COUR D' APPEL D' AIX EN PROVENCE
4o Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 04 AVRIL 2008
No 2008 / 185
Rôle No 06 / 20593
Pâquerette X...
C /
Syndicat des Copropriétaires LOU GRILLOU
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 mai 2002 enregistré au répertoire général sous le no 00 / 5466.
APPELANTE
Madame Pâquerette X...
née le 18 avril 1911 à CANNES (06400), demeurant ...- 06400 CANNES
représentée par la S. C. P. DE SAINT FERREOL- TOUBOUL, avoués à la Cour, Plaidant par Maître Catherine MARIA, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Syndicat des Copropriétaires de l' ensemble immobilier LOU GRILLOU, 14 Rue Ricord Laty- 06400 CANNES représenté par son syndic S. A. R. L. Cabinet BRYGIER, 15 bis Bd Saint Charles- O6100 LE CANNET,
représenté par la S. C. P. TOLLINCHI PERRET- VIGNERON BARADAT- BUJOLI- TOLLINCHI, avoués à la Cour, plaidant par la S. C. P. GUGLIELMI- BONAUDI- CERULLI, avocats au barreau de GRASSE
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COMPOSITION DE LA COUR
L' affaire a été débattue le 26 février 2008 en audience publique. Conformément à l' article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur André FORTIN, Conseiller a fait un rapport oral de l' affaire à l' audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Michel BUSSIÈRE, Président
Monsieur André FORTIN, Conseiller
Madame Françoise ISSENJOU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie AUDOUBERT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 avril 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Magistrat Rédacteur : Monsieur André FORTIN, Conseiller
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 avril 2008,
Signé par Monsieur Michel BUSSIÈRE, Président et Madame Sylvie AUDOUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
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Madame Pâquerette X..., initialement propriétaire du terrain sur lequel a été bâti l' ensemble immobilier dénommé " Résidence Lou Grillou " situé à Cannes au No 14 rue Ricord Laty, est demeurée copropriétaire et notamment d' un lot No 27 consistant en un droit de surélévation, le transfert de propriété ayant été constaté par acte du 4 mars 1969. Au reste, le règlement de copropriété prévoyait ce lot 27 comme étant le droit de surélever d' un étage l' immeuble " Résidence Lou Grillou " dans les conditions fixées sous le paragraphe 3 Droit de surélévation ci- après et définissait les conditions de ce droit de surélévation en prévoyant la répartition des tantièmes avant et après surélévation.
Une première procédure a opposé Madame Pâquerette X... et le syndicat des copropriétaires qui demandait l' interdiction de réaliser les travaux en l' état d' un permis de construire qu' elle avait obtenu. Un jugement était prononcé de ce chef le 14 juin 1994 déboutant le syndicat des copropriétaires puis, sur appel devant la présente Cour, cette dernière devait décider, part arrêt prononcé le 9 janvier 1997, que Madame Pâquerette X... bénéficiait d' un droit de construire de 133, 71m ² de surface hors oeuvre brut (SHOB) et de 76, 22m ² de surface hors oeuvre net (SHON).
Madame Pâquerette X... ayant demandé au syndicat des copropriétaires de confirmer son accord de principe pour la construction qu' elle envisageait afin de réaliser son droit de surélévation pour une surface de 76, 22m ², l' assemblée générale des copropriétaires réunie le 24 mai 2000, aux termes d' une résolution portant le No 5, lui refusait cette " autorisation ".
Par exploit délivré le 30 août 2000, Madame Pâquerette X... a fait assigner le syndicat des copropriétaires " Résidence Lou Grillou " à comparaître devant le tribunal de grande instance de Grasse pour voir annuler cette résolution No 5 de l' assemblée générale des copropriétaires réunie le 24 mai 2000.
Le syndicat des copropriétaires " Résidence Lou Grillou " ayant soulevé l' irrecevabilité de cette demande, s' y étant opposé et ayant formulé une demande reconventionnelle tendant à voir constater la caducité du droit de surélever de Madame Pâquerette X..., par jugement prononcé le 24 mai 2002, le Tribunal de grande instance de Grasse :
- annulait l' assignation délivrée par Madame Pâquerette X... le 30 août 2000,
- disait n' y avoir lieu à statuer sur la demande reconventionnelle du syndicat des copropriétaires " Résidence Lou Grillou ",
- condamnait Madame Pâquerette X... à payer au syndicat des copropriétaires " Résidence Lou Grillou " la somme de 1. 200 € en application des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile,
- la condamnait encore aux dépens.
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Par déclaration faite au greffe de la présente Cour le 30 juillet 2002, Madame Pâquerette X... a interjeté appel de ce jugement prononcé le 24 mai 2002 par le Tribunal de grande instance de Grasse.
Elle entend :
- que le jugement entrepris soit infirmé,
- que le syndicat des copropriétaires soit débouté de ses demandes,
- que soit annulée la résolution No 5 de l' assemblée générale du 24 mai 2000,
- que l' intimé soit condamné à lui payer la somme de 2. 000 € en application des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile,
- qu' il soit encore condamné aux dépens de première instance et d' appel.
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Au soutien de son recours, elle fait valoir :
- que le premier juge a violé l' article 16 du nouveau code de procédure civile,
- que son assignation n' est pas nulle,
- qu' elle invoque le règlement de copropriété, l' arrêt rendu par la Cour d' appel d' Aix en Provence ainsi que la chose jugée et encore l' abus de majorité commis dans le cadre de la cinquième résolution de l' assemblée générale,
- que son action n' est pas prescrite puisqu' elle a été introduite dans le délai de l' article 42 de la Loi du 10 juillet 1965,
- que son droit de surélever n' est pas caduc.
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Le syndicat des copropriétaires " Résidence Lou Grillou " demande à la Cour :
- de confirmer à titre principal le jugement entrepris,
- de prononcer la caducité du droit de surélever de Madame X...,
- de débouter l' appelante de toutes ses demandes,
- de la condamner à lui payer la somme de 4. 000 € en application des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile,
- de la condamner encore aux dépens de première instance et d' appel.
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Au soutien de ses prétentions il fait valoir :
- qu' il avait bien soulevé la nullité de l' assignation sur le fondement de l' article 56 du code de procédure civile,
- que cette assignation est bien nulle pour les motifs du premier juge,
- que l' action de Madame Pâquerette X... est prescrite,
- que son droit de surélévation est caduc,
- que la résolution critiquée, dès lors qu' elle est justifiée par le fait que la demande d' inscription à l' ordre du jour formulée par Madame Pâquerette X... n' indiquait pas la durée des travaux qu' elle envisageait, ne comportait pas l' engagement de respecter le style des bâtiments existants ainsi que celui de ne point dépasser les 133, 71m ² de SHOB, n' est pas constitutive d' un abus de majorité.
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MOTIFS DE LA DÉCISION
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1 / Attendu que le syndicat des copropriétaires " Résidence Lou Grillou " soutient sans être contredit qu' en page 2 de ses conclusions de première instance il avait bien fait mention de l' infraction à l' article 56 du code de procédure civile et fait valoir par ailleurs que ce serait jouer sur les mots que de lui reprocher d' avoir usé du vocable " irrecevable " au lieu de " nullité " ;
Attendu, en conséquence, que la question de la méconnaissance par Madame Pâquerette X... " des prescriptions du dit article 56 du code de procédure civile a bien été soumise aux débats pour qu' il en soit tiré les conséquences de droit tendant à ce qu' il soit fait échec à la poursuite de la procédure, d' où il résulte que le premier juge n' a pas enfreint les dispositions de l' article 16 du dit code ;
2 / Attendu cependant que le premier juge s' est contredit en relevant que Madame Pâquerette X... sollicitait l' annulation de la résolution No 5 au prétexte qu' elle lui cause un grief mais sans fonder ni en droit ni en fait son action, dès lors que si le moyen tiré par un copropriétaire demandeur à l' annulation d' une délibération d' assemblée générale de cette circonstance que cette résolution lui fait grief est inopérant pour parvenir à l' annulation qu' il souhaite, il n' en demeure pas moins qu' il s' agit d' un motif juridique assis sur des considérations de fait (la résolution prise) qui complaît ainsi à l' exigence de l' article 56 2o du code de procédure civile ;
Attendu, en conséquence, que c' est à tort que le premier juge a annulé l' assignation introductive d' instance et qu' il convient dès lors d' infirmer le jugement entrepris ;
Et attendu que Madame Pâquerette X... indique en appel que sa demande est fondée sur un abus de majorité qui affecterait la validité de la résolution querellée ;
3 / Attendu que l' assignation n' étant pas annulée et Madame Pâquerette X... ayant délivré cet acte dans les délais de l' article 42 de la loi du 10 juillet 1965, son action est recevable ;
4 / Attendu que pour asseoir sa demande tendant à voir constater la caducité du droit de surélévation dont bénéficiait Madame Pâquerette X..., le syndicat des copropriétaires " Résidence Lou Grillou " invoque l' article 37 de la Loi du 10 juillet 1965 en ce qu' il traite des droits accessoires aux parties communes et y inclut en effet le droit de surélever un bâtiment affecté à l' usage commun ou comportant plusieurs locaux qui constituent des parties privatives différentes ;
Attendu cependant qu' en érigeant en lot, en l' espèce le lot No 27, le droit de surélévation attribué à Madame Pâquerette X..., le règlement de copropriété ne lui a pas concédé un droit accessoire aux parties communes au sens de l' article 3 de la Loi, mais une propriété privative, d' autant que les droits accessoires visés par ce texte ne sont réputés tels que dans le silence ou la contradiction des titres ;
Et attendu que, certes, le règlement de copropriété reprend in extenso l' article 37 de la loi du 10 juillet 1965, notamment en ce qu' il traite de la caducité décennale du droit accessoire de surélévation, mais que le visa ou la reprise, dans un acte, d' une disposition de la loi, applicable par définition, ne saurait induire une stipulation que l' acte ne contient pas ou le dénaturer ;
Attendu, ainsi, qu' il y a lieu de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires " Résidence Lou Grillou " tendant à voir prononcer la caducité du lot No 27, propriété de Madame Pâquerette X... et constitué du droit pour elle de surélever l' immeuble sous certaines conditions ;
5 / Attendu que le syndicat des copropriétaires " Résidence Lou Grillou " fait encore valoir que compte tenu du caractère imprécis du projet de travaux objet de la demande d' autorisation formulée par Madame Pâquerette X... qui ne faisait pas apparaître leur durée, ni l' engagement de respecter le style des bâtiments, ni encore celui de ne point dépasser les 133, 71m ² de SHOB, l' assemblée générale était en droit de lui opposer un refus ;
Mais attendu que le projet de résolution soumis à l' assemblée générale par Madame Pâquerette X... tendait à ce que cette dernière lui donnât son accord de principe pour la construction qu' elle envisageait afin de réaliser son droit de surélévation pour une surface de 76, 22 m ² et réservait ainsi explicitement l' autorisation ultérieure sur un projet de travaux précis, alors qu' une telle demande était légitime au regard du procès l' ayant opposé au syndicat qui a donné lieu à l' arrêt de la présente Cour du 9 janvier 1997 et au demeurant anticipait la position du syndicat des copropriétaires relative à la caducité de ce droit révélé dans le cadre de la présente instance ;
Attendu, ainsi, que c' est à bon droit que Madame Pâquerette X..., se prévalant d' un abus de majorité commis par l' assemblée générale, lequel est constitué en l' espèce par le refus pour des motifs partisans de donner son accord à l' exercice par un copropriétaire d' un droit légitime consacré par le règlement de copropriété et ses actes, demande l' annulation de la délibération litigieuse ;
Et attendu que si le projet soumis à l' assemblée tendait à un accord de principe, la délibération finalement prise rejetait l' autorisation sollicitée, en sorte que la délibération fait bien grief en elle- même ;
Attendu, en conséquence, qu' il y a lieu d' annuler la résolution No 5 de l' assemblée générale du 24 mai 2000 ;
Vu les articles 696, 699 et 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, CONTRADICTOIREMENT, EN MATIÈRE CIVILE ET EN DERNIER RESSORT
Reçoit l' appel,
Infirme le jugement prononcé le 24 mai 2002 par le Tribunal de grande instance de Grasse,
Déclare recevable l' action de Madame Pâquerette X...,
Dit que le droit de surélévation de Madame Pâquerette X..., consubstantiel à son lot No 27, n' est pas caduc,
Annule la résolution No 5 de l' assemblée générale des copropriétaires de la " Résidence Lou Grillou " réunie le 24 mai 2000,
Condamne le syndicat des copropriétaires " Résidence Lou Grillou " à payer à Madame Pâquerette X... la somme de 2. 000 € en application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile,
Le condamne encore aux dépens de première instance et d' appel, ordonne distraction de ceux d' appel au profit de la S. C. P. de SAINT FERREOL- TOUBOUL, avoués, sur leur affirmation d' en avoir fait l' avance.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
S. AUDOUBERT M. BUSSIÈRE