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11/10/2007 | FRANCE | N°03/09773

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0044, 11 octobre 2007, 03/09773


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 11 OCTOBRE 2007

No2007/378

Rôle No 03/09773

Société SEARUNNER GMBH

C/

S.A. CMA - CGM

Grosse délivrée

le :

à :BOISSONNET

TOUBOUL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 6 septembre 2002 enregistré au répertoire général sous le no 2002F00588

APPELANTE

Société de droit allemand SEARUNNER GmbH, actuellement "SEA CARGO TRANSPORT UND HANDELSGESELLSCHAFT MHB"
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représentée par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour, plaidant par la SCP SCAPEL ET...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 11 OCTOBRE 2007

No2007/378

Rôle No 03/09773

Société SEARUNNER GMBH

C/

S.A. CMA - CGM

Grosse délivrée

le :

à :BOISSONNET

TOUBOUL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 6 septembre 2002 enregistré au répertoire général sous le no 2002F00588

APPELANTE

Société de droit allemand SEARUNNER GmbH, actuellement "SEA CARGO TRANSPORT UND HANDELSGESELLSCHAFT MHB"

dont le siège est sis OSTERBROOK WEG 69 D - 22869 SCHENEFELD (Allemagne)

représentée par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour, plaidant par la SCP SCAPEL ET ASSOCIES substituée par Me Marc BERNIE, avocats au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A. CMA - CGM

dont le siège social est sis 4 Quai d'Arenc - 13002 MARSEILLE

représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Me André JEBRAYEL substitué par Me Rémy CUISIGNIEZ, avocats au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 septembre 2007 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Robert SIMON, Président Rapporteur, et Monsieur André JACQUOT, Conseiller Rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur André JACQUOT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2007

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2007

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A. C M A / C G M a transporté en deux expéditions du port de Vera Cruz jusqu'à celui de Bremerhaven 26 conteneurs 40' renfermant une marchandise désignée comme étant du Brandy, la société SEARUNNER GmBh devenue la société SEA Cargo Transport und Handelsgesellschaft MBH étant désignée sur 9 des 16 connaissements constituant la première expédition en qualité de destinataire. La marchandise n'a pas été réceptionnée alors que la dernière cargaison est arrivée à quai, le 23 juin 2001, la première le 4 janvier 2001.

Par jugement réputé contradictoire en date du 6 septembre 2002, le Tribunal de Commerce de Marseille a condamné solidairement la société SEARUNNER GmBh, destinataire désignée sur 9 connaissements, une société mexicaine, chargeur et une société américaine, autre destinataire à payer à la S.A. C M A / C G M la somme de 257.235,67 $ représentant le prix du fret de la première expédition, ainsi que ses accessoires (frais de demurrage, de storage…).

La société SEARUNNER GmBh devenue la société SEA Cargo Transport und Handelsgesellschaft MBH a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret No 98-1231 du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et moyens de la société SEA Cargo Transport und Handelsgesellschaft MBH dans ses conclusions récapitulatives en date du 3 août 2007 tendant à faire juger :

- que la transmission de l'acte introductif d'instance est entachée d'une irrégularité au regard des formalités exigées par le Règlement CE No 1348/2000 du 29 mai 2000 et que la société SEA Cargo Transport und Handelsgesellschaft MBH n'a jamais été destinataire de l'acte introductif d'instance,

- que la nullité de l'assignation entraîne celle du jugement subséquent, les premiers juges ne pouvant statuer en respectant le délai de six mois, faute d'une assignation régulièrement signifiée,

- « au fond », que la S.A. C M A / C G M n'a ni qualité, ni intérêt pour agir, que son action est prescrite, que la société SEARUNNER GmBh est restée « tierce » aux connaissements en ce qui concerne les accessoires (frais de location des conteneurs) et que le quantum de la réclamation est trop élevée ;

Vu les prétentions et moyens de la S.A. C M A / C G M dans ses conclusions récapitulatives en date du 30 août 2007 tendant à faire juger :

- que l'acte introductif d'instance a été valablement signifié à la société SEARUNNER GmBh devenue la société SEA Cargo Transport und Handelsgesellschaft MBH dans le respect des dispositions du règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil de l'Europe en date du 29 mai 2000 et que notamment la traduction en langue anglaise de l'acte introductif d'instance était jointe à la transmission effectuée à l'entité requise en Allemagne qui, dans un premier temps, en a accusé réception avant de retourner l'ensemble de la transmission au motif « d'une langue incorrecte »,

- qu'il est rapporté la preuve que l'acte introductif d'instance a été traduit en langue anglaise et que l'huissier instrumentaire a joint la traduction à la transmission qu'il a faite à l'entité requise allemande comme il l'a fait pour les deux autres défendeurs,

- au fond que la société SEARUNNER GmBh a renoncé dans ses conclusions récapitulatives à se prévaloir du double degré de juridiction et a accepté le débat sur le fond qui doit donc être examiné,

- que les connaissements que la S.A. C M A / C G M a émis comportent une clause à leur recto imposant aux « receivers » le paiement des surestaries dues pour les conteneurs et des frais de leur stationnement ;

La société SEARUNNER GmBh s'est désistée de son appel général qui était dirigé contre les sociétés mexicaines et américaines, désistement constaté par ordonnance du Conseiller chargé de la Mise en État du 4 décembre 2006.

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 3septembre 2007.

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que, le 23 novembre 2001, un huissier marseillais, « entité d'origine » à la demande de la S.A. C M A / C G M a transmis à l'autorité centrale requise en Allemagne : « Amtsgericht Hambourg » un acte introductif d'instance à remettre à la société SEARUNNER GmBh demeurant à SCHENEFELD ; que selon le formulaire accompagnant la transmission, l'acte à signifier était traduit en langues espagnole et anglaise ; que l'entité centrale allemande a, le 3 décembre 2001, indiqué à l'entité d'origine que l'acte à signifier a bien été remis au Tribunal Instance de PINNEBERG et que le destinataire de l'acte se trouve bien dans la zone de compétence du Tribunal » ; que l'entité requise localement : « Amtsgericht Pinneberg », chargée de procéder ou faire procéder à la signification de l'acte introductif d'instance conformément à la législation de l'État membre requis, a, le 19 décembre 2001, retourné à l'entité d'origine l'acte à signifier au motif du « non-respect des conditions de forme requises rendant la signification impossible », à savoir : « la langue utilisée pour remplir le formulaire est incorrect » ;

Attendu que l'entité centrale requise, « Amtsgericht Hambourg », a régulièrement accusé réception à l'entité d'origine, dans le délai (7 jours) prévu par l'article 6 § 1. du Règlement CE No 1348/2000 du 29 mai 2000, de l'acte et a informé celle-ci de sa transmission à l'entité requise compétente territorialement à savoir, « Amtsgericht Pinneberg » ; que l'entité centrale n'était pas elle-même chargée de procéder directement à la signification de l'acte ; que l'accusé de réception se borne à mentionner la transmission de l'acte à signifier à l'entité requise localement compétente ; que l'entité centrale , « Amtsgericht Hambourg », n'a d'ailleurs pas utilisé le formulaire type prévu par l'article 6 §3. dudit Règlement pour accuser réception de l'acte ; que par contre, l'entité requise, « Amtsgericht Pinneberg », dans son envoi du 19 décembre 2001 visant expressément l'article 6 § 3. dudit Règlement a conformément à cet article refusé de procéder à la signification de l'acte à son destinataire au motif indiqué que la langue utilisée « pour remplir le formulaire est incorrect » ; que l'entité requise, « Amtsgericht Pinneberg », qui était chargée de procéder ou de faire procéder à la signification de l'acte, était bien fondée à refuser de le faire pour le motif d'une absence de traduction ; que l'absence de traduction qui est visée concerne le formulaire type accompagnant la transmission et non l'acte lui-même ; que l'attestation de l'huissier (qui ne fait pas foi jusqu'à inscription en faux) est inopérante comme visant la traduction en langue anglaise de l'acte à signifier et non du formulaire accompagnant la transmission ;

Attendu que la S.A. C M A / C G M ne peut soutenir que l'accusé de réception de l'entité centrale en date du 3 décembre 2001, vaut justification de l'accomplissement des formalités de signification de l'acte ; que les termes de « l'accusé de réception » ne sont pas équivoques en ce qu'ils se bornent à accuser réception de la transmission et à informer l'entité d'origine de la remise de l'acte à « Amtsgericht Pinneberg », l'entité localement compétente pour procéder ou faire procéder à la signification ; que l'avis de retour de « Amtsgericht Pinneberg » est quant à lui explicite comme revêtant la forme d'un formulaire type visant l'article 6 § 3. du Règlement CE No 1348/2000 du 29 mai 2000 mentionnant le retour de l'acte et son motif ; que, enfin l'entité d'origine qui avait expressément sollicité conformément à l'article 4 § 5. dudit Règlement que lui soit retourné un exemplaire de l'acte avec l'attestation visée à l'article 10 dudit Règlement constatant l'accomplissement des formalités de signification, n'a jamais eu en sa possession et la copie de l'acte une fois signifiée et ladite attestation ; qu'il s'ensuit que le Tribunal de Commerce de Marseille n'était pas saisi régulièrement et ne pouvait statuer en invoquant l'article 19 dudit Règlement qui impose qu'il doit être préalablement vérifié qu'aucune attestation constatant la signification de l'acte introductif d'instance n'a pu être obtenue, nonobstant toutes les démarches effectuées auprès des entités compétentes de l'État membre requis ; que les premiers juges en l'absence de l'attestation auraient dû vérifier si des démarches avaient été entreprises auprès de « Amtsgericht Hambourg » par la S.A. C M A / C G M pour l'obtenir ;

Attendu que le jugement rendu dans de telles conditions entourant la signification de l'acte introductif d'instance sera déclaré nul, l'irrégularité (décrite ci-dessus) affectant les conditions d'introduction de l'instance faisant manifestement grief au défendeur qui n'en a pas été le destinataire et qui n'a pu présenter aucune défense devant les premiers juges ;

Attendu que la société SEARUNNER GmBh a conclu au fond à titre principal (sans référence qu'elle le faisait à titre subsidiaire) ; que la dévolution s'opère, en ce cas, pour le tout en application de l'article 562 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, même si l'acte introductif d'instance est nul ou inexistant ;

Attendu que la société SEARUNNER GmBh devenue la société SEA Cargo Transport und Handelsgesellschaft MBH est bien fondée à soutenir l'irrecevabilité de la demande de la S.A. C M A / C G M qui est prescrite à défaut d'assignation valable et interruptive de la prescription, comme délivrée dans le délai d'une année suivant les différents transports (le dernier datant du 23 juin 2001) ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 4.000 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,

Reçoit l'appel de la société SEARUNNER GmBh devenue la société SEA Cargo Transport und Handelsgesellschaft MBH comme régulier en la forme.

Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau, la dévolution s'opérant pour le tout en application de l'article 462 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, déclare non valable la saisine du Tribunal de Commerce de Marseille et annule le jugement rendu, le 6 septembre 2002.

Déclare prescrite l'action en paiement formée par la S.A. C M A / C G M contre la société SEARUNNER GmBh devenue la société SEA Cargo Transport und Handelsgesellschaft MBH.

Condamne la S.A. C M A / C G M à porter et payer à la société SEARUNNER GmBh devenue la société SEA Cargo Transport und Handelsgesellschaft MBH la somme de 4.000 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne la S.A. C M A / C G M aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. d'Avoués Associés Bruno BOISSONNET et Ludovic ROUSSEAU, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : 03/09773
Date de la décision : 11/10/2007

Analyses

JUGEMENTS ET ARRETS - Nullité - Cas - /JDF

Est déclaré nul le jugement dont la signification de l'acte introductif d'instance est irrégulière en raison du fait que l'accusé de réception de l'autorité centrale ne saurait valoir justification du bon accomplissement des formalités de signification de l'acte. En effet, les termes de « l'accusé de réception » ne sont pas équivoques en ce qu'ils se bornent à accuser réception de la transmission et à informer l'entité d'origine de la remise de l'acte. En l'espèce, l'entité locale a retourné à l'entité d'origine l'acte à signifier en raison du « non-respect des conditions de forme requises rendant la signification impossible », et plus précisément de l'incorrection de la langue utilisée pour remplir le formulaire. Dès lors que l'avis de retour de l'autorité centrale étrangère est explicite comme revêtant la forme d'un formulaire type visant l'article 6 § 3 du Réglement CE Nº1348/2000 du 29 mai 2000, et que l'entité d'origine qui avait expressément sollicité conformément à l'article 4 § 5 dudit Réglement que lui soit retourné un exemplaire de l'acte avec l'attestation visée à l'article 10 dudit Réglement, n'a jamais eu en sa possession ni la copie de l'acte une fois signifiée ni ladite attestation, il s'ensuit que le Tribunal de Commerce de Marseille n'était pas saisi réguli rement et ne pouvait statuer en invoquant l'article 19 dudit R glement qui impose qu'il doit tre préalablement vérifié qu'aucune attestation constatant la signification de l'acte introductif d'instance n'a pu tre obtenue.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Marseille, 06 septembre 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2007-10-11;03.09773 ?
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