COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1o Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 31 JANVIER 2008
CC
No 2008/72
Rôle No 06/20367
Emmanuel X...
C/
Laurent Y...
SELARL CABINET MÉDICAL LAURENT Y...
CAISSE D'ÉPARGNE PROVENCE ALPES CORSE
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 05 Octobre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 05/2699.
APPELANT
Monsieur Emmanuel X...
demeurant ...
représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
plaidant par Me Daniel PETIT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMÉS
Monsieur Laurent Y...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007/2873 du 21/05/2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)
né le 28 Juin 1956 à ENGHIEN LES BAINS (95880), demeurant ...
LA SELARL CABINET MÉDICAL LAURENT Y...
dont le siège est 28, rue Gimelli - 83000 TOULON
représentés par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour,
plaidant par Me Marie-Joseph ROCCA-SERRA, avocat au barreau de MARSEILLE
LA CAISSE D'ÉPARGNE ALPES CORSE
dont le siège est Place Estrangin Pastré - BP 108 - 13254 MARSEILLE 6
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
plaidant par Me Alain PROVANSAL, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Madame Catherine CHARPENTIER, Conseiller
Madame Martine ZENATI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2008,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Vu l'appel interjeté par Emmanuel X... du jugement rendu le 5 octobre 2006 par le tribunal de grande instance de Toulon, lequel l'a débouté de ses demandes dirigées contre Laurent Y... et la SELARL Cabinet médical Laurent Y... au motif que la preuve d'un manquement aux obligations contractuelles résultant de la convention du 16 septembre 2004 n'était pas établie, a rejeté l'exception d'incompétence et a déclaré recevable la demande reconventionnelle de la Caisse d'Epargne, a condamné en conséquence Emmanuel X... à payer à la banque coopérative Caisse d'Epargne Provence Alpes Corse la somme principale de 44.392,18 euros avec intérêts au taux contractuel jusqu'à parfait paiement, la somme de 750 euros à chacun des trois défendeurs en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et a ordonné l'exécution provisoire.
Vu les conclusions récapitulatives et en réponse déposées le 3 octobre 2007 par Emmanuel X... qui demande d'infirmer le jugement, de dire nul l'acte du 16 septembre 2004, de condamner la SELARL Cabinet médical Laurent Y... à lui restituer la somme de 41.000 euros augmentée des intérêts légaux depuis le 16 septembre 2004 outre les droits d'enregistrement soit la somme de 216 euros à charge pour le demandeur de remettre cette somme à la Caisse d'Epargne.
Il demande aussi de condamner in solidum Laurent Y... et la SELARL de son cabinet médical à lui payer :
- 9.665,80 euros au titre des intérêts, frais de dossier, assurance et accessoires réclamés en sus de la somme principale empruntée,
- 8.900 euros au titre des frais de déplacement indûment déboursés pour se rendre à Toulon afin d'y exercer son activité professionnelle,
- 3.300 euros au titre des loyers payés en pure perte à la SCI LARA,
- 3.000 euros au titre du préjudice moral.
Emmanuel X... conclut au rejet de toutes les demandes formées contre lui par Laurent Y... et la SELARL Cabinet médical Laurent Y..., de dire nul l'acte de prêt conclu avec la Caisse d'Epargne et de débouter celle-ci de toutes ses demandes contre la restitution du capital emprunté soit 41.000 euros, d'ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque provisoire et de condamner enfin tout contestant aux dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 26 octobre 2007 par la Caisse d'Epargne Provence Alpes Corse qui sollicite la confirmation du jugement en précisant que sa créance s'élève à 43.107,04 euros au titre des échéances impayées et du capital restant dû arrêtée au 19 septembre 2005 outre intérês au taux contractuel et à 1.276,14 euros au titre de l'indemnité de résiliation. La Caisse réclame aussi la condamnation de Emmanuel X... à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 26 juillet 2007 par Laurent Y... et la SELARL cabinet médical Laurent Y... qui sollicitent la confirmation du jugement, le rejet des prétentions de Emmanuel X... et sa condamnation à payer à Laurent Y... la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et la même somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En cause d'appel, Emmanuel X... ne sollicite plus la résiliation du contrat invoquée en première instance au motif que le cédant n'aurait pas exécuté son obligation de présentation de clientèle et dont il a été débouté.
L'appelant prétend que le contrat est nul pour défaut de cause et d'objet ou pour cause illicite ou impossible dès lors qu'il porte sur la cession de clientèle civile, pour défaut d'obligation de droit à présentation du successeur par le vendeur et imprécision des obligations de celui-ci ou encore pour absence des mentions obligatoires dans le cadre d'une cession de fonds libéral.
La cession de clientèle médicale intervenue dans le cadre de la cession d'un fonds d'exercice libéral n'est pas illicite à condition que soit respecté le libre choix de son médecin par le patient conformément à l'article R 4127-6 du code de la santé publique. Or en l'espèce, si le contrat litigieux est intitulé « cession de clientèle de cabinet médical » il y est stipulé que le fichier clients sera remis au cessionnaire et il n'est pas contesté que le cédant s'est acquitté de cette obligation de remise de fichier, que le cessionnaire pourrait se présenter comme le successeur du cédant « sauf objection des intéressés » (à savoir les patients) de sorte que la liberté de choix du patient a été respectée. De plus, même si le titre du contrat ne le mentionne pas, la cession ne porte pas que sur la clientèle mais sur les éléments corporels du cabinet puisqu'il est mentionné au contrat que la cession porte aussi sur le mobilier professionnel et meublant, sur le transfert de la ligne téléphonique et une promesse de bail dont l'objet et le prix sont spécifiés sachant que la SCI LARA, dont Laurent Y... est associé, est propriétaire des murs.
De plus, il est justifié par des attestations de plusieurs patients qu'ils ont été avisés par courrier du docteur Y... ou lors de visites à celui-ci de ce que le docteur X... allait lui succéder. Le docteur Y... explique la désaffection de la clientèle dont se plaint son successeur en produisant plusieurs attestations de patients qui se plaignent de ce qu'il ne leur était pas délivré par le docteur X... (contrairement au docteur Y...) de feuille de soins portant le montant des honoraires effectivement perçus (50 euros) par consultation mais mentionnant seulement 20 euros ainsi qu'une attestation de complément d'honoraires qui n'étaient pas prises en compte par leurs mutuelles.
Il n'est donc pas démontré par le docteur X... que la présentation de clientèle n'a pas eu lieu effectivement, étant observé qu'aucun aveu judiciaire du docteur Y... n'est caractérisé mais que celui-ci a seulement indiqué quelles étaient les limites des termes écrits du contrat, sachant qu'il démontre par plusieurs attestations avoir rempli une obligation positive d'information auprès de plusieurs de ses patients, la preuve contraire ou même celle de l'insuffisante réalisation, n'étant pas rapportée par le cessionnaire.
Il n'est au surplus pas fondé de prétendre qu'était obligatoire dans le contrat dont s'agit la mention du chiffre d'affaires des trois dernières années.
Il est aussi relevé que la promesse de bail a été remplie puisque le bail a été signé le jour même de la signature du contrat de cession le 16 septembre 2004 avec prise d'effet au 7 septembre 2004 et que Emmanuel X... a donné congé le 27 janvier 2005 après de vaines tentatives de résiliation amiable en décembre 2004 sachant que le cessionnaire avait pris du retard dans le paiement des loyers et des factures de téléphone.
La demande de clôture de la ligne téléphonique professionnelle au nom de Laurent Y... n'a été formalisée par celui-ci que le 27 décembre 2004 alors que les parties étaient déjà en instance de rupture.
La nullité du contrat de cession n'étant pas pertinemment poursuivie par Emmanuel X..., ses demandes accessoires, dirigées tant contre Laurent Y... et la SELARL que contre la CAISSE D'EPARGNE en nullité du prêt, sont nécessairement rejetées.
La CAISSE d'EPARGNE qui justifie de l'exigibilité du prêt consenti à des fins professionnelles pour le financement du prix de cession par la déchéance du terme prononcée le 19 juillet 2005 est fondée en sa demande en paiement du solde impayé de celui-ci soit la somme de 43.107,04 euros outre intérêts au taux contractuel jusqu'à parfait paiement outre l'indemnité de résiliation anticipée de 1.276,14 euros soit 3 % des sommes dues à la déchéance du terme. Le jugement entrepris sera émendé sur le montant de la condamnation prononcée entachée d'une erreur matérielle de chiffre.
Faute par Laurent Y... de caractériser et de démontrer le principe, la nature et l'étendue du préjudice dont il réclame réparation, distinct de celui indemnisé par l'application à son profit des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
Emmanuel X..., partie succombante, sera condamné aux dépens et à payer à la CAISSE D'EPARGNE ALPES CORSE, d'une part, et à Laurent Y... et la SELARL Cabinet médical Laurent Y... pris ensemble, d'autre part, une indemnité supplémentaire en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,
Emendant le jugement entrepris,
Condamne Emmanuel X... à payer à CAISSE d'EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE la somme de 43.107,04 euros outre intérêts au taux contractuel jusqu'à parfait paiement au titre du solde du prêt outre l'indemnité de résiliation anticipée de 1.276,14 euros,
Confirme en toutes ses autres dispositions ledit jugement,
Y ajoutant,
Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples, autres ou contraires,
Condamne Emmanuel X... à payer à la CAISSE d'EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE la somme supplémentaire de 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à Laurent Y... et la SELARL Cabinet médical Laurent Y... pris ensemble la somme supplémentaire de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Emmanuel X... aux entiers dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT