de l'Administration des Douanes après la découverte par celle-ci de la nature des marchandises faisant l'objet du vol et traitées par la société CNAN Group SPA, son assureur le reconnaît dans le même courrier du 26 mars 2004 (cf : « cela fragilise sa position d'opérateur local en douane », même si l'Administration des Douanes s'est bornée, le 26 mars 2006 également, à liquider d'office les droits et taxes consécutivement à la mise à la consommation sur le marché national des denrées volées ;
Attendu par contre qu'il n'est pas démontré que la S. N. C. SOCOMAN connaissait la véritable nature des marchandises renfermées dans le conteneur qu'elle avait reçu de la société CNAN Group SPA et positionné sur le poste à quai 42 et dont elle avait la garde ; que l'expert a exclu cette connaissance par la S. N. C. SOCOMAN ; que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux n'établit pas suffisamment que l'acconier connaissait la véritable nature de la marchandise ; que cette preuve n'est pas suffisamment rapportée par le fait que la S. N. C. SOCOMAN a satisfait le souhait exprimé conjointement par le commissionnaire de transport et par le chargeur d'un positionnement en hauteur et « sécurisé » du conteneur litigieux ; que la S. N. C. SOCOMAN a, contrairement à la société CNAN Group SPA, aussitôt le vol survenu, déploré par courrier du 4 mars 2004, l'absence d'information donnée à son chef d'exploitation quant à la « nature sensible » des marchandises ;
Attendu sur le cas excepté tenant au cas de force majeure prévue par l'article L 133-5 du Code de Commerce et par l'article 4 alinéa 2 q de la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, amendée, (« toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur »), que les circonstances du vol sont essentiellement connues par le témoignage précis, long et circonstancié de l'agent de surveillance de la S. A. R. L. T. H. AMGHAR ; que ce dernier indique qu'il a découvert très fortuitement les voleurs en action (il ne devait pas emprunter la travée entre des conteneurs dans laquelle les voleurs opéraient, comme n'étant pas le « chemin normal » de sa ronde, seul un incident mécanique subi par son véhicule l'en a détourné) ; qu'il ne fait pas état de l'usage ou même de la présence d'armes à feu ou autre, mais seulement de contrainte physique de la part des voleurs venus sur les lieux dans trois véhicules (une camionnette et deux berlines) ; qu'il précise qu'après son immobilisation forcée au sol où il était maintenu plaqué par le pied d'un individu, les voleurs ont poursuivi leur action, ne l'arrêtant plus tard qu'à la vue d'un véhicule de police ; que le vol (quasi exclusivement de colis de cigarettes) a eu lieu vers 5 heures, le 28 février 2004, dans l'enceinte portuaire, fermée et gardiennée après que le conteneur de 40'« gerbé » sur un autre a été déplacé de sa position en élévation et descendu à terre au moyen d'un engin de manutention (non identifié, comme emprunté à « l'environnement portuaire ») ;
Attendu que la contrainte physique que l'agent de surveillance a subie, n'était pas « programmée » par les voleurs non porteurs d'armes, qui n'y ont recouru qu'après leur découverte fortuite par l'agent de surveillance et le déplacement frauduleux déjà commencé de certaines marchandises ; qu'en l'état de telles circonstances, ni le commissionnaire de transport, la S. A. MATHEZ Transports Internationaux, ni le transporteur maritime, la société CNAN Group SPA ne peuvent se prévaloir d'un cas de force majeure à l'origine de la perte ; qu'il pouvait être paré à la commission du vol dès lors que toutes les précautions ou mesures raisonnables pour assurer la sauvegarde des marchandises et se prémunir contre les entreprises des voleurs même déterminés dans leur projet, mais qui ont opéré de manière assez peu discrète et en mettant en œ uvre des moyens importants (introduction non décelée de 3 véhicules dans l'enceinte portuaire et maniement d'un engin de levage sans attirer l'attention), n'ont pas été prises si bien qu'ils ont pu opéré assez librement, sans être autrement inquiétés que par un agent de surveillance qui s'était détourné de sa ronde habituelle ;
Attendu sur la faute lourde non réellement invoquée par Maître Béatrice X..., ès-qualités, mais évoquée par la S. A. MATHEZ Transports Internationaux pour nier qu'elle puisse être retenue à son encontre, qu'une telle faute est privative des limitations de responsabilité de la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, amendée ou / et de la loi du 18 juin 1966 en ce qui concerne le seul transporteur maritime ; que le commissionnaire de transport ne peut invoquer une cause de limitation de responsabilité qui n'est prévue qu'en faveur de son substitué ; qu'en l'espèce, aucune faute d'une telle nature, impliquant une incurie totale dans l'exécution de sa mission ne peut être imputée à la société CNAN Group SPA ;
Attendu que la société CNAN Group SPA ne se libère pas de la présomption de responsabilité pesant sur elle vis-à-vis du chargeur par application de la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, amendée, à défaut de faire la preuve d'un cas excepté et sera tenu à réparation vis-à-vis de la S. A. KS EXPORT ;
Attendu que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux, commissionnaire de transport est garante en application des articles L 132-4 et L 132-5 du Code de Commerce des pertes et dommages subies par la S. A. KS EXPORT ; qu'elle ne peut se prévaloir des limitations d'indemnisation dont la société CNAN Group SPA bénéficie dès lors que sa responsabilité est recherchée sur le fondement de sa faute personnelle ; qu'il appartient à la S. A. KS EXPORT de démontrer que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux a commis une faute personnelle dans l'exécution de la mission qui lui a été confiée ; qu'elle invoque l'absence de protection supplémentaire du conteneur ensuite du retard dans l'appareillage du navire et l'absence d'information donnée par la S. A. MATHEZ Transports Internationaux à la société CNAN Group SPA sur la véritable nature de la marchandise ; qu'aucune faute personnelle ne peut être imputée à la S. A. MATHEZ Transports Internationaux dès lors qu'elle avait pris des mesures renforcées de sauvegarde du conteneur en limitant au maximum son stationnement dans l'enceinte portuaire, fermée, gardiennée et sous surveillance vidéo compte tenu du jour prévu pour l'appareillage du navire et en faisant placer le conteneur dans une configuration (en hauteur, porte bloquée) qui devait réduire les risques de vol et dès lors que la société CNAN Group SPA connaissait la nature véritable de la cargaison ; que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux n'a pas commis de faute dans la surveillance de l'opération de transport et dans le traitement de la difficulté provenant du retard (jusqu'au 4 mars 2004) dans l'appareillage du navire ; que le vol est survenu dans la nuit qui a suivi le jour où le navire devait appareiller, ce qui ne permettait pas à la S. A. MATHEZ Transports Internationaux qui avait remis la marchandise à la société CNAN Group SPA de prendre, le cas échéant, compte tenu du très bref laps de temps entre l'annonce du retard et la survenance du vol, d'autres mesures de sauvegarde ou de donner des instructions en ce sens ;
Attendu que la société CNAN Group SPA et la S. A. MATHEZ Transports Internationaux bénéficient de la limitation d'indemnisation prévue par la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, amendée, soit 666, 67 DTS par colis (limite la plus élevée étant applicable) ; qu'il convient de retenir les documents non contestables remis à la société CNAN Group SPA et destinés à l'établissement du connaissement qui n'a pas été émis, en raison de la survenance du vol ; que l'expert a déterminé précisément le nombre de colis qui ont été volés en ce qui concerne les cigarettes ou endommagés en ce qui concerne les alcool, soit selon son rapport en pages 9 et 10 : 147 pour les cigarettes et 8 pour les alcools ; que la limite d'indemnisation s'établit à 155 X 666, 67 DTS = 103. 333, 85 DTS ; que la S. A. KS EXPORT justifie de son préjudice à hauteur de 91. 353, 56, ainsi que les premiers juges l'ont justement évalué ; que la somme de 18. 081, 45 de « frais divers et honoraires » réclamée en sus n'est pas suffisamment justifiée ; que la limitation d'indemnisation représentée par la contre-valeur en au jour de l'arrêt (article 23. 7 de la C. M. R.), de 103. 333, 85 DTS est (et sera très vraisemblablement) supérieure au montant du préjudice retenu ;
Attendu que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux qui n'a pas commis de faute personnelle est en droit d'exercer son recours contre sa substituée, la société CNAN Group SPA qui avait la garde des marchandises au moment où le vol a été commis ; que la société CNAN Group SPA avait, afin de la transporter, pris en charge et accepté la marchandise qui avait été mise à quai, la S. N. C. SOCOMAN agissant pour son compte lors de la réception ; que la société CNAN Group SPA n'a pas de recours contre son acconier qu'elle n'a pas informée de la nature des marchandises qu'il était chargé de manutentionner, et qui n'a commis aucune faute dans la mise en œ uvre des mesures propres à sauvegarder l'intégrité du conteneur non signalé comme particulièrement « sensible » et néanmoins placé en hauteur, sa porte d'ouverture bloquée ; que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux ne dispose pas de recours contre la S. N. C. SOCOMAN qu'elle n'a pas missionnée ;
Attendu que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux ne discute pas le principe et le montant de sa condamnation au titre d'une compensation qu'elle a opérée indûment à hauteur de 10. 475, 19 € au profit de la société CNAN Group SPA ;
Attendu que la S. A. MATHEZ Transports Internationaux sollicite la condamnation de la société CNAN Group SPA à lui payer tous les frais engagés postérieurement au vol pour assurer l'expédition de la partie des marchandises non spoliées, soit 60. 046, 42 ; que le principe de cette demande doit être admis, en l'état de la responsabilité exclusive de la société CNAN Group SPA dans la survenance du vol ; que cependant la S. A. MATHEZ Transports Internationaux avait déjà reçu de la S. A. KS EXPORT la somme de 25. 000 € sur le montant des frais qu'elle avait engagés ; que la demande de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux n'est bien fondée qu'à hauteur de la différence, soit 35. 046, 42 € ;
Attendu qu'il est sans intérêt d'examiner le recours en garantie de la S. N. C. SOCOMAN contre la S. A. R. L. T. H. AMGHAR la société de gardiennage qu'elle avait missionnée dès lors qu'aucune condamnation n'est prononcée contre la S. N. C. SOCOMAN ;
Attendu que la société CNAN Group SPA a acquitté divers droits indirects ou « accises », droits de consommation sur les tabacs, T. V. A. … à concurrence de 272. 243 € liquidés d'office, le 13 avril 2004, ensuite du vol des marchandises destinées à la réexportation, placées sous douane en Magasin et Aire de DédouanemenT (MADT), vol assimilé à une » mise à la consommation » desdites marchandises ; que la société CNAN Group SPA s'est acquittée, le 30 avril 2004, de ces droits « douaniers » en exécution de l'article 82 ter du code des douanes qui dispose que l'admission des marchandises dans les magasins ou sur les aires de dédouanement a pour effet de les placer sous la responsabilité de l'exploitant vis-à-vis de l'Administration des Douanes ; que la société CNAN Group SPA n'est pas le redevable « naturel » de ces droits assis sur des marchandises spoliées pour lesquelles la S. A. KS EXPORT, leur expéditeur, a reçu une indemnisation ; que la S. A. KS EXPORT est en liquidation judiciaire ; que la société CNAN Group SPA ne justifie pas avoir fait une déclaration de créance entre les mains du représentant des créanciers ; qu'aucune condamnation ne saurait être prononcée contre la S. A. KS EXPORT en liquidation judiciaire, ce que la société CNAN Group SPA se borne à solliciter dans ses conclusions ;
Attendu que les droits « douaniers » afférents à des marchandises volées qui étaient sous la garde de la société CNAN Group SPA, liquidés à la suite de la soustraction frauduleuse des marchandises et acquittés par la société CNAN Group SPA en vertu de la réglementation douanière, constituent un élément du préjudice subi par l'ayant droit à la marchandise, la S. A. KS EXPORT ; que le droit à indemnisation de la S. A. KS EXPORT est limité par application combinée de la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, amendée et de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (C. M. R.) à 103. 333, 85 DTS ; que la société CNAN Group SPA disposait effectivement à l'encontre de la S. A. KS EXPORT d'une action tendant au remboursement de toutes sommes venant en réparation des pertes et dommages subis par la marchandise et restant à la charge de la société CNAN Group SPA, pour leur montant qui excéderait la limitation d'indemnisation ; qu'au titre de la réparation résultant du contrat de transport, la société CNAN Group SPA est condamnée, par le présent arrêt, à payer à la S. A. KS EXPORT la somme de 91. 353, 56 € à titre de dommages-et-intérêts et a versé à l'Administration des Douanes pour le compte de la S. A. KS EXPORT la somme de 272. 243 € ; que l'action de la société CNAN Group SPA n'aurait pu s'exercer que pour la différence entre d'une part, la limitation d'indemnisation représentée par la contrevaleur en de 103. 333, 85 DTS et d'autre part, les sommes cumulées de 91. 353, 56 € et de 272. 243 € ;
Attendu que l'action de la société CNAN Group SPA en paiement de la somme de 272. 243 € dirigée contre la S. A. MATHEZ Transports Internationaux est recevable, à défaut de démonstration suffisante de la part de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux que la société CNAN Group SPA est dépourvue d'intérêt pour agir ; que la société CNAN Group SPA a apparemment acquitté sur ses fonds les droits « douaniers » mis en recouvrement, sans avoir reçu de ses assureurs une indemnité d'assurance ;
Attendu qu'à retenir et examiner le seul fondement invoqué par la société CNAN Group SPA à l'appui de sa demande en paiement, à savoir l'existence d'un mandat tacite entre le commissionnaire de transport et le transporteur maritime quant au « maintien hors droit » des marchandises litigieuses, il apparait que le mandataire, aux termes des articles 1999 ou 2000 du Code Civil, a droit soit au remboursement des frais et avances qu'il a fait pour l'exécution du mandat reçu, soit à l'indemnisation des pertes qu'il a essuyées à l'occasion de sa gestion, s'il n'y a aucune faute ou aucune imprudence qui lui soit imputable ; qu'en l'espèce, hors le cadre des relations résultant du contrat de transport, mais dans les rapports entre la S. A. MATHEZ Transports Internationaux, mandante et la société CNAN Group