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06/12/2007 | FRANCE | N°06/10195

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0044, 06 décembre 2007, 06/10195


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 6 DECEMBRE 2007

No 2007/ 484

Rôle No 06/10195

S.A.R.L. TRANSPORTS BUROS

C/

S.A.S. GRANDS MOULINS MAUREL

Société PIENSOS VIGORAN

Grosse délivrée

le :

à :BOTTAI

SIDER

MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 2 mai 2006 enregistré au répertoire général sous le no 05/1313

APPELANTE

S.A.R.L. TRANSPORTS BUROS, agissant poursuites et diligences de

son représentant légal en exercice domicilié au siège sis 32240 CASTEX D'ARMAGNAC

représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour

INTIMEES

Société GRANDS ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 6 DECEMBRE 2007

No 2007/ 484

Rôle No 06/10195

S.A.R.L. TRANSPORTS BUROS

C/

S.A.S. GRANDS MOULINS MAUREL

Société PIENSOS VIGORAN

Grosse délivrée

le :

à :BOTTAI

SIDER

MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 2 mai 2006 enregistré au répertoire général sous le no 05/1313

APPELANTE

S.A.R.L. TRANSPORTS BUROS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié au siège sis 32240 CASTEX D'ARMAGNAC

représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour

INTIMEES

Société GRANDS MOULINS MAUREL, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié au siège sis 148 route des Trois Lucs - 13012 MARSEILLE

représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,

plaidant par Me Jean-François DURAN pour la SCP OMAGGIO et ASSOCIES, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE

Société PIENSOS VIGORAN

dont le siège est sis Hospital 46 E - 12513 CATI (CASTELLON) - Espagne

représentée par Me Paul MAGNAN, avoué à la Cour,

plaidant par Me Jean-Louis KEITA, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 8 novembre 2007 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur André JACQUOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2007.

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2007

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Les faits :

Selon contrat du 3 avril 2003 intervenu sous l'égide d'AGRI-INTERNATIONAL, la société TRANSPORTS BUROS a été chargée de transporter 1600 tonnes de blé dur à raison de 200 tonnes par mois de mai à décembre 2003 des entrepôts de la société GRANDS MOULINS MAUREL à Marseille aux établissement PIENSOS VIGORAN SL situés à CATI (Espagne) moyennant un prix de 35 euros la tonne.

Le transporteur a retiré 1221 tonnes auprès du vendeur et n'a pu obtenir paiement auprès de l'acquéreur des factures de novembre et décembre 2003. Il a alors mis successivement en demeure les 30 novembre et 20 décembre 2004 l'expéditeur GRANDS MOULINS MAUREL de lui régler la somme de 10.285,84 euros.

La procédure :

La société GRANDS MOULINS MAUREL ne s'étant pas exécutée, la société TRENSPORTS BUROS l'a assignée en paiement devant le Tribunal de Commerce de MARSEILLE. Cette dernière a elle même appelé en garantie la société PIENSOS VIGORAN. Selon jugement contradictoire du 2 mai 2006, le Tribunal a:

- retenu sa compétence;

- joint les instances principale et en garantie;

- déclaré la société TRANSPORTS BUROS irrecevable en sa demande;

- dit sans objet la demande de garantie de la société GRANDS MOULINS MAUREL;

- fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et condamné la société TRANSPORTS BUROS aux dépens.

Le transporteur et la société GRANDS MOULINS MAUREL ont relevé appel du jugement les 6 juin 2005 et 14 décembre 2006.

La société TRANSPORTS BUROS soutient dans ses dernières conclusions du 3 mai 2007 que:

- le contrat du 3 avril 2003 étant un contrat cadre, la prescription doit s'apprécier au regard de chaque livraison dont le paiement est demandé;

- en vertu de la Convention Marchandises Route (C.M.R) du 19 mai 1956 la prescription de l'action en paiement du prix est d'une année (article 34) et court dans les trois mois suivant la conclusion du contrat de transport;

- les opérations de transport ayant été exécutées à compter du 19 novembre 2003, la demande en paiement pouvait être utilement engagée jusqu'au 20 février 2005, de telle sorte que l'assignation du 18 février 2005 est recevable;

- l'article L.132-8 du code de commerce qui ouvre une action directe en paiement à l'encontre de l'expéditeur, ayant été introduite dans le délai prévu à la C.M.R, aucune déchéance n'est encourue;

- ces dispositions ne distinguent pas entre l'expéditeur réel et apparent, étant observé que la société GRANDS MOULINS MAUREL a émargé les titres de transport et remis les marchandises au transporteur;

- la demande reconventionnelle de la société GRANDS MOULINS MAUREL en paiement de dommages intérêts pour retard dans l'exécution des transports litigieux est prescrite pour avoir été présentée à l'audience du 22 mars 2005;

- au demeurant elle ne fait état que de deux incidents en août et novembre 2003 insuffisants à démontrer une inexécution fautive;

- la demande de la société PIENSOS VIGORAN fondée sur les mêmes motifs est tout autant irrecevable en vertu de l'article 32 de la C.M.R;

- en tout état de cause elle ne peut résister au paiement de prestations effectuées qu'elle a acceptées sans réserve.

La société TRANSPORTS BUROS conclut à l'infirmation du jugement déféré et au paiement par la société GRANDS MOULINS MAUREL des sommes de 10285,84 euros avec intérêts capitalisés à compter du 30 novembre 2004 à titre principal, de 4000 euros pour frais de procédure et de 2047,23 euros en application de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991.

La société GRANDS MOULINS MAUREL s'y oppose et fait valoir principalement dans ses conclusions en réplique du 5 octobre 2007 que le contrat de transport datant du 3 avril 2003, la prescription était acquise lors de l'assignation intervenue en février 2005 soit 22 mois plus tard. Au fond, elle fait valoir que:

- l'article L.132-8 du code de commerce ne confère au transporteur aucune action contre le vendeur;

- le contrat de transport est intervenu avec la seule société PIENSOS VIGORAN qui est aussi le donneur d'ordre réel, et la société GRANDS MOULINS MAUREL n'a joué qu'un rôle passif dans la remise des marchandises;

- la société TRANSPORTS BUROS n'a pas assuré les deux rotations hebdomadaires convenues au contrat et la société destinataire PIENSOS VIGORAN n'a finalement reçu que 1221,620 tonnes sur les 1600 tonnes vendues;

- elle a engagé sa responsabilité et doit être condamnée au paiement d'une indemnité de 7500 euros;

- en l'état de la carence de la société PIENSOS VIGORAN dans le paiement du prix du transport, la société GRANDS MOULINS MAUREL est fondée à solliciter sa garantie.

La société GRANDS MOULINS MAUREL conclut principalement à la confirmation du jugement déféré, subsidiairement au rejet de la demande de la société TRANSPORT BUROS et au paiement par cette dernère des sommes de 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et de 4.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses écritures du 22 février 2007, la société PIENSOS VIGORAN conclut également à la prescription de l'action du transporteur. Elle ajoute qu'elle n'a pas été livrée en totalité du blé commandé et subi un préjudice issu d'une procédure abusive et vexatoire.

La société PIENSOS VIGORAN sollicite dès lors la confirmation du jugement déféré et paiement par la société TRANSPORTS BUROS de la somme de 8000 euros à titre de dommages intérêts. Subsidiairement elle conclut à une limitation de la créance de la société TRANSPORTS BUROS à la somme de 8600,20 euros et à la garantie de la société GRANDS MOULINS MAUREL. Elle réclame enfin paiement par les sociétés TRANSPORTS BUROS et GRANDS MOULINS MAUREL des sommes respectives de 8000 euros et 3000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2007.

DISCUSSION

Sur la demande principale en paiement du prix du transport :

Ainsi que le soutient à bon droit la société TRANSPORT BUROS, la convention du 3 avril 2003 s'analyse en un contrat cadre puisqu'elle organise des transports devant s'échelonner de mai à décembre 2003. La prescription annale prévue tant à l'article 32 de la CMR qu'à l'article L.133-6 du Code de Commerce ne peut donc nécessairement commencer à courir qu'à compter de leur exécution successive.

En l'espèce, la société TRANSPORTS BUROS réclame le paiement de trois factures visant des transports effectués du 19 novembre au 16 décembre 2003. N'ayant pu l'obtenir du destinataire, elle agit à l'encontre du vendeur-expéditeur que constitue nécessairement la société GRANDS MOULINS MAUREL qui a émargé les lettres de voiture et lui a remis les marchandises. Cette action est recevable en vertu de l'article L.132-8 du Code de Commerce qui institue l'expéditeur et le destinataire "garants du paiement du prix du transport", les parties ne discutant pas de l'application de la loi française à l'action étant rappelé si besoin que le contrat de transport dont s'agit a été souscrit en France et exécuté par un transporteur ayant son siège sur le territoire national. C'est donc à tort que la société TRANSPORTS BUROS entend revenir à la prescription prévue à la CMR en son article 32-1 au motif qu'il s'agit d'un transport international alors que cette convention ne régit pas l'action directe en paiement du prix instituée au profit du transporteur par la loi nationale.

En effet, dès lors que le silence du droit international conduit à l'écarter au profit du droit national, il n'existe aucun motif de le faire revivre, l'action devant être examinée dans toutes ses composantes au regard du seul droit national. Rien ne permet non plus de dissocier le fond et la prescription, la seconde n'étant pas séparable du premier. Enfin les dispositions de l'article L.132-8 du Code de Commerce telles qu'issues de la loi du 6 février 1998 sont dérogatoires du droit commun et s'entendent d'une interprétation stricte.

Les premiers juges ont donc appliqué à bon droit la prescription annale de l'article L.133-6 du Code de Commerce courant à compter de la remise des marchandises au destinataire. Les transports dont s'agit ayant eu lieu du 19 novembre au 16 décembre 2003, la prescription était acquise pour les plus anciens au 20 novembre 2004 et au 17 décembre 2004 pou les plus récents de telle sorte que l'assignation en paiement du 18 février 2005 est irrecevable.

Sur les autres chefs de demande:

En l'état de l'irrecevabilité de la demande principale, l'action en garantie de la société GRANDS MOULINS MAUREL contre le destinataire PIENSOS VIGORAN est sans objet. Aucun élément circonstancié ne permet de considérer que l'action engagée par la société TRANSPORTS BUROS pour recouvrer sa créance de transport soit constitutive d'un abus ou d'une erreur grossière équipollente au dol. Les sociétés GRANDS MOULINS MAUREL et TRANSPORTS BUROS ne justifient pas plus d'un préjudice particulier qui serait né de cette action intempestive. Leur demande en paiement de dommages intérêts est rejetée.

L'équité conduit à faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au seul profit de la société GRANDS MOULINS MAUREL.

La société TRANSPORTS BUROS qui succombe dans son recours supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,

Reçoit l'appel;

Confirme le jugement rendu le 2 mai 2006 par le Tribunal de Commerce de MARSEILLE;

Déboute les sociétés GRANDS MOULINS MAUREL et TRANSPORTS BUROS de leur demande en paiement de dommages intérêts;

Condamne la société TRANSPORTS BUROS à payer à la société GRANDS MOULINS MAUREL la somme de 2.000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

La condamne aux dépens et autorise la SCP SIDER et Maître MAGNAN, avoués, à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : 06/10195
Date de la décision : 06/12/2007

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR) - Points non réglés par la Convention - Prix de transport - Action directe - Loi applicable - // JDF

Le contrat de transport international qui n'a pas été payé au transporteur par le destinataire, peut faire l'objet d'une demande de paiement auprès de l'expéditeur, dans un délai d'un an à compter de la livraison des marchandises. C'est toutefois sur le fondement de l'article 132-8 du code de commerce, et non sur l'article 32 1 de la Convention Marchandises Route, qu'il convient de fixer le délai de prescription annale dans la mesure où si cette Convention s'applique au transport international, elle ignore l'action directe en paiement de l'expéditeur, ce qui conduit à l'écarter dans toutes ses composantes


Références :

article 132-8 du code de commerce

article 32 1 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR)

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Marseille, 02 mai 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2007-12-06;06.10195 ?
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