4o Chambre B
ARRÊT AU FOND DU 25 SEPTEMBRE 2007
No 2007 / 368
Denise X... veuve Y... Gilles Y...
C /
Annie Z... épouse A...
Grosse délivrée à : COHEN JOURDAN
réf F. D. Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 12 Mai 2005 enregistré au répertoire général sous le no 02 / 6492.
APPELANTS
Madame Denise X... épouse Y... née le 08 Août 1938 à FLEURIGNY (89260), demeurant ...
Monsieur Gilles Y... né le 25 Janvier 1959 à PARIS, demeurant...,...-...
représentés par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour, Plaidant Me Guy CHETRITE, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMÉE
Madame Annie Z... épouse A... née le 05 Août 1935, demeurant... EN PROVENCE
représentée par la SCP JOURDAN- WATTECAMPS, avoués à la Cour, Plaidant Mo Xavier FORTUNET pour la SCP FORTUNET et ASSOCIES, avocats au barreau d'AVIGNON
*- *- *- *- * COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2007, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Didier CHALUMEAU, Président Madame Florence DELORD, Conseiller Monsieur Jean- Luc GUERY, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2007.
ARRÊT
Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2007
Signé par Monsieur Didier CHALUMEAU, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS, MOYENS,
Mme A... est propriétaire de la parcelle C 489 à MIRABEAU (Vaucluse) voisine de la parcelle 776, propriété des consorts Y.... Un différend s'est élevé entre eux relatif à un chemin d'exploitation qui traversait la propriété Y... et que ceux- ci auraient barré par un portail et une clôture.
Mme A... a saisi le Tribunal d'Instance d'APT pour faire reconnaître ses droits.
Par arrêt du 21 mars 2000, la Cour d'Appel de NÎMES a constaté l'accord des parties du 9 juillet 1999, par lequel Mme A... renonçait à ses revendications tandis que M Y... lui consentait un " droit de passage " sur sa parcelle 776 et le long de celle- ci.
Par ordonnance sur requête du 25 juillet 2000, le Président du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON a conféré force exécutoire à cet accord. Le 12 septembre 2000, Mme A... a publié la création d'une " servitude de passage " sur le fonds 776 à la conservation des hypothèques d'AVIGNON, et faisant état de la transaction susvisée.
Par acte du 31 octobre 2002, les consorts Y... ont assigné Mme A... devant le Tribunal de Grande Instance d'AIX- EN- PROVENCE pour faire annuler et prononcer la mainlevée de cette servitude publiée, et faire condamner Mme A... à leur verser des indemnités.
Par jugement du 12 mai 2005, le Tribunal de Grande Instance d'AIX- EN- PROVENCE a :- déclaré les consorts Y... mal fondés et les a déboutés de leurs prétentions,- rejeté la demande en dommages- intérêts de Mme A...,- condamné les consorts Y... à payer à Mme A... la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.
Par acte du 17 juin 2005, les consorts Y... ont fait appel de ce jugement.
Par leurs dernières conclusions récapitulatives déposées le 06 avril 2007, les consorts Y... ont demandé à la Cour :- de réformer le jugement,- d'annuler et d'ordonner la mainlevée et la radiation de la publication de la " création de servitude " inscrite à la Conservation des Hypothèques d'AVIGNON, en vertu d'une " ordonnance emportant création de servitude de passage Tribunal de grande instance AVIGNON du 9 juillet 2000 ", formalité publiée le 12 septembre 2000, Vol. 2000, no 5454,- de juger que sur présentation de la décision à intervenir, M. E... sera tenu de procéder à la radiation de cette inscription et ce aux frais de Mme A...,- de condamner Mme A... à leur payer la somme de 30. 000 € à titre de dommages- intérêts, et de la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par ses dernières conclusions déposées le 21 avril 2006, Mme A... a demandé à la Cour :- de rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires,- constatant que la transaction souscrite le 9 juillet 1999 a conféré une " servitude de passage " au profit du fonds de la concluante, de juger que les appelants sont mal fondés en leur appel et de les en débouter,- de confirmer le jugement en ses dispositions qui ont rejeté l ‘ ensemble de leurs prétentions et les ont condamnés au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens,- accueillant l'appel incident, de réformer le jugement dans sa disposition qui a rejeté la demande de dommages- intérêts formée par la concluante,- de condamner solidairement les appelants au paiement de la somme de 10. 000 € à titre de dommages- intérêts pour procédure abusive, celle de 2. 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 29 mai 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1o / Sur le jugement du 11 décembre 2003
Les appelants considèrent que ce jugement qui a tranché la compétence territoriale du Tribunal de grande instance d'AIX en PROVENCE a nécessairement statué sur la question de fond dont dépendait le litige sur sa compétence et que ce litige n'avait donc pas pour objet un droit réel immobilier mais un droit personnel. Ce jugement qui n'a pas été contesté par la voie du contredit aurait autorité de la chose jugée quant à l'objet du litige.
Or, l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'au dispositif de la décision, qui en l'espèce ne se prononce pas sur la nature juridique des droits en cause, mais considère, dans sa motivation que " le litige porte sur l'interprétation d'une convention ". L'article 46 du Nouveau Code de Procédure Civile permet de saisir (notamment) la juridiction du lieu où demeure le défendeur. Le Tribunal n'a donc pas statué sur le contenu de la convention et aucun motif sérieux ne permet à la Cour de retenir ce premier moyen de défense des appelants.
2o / Sur la demande de main- levée de l'inscription d'hypothèque
Par son arrêt du 21 mars 2000 la Cour d'appel de NÎMES a décliné sa compétence pour homologuer la transaction passée le 09 07. 1999 alors qu'en effet, l'instance était, à cette époque, pendante devant cette Cour, et elle a renvoyé les parties à formaliser le document sous seing privé pour le mettre en conformité avec les articles relatifs à la publicité foncière.
L'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance d'AVIGNON a donc donné force exécutoire à cette transaction le 25 juillet 2000. Aucune voie de recours n'a été exercée contre cette ordonnance qui a donc force de chose jugée.
Le moyen tiré de la violation de l'article 1441-4 du Nouveau Code de Procédure Civile relatif aux transactions intervenues avant toute saisine du juge du fond, est donc infondé, et c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de main- levée de l'inscription hypothécaire pour violation de ce texte.
* * * * Les appelants considèrent, en outre, et à titre subsidiaire que la transaction n'a institué aucune servitude dont Mme A... pourrait se prévaloir.
Or la transaction contient expressément la renonciation de Mme A... à toute prétention sur le chemin d'exploitation, et, en contrepartie, les époux Y... consentent à Mme A... un droit de passage sur leur parcelle 776 (chemin en bordure Est de celle- ci) sans limitation de durée.
Une servitude de passage, droit réel, est attachée à deux fonds, le fonds dominant et le fonds servant et non pas à des personnes, les propriétaires desdits fonds.
De plus l'acte de transaction, rédigé par les avoués des deux parties, ne mentionne pas que l'acte constitue une servitude de passage qui devra être réitéré par acte authentique et publié à la Conservation des Hypothèques.
Toutefois, il existe une ambiguïté certaine dans la rédaction de ce document puisque le " droit de passage " est consenti à Mme A... " sans limitation de durée ", qu'une indemnité de 20. 000 F est versée à Mme A... qui, de son côté, renonce à tout droit de passage sur le chemin d'exploitation, dont elle revendiquait l'existence et le bénéfice, qui traverse le terrain " Y... ". Le caractère perpétuel du droit de passage ne peut concerner un droit personnel, mais concerne un droit réel. De plus le droit de passage s'étend également " à tout réseau d'alimentation éventuel " preuve que ce droit de passage est bien un droit réel, attaché au fonds dominant, et pas seulement un droit personnel dont seule Mme A... pourrait se prévaloir.
Enfin Mme A... renonçait, pour elle- même et pour tous ses ayants- droit à tous droits et actions relatifs à l'usage du chemin litigieux. Cette clause prolonge et confirme le caractère perpétuel des droits organisés par la transaction.
La commune intention des parties était donc bien de régler le sort d'un droit de passage attaché aux fonds et non aux personnes, et, donc il convient de requalifier l'expression droit de passage en servitude de passage conventionnelle établie par le fait de l'homme.
La retranscription en la forme authentique n'est pas imposée : un procès- verbal de conciliation, ou un acte de transaction auquel une juridiction judiciaire a donné force exécutoire est, par sa nature, propre à établir le droit de servitude.
La publicité d'un tel acte rend la servitude opposable à tous les propriétaires du fond servant, mais aussi à tous les tiers, s'agissant d'une servitude discontinue par nature.
La contiguïté des fonds servant et dominant (qui n'existe pas en l'espèce) n'est pas une condition substantielle susceptible de rendre illicite l'interprétation de la commune intention des parties telle qu'elle vient d'être faite.
En conséquence, la Cour confirme le jugement entrepris, et déboute les appelants de toutes leurs demandes, y compris à titre de dommages- intérêts.
3o / Sur la demande de dommages- intérêts pour procédure abusive
Il n'apparaît pas que les époux Y... auraient fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice
4o / Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile La Cour fait droit à la seule demande de Mme A...
PAR CES MOTIFS
La COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, contradictoirement,
CONFIRME le jugement entrepris,
ET, y ajoutant,
CONDAMNE M et Mme Y... à payer à Mme A... la somme de 2. 500 € au tire de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE M et Mme Y... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT