COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15o Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 17 OCTOBRE 2008
No 2008 /
Rôle No 07 / 00828
MONSIEUR LE TRESORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU
C /
Yves Z...
Me Eric A...
Grosse délivrée
le :
à : JAUFFRES
LIBERAS
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 21 Décembre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 06 / 5065.
APPELANTE
MONSIEUR LE TRESORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU, comptable chargé du recouvrement, 144 route de Martigues-BP 68-13170 LES PENNES MIRABEAU
représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
assistée de la SCP BREU M. L-DE VILLEPIN E., substituée par Me Stéphanie WEBER, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMES
Monsieur Yves Z...
né le 05 Janvier 1950 à AIX EN PROVENCE (13), demeurant Chez Madame B...- ...
représenté par la SCP LIBERAS-BUVAT-MICHOTEY, avoués à la Cour, la SCP ANDRE-ANDRE ET ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Franck PEREZ, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître A... Eric, pris en sa qualité de liquidateur à la LJ de Monsieur Yves Z...
Intervenant Forcé
demeurant ...
défaillant
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Olivier BRUE, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Denis JARDEL, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Véronique DEVOGELAERE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2008.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2008,
Signé par Monsieur Denis JARDEL, Président et Madame Véronique DEVOGELAERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 14 février 2006, LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU a fait délivrer à Monsieur Yves Z... un commandement de payer ainsi que divers avis à tiers détenteur.
Monsieur Yves Z... a formé une contestation, le 14 avril 2006, devant l'administration fiscale qui a pris une décision de rejet le 16 mai 2006.
Par acte du 13 juillet 2006, Monsieur Yves Z... a fait citer LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU devant le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE aux fins d'obtenir l'annulation de l'ensemble des actes de poursuite diligentés à son encontre et la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement du 21 décembre 2006, le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE a annulé le commandement de payer, état numéro 0600045, en date du 14 février 2006, ainsi que les avis à tiers détenteur émis le même jour, et dit n'y avoir lieu à statuer sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Par déclaration au greffe de la Cour en date du 16 janvier 2007 par LA TRÉSORERIE DES PENNES MIRABEAU, rectifiée le 13 novembre 2007, par LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU, il a été relevé appel de cette décision.
LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU conclut à la réformation du jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE et sollicite que le commandement de payer du 14 février 2006 et les avis à tiers détenteur émis le même jour soient déclarés parfaitement réguliers en la forme. Il réclame la condamnation de Monsieur Yves Z... à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU fait valoir que l'exception d'irrecevabilité de l'appel liée au défaut de qualité et de capacité à ester en justice de LA TRÉSORERIE DES PENNES MIRABEAU ne peut prospérer compte tenu de l'identité de dénomination de cette partie.
Il expose que l'article L. 253 du Livre des procédures fiscales du Code général des impôts prévoit qu'un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs, sans préciser que celui-ci doit se faire en recommandé avec avis de réception et ajoute que les avertissements correspondants, expédiés à l'adresse figurant sur les rôles, n'ont pas été retournés par la poste avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée ».
LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU indique détenir par ailleurs le justificatif informatique d'envoi d'une lettre de rappel à Monsieur Z... le 8 septembre 2003, pour un montant de 22 162 €.
Il soutient que l'avis à tiers détenteur étant un acte n'entraînant pas les frais à la charge du redevable prévus par l'article 1912 du Code général des impôts, celui-ci n'a donc pas à être précédé d'une lettre de rappel.
Monsieur Yves Z... soulève l'irrecevabilité de l'appel, conclut à la confirmation du jugement, sollicite l'annulation du commandement de payer daté du 14 mai 2006 et des divers avis à tiers détenteur émis le même jour et réclame la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Monsieur Yves Z... estime que LA TRÉSORERIE DES PENNES MIRABEAU ne dispose pas de la personnalité juridique, que seul le comptable public avait compétence exclusive pour former appel et que la déclaration, intervenue au nom du TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU, après l'expiration du délai d'appel, ne peut couvrir cette irrégularité de fond.
Il affirme ne pas avoir reçu, comme l'exige l'article L253 du Livre des procédures fiscales, la notification des titres, c'est à dire des extraits du rôle, et des avis d'imposition supplémentaires, relatifs à l'impôt sur le revenu des années 1999, 2000 et 2001 pour l'exercice de sa profession d'infirmier libéral, et précise que les titres exécutoires n'étaient pas joints aux actes de poursuite. Il considère que l'état informatique établi par l'administration fiscale elle même ne peut constituer un moyen de preuve suffisant de la notification.
Il considère que la charge de la preuve du respect de l'obligation de notification du titre conditionnant la validité des poursuites incombe au comptable public poursuivant.
Monsieur Yves Z... invoque l'absence d'envoi préalable de la lettre de rappel prévue par l'article L255 du même code et reconnue en l'espèce par l'appelant. Il souligne que l'article 1912 du Code général des impôts ne peut s'appliquer à un texte postérieur et considère subsidiairement que l'avis à tiers détenteur est une saisie faisant l'objet de frais forfaitaires.
Maître Eric A..., mandataire judiciaire, liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur Yves Z... n'a pas constitué avoué ni comparu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 mars 2008.
Par arrêt avant dire droit du 23 mai 2008, la Cour a déclaré l'appel recevable et ordonné la réouverture des débats pour recueillir les observations des parties sur la compétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur la question de l'absence d'envoi préalable des avis d'imposition et pour production par celles-ci du courrier de contestation du 14 avril 2006.
Par conclusions déposées le 7 juillet 2008, LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU réitère ses demandes formées en cause d'appel.
LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU expose que la juridiction administrative est compétente pour connaître de l'opposition à un acte de poursuite fondée sur la circonstance qu'à la date de notification de l'acte, les impositions n'étaient pas exigibles, faute que le contribuable ait reçu l'avis d'imposition l'informant de leur mise en recouvrement.
Par écritures du 4 juillet 2008, Monsieur Yves Z... sollicite que la Cour se déclare compétente pour examiner le moyen d'irrégularité formelle tiré de l'absence de notification régulière du titre exécutoire constatant les créances en recouvrement desquelles les actes de poursuite ont été délivrés, conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'annulation des actes de poursuite et réclame la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur Yves Z... soutient que si le juge de l'impôt est seul compétent pour connaître de l'absence d'envoi préalable des avis d'imposition, le juge judiciaire est, lui, naturellement compétent pour examiner la question de la régularité formelle d'un acte de poursuite qui n'a pas été précédé de la notification du titre exécutoire constatant les créances en recouvrement desquelles le dit acte a été délivré.
Il précise que le titre exécutoire au sens de l'article 2 de la loi du 9 juillet 1991 n'est pas l'avis d'imposition, mais l'extrait du rôle, certifié conforme par le comptable public compétent et rendu exécutoire par l'ordonnateur qui l'a émis.
L'ordonnance de clôture est intervenue le premier septembre 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU qui se réfère à l'envoi préalable de l'avis d'imposition prévu par l'article L. 253 du Livre des procédures fiscales, visé par le premier juge, indique dans ses propres écritures que ce point relève de l'appréciation des juridictions administratives ;
Attendu qu'il n'y a ainsi pas lieu d'examiner cette question relevant de l'exigibilité de l'impôt et non de la régularité en la forme des actes de poursuite, ce, en application de l'article L. 281 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 9 juillet 1991, seul le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur ;
Attendu l'article 3- 6o du même texte précise que seuls constituent des titres exécutoires, notamment les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement ;
Attendu que l'article L. 252 A du Livre des procédures fiscales édicte que constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'État, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toutes natures qu'ils sont habilités à recevoir ;
Attendu qu'en matière d'impôts directs et de taxes assimilées, le titre exécutoire est constitué par le rôle prévu par l'article 1658 du Code général des impôts et non par l'avis d'imposition ;
Attendu que les titres exécutoires émis par une personne morale de droit public ne peuvent donner lieu à une mesure d'exécution forcée s'ils n'ont pas été notifiés au débiteur ;
Attendu que la charge de la preuve de la notification de l'extrait du titre exécutoire incombe au comptable public procédant au recouvrement de l'impôt ;
Attendu que LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU, qui ne saurait se limiter à se prévaloir d'une présomption d'envoi, ne verse pas aux débats la copie de l'extrait du rôle rendu exécutoire par arrêté du préfet ;
Attendu que dans ces conditions, ni le contribuable, ni le juge, ne sont en mesure de vérifier le caractère exécutoire du titre servant de fondement aux actes de poursuite contestés ;
Qu'aucun justificatif de la notification d'un titre exécutoire n'est produite ;
Attendu que l'exigence de notification préalable du titre exécutoire est une condition de fond
dont le non-respect entraîne la nullité des actes de poursuite, indépendamment de tout grief ;
Attendu qu'il convient d'annuler le commandement de payer no 0600045 et les avis à tiers détenteur délivrés par LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU le 14 février 2006, à l'encontre de Monsieur Yves Z... ;
Attendu que le moyen tiré de l'absence de délivrance de la lettre de rappel se trouve ainsi sans objet ;
Attendu que le jugement est confirmé ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement déféré,
Rejette les autres demandes,
Condamne LE TRÉSORIER PRINCIPAL DES PENNES MIRABEAU aux dépens, ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,