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02/10/2008 | FRANCE | N°337

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Chambre civile 1, 02 octobre 2008, 337


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 02 OCTOBRE 2008

No 2008 / 337

Rôle No 06 / 15048

Martine X...

C /

SARL JASMIN

Grosse délivrée
le :
à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 26 Juillet 2006 enregistré au répertoire général sous le no 05 / 5890.

APPELANTE

Madame Martine X...

demeurant ...

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour,

assi

stée de la SCP MACHETTI RHODIUS CREPEAUX, avocats au barreau de GRASSE substituée par Maître Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMEE

SARL ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 02 OCTOBRE 2008

No 2008 / 337

Rôle No 06 / 15048

Martine X...

C /

SARL JASMIN

Grosse délivrée
le :
à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 26 Juillet 2006 enregistré au répertoire général sous le no 05 / 5890.

APPELANTE

Madame Martine X...

demeurant ...

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour,

assistée de la SCP MACHETTI RHODIUS CREPEAUX, avocats au barreau de GRASSE substituée par Maître Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMEE

SARL JASMIN, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège social sis,

demeurant 122 rue d'Antibes-06400 CANNES

représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,

assistée de Maître Michel ROUX, avocat au barreau de GRASSE

*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Juin 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile Madame Brigitte BERNARD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie-Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Christine RAGGINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2008.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2008,

Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie-Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte du 24 novembre 1999, Martine X... a donné à bail, à effet du 1er octobre 1999 et pour une durée de 23 mois s'achevant le 31 octobre 2001, un local sis 17, Boulevard Baudoin à JUAN LES PINS (Alpes Maritimes) à la SARL JASMIN pour qu'elle y entreprenne une activité de vente de vêtements et autres sous l'enseigne P'TIT MEC.
Par acte du 7 octobre 2001, Martine X... a donné à bail le même local, pour une durée de 23 mois s'achevant le 6 octobre 2003, à Mme B..., associée majoritaire de la SARL JASMIN.
Par un troisième contrat, Martine X... a donné à bail le même local, pour une durée de 23 mois s'achevant au 06 septembre 2005, à la SARL JASMIN.

Par acte du 20 octobre 2005, Martine X... manifestait son intention de mettre fin au bail.

Par acte du 5 septembre 2005, la SARL JASMIN a assigné Martine X... devant le Tribunal de Grande Instance de GRASSE aux fins de juger qu'elle bénéficie d'un bail commercial au sens des articles L. 145-1 et s du Code de commerce.

Martine X... a conclu à la prescription de l'action et au débouté des demandes au motif que la signature du 3ème bail vaut renonciation au statut auquel elle prétend.

Par jugement du 26 juillet 2006, le Tribunal de Grande Instance de GRASSE a :
- débouté Martine X... de son moyen tiré de la prescription de l'action,
- dit que Martine X..., bailleresse, et la SARL JASMIN, locataire, sont liées par un bail commercial soumis aux dispositions des articles L. 145-1 et s du Code de commerce,
- dit que ce bail est intervenu le 7 octobre 2001 à compter du 7 novembre 2001,
- condamné Martine X... à verser à la SARL JASMIN la somme de 1. 300 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné Martine X... aux entiers dépens.

Par acte du 25 août 2006, Martine X... a fait appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions signifiées le 21 décembre 2006 et auxquelles il est renvoyé, Martine X... demande à la Cour :
- de recevoir l'appel interjeté et de réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- de juger que la SARL JASMIN est irrecevable en sa demande comme y ayant renoncé et étant prescrite et de l'en débouter,
- de juger que la SARL JASMIN est occupante sans droit ni titre du local litigieux et de la condamner, sous telle astreinte qu'il plaira à la Cour de fixer, à remettre des clefs dudit local libre d'occupation, à l'appelante,
- d'ordonner l'expulsion de l'intimée et celle de tous occupants de son chef, si nécessaire avec le concours de la force publique,
- de condamner en deniers ou quittance, la SARL JASMIN au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la valeur locative des locaux du 6 septembre 2005 jusqu'à libération complète des lieux,

- de condamner l'intimée au paiement de la somme de 1. 500 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

A l'appui de ses demandes, l'appelante expose d'une part que l'action est prescrite comme étant biennale, le point de départ devant être fixé selon elle au 7 novembre 2001. En outre, elle estime que la fraude, à considérer qu'elle existe, ne suspendrait la prescription qu'à condition de la concerner, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
L'appelante expose d'autre part que la locataire aurait renoncé au statut des baux commerciaux dans la mesure où elle a signé un bail dérogatoire alors même que son droit issu de l'article 145-5 du Code de commerce était acquis
Enfin, concernant la fraude invoquée par l'intimée, l'appelante prétend que ce n'est pas elle qui est allée démarcher Mme B... et que l'interposition de personnes dont se prévaut l'intimée serait en réalité de son fait.

Par ses dernières conclusions signifiées le07 février 2008 et auxquelles il est renvoyé, la société JASMIN demande à la Cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de condamner Martine X... au paiement de la somme de 3. 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens,
- d'ordonner l'exécution provisoire.

A l'appui de ses prétentions, la société intimée remet en cause la prescription invoquée par l'appelante en soulevant une interposition de personne frauduleuse dans la conclusion du 2ème bail dérogatoire. Elle invoque l'adage fraus omnia corrumpit.
Par ailleurs, concernant la renonciation au statut des baux commerciaux, la société intimée relève l'absence de renonciation expresse et non équivoque de sa part.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 28 mai 2008.

SUR CE, LA COUR

Considérant que la recevabilité de l'appel n'est pas critiquée ;

Considérant, en premier lieu, que Martine X..., bailleresse, oppose l'exception de prescription biennale en défense à l'action principale, exercée par la SARL JASMIN, et tendant à la mise en oeuvre à son profit des dispositions du statut des baux commerciaux, à compter du 07. 10. 2001, date de la signature du bail dérogatoire de 23 mois entre Martine X... et madame B... concernant des locaux situés 17 boulevard Baudoin à JUAN LES PINS (06) ;

Considérant que le point de départ du délai de la prescription est le jour où naît l'action que la prescription sanctionne ;

Que la SARL JASMIN, revendiquant la propriété commerciale à compter du bail du 07. 10. 2001, ou du 07. 11. 2001 date d'effet de ce bail, qui lui ouvrirait le droit à l'application du statut des baux commerciaux, il suit que son action s'est normalement prescrite au plus tard le 07. 11. 2003 ; que l'assignation introductive d'instance étant en date du 05. 09. 2005, la SARL JASMIN ne serait donc plus recevable à agir en requalification du bail du 07. 10. 2001 en bail commercial ;

Considérant que le Tribunal a admis le principe de cette prescription biennale mais a estimé que Martine X... ne pouvait prétendre à son bénéfice, " dans la mesure où elle a suscité ou à tout le moins accepté l'usage d'un prête nom dans le but. de déroger à la réglementation sur les baux commerciaux ", à la date de la signature du bail avec madame B... ;

Considérant qu'au vu des pièces produites aux débats, c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte, que le Tribunal a retenu qu'en concluant un premier bail dérogatoire avec la SARL JASMIN le 24. 11. 1999 puis un deuxième bail dérogatoire le 07. 10. 2001 avec madame B..., associée majoritaire de la SARL JASMIN, pour l'exploitation effective du même fonds de commerce par la même personne, l'identité différente du deuxième preneur ne correspondant qu'à un prête-nom pour faire échec au statut des baux commerciaux, Martine X... avait agi en fraude des droits du preneur véritable, la SARL JASMIN, laquelle était réputée bénéficier des dispositions statutaires à compter de l'expiration du bail initial ;

Considérant, en effet, que la SARL JASMIN démontre amplement qu'elle s'est maintenue dans les lieux loués depuis le 31. 10. 2001, malgré le bail conclu avec madame B..., cette dernière n'étant pas immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés ; que la SARL JASMIN justifie que le commerce exploité est resté le même, avec la même enseigne, qu'elle a réglé elle-même les loyers, notamment en 2003, et qu'elle a toujours payé l'eléctricité, le téléphone et la taxe professionnelle ;

Que, par ailleurs, c'est bien en toute connaissance de sa qualité de prête-nom de la SARL JASMIN que Martine X... a signé un bail dérogatoire avec madame B... pour, ensuite, souscrire un troisième bail dérogatoire avec la SARL JASMIN pour les mêmes locaux le 02. 10. 2003 ;

Considérant, cependant, que c'est à tort que le Tribunal a dit qu'en raison de ce comportement, ayant pour but. de déroger frauduleusement au statut des baux commerciaux et notamment à l'article L 145-5 du Code de Commerce, Martine X... n'était plus recevable à invoquer la prescription biennale de l'action de la SARL JASMIN ;

Que ces manoeuvres déloyales ont suspendu la prescription biennale, la SARL JASMIN étant dans l'impossibilité d'exercer son action en revendication de la propriété commerciale pendant la durée du bail dérogatoire conclu avec madame B... ;

Que cette suspension a pris fin le 02. 10. 2003, date à laquelle la SARL JASMIN a signé un nouveau bail dérogatoire avec Martine X... ; qu'en assignant celle-ci le 05. 09. 2005 en requalification du deuxième bail dérogatoire, la SARL JASMIN a agi dans le délai de la prescription biennale ;

Considérant ainsi, que l'exception de prescription soulevée par Martine X... sera rejetée, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef, mais partiellement pour d'autres motifs ;

Considérant, au fond, que, contrairement à ce qu'a dit le Tribunal, c'est valablement que la SARL JASMIN a renoncé au droit à la propriété commerciale, qu'elle avait acquis depuis le 01. 11. 2001, en signant un nouveau bail dérogatoire le 02. 10. 2003, contenant une clause expresse, non équivoque, de renonciation au bénéfice du statut des baux commerciaux ;

Qu'en effet, cette clause est ainsi libellée dans l'article 1 du contrat sous le titre : " régime juridique " : " De convention expresse sans laquelle le présent bail n'aurait pas été conclu, les parties entendent déroger aux dispositions du décret no 53-960 du 30. 09. 1953 portant statut général des baux commerciaux. En conséquence, et conformément à l'article 3-2 du décret précité, ce bail, soumis aux seules dispositions du droit commun relatives aux baux et notamment aux articles 1714 à 1762 du Code Civil, est conclu pour une durée au plus égale à 24 mois, jour pour jour.

Dans le cadre de l'article 3-2 du décret précité, le preneur reconnaît n'avoir aucun droit à la propriété commerciale sur lesdits locaux, qu'il s'oblige irrévocablement à libérer à l'expiration du terme fixé.

Ce bail est unique : il ne peut en aucun cas être prorogé ou renouvelé ni au-delà de 24 mois, ni à l'intérieur de la période de 24 mois ; enfin, ce bail n'est en aucun cas renouvelable par tacite reconduction.

Les parties sont informées qu'en cas de renouvellement exprès du bail, à l'expiration de la durée stipulée au présent contrat ou en cas de conclusions d'un nouveau bail entre les mêmes parties et pour le même local, le nouveau bail sera régi par le décret no 53-960 DU 30. 09. 1953 qui entraîne la propriété commerciale pour le preneur.
Le montant du loyer est librement fixé entre les parties.
Ce bail s'applique aux personnes physiques et morales immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés et / ou au Répertoire des Métiers. "

Considérant que ces dispositions contractuelles très explicites caractérisent une renonciation valable à la propriété commerciale par la SARL JASMIN et ce, d'autant que cette même clause de renonciation figure dans les deux précédents baux dérogatoires dont elle se prévaut, ce qui n'a pu qu'attirer son attention sur l'importance de ladite clause ; qu'ainsi, la SARL JASMIN, commerçante et donc professionnelle avertie, a renoncé en toute connaissance de cause au bénéfice du statut des baux commerciaux en signant le bail dérogatoire, en date du 02. 10. 2003 ;

Considérant, dès lors, que le jugement entrepris, sera infirmé en ce qu'il a dit que Martine X..., bailleresse et la SARL JASMIN, locataire, seraient liées par un bail commercial, intervenu le 07. 10. 2001 et soumis aux articles L-145-1 et suivants du Code de Commerce ;

Considérant qu'il convient de déclarer la SARL JASMIN occupante sans droit ni titre, depuis le 06. 09. 2005, des locaux, sis boulevard Baudoin à JUAN-LES-PINS (06), appartenant à Martine X..., d'ordonner son expulsion des lieux occupés sous l'astreinte fixée dans le dispositif de l'arrêt, à défaut de remise des clés des locaux dans les deux mois suivant la signification du présent arrêt ;

Considérant que la SARL JASMIN sera aussi condamnée à payer une indemnité d'occupation mensuelle, à compter du 06. 09. 2005, à Martine X..., d'un montant égal, non à la valeur locative des locaux, qui ne se justifie pas et n'est, au demeurant, pas connue, mais au montant du dernier loyer en cours, taxes et charges en sus, au 06. 09. 2005 jusqu'à la libération définitive des locaux ;

Considérant enfin qu'il est équitable de condamner la SARL JASMIN à payer à Martine X... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel, l'appelante étant déchargée de la condamnation, prononcée à son encontre, au même titre par le Tribunal ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant en audience publique, contradictoirement

-Reçoit l'appel.

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription biennale, soulevée par Martine X....

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions.

Statuant à nouveau :

- Dit que la SARL JASMIN a valablement renoncé au bénéfice du statut des baux commerciaux, acquis depuis le 01. 11. 2001, en signant un nouveau bail dérogatoire le 02. 10. 2003, contenant une clause expresse et non équivoque de renonciation à la propriété commerciale.

- Déclare la SARL JASMIN, occupante sans droit ni titre depuis le 06. 09. 2005, des locaux, sis 17 boulevard Baudoin à JUAN LES PINS (06), appartenant à Martine X....

- Ordonne l'expulsion de la SARL JASMIN et de tous occupants de son chef des lieux occupés, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la date de signification du présent arrêt et au besoin avec le concours de la Force Publique.

- Condamne la SARL JASMIN à payer à Martine X..., en deniers ou quittances, une indemnité d'occupation mensuelle, égale au montant du dernier loyer en cours au 06. 09. 2005, charges et taxes en sus, jusqu'à la libération définitive des locaux.

- Condamne la SARL JASMIN à payer à Martine X... 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

- Condamne la SARL JASMIN aux entiers dépens de première instance et d'appel. Admet la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 337
Date de la décision : 02/10/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

ARRET du 08 avril 2010, Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 avril 2010, 08-70.338, Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Grasse, 26 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2008-10-02;337 ?
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