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28/11/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006952395

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0023, 28 novembre 2006, JURITEXT000006952395


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10 Chambre ARRÊT AU FOND DU 28 NOVEMBRE 2006 No 2006/ Rôle No 99/03246 MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES DITE MATMUT Hadda X... épouse Y... Z.../ UNION DES MUTUELLES ACCIDENTS DES ELEVES "UMAE" CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE Ahmed Y... Nassira Y... Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 14 Décembre 1998 enregistré au répertoire général sous le no 9800553. APPELANTES MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES DITE MATMUT,

Société d'assurance mutuelle, prise en la personne de son repré...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10 Chambre ARRÊT AU FOND DU 28 NOVEMBRE 2006 No 2006/ Rôle No 99/03246 MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES DITE MATMUT Hadda X... épouse Y... Z.../ UNION DES MUTUELLES ACCIDENTS DES ELEVES "UMAE" CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE Ahmed Y... Nassira Y... Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 14 Décembre 1998 enregistré au répertoire général sous le no 9800553. APPELANTES MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES DITE MATMUT, Société d'assurance mutuelle, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège social, 66 rue de Sotteville - 76030 ROUEN CEDEX représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, assistée de la SCP LESCUDIER JL- LESCUDIER R- LESCUDIER W-, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Christophe GARCIA, avocat au barreau de MARSEILLE Madame Hadda X... épouse Y... née le 15 Décembre 1942 à TAGOUBA (ALGERIE), demeurant ... - Bâtiment F numéro 73 - 13015 MARSEILLE représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, assistée de la SCP LESCUDIER JL- LESCUDIER R- LESCUDIER W-, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Christophe GARCIA, avocat au barreau de MARSEILLE INTIMES UNION DES MUTUELLES ACCIDENTS DES ELEVES "UMAE" Union des Mutuelles Accidents Elèves - Union des Sociétés Mutualistes, Entreprise régie par le Code de la Mutualité,

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège, 62 rue Louis Bouilhet - 76044 ROUEN CEDEX représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour, ayant Me Jacques GOBERT, avocat au barreau de MARSEILLE CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis, 8 rue Jules Moulet - 13281 MARSEILLE CEDEX 06 représentée par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à Vu les conclusions récapitulatives de M. Ahmed Y... et de Mme Nassira Y..., ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's Y... et d'intervention volontaire en leur nom propre, en date du 26 septembre 2006.

Vu les conclusions de procédure de Mme Hadda X... épouse Y... et de la MATMUT en date du 26 septembre 2006.

Vu l'acceptation aux débats de ces conclusions par les parties comme noté au plumitif de l'audience.

Vu la révocation de l'ordonnance de clôture afin d'admettre les dites conclusions et la clôture prononcée à l'audience du 27 septembre 2006, aucune des parties ne souhaitant répliquer.

re 2006, aucune des parties ne souhaitant répliquer.

MOTIFS DE L'ARRÊT I : SUR LA DEMANDE D'IRRECEVABILITÉ DE L'INTERVENTION VOLONTAIRE DES ÉPOUX Y... EN LEUR NOM PERSONNEL :

Attendu que Mme Hadda X... épouse Y... et la MATMUT soulèvent, dans leurs conclusions de procédure du 26 septembre 2006 (qui reprennent au demeurant une demande déjà formulée dans leurs conclusions au fond du 25 novembre 2005), l'irrecevabilité de l'intervention volontaire en cause d'appel des époux Y... en leur nom personnel pour demander l'indemnisation de leur propre préjudice moral au motif que les intervenants soumettent ainsi à la

Cour un litige nouveau et demandent des condamnations personnelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction.

Attendu qu'il s'agit d'une fin de non-recevoir régie par les articles 122 à 127 du Nouveau code de procédure civile.