SPA, mandataire, cette dernière chargée d'exploiter des marchandises entrées dans ses entrepôts en « MADT » et de les en faire sortir sous un autre régime douanier en vue de leur réexportation en Algérie sans acquittement de divers droits, a manqué à l'obligation d'assurer la conservation physique de la marchandise ; que celle-ci a été volée alors qu'elle était sous sa garde ; que la société CNAN Group SPA qui savait que la marchandise était exposée à la convoitise, l'a entreposée en prenant des mesures insuffisantes pour assurer sa sécurité et la soustraire aux entreprises des voleurs, notamment après le retard de 5 jours pleins (du 27 février au 4 mars 2004) pris dans l'appareillage de son navire « Blue Sky » ; que la société CNAN Group SPA n'a pas fait toutes les diligences utiles qui lui incombaient pour mettre alors en sécurité la marchandise ; qu'il s'ensuit, outre les autres fautes de la société CNAN Group SPA tirées-de l'irrégularité de sa situation au regard de la réglementation douanière qu'elle a reconnue initialement et-de son absence de contestation quant à la liquidation des droits afférents à la T. V. A. qui, selon une jurisprudence européenne, ne pouvaient être exigés, (le vol de la marchandise ne constituant pas une livraison et ne permettant pas de soumettre à la T. V. A. des marchandises dérobées), que la société CNAN Group SPA ne peut obtenir la condamnation de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux à lui rembourser la somme de 272. 243 € ;
Attendu que le jugement attaqué ne comporte aucune condamnation de l'un ou l'autre des nombreux assureurs présents à l'instance et que dans le dispositif de leurs conclusions, les parties ne sollicitent pas la condamnation d'un assureur, à l'exception de la S. N. C. SOCOMAN qui a pris des conclusions contre la S. A. Compagnie GAN Assurances IARD, assureur de la S. A. R. L. T. H. AMGHAR ; que celle-ci ayant été mise hors de la cause, aucune condamnation ne peut donc être prononcée contre un assureur ;
Attendu que la Compagnie HELVETIA, assureur de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux qui a réglé au tiers lésé, la S. A. KS EXPORT, une indemnité (87. 765, 93) pour les pertes et dommages subis par la marchandise ne peut agir contre son assurée qui a été condamnée in solidum avec la société CNAN Group SPA à payer à la S. A. KS EXPORT au titre desdits dommages, la somme de 91. 353, 56 € ;
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que notamment, la société CNAN Group SPA, partie tenue aux dépens devra payer des sommes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,
Reçoit l'appel de la S. A. MATHEZ Transports Internationaux comme régulier en la forme.
Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau, condamne in solidum la S. A. MATHEZ Transports Internationaux et la société CNAN Group SPA à porter et payer à Maître Béatrice X..., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la S. A. KS EXPORT la somme de 91. 353, 56 € à titre de dommages-et-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement attaqué, à titre compensatoire, et celle de 6. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.
Dit que la société CNAN Group SPA devra relever et garantir la S. A. MATHEZ Transports Internationaux de l'intégralité des condamnations prononcées contre elle et au profit de Maître Béatrice X..., ès-qualités, y compris les dépens de l'instance.
Déboute la société CNAN Group SPA de sa demande en remboursement des droits « douaniers », dirigée contre la S. A. MATHEZ Transports Internationaux et la S. A. KS EXPORT.
Condamne la S. A. MATHEZ Transports Internationaux à porter payer à la société CNAN Group SPA la somme de 10. 475, 19 € avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice.
Condamne la société CNAN Group SPA à porter et payer à la S. A. MATHEZ Transports Internationaux la somme de 35. 046, 42 € avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice.
Ordonne la compensation entre ces deux condamnations.
Met hors de la cause la S. N. C. SOCOMAN, la S. A. R. L. T. H. AMGHAR et la S. A. Compagnie GAN Assurances IARD, prise en sa qualité d'assureur de la S. A. R. L. T. H. AMGHAR.
Dit le présent arrêt opposable à la Compagnie HELVETIA, à la S. A. Assurances Générales de France I. A. R. T. et à la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport.
Condamne la société CNAN Group SPA à porter et payer à la S. A. MATHEZ Transports Internationaux la somme de 4. 000 €, à la S. N. C. SOCOMAN la somme de 3. 000 € et à la S. A. Assurances Générales de France I. A. R. T. celle de 3. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne la S. N. C. SOCOMAN à porter payer à la S. A. R. L. T. H. AMGHAR la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum la S. A. MATHEZ Transports Internationaux et la société CNAN Group SPA aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit des avoués de la cause, sur leur affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT