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17/06/2008 | FRANCE | N°07/13364

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Chambre civile 1, 17 juin 2008, 07/13364


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1o Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2008

MAV

No 2008/

Rôle No 07/13364

Société LYONDELL CHIMIE FRANCE

C/

Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE

FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIELS CHIMIQUES CGT DITE FNIC-CGT

Grosse délivrée

le :

à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 05 Juillet 2007 enregistré au répertoire général sous le no 05/4884.

APPELANTE

Société

LYONDELL CHIMIE FRANCE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié dont le siège social est Zone Industrielle Portuaire - Route du Qua...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1o Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2008

MAV

No 2008/

Rôle No 07/13364

Société LYONDELL CHIMIE FRANCE

C/

Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE

FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIELS CHIMIQUES CGT DITE FNIC-CGT

Grosse délivrée

le :

à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 05 Juillet 2007 enregistré au répertoire général sous le no 05/4884.

APPELANTE

Société LYONDELL CHIMIE FRANCE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié dont le siège social est Zone Industrielle Portuaire - Route du Quai Minéralier - BP 201 - 13775 FOS SUR MER CEDEX

représentée par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour, assistée par Me Patricia SION, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMEES

Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège, dont le siège social est ZI Portuaire - Route du Quai Minéralier - BP 201 - 13775 FOS SUR MER

représenté par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour,

assisté par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIELS CHIMIQUES CGT DITE FNIC-CGT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège., dont le siège social es t 263, rue de Paris - Case 429 - 93514 MONTREUIL

représentée par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour,

assistée par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Mai 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.LAMBREY, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Gérard LAMBREY, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2008.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2008,

Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Vu le jugement rendu contradictoirement le 5 juillet 2007 par le tribunal de grande instance d'AIX EN PROVENCE dans le litige opposant le Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE et la Fédération Nationale des Industries chimiques CGT à la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE ;

Vu la déclaration d'appel déposée par la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE le 30 juillet 2007 ;

Vu les conclusions déposées par le Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE et la Fédération Nationale des Industries chimiques CGT le 25 janvier 2008 ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées par la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE le 31 mars 200 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 mai 2008 ;

SUR CE :

Sur la genèse du litige

La Société LYONDELL CHIMIE FRANCE est une entreprise ayant pour activité la fabrication de produits chimiques et la pétrochimie sur le site de FOS/MER, Elle relève de la classification II catégorie 2 soit « établissements à hauts risques ». Elle emploie 350 salariés environ.

A compter du 5 avril 2005, alors que l'usine était arrêtée en raison de travaux d'entretien mais que le redémarrage de la production était programmé pour ce même jour, un conflit collectif a été entamé à l'initiative de plusieurs syndicats, suivi par près de 90 % de l'effectif de production.

Dans un premier temps des accords dits « protocoles de réquisition du personnel », d'une durée d'une journée reconductible, ont été signés entre la direction et les syndicats pour assurer le maintien en sécurité des installations. Le dernier expirait le samedi 9 avril à 16 heures alors que de nouveaux pourparlers devaient débuter à 14 heures.

En l'absence de toute avancée des négociations, les syndicats ont refusé de conclure un nouveau protocole. Le direction a alors fait notifier par voie d'huissier à plusieurs salariés grévistes des « ordres de réquisition », émanant du Directeur des ressources humaines, pour la durée du week-end et jusqu'au 13 avril 2005, ainsi libellés :

« ...vous êtes titulaire du poste et certifié dans cette fonction,

En conséquence, nous faisons appel à votre conscience professionnelle pour venir prendre votre poste aux dates et heures mentionnées ci dessus.

Ces heures de réquisition vous seront rémunérées comme du temps de travail.

Vous pourrez continuer à vous déclarer gréviste mais devez exécuter la présente réquisition sous peine de vous exposer à des poursuites pour faute lourde.

Il est rappelé que la faute lourde est applicable même en cas de suspension du contrat de travail. »

Le Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE et la Fédération Nationale des Industries chimiques CGT ont fait assigner la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE pour qu'il soit constaté que ces réquisitions étaient illégales et que celle-ci soit condamnée à leur verser la somme de 1 euro chacun à titre de dommages et intérêts.

Le premier juge a fait droit à leur demande, ordonnant en outre l'affichage du jugement dans les locaux de l'entreprise.

Devant la cour, la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE n'a pas repris le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action. Le jugement sera immédiatement confirmé en ce qu'il l'en a déboutée.

Sur le caractère illégal des réquisitions

Le premier juge a parfaitement mis en évidence le fait qu'aucun texte n'autorise un employeur à recourir à la réquisition de ses salariés, un tel pouvoir n'appartenant qu'au préfet en sa qualité de délégataire de l'Etat et ce, dans des conditions très restrictives.

L'un des arguments avancés par la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE pour justifier de la nécessité pour elle de faire usage d'une telle mesure est de soutenir qu'avisés de la situation, les services de la Préfecture n'ont fourni aucune réponse à sa demande. Elle verse en ce sens la télécopie qu'elle leur a adressée dès le 7 avril 2005. Cependant, de sa lecture, il ressort qu'à cette date, elle envisageait déjà de recourir à des réquisitions unilatérales du personnel dans l'hypothèse où les organisations syndicales ne donneraient plus leur accord aux « protocoles de réquisition du personnel » et sollicitait avant tout la position du Préfet sur une telle pratique.

Ce courrier, outre qu'il n'établit nullement que la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE a fait appel en vain au Préfet pour qu'il utilise son droit de réquisition, met à néant son argumentation principale selon laquelle le refus des syndicats de poursuivre le système des réquisitions d'accord, manifesté le 9 avril 2005, en début d'après-midi, caractérisait un abus du droit de grève constitutif d'un cas de force majeure rendant nécessaire le recours à des mesures de réquisitions individuelles pour assurer le maintien en sécurité du site.

Il apparaît tout au contraire que deux jours avant cette date, la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE avait déjà anticipé le fait qu'en l'absence de toute avancée notable dans les négociations, les syndicats refuseraient de poursuivre la même politique de concertation, étant ajouté que le simple fait que ceux -ci ne donnent plus leur accord à la réquisition du personnel ne peut suffire à caractériser le caractère abusif d'une grève que d'ailleurs, elle n'a pas songé à faire sanctionner à cette date par la voie judiciaire. Il lui appartenait donc de rechercher tout autre moyen d'assurer la sécurité de ses installations par exemple par la fermeture du site.

De l'ensemble de ces éléments, il ressort qu'aucune circonstance particulière ne pouvait autoriser le recours à des mesures de réquisitions individuelles des salariés grévistes qui constituent des mesures tout à la fois illégales et attentatoires au droit de grève reconnu constitutionnellement et qui doivent, à ce titre, donner lieu à réparation, même symbolique.

Ainsi, il apparaît que c'est à juste titre et par des motifs particulièrement pertinents qui seront adoptés par la cour que le premier juge a pu condamner la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE à verser à chacun des intimés la somme de 1 euros à titre de dommages et intérêts, sans qu'il apparaisse opportun d'augmenter celle-ci.

Il convient également d'enjoindre, à titre de dommages et intérêts complémentaires, à la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE de procéder à l'affichage de la présente décision dans les locaux de l'entreprise pendant une période continue de 30 jours et, ce à peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours après sa signification, sans qu'il y ait lieu de se déclarer compétent pour la liquidation de cette astreinte.

Corrélativement, le Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE sera autorisé à procéder lui-même à l'affichage de cette décision sur les panneaux d'informations syndicale institués par les dispositions de l'article 412-8 du Code du travail

Il convient d'allouer au Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE et à la Fédération Nationale des Industries chimiques CGT la somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Société LYONDELL CHIMIE FRANCE qui succombe supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et en matière civile,

En la forme,

Reçoit la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE en son appel principal et le Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE et la Fédération Nationale des Industries chimiques CGT en leur appel incident,

Au fond,

Confirme le jugement du 5 juillet 2007 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Enjoint à la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE d'avoir à afficher le présent arrêt dans les locaux de l'entreprise pendant une période continue de 30 jours et, ce à peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 10 jours après sa signification,

Autorise le Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE à procéder lui-même à l'affichage de cet arrêt sur les panneaux d'informations syndicales institués par les dispositions de l'article 412-8 du Code du travail,

Condamne la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE à verser au Syndicat CGT LYONDELL CHIMIE FRANCE et à la Fédération Nationale des Industries chimiques CGT la somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la Société LYONDELL CHIMIE FRANCE aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07/13364
Date de la décision : 17/06/2008
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT COLLECTIF DU TRAVAIL - Grève - Droit de grève - Atteinte au droit de grève - / JDF

Seul le préfet dispose du pouvoir d'ordonner la réquisition de salariés en grève. L'absence de réponse à la demande faite en ce sens par l'entreprise ne justifie pas que celle-ci procède à une réquisition forcée de certains salariés grévistes. En conséquence, les réquisitions individuelles des salariés grévistes constituent des mesures tout à la fois illégales et attentatoires au droit de grève reconnu constitutionnellement et doivent, à ce titre, donner lieu à réparation, même symbolique


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, 05 juillet 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2008-06-17;07.13364 ?
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