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24/04/2008 | FRANCE | N°285

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0014, 24 avril 2008, 285


1o Chambre B
ARRÊT AU FOND DU 24 AVRIL 2008 FG No 2008 / 285

Rôle No 07 / 05713
FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX
C /
Jean X... William X... Francis X... Paule X... épouse Y... Didier X... Daniel X... Elisabeth X... épouse Z... Patrick X...

réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 05 Mars 2007 enregistré au répertoire général sous le no 98 / 3920.
APPELANTE
LA FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX dont le siège est...

représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avou

és à la Cour, plaidant par Me Jean- Michel ROCHE, substitué par Me Pierre BOUSQUET avocats au barreau de P...

1o Chambre B
ARRÊT AU FOND DU 24 AVRIL 2008 FG No 2008 / 285

Rôle No 07 / 05713
FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX
C /
Jean X... William X... Francis X... Paule X... épouse Y... Didier X... Daniel X... Elisabeth X... épouse Z... Patrick X...

réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 05 Mars 2007 enregistré au répertoire général sous le no 98 / 3920.
APPELANTE
LA FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX dont le siège est...

représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, plaidant par Me Jean- Michel ROCHE, substitué par Me Pierre BOUSQUET avocats au barreau de PARIS

INTIMÉS
Monsieur Jean X... demeurant...

Monsieur William X... demeurant...

Monsieur Francis X... demeurant...

Madame Paule X... épouse Y... demeurant...

Monsieur Didier X... demeurant...

Monsieur Daniel X... demeurant...

Madame Elisabeth X... épouse Z... demeurant... 78350 JOUY EN JOSAS

Monsieur Patrick X... demeurant...

représentés par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour, plaidant par Me Hervé CHEVEAU, avocat au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Mars 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président Madame Catherine CHARPENTIER, Conseiller Madame Martine ZENATI, Conseiller

qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2008,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme Paule Jeanne X... veuve E..., née le 7 février 1917 à Millau (Aveyron), est décédée le 17 octobre 1997 à Nice, sans laisser d'héritiers réservataires.
Elle avait établi le 31 août 1994 devant MoJean- François A..., notaire associé de la SCP A... et I..., titulaire d'un office notarial à Nice, un testament authentique par lequel elle instituait comme légataire universelle la Fondation Assistance aux Animaux, au bénéfice exclusif de la délégation Assistance aux animaux des Alpes maritimes, à charge pour Assistance aux animaux de maintenir dans les lieux et d'entretenir ses chats leur vie durant, et de loger gratuitement M. Francis H... qui assurera le nettoyage et l'entretien des locaux occupés par les chats.
Les ayants droit de feue Paule Jeanne X..., ses neveux et nièces, M. Daniel X..., M. Didier X..., Mme Elisabeth X... épouse Z..., M. Francis X..., M. Jean X..., M. Patrick X..., Mme Paule X... épouse Y... et M. William X..., ont présenté un document sous seing privé attribué à la de cujus et selon lequel elle avait révoqué ce testament le 7 octobre 1997.
La Fondation Assistance aux Animaux a fait assigner le 5 mai 1998 les consorts X... devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins de voir dire que cet acte du 7 octobre 1997 était sans effets comme n'ayant pas été écrit de la main de Paule Jeanne X... veuve E....
Par jugement du 16 janvier 2001, le tribunal de grande instance de Nice a ordonné une expertise en écritures de ce document par Mme Annie F..., expert près la cour d'appel d'Aix- en- Provence.
Le rapport d'expertise a été établi le 24 juillet 2005.
Par jugement en date du 5 mars 2007, le tribunal de grande instance de Nice a :- débouté la Fondation Assistance aux Animaux de l'intégralité de sa demande,- confirmé en conséquence la valeur de l'acte de révocation en date du 17 octobre 1997,- déclaré recevable la demande reconventionnelle,- condamné la Fondation Assistance aux Animaux à payer à la partie défenderesse 2. 500 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,- rejeté le surplus de la demande reconventionnelle,- condamné la Fondation Assistance aux Animaux aux entiers dépens, y compris ceux afférents à l'expertise.

Par déclaration de la SCP BLANC, AMSELLEM- MIMRAN ET CHERFILS, avoués, en date du 2 avril 2007, la Fondation Assistance aux Animaux a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 3 mars 2008, la Fondation Assistance aux Animaux demande à la cour de :- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,- infirmer totalement le jugement et statuant à nouveau, notamment sur le fondement de l'article 970 du code civil,- prononcer la nullité de l'acte de récusation en date du 7 octobre 1997, comme n'ayant pas été écrit par Mme Paule E... ni signé d'elle, ou, à tout le moins, dont la preuve de l'authenticité n'est pas rapportée par les héritiers ab intestat qui s'en prévalent,- dire seul valable le testament authentique reçu le 31 août 1994 par Mo I... et A..., notaires associés à Nice,- dire la Fondation Assistance aux Animaux légataire universelle de l'ensemble du patrimoine de feue Mme Paule E..., et ce avec toute conséquence de droit,- débouter les parties adverses de toutes leurs demandes, fins et conclusions,- condamner les consorts X... à verser à la Fondation Assistance aux Animaux la somme de 2. 500 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,- condamner les consorts X... aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise, ceux d'appel distraits au profit de la SCP BLANC, AMSELLEM- MIMRAN ET CHERFILS, avoués.

La Fondation Assistance aux animaux estime que la charge de la preuve de l'authenticité du document de révocation de testament incombe à celui qui s'en prévaut, c'est à dire aux consorts X.... La Fondation Assistance aux animaux fait observer que l'expert a conclu à une contrefaçon de l'écriture de Mme veuve E... et estimé que la signature semblait résulter d'une reproduction par transparence de celle de Mme veuve E.... Subsidiairement, La Fondation Assistance aux animaux estime que Mme veuve E... a été prise sous la coupe de M. Jean X... qui l'a influencée et a profité de ce qu'elle n'avait plus toutes ses facultés mentales. Elle observe que l'expertise J..., privée et non contradictoire, est sans valeur. Elle considère le rapport F... satisfactoire. La Fondation Assistance aux animaux fait valoir que le testament est parfaitement exécutable et qu'en tout état de cause cette question ne se posera le cas échéant qu'après la délivrance du legs et ne doit pas interférer sur l'analyse de la validité de la révocation.

Par leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 12 février 2008, M. Daniel X..., M. Didier X..., Mme Elisabeth X... épouse Z..., M. Francis X..., M. Jean X..., M. Patrick X..., Mme Paule X... épouse Y... et M. William X..., demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, de condamner la Fondation Assistance aux Animaux à leur payer la somme de 2. 500 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, de la condamner à tous les dépens, avec distraction au profit de la SCP Hervé COHEN, Laurent COHEN et Paul GUEDJ, avoués.
Les consorts X... font valoir que la de cujus, alors qu'elle voyait son état de santé se dégrader, était restée suffisamment lucide pour prendre des décisions importantes, notamment la révocation du testament au profit de la fondation assistance aux animaux, mais elle était dans un état physique très faible expliquant son écriture. Les consorts X... considèrent que le rapport d'expertise présente une incohérence entre ses observations et sa conclusion. Ils estiment que l'attestation de M. B..., non expert, n'apporte rien. Ils se prévalent du rapport J.... Les consorts X... font observer que le testament est inapplicable, les charges prévues impossibles à respecter, les chats concernés étant des chats non identifiés proliférant à l'époque chez Mme veuve E... et M. H... étant inconnu.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 6 mars 2008.
MOTIFS,
- Sur les termes du litige :
Mme Paule Jeanne X... veuve E..., sans héritiers réservataires, a établi le 31 août 1994, à l'âge de 77 ans, un testament authentique, avec legs universel au profit d'une association, la fondation assistance aux animaux.
Les consorts X..., neveux et nièces, ainsi déshérités, se prévalent d'un document sous seing privé attribué à Mme Paule Jeanne X... veuve E..., enregistré le 4 décembre 1997, après sa mort, et daté du 7 octobre 1997, dix jours avant sa mort, ainsi libellé : " Je récuse tous testaments. Fait à Nice, le 7 octobre 1997 " et signé " E... ".

La fondation assistance aux animaux conteste la sincérité de cet acte sous seing privé, qu'elle estime ne pas avoir été écrit, ni signé par Mme Paule Jeanne X... veuve E....
L'article 287 du code de procédure civile dispose que si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté.
Si la vérification ne permet pas au juge de conclure à la sincérité de l'acte, la partie qui fonde ses prétentions sur cet acte doit être déboutée.
Il appartient aux consorts X..., qui se prévalent d'un acte sous seing privé révocatoire d'un testament authentique, d'établir, en face d'une contestation de l'écriture et de la signature figurant sur cet acte sous seing privé, que le document est bien de la main de son auteur allégué.
En présence d'expertises privées contradictoires, il a été fait recours à une expertise judiciaire en écritures.
Mme Anne G... épouse F..., expert près la cour d'appel d'Aix- en- Provence, rubriques " documents et écritures " et " investigations scientifiques et techniques en matière de documents et écritures " a été désignée pour y procéder.
- Sur les termes du rapport d'expertise :
L'expert a procédé à la comparaison de l'écriture et de la signature figurant sur le document du 7 octobre 1997, dit " document de question ", par rapport à celles de 15 documents de comparaison, notamment deux documents établis à des dates très proches du document de question, l'un le 3 octobre 1997 pour son écriture et l'un du 11 octobre 1997 pour sa signature, de manière à comparer ce qui est comparable, en tenant compte de la dégradation éventuelle de l'écriture due à l'âge.
L'étude comparative entre l'écriture du document de question et l'écriture de Mme Paule E... fait apparaître des convergences se rapportant à l'aspect extérieur, la forme des lettres, l'inclinaison, la direction des lignes.
Par contre l'expert a noté de nombreux points de divergences :- en ce qui concerne l'ordonnance des mots : sur le document de question, les espaces mots sont grands, très grands entre les lignes, alors que sur les documents de comparaison, les espaces des lignes sont toujours courts,- en ce qui concerne les liaisons : sur le document de question, apparaissent des signes de levées de plume systématiques après la lettre " o " alors que sur les documents de comparaison la lettre " o " est combinée avec la lettre suivante ; l'expert note que cette façon d'écrire est un geste propre au scripteur du document de question, différent de la façon d'écrire de Mme E...,- en ce qui concerne la pression du trait : l'expert a relevé que sur le document de comparaison du 11 octobre 1997, le trait présente des tremblements et des traînassements accentués, alors que sur le document de question, la pression est en sillon, les appuis sont fermes, une forte tension dans le trait occulte le rythme naturel de l'écriture,- en ce qui concerne la " vitesse ", le rythme de l'écriture : l'expert a relevé que les lettres du document de question sont tracées les unes à côté des autres avec application, dessinées sans rythme personnel, alors que l'écriture sur les documents de comparaison, notamment contemporain du 11 octobre 1997 est perturbée par les inégalités et les dégradations du trait, mais en gardant un rythme personnel, le geste graphique étant toujours lancé avec spontanéité,- l'expert a noté la divergence de structure des lettres " a " et " b " et du chiffre " 1 ".

Toutes ces divergences d'écriture permettent à l'expert de dire que l'écriture du document de question est tracée avec lenteur, indice d'une reproduction des lettres de l'écriture de comparaison, dessinées les unes après les autres avec application, d'une autre main que l'écriture de comparaison : " L'écriture du document en question est tracée avec lenteur, sans rythme personnel et nous paraît être une reproduction des lettres de l'écriture de Mme Paule E..., dessinées les unes après les autres avec application par un tiers, pour contrefaire son écriture ".
Ces observations de l'expert tiennent compte de la comparaison avec au moins deux documents de comparaison contemporains de quelques jours au document de question, de sorte que les caractéristiques dues à l'âge ou à la maladie devraient se retrouver aussi bien dans le document de question que dans les documents de comparaison.
En ce qui concerne la signature l'expert a également noté des divergences. L'expert relève notamment que sur le document de question, l'écriture de la signature est tracée avec lenteur et précision, la ligne de base est bien tenue, les lettres s'appuient sur une ligne droite, la ligne de base et la médiane sont parallèles, alors que sur les documents de comparaison, soit trois signatures faites à la même période, l'écriture est inégale de dimension, avec dérapage des lettres médianes en zone supérieure, ligne de base très sinueuse, présentant une cassure entre le début des lettres intérieures " ou " " our " qui sont surélevées à la fin du nom.
L'expert a formé une remarque particulière. Les similitudes de forme, de dimension, de proportions et de disposition des lettres, de la direction, entre la signature du document de question et la 2ème signature portée sur le document de comparaison no4 lui ont paru suspectes, en ce sens que les deux signatures sont étrangement identiques, sauf dans la pression, les liaisons et le rythme de l'écriture. L'expert estime que la signature du document de question n'est autre que la reproduction de cette signature au moyen d'un papier transparent.
Les conclusions de cette expertise sont explicites. L'acte sous seing privé daté du 7 octobre 1997 révocatoire de testament et attribué à Mme Paule Jeanne X... veuve E... n'est pas écrit ni signé de la main de celle- ci.
- Sur les conséquences :
Ce document du 7 octobre 1997 est un faux sans valeur et doit être écarté.
En conséquence, et sauf autre testament postérieur, le testament authentique du 31 août 1994 doit s'appliquer.
Il appartiendra à la fondation assistance aux animaux de solliciter toute autorisation nécessaire en vue de l'acceptation de ce legs.
Quant aux éventuelles difficultés de respecter les charges du testament, il s'agit d'un autre débat, dont n'est pas saisi la cour, et qui ne se posera que lorsque la fondation sera entrée en possession.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les consorts X... supporteront les dépens, comprenant les frais d'expertise.
Ils paieront une somme de 1. 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la Fondation assistance aux animaux.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Réforme le jugement rendu le 5 mars 2007 par le tribunal de grande instance de Nice,
Statuant à nouveau,
Dit que le document sous seing privé attribué à Mme Paule Jeanne X... veuve E..., enregistré le 4 décembre 1997, après sa mort, et daté du 7 octobre 1997, dix jours avant sa mort, ainsi libellé : " Je récuse tous testaments. Fait à Nice, le 7 octobre 1997 " et signé " E... " n'est pas écrit ni signé de Mme Paule Jeanne X... veuve E... ; dit que ce document est un faux, sans valeur et sans effet,
Dit que, sauf autre testament postérieur, le testament authentique établi le 31 août 1994 devant MoJean- François A..., notaire associé de la SCP A... et I... par Mme Paule Jeanne X... veuve E..., née le 7 février 1917 à Millau (Aveyron), doit recevoir application, sauf à la Fondation Assistance aux Animaux à obtenir toute autorisation nécessaire pour accepter ce legs,
Condamne les consorts X... à payer à la Fondation Assistance aux Animaux la somme de mille cinq cents euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne les consorts X... aux entiers dépens, y compris ceux afférents à l'expertise, et autorise la SCP BLANC, AMSELLEM- MIMRAN ET CHERFILS, avoués, à recouvrer directement sur eux, par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile, les dépens dont ces avoués affirment avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : 285
Date de la décision : 24/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nice, 05 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2008-04-24;285 ?
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