Mais attendu qu'une fin de non-recevoir ne peut plus être opposée par une partie après une décision au fond passée en force de chose jugée tranchant dans son dispositif la contestation prétendument irrecevable.

la Cour, ayant Me Jacques DEPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE Monsieur Ahmed Y... pris en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure Ana's Y... née le 12 avril 1992 à TUNIS, né le 08 Avril 1957 à BOUKHELIFA (ALGERIE), demeurant ... - 13127 VITROLLES représenté par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour, ayant Me Jacques GOBERT, avocat au barreau de MARSEILLE Madame Nassira Y... prise en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure Ana's

Y... née le 12 avril 1992 à TUNIS, née le 14 Mai 1963 à MARSEILLE (BOUCHES DU RHONE), demeurant ... - 13127 VITROLLES représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour, ayant Me Jacques GOBERT, avocat au barreau de MARSEILLE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2006 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Mr RAJBAUT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Madame Joùlle SAUVAGE, Présidente Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2006. ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2006, Signé par Madame Joùlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève

JAUFFRES, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la décision. EXPOSÉ DU LITIGE I G Par arrêt mixte du 30 avril 2002, auquel le présent arrêt se réfè re Attendu qu'une telle exception de chose jugée peut être soulevée d'office lorsque, au cours d'une même instance, il est statué sur la suite d'une précédente décision devenue irrévocable ; que dans cette hypothèse il n'est introduit aucun élément qui ne soit déjà dans le débat et qu'il n'y a donc pas lieu à recueillir au préalable les observations des parties sur cette question.

Attendu qu'en l'espèce M. Ahmed Y... avait demandé l'indemnisation de son préjudice moral et de son préjudice matériel dès ses conclusions d'appel du 8 novembre 1999, Mme Hadda X... épouse Y... et la MATMUT y répondant au fond dans leurs conclusions du 3 mars 2000.

Attendu que l'arrêt mixte du 30 avril 2002 a statué sur les demandes présentées par M. Ahmed Y... à titre

personnel en le déboutant de sa demande d'indemnisation d'un préjudice matériel et en sursoyant à statuer sur sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral dans l'attente de l'expertise ordonnée par cet arrêt.

Attendu d'autre part que Mme Nassira Y... a également demandé l'indemnisation de son propre préjudice moral dans ses conclusions du 9 octobre 2003, Mme Hadda X... épouse Y... et la MATMUT y répondant au fond dans leurs conclusions du 7 avril 2004.

Attendu que l'arrêt mixte du 2 septembre 2004 a, à nouveau, sursis à statuer sur ces demandes d'indemnisation du préjudice moral personnel des époux Y... dans l'attente de la seconde expertise ordonnée par cet arrêt.

Attendu qu'un arrêt mixte jouit de l'autorité de la chose jugée pour les dispositions définitives qu'il renferme ou qui en résultent implicitement mais nécessairement, qu'à ce dernier titre l'autorité de la chose jugée s'étend en effet aux questions incidentes que le

juge a dû nécessairement résoudre pour y parvenir et qui priveraient de tout fondement logique sa décision si elles venaient à être expressément pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, la Dixième Chambre Civile de la Cour de céans - statuant sur l'appel interjeté par Mme Hadda A... épouse Y... et la MATMUT contre le jugement rendu le 14 décembre 1998 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE dans le litige les opposant aux époux Y..., ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's - a : - Infirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il avait désigné un expert et alloué une provision de 10.000 F. (1.524,49 ç) à valoir sur l'indemnisation du préjudice corporel d'Ana's Y... et, statuant à nouveau : - Dit que le comportement fautif de la jeune Ana's Y... est de nature à réduire son indemnisation d'un quart, de sorte que Mme Hadda A... épouse Y... et la MATMUT devront réparer les

trois quarts des conséquences dommageables de l'accident dont Mlle Ana's Y... a été victime le 15 septembre 1996 à MARSEILLE, - Avant dire droit sur les demandes d'indemnisation d'un préjudice psychologique, des séquelles psychosomatiques, d'un pretium juvanturis (sic), d'un préjudice moral et d'un projet de vie, ordonné une expertise psychologique de Mlle Ana's Y..., confiée à M. Pascal B..., - Débouté les époux Y..., ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's, de leur demande d'expertise concernant l'évaluation d'une I.P.P., - Débouté la MATMUT de sa demande de remboursement, - Condamné solidairement Mme Hadda A... épouse Y... et la MATMUT à payer, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt :

- aux époux Y..., ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's : la somme de 10.173 ç 20 c. en réparation du préjudice de cette dernière,

- à la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône : la somme de 23.335 ç 78 c. en remboursement de ses prestations, - Débouté M. Ahmed Y... de sa demande d'indemnisation d'un préjudice matériel et sursis à statuer démenties.

Attendu qu'en l'espèce il apparaît qu'en déboutant M. Ahmed Y... de sa demande en indemnisation de son préjudice matériel personnel et en sursoyant à statuer sur les demandes en indemnisation des préjudices moraux personnels des époux Y..., la Cour, par ses arrêts mixtes des 30 avril 2002 et 2 septembre 2004 a déjà implicitement mais nécessairement tranché, par des décisions au fond passées en force de chose jugée, la question de la recevabilité de l'intervention volontaire en cause d'appel des époux Y... en leur nom personnel pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices personnels.

Attendu dès lors que Mme Hadda X... épouse Y... et la MATMUT seront

déboutées de leur fin de non-recevoir relativement à la recevabilité de l'intervention volontaire en cause d'appel des époux Y... en leur nom personnel II : SUR L'ÉVALUATION ET LA LIQUIDATION DES PRÉJUDICES PERSONNELS DE MLLE ANAC... Y... :

Attendu que les arrêts mixtes des 30 avril 2002 et 2 septembre 2004 ont déjà liquidé le préjudice corporel économique de Mlle Ana's Y... ainsi que son préjudice au titre des souffrances endurées et son préjudice esthétique et ont indemnisé les tiers payeurs (C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône et U.M.A.E.) de leurs débours, qu'il ne reste donc à la Cour, par le présent arrêt, qu'à évaluer et à liquider le surplus des préjudices personnels subis par Mlle Ana's Y... sous les dénominations de préjudice psychologique, de séquelles psychosomatiques, de "pretium juvanturis" (sic), de préjudice moral et de projet de vie.

Attendu que les époux Y...,

ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's, évaluent ces différents postes de préjudice aux sommes suivantes : - 230.000 ç au titre du préjudice psychologique et des séquelles psychologiques, - 122.000 ç au titre sur l'existence ou non d'un préjudice moral, dans l'attente des conclusions de l'expert, - Condamné solidairement Mme Hadda A... épouse Y... et la MATMUT à verser aux époux Y..., ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's, la somme de 609 ç 80 c. au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - Réservé les dépens.

L'expert judiciaire, M. Pascal B..., a déposé son rapport le 9 mai 2003.

Par arrêt mixte du 2 septembre 2004, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour l'exposé de la procédure antérieure, la Dixième Chambre Civile de la Cour de céans a : - Homologué le rapport d'expertise de M. Pascal B..., -

Constaté que la jeune Ana's Y... n'est pas consolidée, - Ordonné une expertise psychiatrique confiée au Pr. Marcel D..., - Sursis à statuer sur le préjudice moral de M. Ahmed Y... et de Mme Nassira Y..., - Condamné solidairement Mme Hadda X... épouse Y... et la MATMUT à payer :

- aux époux Y..., ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's : la somme de 45.000 ç à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice psychologique de l'enfant, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

- à l'U.M.A.E. : la somme de 2.889 ç 07 c. au titre de ses débours,

- aux époux Y..., ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's : la somme de 609 ç 80 c. au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - Réservé les dépens.

L'expert judiciaire, le Pr. Marcel D..., a déposé son rapport le 1er

avril 2005.

Vu les conclusions de Mme Hadda X... épouse Y... et de la MATMUT en date du 25 novembre 2005.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 août 2006.

du "pretium juvanturis" (sic), - 61.000 ç au titre du projet de vie, - 31.000 ç au titre du préjudice moral.

Attendu qu'après prise en compte du partage de responsabilités fixé par l'arrêt mixte du 30 avril 2002 et déduction des provisions déjà versées, ils réclament en conséquence la somme de 277.827 ç.

Attendu qu'ils réclament en outre le versement de la somme de 45.000 ç à titre de provision à valoir sur le préjudice à venir de la jeune Ana's Y...

Attendu que la Cour observe que ces demandes, très importantes dans leurs montants respectifs, ne sont justifiées que par la production des rapports d'expertise judiciaire de M. Pascal B... et du Pr. Marcel D... à l'exclusion de toute autre pièce.

Attendu que pour leur part Mme Hadda X... épouse Y... et la MATMUT considèrent que ces préjudices, compte tenu du partage de responsabilités retenu par l'arrêt mixte du 30 avril 2002, sont déjà réparés par l'allocation de la provision de 45.000 ç fixée par l'arrêt mixte du 2 septembre 2004.

Attendu qu'il apparaît donc que Mme Hadda X... épouse Y... et la MATMUT font une offre d'indemnisation globale des préjudices personnels de la jeune Ana's Y... à la somme de 45.000 ç après partage de responsabilités, ce qui correspond à une évaluation de ces préjudices, avant partage, à la somme de 60.000 ç.

Attendu que le rapport du Pr. Marcel D... n'est pas critiqué par les parties, qu'il sera donc entériné par la Cour, celui de M. Pascal B... ayant déjà été homologué par l'arrêt mixte du 2 septembre 2004.

Attendu qu'il convient de citer intégralement les conclusions de ces

deux rapports. Rapport de M. Pascal B... :

"La jeune Ana's Y... est une petite fille mature, qui s'exprime posément et clairement et qui possède une bonne connaissance de son histoire.

Elle possède des capacités relationnelles et adaptatives qui lui permettent de tisser des liens amicaux avec d'autres enfants tout en souffrant des moqueries' qui lui sont adressées par ses camarades.

Elle ne présente pas de troubles de la personnalité mais son vécu infantile a été marqué par l'accident dont elle a été victime qui a eu sur elle un effet traumatique, entraînant un vécu de soins, un port de vêtements contenants ainsi que d'une mentonnière jusqu'à l'âge de 6 ans.

Cet événement traumatique a irrémédiablement marqué son vécu corporel (l'image qu'elle a d'elle-même et l'image qu'elle pressent que les autres ont d'elle), entraînant un dommage esthétique certain qui s'accompagne du sentiment d'être différente des autres enfants et

l'objet de leurs moqueries répétées.

Elle s'accommode tant bien que mal de ce dommage, avec un certain courage, s'efforçant d'accepter sa cicatrice' comme une part intégrante de son corps qu'elle ne peut effacer même si elle le souhaite au plus profond d'elle-même.

La souffrance demeure et elle a pu s'en ouvrir récemment à l'extérieur de la cellule familiale (deux consultations psychologiques) ce qui correspond à un point positif sur le plan de son évolution personnelle.

Ce traumatisme a également entraîné des symptômes phobiques en lien direct avec l'accident (crainte de l'eau brûlante et des cuisines).

On relève également une construction psychique' qui, au fil du temps, semble évoluer sous la forme d'un symptôme névrotique. En effet, la jeune Ana's Y... a toujours été traversée par l'idée que sa tante avait agi intentionnellement à son encontre ; après de multiples discussions avec ses parents, elle a admis qu'il s'agissait d'un accident tout en demeurant convaincue, sur un autre plan, qu'il

y avait une intentionnalité (j'ai toujours cette idée dans la tête', dit-elle).

Il y a là une dualité entre deux vérités' qui coexistent, la vérité' affective, qui a marqué son histoire, et la vérité' événementielle rapportée par ses parents.

Ce symptôme a certainement entraîné des préoccupations voire des ruminations anxieuses chez cette petite fille, à même d'aggraver sa fragilité personnelle.

Après avoir traversé durant plusieurs années des épreuves douloureuses dues notamment aux exigences des traitements médicaux, la jeune Ana's Y... paraît aujourd'hui s'ouvrir plus facilement vers le monde extérieur et s'efforcer de redevenir une petite fille comme les autres malgré sa différence.

Les résultats scolaires sont faibles sans que l'on puisse savoir précisément quelle en est la causalité ; sans doute ses difficultés existentielles consécutives à cet accident ont-elles pu favoriser ses lacunes sans nécessairement en être à

l'origine.

La jeune Ana's Y... témoigne actuellement d'un certain équilibre dans sa vie familiale et sociale même si sa cellule familiale est encore profondément bouleversée par cet accident.

En effet, l'entourage familial de la jeune Ana's Y... ont (sic) été particulièrement fragilisé par cet accident, déclenchant un syndrome dépressif chez sa mère, une période d'intempérance chez son père ainsi qu'un malêtre (sic) au sein de la cellule familiale ; il y a là également des éléments déstabilisants pour la jeune Ana's Y...

Il faudra également qu'elle affronte d'ici peu la période de la puberté, propice aux jeux de séduction et à la découverte des relations amoureuses, période qui risque d'être également déstabilisante pour cette petite fille dont l'image de soi est

altérée.

Au-delà de cette période, il serait utile d'évaluer l'évolution de cette petite fille lorsqu'elle aura atteinte l'âge adulte.

Compte tenu des éléments précités, il apparaît important que la jeune Ana's Y... puisse bénéficier d'un suivi psychologique continu, mais il importe également que cette démarche soit faite à son initiative et qu'elle puisse par ce biais poursuivre l'élaboration de cet événement infantile si marquant ; cette élaboration constitue un véritable travail psychique qui devra se poursuivre au cours de nombreuses années de son existence de façon à ce qu'elle puisse un jour accepter au mieux son image de soi." Rapport du Pr. Marcel D... :

"Sur l'incidence de l'accident et les troubles : rupture d'avec l'épouse du frère du grand père maternel. Ceci renvoie indiscutablement à l'adoption d'Ana's qui focalise sur le vécu agressif de l'accident l'agression archa'que et inconnue de sa naissance sous X. Ceci lui permet de fixer l'ennemie par rapport à l'inconnue dont elle a vécu le premier préjudice : l'abandon. La relation étant parfaite avec ses parents, il faut bien qu'elle localise ses naturelles difficultés remontant à ses origines sur un

mauvais objet représenté par la porteuse d'eau bouillante. Le thème de vengeance qui apparaît chez elle manifeste une fragilité réelle qui tant qu'elle n'aura pas compris le pourquoi de son agressivité risque de garder comme une séquelle psychique les conséquences de l'accident.

En somme, la tante qui la brûle représente l'image agressive de la mère qui l'a abandonnée pendant que sa mère adoptive se sent coupable et responsable de n'avoir pu la protéger (cf. la note dépressive qui a suivi l'accident au niveau de la mère).

Le préjudice esthétique se complique avec la particularité biologique

du greffon, naturellement pileux à la puberté puisque prélevé dans les plis de l'aine.

Malgré tout, sa sublimation dans ses capacités d'anticipation (le choix de son métier d'esthéticienne) prouve l'excellence de la qualité de la famille adoptive mais nous permet de comprendre l'inquiétude de sa mère adoptive qui a eu le sentiment partiel d'avoir échoué n'ayant pas pu la protéger (pourquoi étais-je dans la cuisine entrain de faire la salade à ce moment-là ä') renvoyant la mère à son naturel désir d'être une excellente mère et entraînant un sentiment d'échec. Précisons bien que toutes les mères sont dans cette situation névrotique de n'avoir pas pu protéger leur enfant d'un accident domestique mais chez elle, on précise un surcroît d'attention compréhensible.

La scolarité a été gênée mais de façon décalée puisque ce n'est qu'au CM1 que les difficultés réelles sont apparues.

Nous allons augmenter de 2 points le QD passant de 4 à 6/7 pour indemniser les souffrances psychologiques ; celles-ci majorent ce quantum doloris (ce très important chiffre est justifié par le fait qu'il s'agit d'une brûlure étendue ayant nécessité un séjour en service spécialisé durant plusieurs mois, reprise chirurgicale et des soins prolongés).

Le dommage esthétique est bien entendu fonction du siège de la brûlure (le cou, le thorax et le torse) et de l'aspect iatrogénique. On pourrait chiffrer à 2 le préjudice esthétique.

Par ailleurs la consolidation peut être fixée au 1er/10 2004."

Attendu qu'il ressort de ces deux expertises l'existence d'un

préjudice psychologique consécutif à l'effet traumatique de l'accident ayant entraîné une souffrance psychologique et des symptômes phobiques en relation avec cet accident ainsi qu'un symptôme névrotique sur les causes mêmes de l'accident ; que l'expert psychiatre évalue ce préjudice en augmentant de deux points l'évaluation initiale du préjudice au titre des souffrances endurées. Attendu qu'il convient de rappeler que l'expert initial, le Pr. Jean NICOLINO, n'avait évalué à 4/7 ce poste de préjudice qu'en raison des traitements ayant comporté des pansements multiples nécessitant, au début, des anesthésies générales, suivis de soins cutanés spécialisés très prolongés, ainsi que la nécessité de pratiquer une greffe de peau et que la Cour, dans son arrêt mixte du 30 avril 2002, a évalué ce poste de préjudice sur la base de ce rapport à la somme de 9.146 ç 94 c.

Attendu en conséquence que cette évaluation ne comprenait pas le préjudice psychologique et les séquelles psychiques et qu'en l'état de ces éléments la Cour évalue le préjudice psychologique et les séquelles psychiques à la somme de 30.000 ç.

Attendu que le préjudice moral allégué est déjà réparé tant par le préjudice au titre des souffrances endurées déjà liquidé par l'arrêt mixte du 30 avril 2002 que par l'indemnisation du préjudice psychologique et des séquelles psychiques, les époux Y... se contentant de justifier ce poste de préjudice par l'effet traumatique de l'accident et par les souffrances et contraintes endurées.

Attendu que le préjudice qualifié de préjudice de vie constitue en réalité le préjudice d'agrément dans la mesure où les époux Y... décrivent ce préjudice comme résultant de la privation "de nombreux loisirs qui font les joies de l'existence" et des difficultés que la jeune Ana's Y... rencontrera "dans sa vie intime, familiale, sociale et professionnelle" (page 5, paragraphes 7 et 8 des conclusions), ce qui correspond bien à la définition du préjudice d'agrément qui s'entend comme de la privation des agréments normaux de l'existence, la résolution no 75-7 du 14 mars 1975 du

Comité des ministres du Conseil de l'Europe définissant ce préjudice comme étant les "divers troubles et désagréments tels que des malaises, des insomnies, un sentiment d'infériorité, une diminution des plaisirs de la vie causée notamment par l'impossibilité de se livrer à certaines activités d'agrément".

Attendu qu'il ressort des expertises diligentées que la jeune Ana's Y... a le sentiment d'être rejetée des autres enfants de son âge et d'être l'objet de leurs moqueries, que l'altération de son image de soi est particulièrement déstabilisant à la période de la puberté, étant rappelée qu'elle est née le 12 avril 1992 et est donc âgée à ce jour de quatorze ans, qu'il existe bien une diminution de la qualité de la vie tout particulièrement dans les relations sociales, particulièrement importantes au moment de l'adolescence, que la Cour évalue ce préjudice, qu'elle qualifie de préjudice d'agrément, à la somme de 30.000 ç.

Attendu enfin que le préjudice qualifié de "pretium juvanturis" (sic) doit s'entendre en Français comme étant le préjudice dit juvénile, spécifique à l'âge de la victime ; qu'il est décrit par les époux

Y... comme résultant de l'enfance de la jeune Ana's Y... qui "a été différente de celle des enfants de son âge" (page 4, avant-dernier paragraphe des conclusions).

Mais attendu que ce préjudice, tel qu'en particulier il est décrit par les époux Y..., n'est en réalité qu'un des aspects du préjudice d'agrément tel que défini précédemment, et se confond avec lui, la Cour ayant expressément tenu compte, dans l'évaluation du préjudice d'agrément, de l'âge de la victime. préjudice d'agrément, de l'âge de la victime.

Attendu qu'en ce qui concerne la demande de versement d'une provision à valoir sur l'avenir du préjudice de la jeune Ana's Y..., il ne s'agit que d'un préjudice purement éventuel non encore établi à ce

jour.

Attendu dès lors que le préjudice personnel de Mlle Ana's Y... restant à liquider après les arrêts mixtes des 30 avril 2002 et 2 septembre 2004, sera évalué à la somme globale de 60.000 ç au titre de son préjudice psychologique et des séquelles psychique ainsi que de son préjudice d'agrément ; les époux Y..., ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's, étant déboutés du surplus de leurs demandes indemnitaires. III : SUR E... PRÉJUDICES MORAUX DES ÉPOUX Y... :

Attendu qu'il résulte des rapports d'expertise que l'entourage familial de la jeune Ana's Y... a été particulièrement fragilisé par l'accident dont elle a été victime, sa mère, Mme Nassira Y..., ayant présenté un sentiment de culpabilité suivi d'un syndrome dépressif et son père, M. Ahmed Y..., ayant connu une période d'intempérance.

Attendu qu'il apparaît donc que les parents de la jeune Ana's Y... ont bien subi, du fait de cet accident, un préjudice moral propre que la Cour évalue, en l'état des éléments de la cause, à la somme de 2.500 ç pour chacun des deux

parents. IV : SUR E... CONDAMNATIONS :

Attendu que compte tenu de la réduction d'un quart du droit à indemnisation de la victime et de ses proches prononcée par l'arrêt mixte du 30 avril 2002, Mme Hadda A... épouse Y... et la MATMUT seront solidairement condamnées à payer, en deniers ou quittances compte tenu des sommes déjà versées à titre de provision, aux époux Y..., ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's, la somme de 45.000 ç et aux époux Y..., en leur nom personnel, la somme de 1.875 ç chacun.

Attendu qu'une copie du présent arrêt sera transmise pour information par le Greffe au Juge des Tutelles du Tribunal d'Instance de

MARTIGUES.

Attendu qu'aucune raison tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande le prononcé de nouvelles condamnations au paiement des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.

Attendu que les demandes indemnitaires présentées par les époux Y... apparaissent excessivement importantes dans leur montant au demeurant non sérieusement justifié, générant de ce fait des dépens extrêmement importants, qu'en cet état et compte tenu au surplus du partage de responsabilités fixé par l'arrêt mixte du 30 avril 2002, il sera fait masse des dépens tant de la procédure de première instance (le jugement déféré les ayant réservés) que de l'ensemble de la procédure d'appel, lesquels seront partagés par moitié entre les époux Y... solidairement d'une part et Mme Hadda A... épouse Y... et la MATMUT solidairement d'autre part.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.

Vu les arrêts mixtes des 30 avril 2002 et 2 septembre 2004.

Déboute Mme Hadda X... épouse

Y... et la MATMUT de leur fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'intervention en cause d'appel de M. Ahmed Y... et de Mme Nassira Y... en leur nom personnel.

Évalue le préjudice personnel de Mlle Ana's Y... au titre de son préjudice psychologique et des séquelles psychiques ainsi que de son préjudice d'agrément, à la somme globale de SOIXANTE MILLE EUROS (60.000 ç).

Évalue les préjudices moraux de M. Ahmed Y... et de Mme Nassira Y... à la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2.500 ç) chacun.

Condamne solidairement Mme Hadda X... épouse Y... et la MATMUT à payer, en deniers ou quittances compte tenu des sommes déjà versées à titre de provision : - À M. Ahmed Y... et à Mme Nassira Y..., ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's, la somme de

QUARANTE CINQ MILLE EUROS (45.000 ç) après application du partage de responsabilités. - À M. Ahmed Y... et à Mme Nassira Y... en leur nom personnel, la somme de MILLE HUIT CENT SOIXANTE QUINZE EUROS (1.875 ç) chacun après application du partage de responsabilités.

Déboute M. Ahmed Y... et Mme Nassira Y... du surplus de leurs demandes indemnitaires tant ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure Ana's qu'en leur nom personnel.

Dit qu'une copie du présent arrêt sera transmise pour information, à la diligence du Greffe, au Juge des Tutelles du Tribunal d'Instance de MARTIGUES.

Dit n'y avoir lieu à prononcer d'autres condamnations au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.

Fait masse des dépens de la procédure de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par M. Ahmed Y... et Mme Nassira Y... solidairement d'une part et par

Mme Hadda X... épouse Y... et la MATMUT solidairement d'autre part.

Autorise les Avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision. Rédacteur : M. RAJBAUT Madame JAUFFRES

Madame SAUVAGE GREFFIÈRE

PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0023
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006952395
Date de la décision : 28/11/2006

Analyses

Une fin de non-recevoir ne peut plus être opposée par une partie après une décision au fond passée en force de chose jugée tranchant dans son dispositif la contestation prétendument irrecevable. L'exception de chose jugée peut être soulevée d'office lorsque, au cours d'une même instance, il est statué sur la suite d'une précédente décision devenue irrévocable : dans cette hypothèse il n'est en effet introduit aucun élément qui ne soit déjà dans le débat et il n'y a donc pas lieu à recueillir au préalable les observations des parties sur cette question. Un arrêt mixte jouit de l'autorité de la chose jugée pour les dispositions définitives qu'il renferme ou qui en résultent implicitement et donc nécessairement, à ce dernier titre l'autorité de la chose jugée s'étend en effet aux questions incidentes que le juge a dû nécessairement résoudre pour y parvenir et qui priveraient de tout fondement logique sa décision si elles venaient à être démenties. En l'espèce il apparaît qu'en déboutant un demandeur de sa demande en indemnisation de son préjudice matériel personnel et en sursoyant à statuer sur les demandes en indemnisation des préjudices moraux personnels des intimés, la Cour, par ses arrêts mixtes des 30 avril 2002 et 2 septembre 2004 a déjà implicitement mais nécessairement tranché, par des décisions au fond passées en force de chose jugée, la question de la recevabilité de l'intervention volontaire en cause d'appel des intimés en leur nom personnel pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices personnels. Dès lors les appelants seront déboutés de leur fin de non-recevoir relativement à la recevabilité de l'intervention volontaire en cause d'appel des intimés en leur nom personnel


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : MMe Joùlle SAUVAGE, Présidente

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2006-11-28;juritext000006952395 ?
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