COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE10 ChambreARRÊT AU FOND DU 30 JANVIER 2007No/2006Rôle No 05/14851Hamed DRAIDIC/FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONSGrosse délivrée le :à :réfDécision déférée à la Cour :Décision rendue le 24 Mai 2005 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de TOULON, enregistrée au répertoire général sous le no 06/6430.APPELANTMonsieur Hamed X...(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 05/10385 du 24/10/2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)né le 13 Février 1953 à ANNABA (ALGERIE) (99), demeurant xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx - xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxreprésenté par la SCP PRIMOUT - FAIVRE, avoués à la Cour, ayant Me Francois TOUCAS, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Cathia ZAABOUB avocat au barreau de TOULONINTIMEFONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS (Article L 422-1 du Code des Assurances) géré par le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DES DOMMAGES avec le sigle FGAO, dont le siège social est 64 rue Defrance - 94300 VINCENNES, pris en la personne de son représentant légal élisant domicile en cette qualité en sa délégation de MARSEILLE, Les Bureaux du Méditerranée - 39 Boulevard Vincent Delpuech - 13255 MARSEILLE CEDEX 06représenté par la SCP GIACOMETTI - DESOMBRE, avoués à la Cour, assisté de Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE substitué par Me Laurence LLAHI, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE*-*-*-*-*COMPOSITION DE LA COURL'affaire a été débattue le 06 Décembre 2006 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Madame KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.La Cour était composée de : Madame Joùlle SAUVAGE, PrésidenteMadame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, ConseillerMonsieur Benjamin RAJBAUT, Conseillerqui en ont
délibéréGreffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2007..MINISTERE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.ARRÊTContradictoire Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2007.Signé par Madame Joùlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E X P O S É D U L I T I G E
Par requête déposée le 28 novembre 2003 devant la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de TOULON, M. Hamed X... expose qu'il a été victime, le 4 avril 1999 à LA SEYNE SUR MER (Var), d'une agression de la part de M. Yannick Y... qui a été condamné pour ces faits le 1er mars 2000 par le Tribunal Correctionnel de TOULON.
Il demande qu'il lui soit alloué une indemnité globale de 15.350 ç en réparation de son préjudice, outre la somme de 800 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par décision du 24 mai 2005, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de TOULON a limité de moitié le droit à indemnisation de M. Hamed X... et lui a alloué, avec exécution provisoire, une indemnité de 4.400 ç ainsi que la somme de 200 ç en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. Hamed X... a régulièrement interjeté appel de cette décision le 15 juillet 2005.
Vu les conclusions récapitulatives du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, géré par le Fonds de Garantie d'Assurances Obligatoires, en date du 2 octobre 2006.
Vu les conclusions récapitulatives de M. Hamed X... en date du 3
novembre 2006.
Le Ministère Public s'en rapporte le 31 octobre 2006.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 novembre 2006.S U R Q U O I , L A C O U RI : SUR LE DROIT À INDEMNISATION DE M. HAMED X... :
Attendu qu'en vertu de l'article 706-3, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, la réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime.
Attendu que cet article institue en faveur des victimes d'infractions un mode de réparation autonome répondant à des règles qui lui sont propres, que les décisions pénales n'ont au civil autorité absolue à l'égard de tous qu'en ce qui concerne seulement ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé.
Attendu dès lors que le jugement correctionnel du 1er mars 2000 n'a d'autorité de la chose jugée qu'en ce qu'il a déclaré M. Yannick Y... coupable des faits de tentative de vol avec violences ayant entraîné une I.T.T. supérieure à huit jours sur la personne de M. Hamed X..., le 4 avril 1999 à LA SEYNE SUR MER et n'interdisait pas à la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales de rechercher si la victime a commis une faute de nature à exclure ou à limiter son droit à réparation.
Attendu, sur les faits, qu'il résulte des éléments de la cause et en particulier des pièces de la procédure pénale, régulièrement produites aux débats, que le 4 avril 1999 MM Hamed X... et Yannick Y... se trouvaient dans le bar de l'Équipe à LA SEYNE SUR MER et se livraient à des jeux de paris au cours desquels M. Hamed X... s'est retrouvé débiteur de 200 F. (30,49 ç) à l'égard de M. Yannick Y....
Attendu que selon les témoins de la scène (MM Daniel Z..., Jacques B... et Benoît A...) M. Hamed X... n'a pas voulu
payer cette dette de jeu, que M. Yannick Y... lui a alors dit qu'il allait prendre un coup et qu'en réponse M. Hamed X... lui a dit : "si tu me touches, tu es mort" (selon M. Daniel Z...) ou : "ah, tu veux me toucher, alors t'es mort" (selon M. Benoît A...), ces témoignages confirmant la version des faits donnée par M. Yannick Y... sur ce point.
Attendu que par la suite les deux hommes sont sortis de ce bar, que l'altercation s'est poursuivie sur le trottoir au cours de laquelle M. Yannick Y... a agressé M. Hamed X....
Attendu qu'il apparaît donc que M. Hamed X... participait dans un débit de boisson, avec M. Yannick Y..., à des jeux d'argent à la licéité douteuse, que l'agression dont il a été victime se situe dans ce contexte alors qu'il refusait de régler sa dette de jeu et venait de menacer de mort son interlocuteur, qu'il en résulte que de ce fait M. Hamed X... a eu un comportement fautif de nature à limiter de moitié son droit à indemnisation.
Attendu que la décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a réduit de moitié le droit à indemnisation de M. Hamed X....II : SUR L'ÉVALUATION ET LA LIQUIDATION DU PRÉJUDICE CORPOREL DE M. HAMED X... :
Attendu que M. Hamed X... a été examiné par le Dr. Jean-Marc C..., expert commis par le jugement correctionnel du 1er mars 2000 et qui a déposé son rapport le 27 février 2001, que ce rapport a été régulièrement produit aux débats dans la présente instance et a été soumis à la discussion contradictoire de l'ensemble des parties.
Attendu que ce rapport, complet et documenté, n'est pas critiqué par les parties, qu'il en résulte que M. Hamed X..., né le 13 février 1953, sans profession au moment des faits, a été victime, suite à l'agression du 4 avril 1999, d'un hématome péri-orbitaire gauche et d'un traumatisme abdominal avec nécrose du mésentère important, qu'il a dû subir, le 7 avril 1999, une intervention pour résection de la dernière anse iléale avec anastomose iléo-colique.
Attendu que M. Hamed X... a été hospitalisé du 4 avril au 3 mai 1999, que des complications locales infectieuses ont nécessité une reprise chirurgicale le 16 avril 1999.
Attendu qu'il présente un état séquellaire caractérisé par une aggravation d'une symptomatologie digestive séquellaire connue, datant de 1988, à type d'accélération du transit avec symptomatologie douloureuse abdominale quasi-permanente, et d'une décompensation anxieuse et caractérielle, sans troubles de l'humeur patents.
Attendu que l'expert conclut à une I.T.T. du 4 avril au 4 juin 1999, qu'il fixe la date de consolidation au 4 avril 2000 avec un taux d'I.P.P. de 5 %, qu'il évalue le pretium doloris à 3,5/7 et le préjudice esthétique à 2/7.Le préjudice corporel économique soumis au recours des tiers payeurs :
Attendu que les débours non contestés de la C.P.A.M. du Var se montent à la somme de 18.958 ç 42 c. au titre des frais médicaux et pharmaceutiques selon bordereau du 14 avril 2004.
Attendu qu'il n'y a aucune incidence professionnelle tant temporaire que définitive puisque M. Hamed X... était sans emploi.
Attendu que le préjudice au titre de la gêne dans les actes de la vie courante pendant les deux mois d'I.T.T. sera évalué sur la base de 700 ç par mois.
Attendu que le déficit fonctionnel séquellaire sera évalué à la somme demandée de 6.100 ç compte tenu de l'âge de la victime à la date de
consolidation (47 ans) et de son taux d'I.P.P. (5 %).
Attendu que le préjudice corporel économique soumis au recours des tiers payeurs sera donc évalué ainsi qu'il suit :- Frais médicaux et pharmaceutiques : 18.958 ç 42 c.,- Gêne dans les actes de la vie courante : 1.400 ç,- Déficit fonctionnel séquellaire : 6.100 ç.TOTAL : 26.458 ç 42 c. soit, après limitation de moitié du droit à indemnisation, la somme de 13.229 ç 21 c.
Attendu que dans la mesure où la créance de la C.P.A.M. du Var est supérieure à cette somme, il apparaît qu'il ne revient rien à ce titre à M. Hamed X....Le préjudice corporel à caractère personnel :
Attendu que M. Hamed X... ne peut solliciter l'indemnisation d'un préjudice moral distinct du préjudice au titre des souffrances endurées, lequel répare non seulement les souffrances physiques mais aussi les souffrances morales, qu'il sera donc débouté de sa demande à ce titre.
Attendu en revanche qu'il peut solliciter l'indemnisation d'un préjudice d'agrément distinct, celui-ci étant le préjudice subjectif de caractère personnel résultant des troubles ressentis dans les conditions d'existence de la victime, d'une perte de qualité de vie et d'une perte des joies usuelles de la vie courante.
Mais attendu qu'en l'espèce aucun préjudice d'agrément n'a été évoqué par M. Hamed X... devant l'expert, que celui-ci n'a donc pas objectivé l'existence d'un tel préjudice et qu'il ne résulte pas des pièces produites que la victime souffrirait d'une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante consécutives à son agression, qu'il n'y a donc pas lieu à retenir l'existence d'un préjudice d'agrément, M. Hamed X... étant débouté de sa demande à ce titre.
Attendu dès lors qu'au vu des pièces régulièrement produites et en
particulier du rapport d'expertise médicale, le préjudice corporel à caractère personnel de M. Hamed X... sera évalué ainsi qu'il suit :- Préjudice au titre des souffrances endurées : 5.000 ç,- Préjudice esthétique : 3.000 ç.TOTAL :
8.000 ç soit, après limitation de moitié du droit à indemnisation, la somme de 4.000 ç.
Attendu en conséquence que la décision déférée sera infirmée sur l'évaluation et la liquidation du préjudice corporel de M. Hamed X... et que, statuant à nouveau de ce chef, il lui sera alloué, en deniers ou quittances compte tenu des sommes pouvant avoir été déjà versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision déférée, une indemnité de 4.000 ç.
Attendu que cette somme produira intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du présent arrêt déclaratif.
Attendu que l'équité ne commande pas l'octroi de sommes au titre des frais exposés tant en première instance (la décision déférée étant infirmée de ce chef) qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens.
Attendu que conformément aux dispositions des articles R 50-21, R 91 et R 92, 15o du Code de Procédure Pénale, il convient de décharger en totalité M. Hamed X... des dépens et d'en laisser la charge au Trésor Public, lesquels seront recouvrés conformément à la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, avec distraction au profit des avoués de la cause.P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a réduit de moitié le droit à indemnisation de M. Hamed X... en raison d'une faute de sa part.
Infirme pour le surplus la décision déférée et, statuant à nouveau :
Évalue le préjudice corporel économique de M. Hamed X..., soumis au recours des tiers payeurs, à la somme de TREIZE MILLE DEUX CENT VINGT
NEUF EUROS VINGT ET UN CENTS (13.229 ç 21 c.) après réduction de moitié de son droit à indemnisation.
Fixe la créance de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE du Var à la somme de DIX HUIT MILLE NEUF CENT CINQUANTE HUIT EUROS QUARANTE DEUX CENTS (18.958 ç 42 c.).
Évalue le préjudice corporel à caractère personnel de M. Hamed X... à la somme de QUATRE MILLE EUROS (4.000 ç) après réduction de moitié de son droit à indemnisation.
Alloue à M. Hamed X..., en deniers ou quittances compte tenu des sommes pouvant avoir été déjà versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision déférée, une indemnité de QUATRE MILLE EUROS (4.000 ç).
Dit que cette somme produira intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du présent arrêt.
Dit que cette indemnité sera versée par Monsieur le Directeur Général du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, géré par le Fonds de Garantie d'Assurances Obligatoires, dans le mois de la réception de l'expédition du présent arrêt.
Déboute M. Hamed X... du surplus de ses demandes.
Dit n'y avoir lieu à octroyer une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public, lesquels seront recouvrés conformément à la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.Rédacteur : M. RAJBAUTMadame JAUFFRES
Madame SAUVAGEGREFFIÈRE
PRÉSIDENTE