2ème Chambre
ARRÊT AU FOND DU 25 SEPTEMBRE 2008
No 2008 / 304
Rôle No 06 / 14004
S. A. R. L. IRIS SURETE SAINT PAUL
C /
S. A. ADT TELESURVEILLANCE
Grosse délivrée à : COHEN MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 30 juin 2006 enregistré au répertoire général sous le no 2005 06803
APPELANTE
S. A. R. L. IRIS SURETE SAINT PAUL dont le siège est sis 46 boulevard des Fumerates-06570 SAINT PAUL représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour, plaidant par Me Stéphanie LENOIR pour la la SCP JAKUBOWICZ et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
INTIMEE
S. A. ADT TELESURVEILLANCE dont le siège est sis 10 rue Alphone de Neuville-75017 PARIS représentée par Me Paul MAGNAN, avoué à la Cour, plaidant par Me Jérôme LETANG substitué par Me Vinciane ESCOT, avocats au barreau de LYON
*- *- *- *- * COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 4 septembre 2008 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller Monsieur André JACQUOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2008,
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant un protocole de cession en date du 18 janvier 2001, Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... ont cédé à la S. A. Tyco European Security Holding les parts sociales qu'ils détenaient avec d'autres dans deux S. A. R. L. (la S. A. R. L. Saint Paul Sécurité et la S. A. R. L. Alarme Conseil Services) dont ils étaient les gérants, sociétés qui avaient pour activité l'installation / vente de systèmes d'alarme, la télésurveillance et l'intervention sur alarme. Le protocole de cession comportait une clause de non-concurrence impartie aux cédants pendant cinq années sur l'ensemble de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur. La S. A. ADT Télésurveillance, filiale de la S. A. Tyco European Security Holding, a absorbé les S. A. R. L. Saint Paul Sécurité et Alarme Conseil Services à effet au 1er octobre 2001. Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... ont créé, le 5 septembre 2003, la S. A. R. L. « La Sécurité » ayant pour objet une activité de surveillance, de gardiennage et d'installation de tous systèmes d'alarme.
Par ordonnance de référé en date du 3 novembre 2003, Madame la Présidente du Tribunal de Commerce de PARIS, a ordonné à la S. A. R. L. « La Sécurité » de cesser le démarchage de la clientèle de la S. A. ADT Télésurveillance et a ordonné à Monsieur Jean-Paul B... et à Monsieur Christophe B... « de faire cesser à la S. A. R. L. La Sécurité toute activité de télésurveillance sur la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ».
La S. A. R. L. La Sécurité a été « mise en sommeil » à compter du 7 novembre 2003. La S. A. R. L. La Protection ayant une activité identique à celle de la S. A. R. L. La Sécurité a été créée, le 10 novembre 2003. Par ordonnance de référé en date du 22 décembre 2003, Madame la Présidente du Tribunal de Commerce de PARIS a débouté la S. A. Tyco European Security Holding et la S. A. ADT Télésurveillance de leur demande tendant à la cessation d'activité de la S. A. R. L. « La Protection » qui, selon elles, aurait commis des actes de concurrence déloyale. Cette ordonnance a été infirmée par un arrêt rendu, le 8 octobre 2004, par la Cour d'Appel de Paris, qui a ordonné à Monsieur Jean-Paul B... et à Monsieur Christophe B... de cesser « leurs agissements déloyaux au détriment de la S. A. ADT Télésurveillance par le démarchage systématique de ses clients » et a ordonné à Monsieur Jean-Paul B... et à Monsieur Christophe B... « de faire cesser à la S. A. R. L. La Protection toute activité de télésurveillance, de gardiennage ou d'intervention » (le pourvoi formé contre cet arrêt a été déclaré non-admis).
La S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul ayant une activité de « télésurveillance, d'installation, de maintenance et d'intervention, le tout dans le domaine de la sécurité en général » a été créée, le 30 juillet 2004, par le « Groupe Iris Sécurité ». Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... sont devenus salariés de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul à compter du 2 août 2004, respectivement en qualité de « Responsable d'Agence » et de « Responsable Commercial ». Par ordonnance de référé en date du 25 octobre 2004, confirmée par un arrêt de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE en date du 30 janvier 2006, 1- il a été ordonné à Monsieur Jean-Paul B... et à Monsieur Christophe B... de cesser toute activité au sein de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul, plus généralement au sein d'une quelconque entreprise de télésurveillance dans la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur jusqu'au 18 janvier 2006 et 2- la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul a été invitée à licencier ses salariés, à défaut de démission de leur part. En « exécution » de l'ordonnance du 25 octobre 2004, Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... ont été licenciés, le 5 novembre 2004.
Par jugement contradictoire en date du 9 septembre 2005, le Tribunal de Commerce d'Antibes, constatant que Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... « s'étaient livrés à des actes de concurrence anti-contractuelle et à des actes de concurrence déloyale », les a condamnés solidairement avec la S. A. R. L. La Sécurité et la S. A. R. L. La Protection à payer à la S. A. ADT Télésurveillance la somme de 150. 000 € à titre de dommages-et-intérêts pour préjudice économique (perte de clientèle) et celle de 20. 000 € à titre de dommages-et-intérêts pour préjudice moral, outre une somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire à hauteur de 75. 000 €. Par arrêt rendu, le 2 mai 2008, frappé d'un pourvoi, la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE a, notamment, sur appel du jugement précité, condamné Monsieur Jean-Paul B..., Monsieur Christophe B... et la S. A. R. L. « La Sécurité » à payer à la S. A. ADT France venant aux droits de la S. A. ADT Télésurveillance des dommages-et-intérêts pour concurrence déloyale.
Par jugement contradictoire en date du 30 juin 2006, le Tribunal de Commerce d'ANTIBES a condamné la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul à payer à la S. A. ADT France venant aux droits de la S. A. ADT Télésurveillance la somme de 116. 844 à titre de dommages-et-intérêts pour des faits de concurrence déloyale et celle de 3. 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret No 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul dans ses conclusions récapitulatives No 3 en date du 17 mars 2008 tendant à faire juger :
1. que, à titre principal, la S. A. ADT France venant aux droits de la S. A. ADT Télésurveillance est irrecevable à agir, comme ne disposant pas d'un agrément préfectoral sur le territoire du département des Alpes-Maritimes pour exercer depuis son établissement secondaire situé 853 bis, route de la Colle à Saint Paul de Vence, des activités de télésurveillance, gardiennage, interventions sur sites …,
2. que selon un jugement prononcé, le 20 mars 2007, par le Tribunal Correctionnel de Grasse, « le dirigeant de la S. A. ADT France, Monsieur Dominique C... (également dirigeant de la S. A. ADT Télésurveillance) » a été condamné du chef d'exercice, sans agrément d'activité de surveillance, gardiennage, transports de fonds ou protection de personnes, ce qui fait que « la S. A. ADT Télésurveillance ne peut justifier de la détention de l'agrément préfectoral pour l'exercice de son activité dans le département des Alpes Maritimes »,
3. que l'agrément préfectoral était requis dès lors que la S. A. ADT Télésurveillance avait un établissement secondaire dans le département des Alpes-Maritimes et que l'activité exercée ne pouvait l'être uniquement à partir de centres opérationnels de sécurité (COS) implantés en région parisienne (Paris et Ivry sur Seine), mais impliquait une activité technique dans le département des Alpes-Maritimes
4. subsidiairement, que la S. A. ADT France ne fait pas la preuve d'actes de concurrence déloyale imputables à la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul », cette dernière a été constituée par d'autres personnes physiques que celles Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... qui « ne sont nullement à l'origine de sa création », même si ceux-ci ont « contacté » le Groupe Iris en vue de la création d'une entité en Région Provence-Alpes-Côte d'Azur
5. que la preuve de la résiliation des contrats de télésurveillance par des clients et celle de leur détournement effectif au profit de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul ne sont pas avérées, la proportion de clients prétendument détournés n'étant que de 11, 72 % au lieu de plus de 50 % comme il est allégué faussement par la S. A. ADT France,
6. que Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... ont été embauchés par la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul, le 2 août 2004 ensuite de man œ uvres et tromperies de leur part consistant à ne pas révéler leur exacte situation vis-à-vis du « Groupe A D T »,
7. subsidiairement, que la preuve de l'existence d'un préjudice et celle de son étendue résultant d'actes de concurrence déloyale ne sont pas rapportées par la S. A. ADT France ;
Vu les prétentions et moyens de la S. A. ADT France venant aux droits de la S. A. ADT Télésurveillance dans ses conclusions en date du 8 janvier 2008 tendant à faire juger :
8. que la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la S. A. ADT Télésurveillance aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la S. A. ADT France en détournant sa clientèle, 78 clients sur les 145 composant le portefeuille de clients de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul étant d'anciens clients de « l'agence » de Saint Paul de Vence de la S. A. ADT Télésurveillance,
9. que le détournement de clientèle a pu se faire grâce à l'intervention de Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B..., celle de salariés « communs » successivement embauchés dans les sociétés créées ou animées par Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... ou / et celle de Monsieur Robert D... …,
10. que le préjudice qui en est résulté pour la S. A. ADT France doit être fixé à 175. 265 correspondant aux redevances que les 78 clients détournés auraient dû payer pendant trois années, outre une indemnisation pour « trouble commercial » fixée à 50. 000 €,
11. que l'éventuel défaut d'agrément préfectoral de la S. A. ADT Télésurveillance en 2004 ne « remet pas en cause la réalité des fautes commises alors par la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul »,
12. que 1- l'activité de la S. A. ADT Télésurveillance en 2004 ne relevait pas d'un agrément par le Préfet des Alpes Maritimes eu égard aux conditions de fonctionnement du « Groupe A D T » et à celles d'exploitation technique et juridique mises en place et 2- que la S. A. ADT Télésurveillance n'est pas concernée par la procédure pénale qui ne vaut que pour la S. A. ADT France (en effet-la S. A. ADT Télésurveillance et la S. A. ADT France étant des sociétés autonomes jusqu'à leur fusion-absorption à effet au 1er octobre 2006 et-la S. A. ADT Télésurveillance n'ayant pas en 2004 d'établissement secondaire dans le département des Alpes-Maritimes et exerçant son activité à partir des centres opérationnels de sécurité basés en région parisienne),
13. que la S. A. ADT France ayant une activité de prospection commerciale, administrative et d'installation et de maintenance de systèmes de surveillance, n'était pas, non plus, astreinte à l'obtention d'un agrément préfectoral pour son activité « déléguée » dans le département des Alpes-Maritimes dès lors qu'elle n'effectuait pas des prestations de télésurveillance et gardiennage dans ledit département (la partie d'activité « service gardiennage et ronde d'intervention » étant sous-traitée à une société ECSAS, qui était pourvue, elle, d'un agrément) ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 4 septembre 2008.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu que le fait que la S. A. ADT Télésurveillance ne serait pas détentrice de l'agrément préfectoral requis pour exercer à partir du deuxième semestre 2004 son activité de télésurveillance, de gardiennage, d'interventions sur sites … dans le département des Alpes-Maritimes pour son « agence / installation » située 853 bis, route de la Colle à Saint Paul de Vence (06), ne peut être invoqué par la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul comme constitutif d'une fin de non-recevoir faisant échec à l'examen au fond de la demande en dommages-et-intérêts pour concurrence déloyale formée par la S. A. ADT France venant aux droits de la S. A. ADT Télésurveillance ; que le moyen en défense invoqué par la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul ne répond pas à la définition de la fin de non-recevoir donnée par l'article 122 du code de procédure civile ; que la S. A. ADT France venant aux droits de la S. A. ADT Télésurveillance n'est pas dépourvue du droit d'agir, pour défaut de qualité ou d'intérêt ; que, le cas échéant, le fait pour la S. A. ADT Télésurveillance de s'être affranchie de la réglementation régissant l'exercice d'une activité de télésurveillance, ce qui l'aurait placée dans une situation concurrentielle anormalement favorable, pouvait donner lieu de la part de ses concurrents à une action en réparation pour trouble commercial de nature délictuelle ou quasi-délictuelle ; que la situation illicite dans laquelle a pu se trouver la S. A. ADT Télésurveillance en 2004 vis-à-vis de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul constitue une faute susceptible d'entraîner réparation, mais non une fin de non-recevoir opposée à la demande en justice ; que la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul ne peut soutenir, comme elle le fait, « qu'elle ne peut être en concurrence avec une société qui ne peut légalement exercer son activité », ce qui, selon elle, rendrait la demande de la S. A. ADT France, irrecevable ; que la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul ne tire pas d'autres conséquences juridiques de la situation de fait tenant à l'absence d'agrément préfectoral requis, qu'elle développe, mais se borne à vouloir faire juger que la S. A. ADT France « n'a aucune qualité et intérêt à agir en concurrence déloyale dès lors qu'elle n'est pas autorisée à contracter avec la clientèle prétendument détournée par la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul et, en conséquence, que l'action de la S. A. ADT France est irrecevable » ; que le moyen d'irrecevabilité soutenu en tant que tel par la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul, n'est pas fondé et sera rejeté ;
Attendu au surplus que par jugement en date du 20 mars 2007 (frappé d'appel), le Tribunal Correctionnel de GRASSE a condamné Monsieur Dominique C..., pris en sa qualité indiquée de P. D. G. de la S. A. ADT France (alors qu'il détenait en 2003 et 2004 le mandat social de P. D. G. de la S. A. ADT Télésurveillance-le mandat de président du conseil d'administration de la S. A. ADT France étant détenu alors par Monsieur E...), du chef d'exercice d'activité de surveillance, gardiennage … sans agrément courant 2003 et 2004 à Saint Paul de Vence (06) et à FRANCHEVILLE (69) ; que c'est bien la S. A. ADT France qui assumait à partir de son « établissement » de Saint Paul de Vence situé 853 bis, route de la Colle, pour le compte de la S. A. ADT Télésurveillance, certaines prestations de gardiennage et de surveillance de maisons d'habitation ou villas situées dans le département des Alpes-Maritimes et appartenant à d'anciens clients de la S. A. R. L. Saint Paul Sécurité dont la S. A. Tyco European Security Holding avait pris le contrôle, le 18 janvier 2001 ; que selon la convention de prestation de services en date du mois de décembre 2001 passée entre la S. A. ADT Télésurveillance (filiale de la S. A. Tyco European Security Holding) et la S. A. ADT France, cette dernière était chargée d'effectuer certaines « prestations techniques » énumérées au contrat, dont « un centre d'appel, l'assistance technique clients, la réalisation des installations de télésurveillance, la réalisation des interventions SAV, des prestations de suivi des clients, assistance technique « terrain » … » ; que la S. A. ADT France avait un « établissement » et des installations techniques à Saint Paul de Vence lui permettant d'accomplir ces prestations et se livrait à partir de cet « établissement » à une activité de télésurveillance comprenant une centrale d'alarme reliée aux installations de télésurveillance posées dans les immeubles de ses clients ; que les attestations de Monsieur F... et Madame G..., non arguées de faux, sont révélatrices à cet égard comme indiquant l'existence à Saint Paul de Vence dans les locaux de la S. A. ADT France d'un centre opérationnel de sécurité, de rondes de gardiennage, d'activité de contre-appels téléphoniques … ; que le contrat de travail liant Monsieur H... à la S. A. ADT France pendant la période considérée comportait des attributions relevant du domaine d'activité du gardiennage et de la télésurveillance ;
Attendu que selon les articles 1, 1o et 7 de la loi No 83-629 du 12 juillet 1983 nul ne peut, s'il n'est titulaire d'un agrément délivré par l'autorité préfectorale compétente, diriger une personne morale exerçant une activité consistant à « fournir des services ayant pour objet la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage des biens immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles » ; qu'une autorisation distincte pour l'établissement principal et pour chaque établissement secondaire est requise pour l'exercice de l'activité définie supra ; que Monsieur Dominique C..., pris en sa qualité de P. D. G. de la S. A. ADT France, a été condamné pénalement sur le fondement de l'article 15 I 5o de ladite loi réprimant le fait pour lui de diriger la S. A. ADT France, personne morale, prestataire de services de la S. A. ADT Télésurveillance, qui a exercé l'activité définie supra dans le département des Alpes-Maritimes, sans avoir obtenu une autorisation distincte pour son établissement secondaire de Saint Paul de Vence (06) ; que le jugement correctionnel a bien relevé à partir d'attestations et d'autres éléments de preuve que des salariés de la S. A. ADT France à Saint Paul de Vence exerçaient bien une activité relevant de l'article 1, 1o de ladite loi (activité de télésurveillance proprement dite en procédant à des contre-appels, en disposant de locaux équipés d'appareils de télésurveillance qui fonctionnaient pour les immeubles relevant « localement » de l'agence, en faisant intervenir des agents de surveillance dans les locaux, outre en faisant remettre par leur propriétaire à des salariés de l'agence des clefs d'immeubles …) ; qu'il appartiendra à la Cour d'Appel saisie de l'appel du jugement correctionnel de déterminer si la part d'activité exercée par la S. A. ADT France dans le département des Alpes-Maritimes pour le compte de la S. A. ADT Télésurveillance en 2003 / 2004 relève ou non de la loi no 83-629 du 12 juillet 1983 règlementant les activités privées de sécurité ; qu'il apparaît que la S. A. ADT France a accompli pendant ladite période une activité requérant une autorisation du préfet du département des Alpes-Maritimes ; que la condamnation pénale concerne effectivement le dirigeant social de la S. A. ADT France, pour des faits commis en 2003 / 2004 et caractérisés par une activité effective de télésurveillance et « d'interventions » avec « implantation locale », selon le jugement correctionnel, mais elle ne concerne pas un ou des dirigeants de la S. A. ADT Télésurveillance ; que les faits visés au jugement pénal sont survenus avant la fusion-absorption de la S. A. ADT Télésurveillance par la S. A. ADT France à effet au 1er octobre 2006 ; qu'en définitive la S. A. ADT Télésurveillance n'est pas concernée par la condamnation pénale frappant la seule S. A. ADT France pour une activité complète de télésurveillance dans le département des Alpes-Maritimes ; que la preuve que la S. A. ADT Télésurveillance s'est livrée, directement et personnellement, en 2004 dans le département des Alpes-Maritimes à une activité de « surveillance par des systèmes électroniques ou de gardiennage d'immeubles », requérant une autorisation préfectorale, n'est pas rapportée par la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul, si cette preuve est faite pour la S. A. ADT France ;
Attendu que la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul a « associé » à son activité commerciale nouvelle les frères B..., sur leur demande et à leur initiative (le « Groupe Iris » reconnait avoir été « contacté » par eux et avoir créé, le 30 juillet 2004, une filiale pour le département des Alpes-Maritimes) ; que la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul les a embauchés aussitôt, le 2 août 2004, à des postes de direction, sans prendre en considération leur situation irrégulière vis-à-vis de la S. A. Tyco European Security Holding et a ainsi « récupéré » immédiatement une part importante de la clientèle de cette dernière ; qu'il a été constaté, le 21 décembre 2004, que 78 anciens clients de la S. A. ADT Télésurveillance (et ex-clients de la société Saint Paul Sécurité contrôlée à l'origine par les frères B...) sont devenus clients de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul sur les 145 composant son portefeuille de clients ; que la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul a permis à Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... de se soustraire aux obligations contractuelles qu'ils avaient souscrites vis-à-vis du « Groupe A D T » et a enfreint, de connivence avec Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B..., les règles de loyauté devant exister entre entrepreneurs concurrents du même secteur d'activité ;
Attendu que la S. A. ADT France venant aux droits de la S. A. ADT Télésurveillance depuis une fusion-absorption à effet au 1er octobre 2006 est recevable à agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle en réparation du préjudice subi du fait des agissements déloyaux de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul ; que la S. A. ADT France fait la preuve que la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul a « repris / détourné », grâce à l'entremise de Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B..., une partie de la clientèle de la société Saint Paul Sécurité (acquise par le « Groupe A D T » et exploitée par la S. A. ADT Télésurveillance) à la suite d'un démarchage pressant, incitatif et systématique de clients abonnés qui ont résilié leurs contrats de télésurveillance ou de surveillance pour le « placer » successivement auprès des entités créées à cet effet : les sociétés « La Sécurité », « La Protection » et la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul ; que de très nombreuses lettres de résiliation présentent la même formulation et, certaines, les mêmes caractères typographiques, comme étant issues du même auteur ; que la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul s'est vue transférer la plupart des contrats détournés par Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... au détriment de la S. A. ADT Télésurveillance ; que, enfin, une « vague » de résiliation de contrats de télésurveillance est intervenue, en fin d'année 2004, directement « au profit » de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul, créée, le 30 juillet 2004, et ayant embauché les frères B... à des fonctions de responsabilité, le 2 août 2004 ; qu'un autre procès-verbal d'huissier en date du 16 avril 2005 établit que 78 anciens clients de la S. A. ADT Télésurveillance se retrouvent dans le fichier clients de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul qui en comprend 145 au total, soit plus de la moitié ; que la S. A. ADT France venant aux droits de la S. A. ADT Télésurveillance établit également le rôle de Monsieur Robert D... se présentant comme mandataire de propriétaires de villas qui, agissant de concert avec les frères B..., est intervenu à l'occasion de résiliations de contrats de télésurveillance et gardiennage en fin d'année 2004 pour être « dirigés » vers la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul ; que la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul s'est installée... de Vence (06) dans des locaux que Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B... ont occupés en 2001 ; que la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul a embauché, outre Monsieur Jean-Paul B... et Monsieur Christophe B..., quatre anciens salariés, (I..., J..., K... et L...) tous étant de proches relations des frères B... et tous « gravitant » dans les sociétés « La Sécurité » et « La Protection » en tant qu'associés ou / et salariés, l'un étant ancien salarié de la S. A. ADT Télésurveillance ;
Attendu que la S. A. ADT Télésurveillance aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la S. A. ADT France est fondée à obtenir sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle réparation de son préjudice résultant des agissements déloyaux de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul qui n'a pas respecté les règles devant régir une saine concurrence entre entrepreneurs du même secteur d'activité ; que ce préjudice doit s'analyser en un gain manqué (perte de marge brute) provenant de la résiliation des contrats de télésurveillance et de gardiennage, provoquée par les agissements déloyaux et doit être calculé en fonction du nombre de résiliations provoquées-78 recensées-, du montant de la redevance annuelle par contrat-750 environ-et de la durée prévisible ou moyenne de tels contrats-3 années-et enfin de la marge brute estimée pour l'activité considérée ; que les premiers juges ne pouvaient apprécier l'importance du préjudice économique (fixé à 116. 844) par référence à la perte du chiffre d'affaires ; que la privation de la marge brute doit être prise en considération et non la perte du chiffre d'affaires ; qu'il convient de fixer le montant des dommages-et-intérêts, tous chefs de préjudice confondus, à 80. 000 €, réparant à la fois la privation de la marge brute et le trouble commercial engendré par les pratiques déloyales dans le fonctionnement de la S. A. ADT Télésurveillance ; que l'évaluation des dommages-et-intérêts tient compte 1- du fait que la S. A. ADT France a obtenu d'autres auteurs de faits connexes de concurrence déloyale (Monsieur Jean-Paul B..., Monsieur Christophe B... et la S. A. R. L. La Sécurité) par arrêt rendu le 2 mai 2008 une réparation afférente à ces faits, 2- que des détournements de certains clients ont été réalisés directement par la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul sans qu'ils aient « transité » par les sociétés la protection et La Sécurité et que 3- la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul a tiré un profit personnel des détournements de clients ayant « transité » par lesdites sociétés ;
Attendu qu'une mesure de publication contribuera à assurer la pleine réparation du préjudice subi par la S. A. ADT Télésurveillance aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la S. A. ADT France, en ce qu'elle informera la clientèle concernée des agissements déloyaux de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul ;
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à la S. A. ADT France la somme de 8. 000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, pour l'ensemble de la procédure ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément aux articles 467 et 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,
Reçoit l'appel de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Antibes, le 30 juin 2006 comme régulier en la forme.
Au fond, confirme le jugement déféré en ses dispositions retenant l'existence de faits de concurrence déloyale imputables à la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul.
Le réforme pour le surplus de ses dispositions.
Condamne la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul à porter et payer à la S. A. ADT France venant aux droits de la S. A. ADT Télésurveillance la somme de 80. 000 € à titre de dommages-et-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement attaqué et celle de 8. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'ensemble de la procédure (1ère instance et appel).
Ordonne la publication du présent arrêt aux frais de la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul dans deux journaux ou périodiques au choix de la S. A. ADT France, sans que le coût d'une insertion puisse dépasser 2. 000 €.
Condamne la S. A. R. L. IRIS Sûreté Saint Paul aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Paul MAGNAN, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT