2ème Chambre
ARRÊT SUR CONTREDIT DU 22 MAI 2008
No2008 / 207
Rôle No 07 / 17237
S. A. S. TELECOM ITALIA
C /
S. A. R. L. FEDEROL
Société de droit italien PROGETTO ELETTRONICA 92 Srl
Grosse délivrée à : TOUBOUL BLANC MAYNARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 4 octobre 2007 enregistré au répertoire général sous le no 2005F05146
DEMANDERESSE
S. A. S. TELECOM ITALIA, représentée par son Président domicilié en cette qualité au siège sis16-18 rue de Londres-75009 PARIS représentée par la SCP DE SAINT FERREOL- TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par la S. C. P. BACKER ET MC KENZIE, avocats au barreau de PARIS
DEFENDEURS
S. A. R. L. FEDEROL dont le siège est sis 28 A chemin de Beaume Robert-06650 LE ROURET représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, plaidant par Me The Vinh HOANG, avocat au barreau de NICE
Société de droit italien PROGETTO ELETTRONICA 92 Srl, représentée par son liquidateur, Me Serenella X...- ... dont le siège est sis Via Bigli 21- CAP 20121-20154 MILANO (Italie) représentée par la SCP MAYNARD- SIMONI, avoués à la Cour, plaidant par Me Roland GRAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 avril 2008 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Robert SIMON, Président Rapporteur, et Monsieur André JACQUOT, Conseiller Rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président Monsieur André JACQUOT, Conseiller Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller appelé à compléter la Cour
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 mai 2008.
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 mai 2008
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La S. A. S. Telecom Italia, société de droit français et la société Proghetto Elettronica S. p. A., société de droit italien ont entretenu des relations commerciales (prestations de service opérées en France en matière de télécommunication et informatique), concrétisées dans divers contrats exécutés pendant la période allant du mois de février 2004 au 30 juin 2005. Les contrats prévoyaient qu'ils seraient régis par la loi italienne et qu'en cas de litige un collège de trois membres de nationalité italienne serait désigné.
La société Proghetto Elettronica S. p. A. a conclu, à effet au 1er octobre 2004, avec la S. A. R. L. FEDEROL, un contrat dit « pour la fourniture de services » par lequel il était confié en sous- traitance à la S. A. R. L. FEDEROL l'exécution d'une partie des prestations de service. Le contrat comportait une clause selon laquelle il était régi par la loi française et tout litige serait soumis « exclusivement » au Tribunal de Commerce de Nice.
La société Proghetto Elettronica S. p. A. a fait l'objet d'une procédure collective ouverte, le 4 août 2005, par le Tribunal Civil de Milan et bénéfice actuellement d'un plan de redressement avec homologation d'un concordat, Maître Serenella X..., étant désignée en qualité de mandataire judicaire.
Le 16 novembre 2005, la S. A. R. L. FEDEROL a assigné la S. A. S. Telecom Italia en paiement de la somme de 199. 522, 39 représentant le montant des prestations exécutées pour le compte de la société Proghetto Elettronica S. p. A. La S. A. S. Telecom Italia a appelé en garantie la société Proghetto Elettronica S. p. A. pour le cas où elle serait condamnée à payer des sommes au profit de la S. A. R. L. FEDEROL.
Par jugement contradictoire en date du 4 octobre 2007, le Tribunal de Commerce de Marseille, joignant les instances, s'est d'office déclaré incompétent territorialement au profit du Tribunal de Commerce de Nice.
La S. A. S. Telecom Italia a régulièrement fait un contredit motivé à l'encontre de cette décision dans les formes et délai légaux.
La S. A. S. Telecom Italia a fait observer, à l'appui de son argumentation,- que le Tribunal de Commerce de Marseille ne pouvait d'office désigner le Tribunal de Commerce de Nice, qui était incompétent,- que le Tribunal Civil de Milan est également incompétent, l'article 3 du Règlement CE no 1346 / 2000 du 29 mai 2000 n'étant pas applicable au litige (l'action en garantie de la S. A. S. Telecom Italia à l'encontre de la société Proghetto Elettronica S. p. A.) qui n'est pas indissociable de la « faillite » et- que le Tribunal de Commerce de Marseille était bien territorialement compétent.
La S. A. R. L. FEDEROL a fait observer, à l'appui de son argumentation,- que le Tribunal de Commerce de Marseille était territorialement compétent s'agissant de l'action directe en paiement prévue à l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, qu'en sa qualité de sous- traitant agréé, elle intentait à l'encontre du maître de l'ouvrage ou donneur d'ordre, la S. A. S. Telecom Italia,- que la loi du 31 décembre 1975, d'ordre public, doit s'appliquer, le donneur d'ordre et le sous- traitant étant français et le sous- traité concernant des prestations de service ou techniques exécutées en France,- qu'il est indifférent que la loi italienne reconnaisse ou non l'action directe en paiement du sous- traitant à l'encontre du donneur d'ordre et- qu'il ne doit pas être fait droit à la demande d'évocation de la S. A. S. Telecom Italia.
La société Proghetto Elettronica S. p. A., représentée par Maître Serenella X..., ès- qualités, a fait observer, à l'appui de son argumentation,- que les premiers juges ne pouvaient se déclarer d'office incompétents au profit du Tribunal de Commerce de Nice,- que le Tribunal Civil de Milan est territorialement compétent pour connaître du litige concernant la société Proghetto Elettronica S. p. A., faisant l'objet d'une procédure collective, la S. A. R. L. FEDEROL « n'ayant d'autre solution que se soumettre à la procédure collective » ouverte en Italie, (ce qu'elle a d'ailleurs fait)- que la compétence du Tribunal Civil de Milan en matière de procédure collective a pour effet de rendre incompétentes les juridictions françaises, saisies de l'action directe en paiement du sous- traitant et de l'action en garantie du donneur d'ordre,- que, subsidiairement, il y aurait lieu à évocation, sur la demande reconventionnelle de la société Proghetto Elettronica S. p. A. dirigée contre la S. A. S. Telecom Italia pour obtenir le paiement de ses prestations à hauteur de 295. 352, 49 €.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu que les premiers juges ne pouvaient, comme ils l'ont fait, retenir d'office leur incompétence territoriale et renvoyer l'affaire devant une autre juridiction consulaire, l'article 93 du code de procédure civile le leur interdisant dans la situation considérée (absence de loi attribuant une compétence exclusive et comparution de toutes les parties à l'instance) et en l'absence de toute exception de procédure soulevée à cet effet par l'une ou l'autre des parties ; qu'aucune d'elles ne revendique devant la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE la compétence du Tribunal de Commerce de Nice ;
Attendu que la loi relative à la sous- traitance sur le fondement de laquelle la S. A. R. L. FEDEROL a agi à l'encontre de la S. A. S. Telecom Italia en intentant l'action directe contre le maître de l'ouvrage prévue à l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, est une loi de police au sens du droit communautaire, comme édictant des dispositions dont l'observation est regardée comme cruciale pour la sauvegarde de l'organisation économique de la France, État membre de la Communauté Européenne, au point d'en imposer le respect à tout rapport juridique dont les effets se produisent sur son territoire ; que le contrat de sous- traitance conclu, le 1er septembre 2004, liant la société Proghetto Elettronica S. p. A. et la S. A. R. L. FEDEROL, société de droit français, en vue de l'exécution de prestations de service ou techniques exclusivement sur le territoire français, était régi au surplus, de la volonté des parties, par la loi française ; que la S. A. R. L. FEDEROL dispose de l'action directe contre le maître de l'ouvrage, la S. A. S. Telecom Italia, société de droit français, ayant son siège social à Marseille au moment de la conclusion du marché principal ; que cette action subsiste même si l'entrepreneur principal, la société Proghetto Elettronica S. p. A., fait l'objet d'une procédure collective ; que le sous- traitant n'est pas tenu, pour intenter l'action directe contre le maître de l'ouvrage, de produire au passif de la procédure collective intéressant l'entrepreneur principal ; que la S. A. R. L. FEDEROL avait la possibilité, comme elle l'a fait, de produire, à hauteur de 146. 300, 75 €, à titre conservatoire, au passif de la procédure collective ouverte en Italie à l'encontre de la société Proghetto Elettronica S. p. A. ; que cette production ne prive pas la S. A. R. L. FEDEROL du droit dont elle dispose, d'exercer son action directe à l'encontre de la S. A. S. Telecom Italia ; que la S. A. R. L. FEDEROL a régulièrement intenté son action directe devant les juges consulaires de Marseille qui n'ont pas été saisis, pas plus que la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE, d'une exception d'incompétence territoriale au profit d'une autre juridiction consulaire française ; qu'il appartiendra à la juridiction désignée d'apprécier le bien fondé de l'action directe supposant notamment l'agrément même tacite du sous- traitant par le donneur d'ordre ou maître de l'ouvrage ;
Attendu que le Règlement CE no 1346 / 2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité s'applique, selon son article premier paragraphe 1, aux procédures collectives fondées sur l'insolvabilité qui entraînent le dessaisissement partiel ou total du débiteur, comme le concordato preventivo en droit italien ; que selon l'article 4 paragraphe 2, la loi italienne applicable en raison du lieu d'ouverture de la procédure collective doit déterminer le déroulement de la procédure et notamment les « effets de la procédure sur les poursuites individuelles » ; qu'il n'est pas contesté qu'en droit italien, il existe une règle assimilable à la suspension des poursuites individuelles contre le débiteur faisant l'objet d'une procédure collective ; que l'action en garantie exercée par la S. A. S. Telecom Italia à l'encontre de la société Proghetto Elettronica S. p. A. constitue une poursuite individuelle à l'encontre d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure d'insolvabilité ; que cette action en garantie ne peut donc être exercée devant une autre juridiction que le Tribunal Civil de Milan, seul habilité à prendre au cours de la procédure collective les décisions concernant les poursuites individuelles dont le débiteur fait l'objet ; que la connaissance de l'action en garantie échappait donc à la compétence du Tribunal de Commerce de Marseille ;
Attendu que l'action directe exercée par la S. A. R. L. FEDEROL ne relève pas du Règlement CE no 1346 / 2000 du 29 mai 2000 qui ne vise, pour délimiter son champ d'application, que les procédures d'insolvabilité ; que le fait pour la S. A. S. Telecom Italia d'exercer une action en garantie à l'encontre de la société Proghetto Elettronica S. p. A., action ressortissant de la compétence du Tribunal Civil de Milan, ne rend pas cette juridiction compétente pour connaître de l'action directe exercée par la S. A. R. L. FEDEROL, qui, fondée sur la loi française relative à la sous- traitance, ne dérive pas de la procédure d'insolvabilité ; que la loi sur la sous- traitance n'exige, au titre des conditions de l'action directe, que la défaillance de l'entrepreneur principal, sans que celle- ci résulte nécessairement d'une procédure collective ;
Attendu que la S. A. S. Telecom Italia et la société Proghetto Elettronica S. p. A. qui y aurait pourtant intérêt eu égard à l'ancienneté de sa demande en paiement direct initiée, le 16 novembre 2005, s'opposent formellement à l'évocation du fond de l'affaire, toujours possible même en l'absence de consentement des parties par application de l'article 89 du code de procédure civile ; qu'il n'y a donc pas lieu d'évoquer le fond de l'affaire en l'état d'oppositions manifestées expressément ;
Attendu qu'il ne peut être donné suite à la demande d'évocation formée par Maître Serenella X..., ès- qualités, en ce qui concerne sa demande reconventionnelle en condamnation de la S. A. S. Telecom Italia à lui payer la somme de 295. 352, 49 € dès lors que le Tribunal de Commerce de Marseille n'a pas été reconnu compétent pour statuer sur l'action en garantie de la S. A. S. Telecom Italia à l'encontre de la société Proghetto Elettronica S. p. A., la demande reconventionnelle étant formée dans le cadre de cette action en garantie ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et vu les articles 86, 88, 96 et 97 dudit code,
Reçoit le contredit de la S. A. S. Telecom Italia comme régulier en la forme.
Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau, dit que le Tribunal de Commerce de Marseille est compétent territorialement pour connaître de l'action directe de la S. A. R. L. FEDEROL dirigée contre la S. A. S. Telecom Italia et lui renvoie la connaissance de cette seule partie du litige.
Renvoie la S. A. S. Telecom Italia à mieux se pourvoir en ce qui concerne son action en garantie dirigée contre la société Proghetto Elettronica S. p. A., représentée par Maître Serenella X..., ès- qualités.
Dit n'y avoir lieu à évocation et qu'il sera fait application de l'article 97 du code de procédure civile.
Dit que les frais afférents au contredit seront à la charge de la société Proghetto Elettronica S. p. A., représentée par Maître Serenella X..., ès- qualités, qui a succombé sur la question de compétence.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT