2ème Chambre
ARRÊT AU FOND DU 22 MAI 2008
No2008 / 196
Rôle No 07 / 01662
S. A. R. L. IDETEC
C /
Rolland X...
Grosse délivrée à : JAUFFRES BOTTAI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 16 novembre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 09524
APPELANTE
S. A. R. L. IDETEC, INNOVATION ET DEVELOPPEMENTS TECHNOLOGIQUES dont le siège social est sis 15 lotissement communal Le Pesquier-13120 GARDANNE représentée par Me Jean- Marie JAUFFRES, avoué à la Cour, plaidant par Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIME
Monsieur Rolland X... né le 8 décembre 1940 demeurant ... représenté par la SCP BOTTAI- GEREUX- BOULAN, avoués à la Cour, plaidant par Me Nicolas AUTRAN, avocat au barreau de MARSEILLE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 avril 2008 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Robert SIMON, Président Rapporteur, et Monsieur André JACQUOT, Conseiller Rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président Monsieur André JACQUOT, Conseiller Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller appelé à compléter la Cour
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 mai 2008.
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 mai 2008
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Rolland X... et la S. A. R. L. IDETEC ont conclu, le 26 octobre 1992, une convention mettant à la charge de la S. A. R. L. IDETEC « les frais inhérents à la poursuite de la délivrance de brevets ainsi qu'à leur maintien ». Les brevets d'invention portaient sur des dispositifs « pour la percolation automatique et instantanée de liquides alimentaires » (machines à café) dont Monsieur Rolland X... était titulaire.
Monsieur Rolland X... a concédé, le 3 février 1993, à la S. A. R. L. IDETEC « une licence exclusive de brevets » pour l'exploitation commerciale de machines à café automatiques.
Monsieur Rolland X... a résilié par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 avril 1997 le contrat de licence exclusive de brevets dans des circonstances aujourd'hui controversées.
Par jugement contradictoire en date du 16 novembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de Marseille- a débouté la S. A. R. L. IDETEC de l'ensemble de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que Monsieur Rolland X... avait résilié de manière abusive ou illégitime le contrat de licence exclusive de brevets et en devait réparation et- a débouté Monsieur Rolland X... de sa demande reconventionnelle.
La S. A. R. L. IDETEC a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret No 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de la S. A. R. L. IDETEC dans ses conclusions récapitulatives en date du 16 avril 2008 tendant à faire juger :
- que la nullité du jugement doit être prononcé dès lors que sa motivation est fondée sur une pièce (attestation du Cabinet ROMAN, cabinet en propriété intellectuelle mandaté par Monsieur Rolland X...) non communiquée régulièrement au débat,
- qu'il n'existe aucun motif avéré de résiliation du contrat de licence exclusive de brevets, celui invoqué par Monsieur Rolland X... (absence de paiement des frais et redevances de brevets et notamment du brevet européen) n'étant pas constitué,
- que la S. A. R. L. IDETEC n'avait nullement l'obligation de supporter les frais de maintien des brevets après l'année 1995 et les frais de traduction en plusieurs langues du brevet européen,
- que Monsieur Rolland X... n'a pas respecté le délai contractuel de quatre mois avant de mettre en demeure la S. A. R. L. IDETEC de satisfaire à sa prétendue obligation de prise en charge des frais et redevances,
- que Monsieur Rolland X... n'était pas en droit de résilier le contrat de licence exclusive de brevets par application de son article 19 en invoquant l'absence d'exécution d'engagements financiers résultant d'une autre convention, celle du 26 octobre 1992,
- que la véritable motivation de Monsieur Rolland X... résidait dans son intention de confier à des sociétés suisses l'exploitation de ses brevets aux lieu et place de la S. A. R. L. IDETEC, ce qu'il a fait dans un temps très court et de manière « préméditée » en provoquant la rupture,
- que Monsieur Rolland X... a divulgué des secrets de fabrication appartenant en propre à la S. A. R. L. IDETEC,
- que le manque à gagner et la privation de royalties subis par la S. A. R. L. IDETEC devront être indemnisés à hauteur de 1. 479. 767, 12 et de 457. 347, 05 ;
Vu les prétentions et moyens de Monsieur Rolland X... dans ses conclusions récapitulatives en date du 10 avril 2008 tendant à faire juger :
- que la nullité du jugement n'est pas encourue dès lors que la pièce mentionnée dans le jugement avait été soumise à la libre discussion des parties et de la S. A. R. L. IDETEC, comme ayant été visée dans les conclusions du défendeur et porté à la connaissance de la demanderesse dans une instance prud'homale intéressant les mêmes parties,
- que les conventions liant les parties (quatre au total) constituant un ensemble contractuel ne souffrent pas d'interprétation et permettaient à Monsieur Rolland X... de mettre en œ uvre la résiliation de plein droit du contrat de licence exclusive de brevets en invoquant un manquement contractuel avéré de la S. A. R. L. IDETEC,
- que la résiliation a été régulièrement mise en œ uvre après envoi d'une mise en demeure à la S. A. R. L. IDETEC de satisfaire à ses obligations dans un « délai imparti »,
- que la S. A. R. L. IDETEC doit supporter les investissements qu'elle a effectués à ses risques et périls avant l'intervention de la résiliation qui était fondée,
- que les agissements de la S. A. R. L. IDETEC et son entêtement procédural doivent être sanctionnés par l'allocation de dommages- et- intérêts ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 24 avril 2008.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu que les premiers juges se sont appuyés pour motiver leur décision sur l'attestation du cabinet ROMAN en date du 5 novembre 1997 qui, si elle a été visée expressément dans les conclusions récapitulatives de première instance en date du 14 octobre 2005 de Monsieur Rolland X... (page 9), ne figure pas sur ses bordereaux successifs de communication de pièces transmises à la S. A. R. L. IDETEC ; qu'il s'ensuit que la présomption de régularité de communication des pièces s'efface devant la preuve contraire qui est rapportée, que ladite attestation n'a pas été régulièrement produite au débat, communiquée à la S. A. R. L. IDETEC et soumise à la libre discussion des parties ; que le texte de l'attestation n'a pas été soumis à l'examen critique de la S. A. R. L. IDETEC ; qu'à défaut de débat contradictoire sur le document en question, il y a lieu par application de l'article 16 du nouveau code de procédure civile, de prononcer la nullité du jugement ; que cette pièce a été régulièrement communiquée en cause d'appel suivant bordereau (tardif) en date du 10 avril 2008 (pièce nouvelle 23) et suivant bordereau spécial du 24 avril 2008 (une pièce) ; qu'en application de l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ;
Attendu que par convention du 26 octobre 1992, la S. A. R. L. IDETEC s'était engagée à assumer « les frais inhérents à la poursuite de la délivrance des brevets (dont Monsieur Rolland X... était titulaire), ainsi qu'à leur maintien » ; que Monsieur Rolland X... était titulaire ainsi qu'il est indiqué dans cette convention du brevet français No 9204469 du 2 avril 1992 ; que la convention (article 4) prévoyait que tous futurs brevets concernant les machines à café, déposés par Monsieur Rolland X... entreraient dans la présente convention et (article 6) que celle- ci serait en « vigueur tant que les brevets de Monsieur Rolland X... seront exploités ou jusqu'à leur éventuelle cession » ; qu'il s'ensuit que cette convention s'applique au brevet européen déposé le 5 avril 1993 sous le numéro No 93908993. 4 (dispositif pour la percolation sous pression) délivré le 23 janvier 1997 et publié le 5 mars 1997 avec une priorité revendiquée à compter de la délivrance du brevet français No 9204469 déposé le 2 avril 1992 ; que le brevet européen qui avait été délivré ne pouvait produire ses effets dans les pays revendiqués qu'après dépôt dans chacun d'eux de sa traduction dans la langue du pays correspondant ; que le cabinet ROMAN informé de la décision de délivrance du brevet européen en date du 23 janvier 1997 a fait savoir par un courrier adressé au siège social de la S. A. R. L. IDETEC et au nom de Monsieur Rolland X... le montant des frais de traduction à acquitter dans chaque pays concerné, soit 166. 500 francs selon les conclusions de la S. A. R. L. IDETEC ; que le cabinet ROMAN a adressé, le 27 janvier 1997, à la S. A. R. L. IDETEC 15, lotissement Pasquier à Gardanne et au nom de Monsieur Rolland X... une demande pour connaître les pays dans lesquels le brevet européen produirait ses effets, accompagnée des frais de traduction alors exigibles pour chacun des pays concernés ; que l'envoi de ce courrier ne peut être sérieusement contesté, outre que le cabinet ROMAN a adressé à la S. A. R. L. IDETEC des rappels, les 12 mars 1997 et 3 avril 1997 ; que le cabinet ROMAN atteste, le 5 novembre 1997, qu'il a adressé, le 27 janvier 1997, à la S. A. R. L. IDETEC « une lettre l'invitant à régler les frais de traduction du brevet européen » ; que la S. A. R. L. IDETEC dans son courrier du 8 avril 1997 adressé au cabinet ROMAN ne disconvient pas que « les courriers et fax adressés à Monsieur Rolland X..., IDETEC ont été transmis sans délai à l'intéressé », ce qui implique qu'elle a bien été la destinataire du courrier en date du 27 janvier 1997 du cabinet ROMAN, précisément libellé : « Monsieur Rolland X..., IDETEC » ;
Attendu que la convention du 2 octobre 1992 s'applique au brevet européen No 93908993. 4 visant expressément « tous les brevets futurs concernant les machines à café » ; que l'obligation souscrite par la S. A. R. L. IDETEC dans cette convention de « régler les frais inhérents à la poursuite de la délivrance des brevets, ainsi qu'à leur maintien » n'est pas à durée déterminée, mais produisait ses effets « tant que les brevets de Monsieur Rolland X... seront exploités », même s'il avait été prévu que l'engagement financier sera limité quant à des montants déterminés pour chaque année jusqu'en 1995 seulement ; que, enfin, la convention ne distingue pas selon la nature des frais devant être supportés par la S. A. R. L. IDETEC et n'exclut pas les frais de traduction d'éventuels brevets européens ; que d'ailleurs la S. A. R. L. IDETEC s'est acquittée, en mars et septembre 1996, de frais (4. 715, 46 francs et 16. 281 francs) de maintien du brevet européen pour l'année 1996, y compris de frais de traduction ;
Attendu que le contrat de « concession de licence exclusive de brevet » du 3 février 1993 en son article 10 fait expressément référence (« se reportera ») à la convention du 26 octobre 1992 « sur la paiement des annuités des brevets » ; que Monsieur Rolland X... est donc fondé à se prévaloir du non- respect par la S. A. R. L. IDETEC de ses engagements financiers incluant le paiement des frais de délivrance et de maintien des brevets, y compris les frais de traduction pour résilier le contrat de licence exclusive de brevets en exécution de son article 19 ; que cet article n'institue pas, pour la mise en œ uvre de la résiliation de plein droit, un délai précis après la mise en demeure non suivie d'effet, ledit article visant un « délai imparti » (par celui qui prend l'initiative de rompre), sans indication de durée minimum ; que la S. A. R. L. IDETEC était informée par le cabinet ROMAN, depuis le courrier du 27 janvier 1997, de la nécessité de l'accomplissement de certaines formalités et du paiement des frais de traduction pour que le brevet européen délivré produise ses effets ; que la S. A. R. L. IDETEC a été destinataire de plusieurs rappels du cabinet ROMAN, puis de Monsieur Rolland X..., l'invitant à faire connaître sa position ; que le délai de trois mois prévu à l'article 5 de la convention du 26 octobre 1992 bénéficiait à Monsieur Rolland X... au cas où la S. A. R. L. IDETEC ne désirerait plus assumer la charge des frais des brevets, et non à la S. A. R. L. IDETEC ; que le cabinet ROMAN avisé de la décision de délivrance du brevet européen en date du 23 janvier 1997 a fait aussitôt diligence pour obtenir de la S. A. R. L. IDETEC la liste des pays dans lesquels il produirait ses effets et lui signifier le montant des frais de traduction qui seraient exposés pour chacun des pays ; que Monsieur Rolland X... a mis correctement en œ uvre la faculté de résiliation de plein droit du contrat de licence exclusive de brevets qui lui était offerte et a régulièrement mis fin au contrat, le 30 avril 1997 ;
Attendu que Monsieur Rolland X..., indépendamment des mobiles qui le guidaient, en l'absence de réponse de la S. A. R. L. IDETEC quant au paiement des frais de maintien du brevet européen, était fondé à résilier le contrat de licence exclusive de brevets, par application de son article 19 ; que la S. A. R. L. IDETEC doit être déboutée de sa demande de dommages- et- intérêts fondée sur la rupture abusive du contrat de licence exclusive de brevets ;
Attendu que Monsieur Rolland X... sera débouté de son appel incident, faute pour lui de démontrer que la S. A. R. L. IDETEC a agi à son encontre en usant de procédés déloyaux et a engagé une action à la légère ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 7OO du code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre ; PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Reçoit l'appel de la S. A. R. L. IDETEC comme régulier en la forme.
Prononce la nullité du jugement frappé d'appel.
Statuant à nouveau, déboute les parties de l'intégralité de leurs prétentions.
Condamne la S. A. R. L. IDETEC aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S. C. P. d'Avoués Associés J. M. BOTTAI- P. Y. GEREUX – F. BOULAN, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT