COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
6o Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 28 FEVRIER 2008
No 2008 /
Rôle No 06 / 20987
Tranquillo X...
C /
Claude Y... épouse X...
Grosse délivrée
le :
à : SCP TOUBOUL
SCP TOLLINCHI
Décision déférée à la Cour :
Recours en révision sur un arrêt de Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 25 Janvier 2005 enregistré au répertoire général sous le no 02 / 20364.
APPELANT
Monsieur Tranquillo X...
né le 05 Février 1948 à MARANO LAGUNARE (ITALIE) (99),
demeurant ...-83520 ROQUEBRUNE SUR ARGENS
représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
assisté de Me Michel IZARD, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
Madame Claude Y... épouse X...
née le 15 Août 1951 à CREIL (60100),
demeurant ...
représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour,
assisté de Me Dominique NOURRIT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Marie Claire FALCONE, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie Claire FALCONE, Président
Monsieur François FILLERON, Conseiller
Monsieur François BOISSEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie-Sol ROBINET.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Février 2008,
Signé par Madame Marie Claire FALCONE, Président et Madame Marie-Sol ROBINET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ SUCCINCT DU LITIGE
Par arrêt du 25 janvier 2005, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan rendu le 19 septembre 2002, et a, notamment, prononcé le divorce des époux X...-Y..., alloué à l'épouse une prestation compensatoire de 65 000 €.
Par acte du 12 décembre 2006, M X... a formé un recours en révision contre l'arrêt rendu par la cour d'appel, par application des articles 593 et suivants du code de procédure civile, au motif que Mme Y... aurait dissimulé sa véritable situation, qui, si elle avait été connue de la cour d'appel n'aurait pas permis, selon lui, l'octroi d'une prestation compensatoire.
Dans ses dernières écritures du 16 janvier 2008, M X... demande à la cour d'appel de déclarer son recours recevable, de rétracter l'arrêt rendu le 25 janvier 2005 en ce qu'il l'a condamné à payer à Mme Y... une prestation compensatoire de 65 000 €, de statuer à nouveau, de dire n'y avoir lieu à allocation d'une prestation compensatoire et de condamner Mme Y... à lui payer 50 000 € à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice par lui subi.
Par conclusions du 3 janvier 2008, Mme Y... demande le rejet du recours en révision, et la condamnation de M X... au paiement de 20 000 € pour procédure abusive.
Le Ministère Public s'en rapporte à justice.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 janvier 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Le délai du recours en révision est de deux mois.
Il court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque.
En l'espèce, M X... fait valoir qu'il a découvert à l'occasion des opérations de liquidation-partage de la communauté et notamment par lettre du 30 octobre 2006 adressée par le notaire en charge de ces opérations, que son épouse avait été bénéficiaire d'une donation-partage le 12 juillet 2003 et qu'elle avait constitué une société civile immobilière le 21 août 2002, par l'intermédiaire de laquelle elle a acquis le 7 octobre 2002, un appartement à Cannes.
Mme Y... ne conteste pas ces déclarations et la recevabilité du recours.
Sur le fond, il est établi que Mme Y... a bénéficié, le 12 juillet 2003, d'une donation-partage consentie par son père aux termes de laquelle, elle a perçu la somme de 44 000 €.
Par ailleurs, Mme Y... a créé, le 21 août 2001, avec sa mère, une société civile immobilière, Espace République, dont elle est titulaire de 99 parts sur 100, qui a acquis, le 7 octobre 2002, un appartement à Cannes.
L'acquisition a été faite moyennant le prix de 126 000 €, payé à hauteur de 72 640 € avec les fonds de la société, et à hauteur de 53 360 € à l'aide d'un prêt.
Lorsqu'il a eu connaissance de la constitution de la société Espace République, M X... a engagé le 15 janvier 2007, une procédure devant le tribunal de grande instance de Grasse tendant à la nullité de l'apport en société effectué par Mme Y..., par application de l'article 1832-2 du code civil ; cette procédure est en cours.
Ces deux éléments n'ont pas été portés à la connaissance de la cour d'appel par Mme Y..., qui avait établi une déclaration sur l'honneur le 16 juin 2001, et qui ne l'a pas actualisée lors des débats devant la cour d'appel.
S'agissant de la donation, Mme Y... fait valoir « qu'elle n'a pas pensé un seul instant que cette donation pouvait avoir une incidence sur la procédure d'appel ».
Elle souligne le montant relativement modeste des fonds reçus par elle-40 000 €-, au regard du patrimoine commun, estimé à 1 654 094 €, et le fait que la cour d'appel a motivé sa décision, pour l'essentiel, sur la différence de situation professionnelle des parties et leurs droits à la retraite.
En ce qui concerne la constitution de la société civile immobilière et l'acquisition d'un appartement à Cannes, Mme Y... soutient que cette information n'aurait pas changé l'appréciation de la cour d'appel, sur le principe et le montant de la prestation compensatoire, dés lors qu'elle avait connaissance qu'à la suite de la liquidation de la société civile immobilière de L'Eden, appartenant aux époux, et de la vente le 16 novembre 2000, pour le prix de 198 000 €, cette somme avait été partagée par moitié entre les époux.
Elle fait valoir que c'est grâce à la somme qu'elle a perçu à la suite de cette vente qu'elle a pu acquérir le 1er octobre 2002, par l'intermédiaire de la société crée avec sa mère, un appartement à Cannes.
Ainsi Mme Y... ne conteste pas l'existence des éléments de son patrimoine, découverts par M X..., ni le fait qu'elle n'en a pas fait mention dans la présentation de sa demande de prestation compensatoire.
Elle ne pouvait cependant ignorer les éléments d'appréciation prévus par la loi, pris en considération pour la fixation d'une prestation compensatoire, notamment relatifs au patrimoine propre des époux et à leurs droits existants et prévisibles.
Elle se devait dans le cadre d'un débat complet et loyal porter à la connaissance de la juridiction, les éléments nouveaux ayant modifié son patrimoine propre, par l'effet de la donation-partage, et les droits qui pouvaient être les siens par la détention de 99 parts sur 100 dans la société civile immobilière constituée en cours de procédure avec sa mère, ayant acquis un appartement à Cannes, lesquels pouvaient être estimés, à l'échéance du prêt immobilier, à la valeur de l'appartement acquis, l'intention des associées étant manifestement, à terme, que l'appartement acquis reste la propriété de Mme Y..., sans compter sa faculté d'emprunt et donc de se constituer un patrimoine immobilier.
Ces omissions volontaires, outre qu'elles ont contrevenu aux exigences d'un procès loyal, et notamment aux dispositions des articles 10,259-3, du code civil,15 du code de procédure civile, ont eu une incidence certaine dans l'appréciation par la cour d'appel de la disparité dans la situation respective des parties.
C'est pourquoi il convient de déclarer le recours en révision formé par M X... fondé dans son principe.
Sur le fond, compte tenu des éléments d'appréciation dont la cour d'appel dispose, la rupture du lien conjugal crée, dans la situation respective des parties, au détriment de Mme Y..., une disparité qui doit être compensée par l'allocation d'une prestation compensatoire.
Celle-ci est fixée à la somme de 50 000 € et l'arrêt rendu le 25 janvier 2005 est rétracté de ce chef.
M X... demande des dommages et intérêts par application de l'article 1382 du code civil.
Mme Y... a obtenu en 2005, une condamnation du mari sur la base d'éléments incomplets, qu'elle a volontairement omis de porter à la connaissance de la cour d'appel ; M X... a dû engager une procédure pour démontrer le comportement déloyal de Mme Y... et obtenir une décision conforme à la situation réelle des parties.
Il a subi un préjudice certain qui doit être réparé par l'allocation de dommages et intérêts que la cour d'appel fixe à la somme de 6000 €.
M X... a exposé des frais non compris dans les dépens qui selon l'équité doivent être fixés à la somme de 2500 €.
Les dépens sont à la charge de Mme Y... qui succombe.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant en audience publique, contradictoirement, après débats non publics.
Recevant le recours,
Vu les articles 593 et suivants du code de procédure civile,10 et 259-3 du code civil,15 du code de procédure civile,
Rétracte l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 25 janvier 2005 sur la prestation compensatoire,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne M X... à payer à Mme Y... la somme de 50 000 € à titre de prestation compensatoire,
Condamne Mme Y... à payer à M X... la somme de 6000 € à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1382 du code civil,
Condamne Mme Y... à payer à M X... la somme de 2500 € pour frais irrépétibles,
La condamne aux dépens.
Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,