4o Chambre C
ARRÊT AU FOND DU 02 MAI 2008
No 2008 / 181
S. C. I. LA REPE
C /
Société SODIVAR
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 16 Mai 2005 enregistré au répertoire général sous le no.
APPELANTE
S. C. I. LA REPE, prise en la personne de son gérant, M. X...,
demeurant...-13090 AIX- EN- PROVENCE
représentée par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués
assistée de Maître Jean- Louis BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Société SODIVAR, prise en la personne de son président, Jacques Z...
demeurant ...-83150 BANDOL
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL- TOUBOUL, avoués à la Cour,
assistée de Maître Jean- Marie LAFRAN, avocat au barreau de MARSEILLE
*- *- *- *- * COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Mars 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Michel NAGET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Brigitte BERNARD, Président Madame Marie- Françoise BREJOUX, Conseiller Monsieur Michel NAGET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie- Christine RAGGINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2008,
Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie- Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*** RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Suivant acte reçu de Maître B..., notaire à Saint – Cyr- sur- mer le 14 décembre 1990, les sociétés COFRAMI et SICOMI RHÔNE ALPES ont consenti à la SCI LA REPE un crédit- bail immobilier sur un terrain de 7. 198 mètres carrés, sis au lieudit La Rèpe, sur le territoire de la commune de Bandol (83150), route du Beausset, pour une durée de dix- huit années.
Par un nouvel acte reçu de Maître C..., notaire à Paris le premier mars 1991, la crédit- preneuse s'est engagée envers ses bailleurs, à sous- louer à la société X... S. A. R. L. le terrain objet du bail, avec les édifices qu'elle y a construit.
Cette sous- location a été réalisée par acte sous seing privé en date du premier juin 1991.
Suivant acte reçu de Maître D..., notaire associé à Aimargues (Gard) le 23 octobre 1994, la société MONTLAUR- BANDOL a cédé à la société SODIVAR le fonds de commerce exploité dans les locaux objet de ces différentes conventions. Il s'agit d'un supermarché.
Par une autre acte, reçu le même jour du même notaire, La SCI LA REPE a consenti, sur ces locaux, une nouvelle sous- location, pour une durée de dix- huit ans, moyennant un loyer annuel de 900. 000, 00 francs.
Ce bail comporte une clause résolutoire, devant s'appliquer à défaut de payement d'un seul terme de loyer, ou "... en cas d'inexécution de l'une quelconque des conditions du... (dit)... bail, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter demeurée sans effet ".
Ceci exposé, de deux constats dressés les 14 mars et 24 décembre 2003 par un huissier désigné par ordonnance sur requête, il résulte que des transformations ont été effectuées, afin d'aménager en surface de vente, un auvent extérieur de 315, 93 mètres carrés.
Le 19 novembre 2004, la SCI LA REPE a fait délivrer à la société SODIVAR sommation d'avoir à remettre les locaux dans leur état antérieur dans le délai de un mois.
Suivant assignation du 20 janvier 2005, elle a introduit, devant le Tribunal de Grande Instance de Toulon, et selon la procédure dite " à date fixe ", une demande qui tendait à ce que soit constatée la résiliation du bail de sous- location par l'effet de cette clause résolutoire, motif pris de la poursuite prétendue de l'infraction, décrite par les constats d'huissiers susvisés, après l'expiration du délai imparti à la société preneuse pour la faire cesser.
Elle sollicitait ainsi l'expulsion de la société SODIVAR, outre sa condamnation au payement :
- d'une indemnité d'occupation de 5. 000, 00 euros par jour,
- des loyers restant à courir jusqu'à la fin du bail,
- de la somme de 8. 000, 00 euros par mois à titre de dommages- intérêts, à compter du premier mars 2003, pour l'exploitation permanente illégale du auvent,
- de celle de 100. 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts complémentaires,
Elle demandait en outre que la société SODIVAR fût condamnée sous astreinte à remettre le auvent dans son état primitif.
Par jugement en date du 16 mai 2005, le Tribunal de Grande Instance de Toulon a débouté la SCI LA REPE de toutes ses demandes, et l'a condamnée à payer à la société SODIVAR la somme de 6. 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts, outre celle de 4. 500, 00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement a été frappé d'appel par déclaration de la SCI LA REPE, reçue au Greffe de la Cour le 21 juillet 2005.
Par conclusions du 22 février 2008, elle en demande l'infirmation et reprend les demandes qu'elle avait formulées devant le Tribunal, à ceci près qu'elle a élevé à 10. 000, 00 euros sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté, la société SODIVAR a conclu, les 28 février et 3 mars 2008 à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté son adversaire de ses prétentions,
A titre subsidiaire, elle demande la suspension des effets de la clause résolutoire du bail, et un délai de grâce de deux ans, pour exécuter d'éventuels travaux de mise en conformité.
Elle se porte d'autre part demanderesse reconventionnelle en payement de d'une somme de 75. 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts, à quoi elle ajoute celle de 5. 000, 00 euros réclamée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M O T I F S :
La Cour constate d'abord que l'irrecevabilité de l'appel n'est pas soulevée, et qu'elle n'a pas lieu d'être relevée d'office.
Puis, sur les mérites du recours, les motifs de sa décision sont les suivants :
Tout en constatant les transformations opérées en mars 2003, par la société SODIVAR dans l'espace situé devant le magasin, et recouvert par un auvent, le Tribunal a rejeté la demande de la bailleresse aux motifs que la S. A. R. L. X... BANDOL, précédent locataire commercial, "... exploitait habituellement l'auvent en surface commerciale, et ce, toute l'année, de mai à septembre en y vendant ses propres articles, et de septembre à avril, en sous- louant ses emplacements à des artisans ou autres commerçants " ; ajoutant, d'autre part, que le bail de sous- location du 23 octobre 1994 n'excluait aucune possibilité d'affecter à la vente cette surface de 315, 93 m ².
Cependant, l'infraction aux clauses du bail reprochée à la société SODIVAR porte à la fois sur l'affectation des locaux, la preneuse ayant étendu sa surface de vente en installant dans l'entrée du magasin, des services qui se trouvaient à l'intérieur, et sur le fait que des travaux importants ont été réalisés sans l'autorisation exigée par le bail pour effectuer de tels changements.
Si effectivement, le bail n'interdit pas, par principe, la mise en valeur de toute les possibilités commerciales offertes par les locaux, ni l'installation de boutiques ou services sur le parcours de la clientèle, même à l'extérieur des bâtiments, en revanche, une clause prévoit expressément que " le preneur devra, avant d'entreprendre des travaux devant entraîner une modification substantielle des locaux ou des installations, obtenir l'accord écrit du bailleur, et si nécessaire, celui des administrations concernées ".
Or, les deux constats régulièrement dressés, d'abord le 14 mars 2003, pendant les travaux réalisés par la société SODIVAR, et non par la société X..., puis le 23 décembre 2004, après l'achèvement de ces travaux, et après l'expiration du délai de un mois qui a suivi la sommation du 19 novembre 2004, montrent bien que des transformations importantes ont été effectuées.
Ainsi, des cloisons avec des portes ont été élevées, des réseaux électriques et canalisations ont été installées, de même que trois chambres de fermentation, une chambre froide, deux fours et un conduit de fumée.
A l'évidence, cette situation n'a plus rien de commun avec les ventes en plein- air pratiquées ou autorisées par la société X..., car la société SODIVAR a installé à demeure, sous l'auvent en litige, aujourd'hui fermé sur tous les côtés, son rayon boulangerie et son rayon poissonnerie, ainsi qu'un bureau d'accueil destiné à recevoir le public. Cette dernière avait donc besoin de l'autorisation de son bailleur pour exécuter de tels travaux, en sorte que la résiliation automatique du bail, conformément à la clause qu'il contient, est désormais un fait acquis.
Cependant, compte- tenu des conséquences graves devant résulter de la mesure d'expulsion demandée à l'encontre de cette dernière, il convient de faire application de l'article L 145-41 du code de commerce, et de suspendre les effets de cette clause résolutooire, tout en impartissant à la société SODIVAR un délai de six mois pour supprimer toutes les installations non autorisées. Il convient donc de réformer en conséquence le jugement entrepris.
En revanche, l'exploitation de l'espace situé devant le magasin, serait- elle illégale, n'est la source d'aucun préjudice particulier subi par la SCI LA REPE, laquelle ne peut davantage se plaindre des transformations effectuées, tant que la restitution n'est pas intervenue. Il convient donc de la débouter de ses demandes de dommages- intérêts, faute de toute justification sérieuse.
Enfin, la société SODIVAR doit également être déboutée de ses demandes de dommages- intérêts et autres indemnités. Elle sera condamnée, en revanche, aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au payement d'une indemnité de 2. 000, 00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour,
Statuant en audience publique et contradictoirement,
Déclare la SCI LA REPE recevable en son appel du jugement rendu le 16 mai 2005 par le Tribunal de Grande Instance de Toulon.
Y faisant droit,
Infirme le dit jugement en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau,
Déclare acquise au profit de la SCI LA REPE l'application de la clause résolutoire contenue dans le bail de sous- location conclu entre les parties le 23 octobre 1994.
Suspend, toutefois, les effets de cette clause pendant une durée de six mois à compter de la signification du présent arrêt, pendant lequel la société SODIVAR devra supprimer tous les ouvrages et aménagements réalisés par elle sans autorisation de sa bailleresse, et rétablir les locaux dans l'état tel qu'ils se trouvaient lorsqu'elle les a reçus.
Dit que cette clause ne jouera pas si la locataire se libère de cette obligation avant l'expiration du dit délai, mais que dans le cas contraire, la société SODIVAR sera expulsée avec le concours de la force publique, et sous astreinte de 200, 00 euros (deux cents euros) par jour de retard pendant un nouveau délai de trois mois, passé lequel il sera à nouveau fait droit s'il y a lieu.
Condamne la société SODIVAR à payer à la SCI LA REPE la somme de 2. 000, 00 euros (deux mille euros) à titre d'indemnité allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de toutes plus amples prétentions.
La condamne aux dépens de première instance et d'appel, et pour le recouvrement de ceux d'appel, accorde à la société d'avoués COHEN Hervé et Laurent et Paul GUEDJ le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière : La Présidente :