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04/10/2007 | FRANCE | N°06/18270

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0044, 04 octobre 2007, 06/18270


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2ème Chambre

ARRÊT AU FOND
DU 4 OCTOBRE 2007

No 2007 / 377

Rôle No 06 / 18270

S.A.R.L. TIVERIA ORGANISATION

C /

Compagnie COVEA RISKS

Gilles X...

Grosse délivrée
le :
à : JAUFFRES
COHEN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 27 octobre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 2006F00012

APPELANTE

S.A.R.L. TIVERIA ORGANISATION
dont le siège est sis Europole C-27-29 avenue Jean Méd

ecin-06200 NICE
représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
plaidant par Me Christian FIEVET, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Compagn...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2ème Chambre

ARRÊT AU FOND
DU 4 OCTOBRE 2007

No 2007 / 377

Rôle No 06 / 18270

S.A.R.L. TIVERIA ORGANISATION

C /

Compagnie COVEA RISKS

Gilles X...

Grosse délivrée
le :
à : JAUFFRES
COHEN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 27 octobre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 2006F00012

APPELANTE

S.A.R.L. TIVERIA ORGANISATION
dont le siège est sis Europole C-27-29 avenue Jean Médecin-06200 NICE
représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
plaidant par Me Christian FIEVET, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Compagnie COVEA RISKS, assureur de RESACENTER
dont le siège est sis 19-21 allée de l'Europe-Immeuble EQUINOX-92616 CLICHY CEDEX
représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Françoise DELMAS-POULET, avocat au barreau de GRASSE

Maître Gilles X... pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.S. RESACENTER
demeurant ...-94210 SAINT MAUR LES FOSSES
défaillant

*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 3 septembre 2007 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur André JACQUOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2007.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2007

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A.R.L. TIVERIA Organisation a confié, en février 2005, à la S.A.S. RESACENTER, assurée auprès de la S.A. COVEA RISKS, le soin d'organiser, du 7 au 10 octobre 2005, un séjour de plusieurs personnes en TUNISIE et leur acheminement. La S.A.R.L. TIVERIA Organisation a réglé à la S.A.S. RESACENTER une certaine somme 95. 000, outre la remise d'un effet de commerce de 36. 000 dont un tiers porteur réclame le paiement. Devant la carence de la S.A.S. RESACENTER, la S.A.R.L. TIVERIA Organisation a fait réaliser la prestation de services par d'autres opérateurs de tourisme et les en a réglés à hauteur de 141. 153,76.

Par jugement contradictoire en date du 27 octobre 2006, le Tribunal de Commerce de NICE a 1-débouté la S.A.R.L. TIVERIA Organisation de sa demande en indemnisation à hauteur de 141. 153,76 dirigée contre la S.A. COVEA RISKS et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 500 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et 2-a fixé sa créance dans la procédure collective de la S.A.S. RESACENTER mise en redressement judiciaire, le 8 février 2006, puis en liquidation judiciaire, le 29 mars 2006, à hauteur de 131. 000.

La S.A.R.L. TIVERIA Organisation a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret No 98-1231 du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et moyens de la S.A.R.L. TIVERIA Organisation dans ses « conclusions d'appel » en date du 14 décembre 2006 tendant à faire juger :
-que le sinistre résultant de la défaillance de son co-contractant doit être garanti par la S.A. COVEA RISKS au titre de la police souscrite par la S.A.S. RESACENTER, sans que l'assureur ne puisse arguer du caractère volontaire des fautes commises par son assuré qui sont à l'origine du dommage éprouvé et que le préjudice est égal aux frais engagés auprès d'autres professionnels du tourisme pour pallier la défaillance de la S.A.S. RESACENTER,
-que la S.A. COVEA RISKS ne rapporte pas la preuve du caractère intentionnel des fautes commises par la S.A.S. RESACENTER et qu'en toute hypothèse, le caractère intentionnel avéré des fautes serait sans incidence sur le droit de l'assuré à obtenir la garantie de l'assureur ;

Vu les prétentions et moyens de la S.A. COVEA RISKS dans ses conclusions au fond en date du 20 mars 2007 tendant à faire juger :
-que la S.A.R.L. TIVERIA Organisation ne peut bénéficier de la garantie octroyée par la police d'assurance, versée au débat, dès lors que tant les conditions générales que les conditions spéciales excluent l'indemnisation du sinistre eu égard aux circonstances de sa réalisation,
-
que la S.A.S. RESACENTER a recherché le dommage de façon consciente et intéressée ensuite d'un mécanisme inéluctable faisant perdre au sinistre son caractère aléatoire,

-que l'article L 113-1 du code des assurances exclut la garantie de l'assureur en cas de faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré à l'origine du dommage dont il est demandé réparation, la carence totale de la S.A.S. RESACENTER dans l'accomplissement de sa mission en dépit de l'encaissement des fonds caractérisant une faute de cette nature,

-que, enfin, le fait que d'autres relations d'affaires aient existé entre les parties avant ce contrat et que pour certaines se soient poursuivies après, est sans incidence sur l'appréciation de la nature de la faute ;

Le liquidateur judiciaire de la S.A.S. RESACENTER, Maître Gilles X..., a été assigné régulièrement à comparaître, le 10 janvier 2007.

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 3 septembre 2007.

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que les conditions générales de la police d'assurance « Responsabilité Civil Organisateurs Voyages », versée au débat par la S.A. COVEA RISKS, prévoient au titre des « exclusions générales » que les « dommages causés intentionnellement par l'assuré ou avec sa complicité, ainsi que par les mandataires sociaux de l'assuré quand il s'agit d'une personne morale » sont exclus de la garantie ; que les conditions particulières de la police n) 112782279 en ce qui concerne « l'assurance responsabilité civile professionnelle » Titre I paragraphe A, seule applicable s'agissant d'une assurance garantissant « l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle imputable à son activité professionnelle qui peut lui incomber à l'égard de l'acheteur du fait de la mauvaise exécution ou de l'inexécution des obligations résultant du contrat » prévoient au titre des risques exclus, « les risques exclus aux Conditions Générales » ; que la S.A. COVEA RISKS n'est donc pas fondée à invoquer la définition des risques exclus donnée par l'article 15 de la police, cette définition ne s'appliquant que pour la « Garantie Responsabilité civile exploitation » paragraphe B, qui ne peut être mise en uvre eu égard à la nature du sinistre ;

Attendu que le bénéfice de la police d'assurance est invoqué par la S.A.R.L. TIVERIA Organisation, victime du dommage et tiers au contrat d'assurance ; qu'il incombe à la S.A. COVEA RISKS, s'agissant d'une exclusion conventionnelle de garantie directe comme privant l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances définies dans les conditions générales (même génériquement, mais cependant clairement), de prouver que les éléments de faits conduisant à l'exclusion prévus dans la police d'assurance sont caractérisés et qu'il ne doit donc pas sa garantie pour le sinistre considéré eu égard aux circonstances particulières de sa réalisation ; que cette exclusion conventionnelle en cas d'existence d'une faute intentionnelle n'est que la reprise du cas d'exclusion légale ;

Attendu que la faute intentionnelle implique de la part de l'assuré, outre la conscience d'adopter un comportement qui sera générateur d'un dommage pour son client, la volonté de provoquer le dommage tel qu'il est survenu ; qu'en l'espèce, s'agissant d'une personne morale, la faute intentionnelle s'apprécie au regard du comportement des dirigeants sociaux (comme le rappellent d'ailleurs les conditions générales d'exclusion) ; que la S.A. COVEA RISKS qui supporte la charge de la preuve des circonstances de fait excluant sa garantie (et le risque inhérent à une telle charge) articule des moyens de fait suffisant pour démontrer que la S.A.S. RESACENTER a recherché délibérément le dommage tel qu'il a été subi par la S.A.R.L. TIVERIA Organisation ; que la S.A. COVEA RISKS expose justement que le fait intentionnel de la S.A.S. RESACENTER « implique la volonté de l'assurée de provoquer le dommage avec la conscience des conséquences de son acte » et / ou « que la faute intentionnelle (de la S.A.S. RESACENTER) est d'avoir, en encaissant le prix, et en s'abstenant volontairement de fournir à la S.A.R.L. TIVERIA Organisation les titres de transport (billets d'avion) que cette dernière lui avait réglés, d'avoir eu la volonté de causer le dommage » ; qu'il doit en effet être déduit du comportement de la S.A.S. RESACENTER qui s'est fait remettre une somme importante (131. 000) en règlement d'une prestation relative à l'organisation d'un séjour de 450 personnes en Tunisie et de leur acheminement et qui n'a exécuté aucune des obligations découlant de son contrat, qu'elle avait conscience que sa « carence » causerait inéluctablement un dommage à son client et surtout qu'elle entendait infliger un dommage à son client qui ne pouvait, sans réagir, payer intégralement une prestation d'un tel prix et ne jamais l'obtenir ; que l'impéritie totale de la S.A.S. RESACENTER à l'occasion de ce contrat, alors que plusieurs autres avaient été exécutés normalement et l'ont été même postérieurement au contrat litigieux (en août 2005 pour un montant beaucoup moins élevé : 5. 795 pour le plus important), est avérée et avait pour finalité de s'approprier le règlement important qui était intervenu sans fournir en contrepartie la prestation convenue ; que la preuve de la volonté de la S.A.S. RESACENTER de provoquer le dommage est suffisamment rapportée ; qu'en l'état d'une faute intentionnelle de la S.A.S. RESACENTER avec la volonté de provoquer le dommage, l'exclusion de garantie pour disparition de l'aléa a justement été soulevée par la S.A. COVEA RISKS ;

Attendu que le jugement mérite confirmation pour les motifs exposés ci-dessus et ceux non contraires des premiers juges ; que ceux-ci ont justement constaté que la S.A.R.L. TIVERIA Organisation disposait d'une créance à l'encontre de la procédure collective de la S.A.S. RESACENTER, mais qu'il convient d'en fixer le montant, non à 131. 000 mais à 141. 153,76, représentant le préjudice réel subi par la S.A.R.L. TIVERIA Organisation du fait des manquements gravement fautifs de la S.A.S. RESACENTER dans l'exécution du contrat ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 1. 000 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que la S.A.S. RESACENTER en liquidation judiciaire sera condamnée au même titre à la somme de 4. 000 ; que la créance représentée par les frais irrépétibles résultant de l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et mise à la charge du débiteur trouve son origine dans la présente décision statuant sur les dépens et entre dans les prévisions de l'article L 622-17 du Code de Commerce dans sa rédaction issue de la loi N 2005-845 du 26 juillet 2005, dès lors que le présent arrêt est postérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,

Reçoit l'appel de la S.A.R.L. TIVERIA Organisation comme régulier en la forme.

Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf celle ayant fixé à la somme de 131. 000 la créance de la S.A.R.L. TIVERIA Organisation à l'égard de la procédure collective de la S.A.S. RESACENTER.

Statuant à nouveau, constate que la S.A.R.L. TIVERIA Organisation dispose d'une créance à l'encontre de la S.A.S. RESACENTER en liquidation judiciaire et en fixe le montant à la somme de 141. 153,76 en principal.

Y ajoutant, condamne la S.A.R.L. TIVERIA Organisation à porter et payer à la S.A. COVEA RISKS la somme de 1. 000 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamne Maître Gilles X..., ès-qualités, à porter et payer à la S.A.R.L. TIVERIA Organisation la somme de 4. 000 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne la S.A.R.L. TIVERIA Organisation aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. d'Avoués Associés Hervé COHEN-Laurent COHEN et Paul GUEDJ, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : 06/18270
Date de la décision : 04/10/2007

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Exclusion - Faute intentionnelle ou dolosive - Caractère intentionnel - Volonté de provoquer le dommage - Caractérisation - / JDF

La faute intentionnelle implique de la part de l'assuré, outre la conscience d'adopter un comportement qui sera générateur d'un dommage pour son client, la volonté de provoquer le dommage tel qu'il est survenu. S'agissant d'une personne morale, la faute intentionnelle s'apprécie au regard du comportement des dirigeants sociaux. Que l'assureur qui supporte la charge de la preuve des circonstances de fait excluant sa garantie (et le risque inhérent à une telle charge) articule des moyens de fait suffisant pour démontrer que l'assuré a recherché délibérément le dommage tel qu'il a été subi par la société victime. Que l'assureur expose justement que le fait intentionnel de l'assuré « implique sa volonté de provoquer le dommage avec la conscience des conséquences de son acte » et qu'en l'espèce, la faute intentionnelle de l'assuré « est d'avoir, en encaissant le prix, et en s'abstenant volontairement de fournir la société victime les titres de transport (billets d'avion) que cette dernière lui avait réglés, d'avoir eu la volonté de causer le dommage ». En conséquence du comportement de l'assuré qui s'est fait remettre une somme importante en règlement d'une prestation relative à l'organisation d'un séjour de 450 personnes en Tunisie et de leur acheminement et qui n'a exécuté aucune des obligations découlant de son contrat, alors qu'elle avait pleinement conscience que sa « carence » causerait inéluctablement un dommage à son client qui ne pouvait, sans réagir, payer intégralement une prestation d'un tel prix et ne jamais l'obtenir . Que l'impéritie totale de l'assuré à l'occasion de ce contrat, alors que plusieurs autres avaient été exécutés normalement et l'ont été même postérieurement au contrat litigieux, est avérée et avait manifestement pour finalité de s'approprier le règlement important qui était intervenu sans fournir en contrepartie la prestation convenue. En conséquence, la preuve de la volonté de l'assuré de provoquer le dommage est suffisamment rapportée, ce qui exclut le jeu de la garantie.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nice, 27 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2007-10-04;06.18270 ?
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